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Profil du Québec



Robert Boily
Université de Montréal

Pierre Séré
Université de Montréal


L'année politique au Québec 1993-1994

· Rubrique : Profil du Québec - Présentation



Dans ce type de publication, les paramètres de conception doivent demeurer sensiblement les mêmes afin d'assurer une cohérence nécessaire d'une édition à une autre. L'auteur ou les auteurs doivent forcément répéter certaines considérations d'ordre méthodologique à l'attention du lecteur qui a accès pour la première fois à ces données ou qui n'a pas nécessairement sous la main l'édition précédente qu'il a déjà consultée. Ce faisant, nous sommes conscients que pour les autres lecteurs ces répétitions peuvent avoir un caractère fastidieux. Pour atténuer quelque peu cet inconvénient, nous avons cette année tenté de mieux sérier les divers types de commentaires de cette introduction au présent chapitre.

Dans une première section nous traiterons des aspects plus méthodologiques, réservant pour une deuxième section les renseignements touchant les changements apportés cette année au contenu du chapitre par rapport à celui des éditions précédentes. Dans une troisième section nous proposerons quelques commentaires suggérés par certains tableaux et qui soulignent quelques-uns des défis politiques majeurs auxquels le Québec est confronté. Le lecteur plus familier avec notre manière de procéder pourra s'il le désire aller directement à la deuxième section.



Remarques d'ordre méthodologique

Dès la première édition de L'année politique en 1987-1988, notre objectif était de rassembler des données qui pouvaient être traitées de manière statistique ou graphique et permettaient de dégager les traits essentiels qui caractérisent le Québec d'aujourd'hui. Bien que présentées à l'intérieur d'un plan prédéfini, le lecteur peut, au gré de ses intérêts, utiliser ces données de diverses manières. En effet, si à l'intérieur du plan établi chaque tableau, chaque graphique, constitue en quelque sorte le grossissement d'un trait particulier de l'une ou l'autre composante structurelle du système politique québécois, par exemple le taux de natalité, la mise en relation par le lecteur de divers traits en fonction de ses interrogations lui permet de dégager son propre profil d'une question. Ainsi la mise en relation du taux de natalité, du taux de vieillissement, du bilan migratoire et de la situation des transferts linguistiques aide à comprendre les défis du développement de la population québécoise. La mise en relation de l'ensemble des données du chapitre vise à permettre la reconstitution globale du profil du Québec. Comme dans les éditions antérieures, ces données se retrouvent à l'intérieur de quatre sections:

  1. les données socio-démographiques;

  2. la vie économique;

  3. les structures sociales;

  4. la vie politique.

Le lecteur trouvera deux types de données. Il y a celles qui se prêtent à une présentation sous forme de tableaux ou de graphiques et celles qui, de présentation différente, apportent des informations plus factuelles sur les partis politiques ou encore sur les syndicats. Encore là, nous avons essayé de présenter de la manière la plus systématique possible ce genre d'informations. Aussi souvent que possible nous avons opté pour des histogrammes, c'est-à-dire chaque fois que ce mode de présentation donne à l'information retenue une plus grande visibilité. Nous avons cependant conservé les tableaux chaque fois que ce mode de présentation permet un accès plus clair, plus direct à la connaissance d'une réalité complexe et multiple plutôt que de recourir à la nécessité de multiplier des graphiques pour un même tableau ou encore de surcharger un même graphique pour parvenir à traduire la complexité d'un tableau. Quel que soit le choix fait, notre but premier demeure celui de faire ressortir le plus rapidement et le plus clairement possible une réalité, sans que cela exige de la part du lecteur une grande habitude de ce genre de présentation.

Source d'informations, ce chapitre se veut également un outil de recherche à la disposition des divers types de lecteurs. À cette fin nous avons opté pour une table des matières très détaillée à l'intérieur du plan qui structure ce chapitre. Comme nous sommes obligés à chaque édition de retrancher des années de référence pour pouvoir effectuer les mises à jour sans modifier l'espace de présentation des tableaux ou des histogrammes, nous avons pris soin d'indiquer au bas des tableaux ou graphiques la page à laquelle le lecteur pouvait trouver le tableau correspondant dans l'édition précédente. Il demeure donc possible de reconstituer des séries chronologiques plus longues, remontant pour la plupart des données au début des années 1970. Cela permet également de retracer les sources qui ont permis de construire ces séries chronologiques, car à chacune des éditions nouvelles nous n'indiquons que les sources de la mise à jour. Il faut rappeler que les quatre premières éditions qui couvrent les périodes de 1987 à 1991 ont été publiées par Le Devoir et Québec-Amérique. L'édition de 1992 a été publiée par le Département de science politique de l'Université de Montréal.

La poursuite de ces divers objectifs n'est pas sans se heurter à quelques difficultés. Le lecteur doit donc demeurer prudent dans l'interprétation de certaines données et doit accepter des limites à une information que nous voulons la plus complète et la plus à jour possible. Il y a en effet des limites inhérentes à ce genre de recherche. Le caractère quinquennal ou décennal des recensements entraîne, à mesure que l'on s'en éloigne, un retard dans la traduction de la réalité, un certain flou autour de cet instantané que nous cherchons à saisir. Certaines données ne sont en effet disponibles que tous les dix ans. De plus, certaines d'entre elles ne sont accessibles que quelques années après le recensement. Ainsi ce n'est que cette année que nous avons pu rendre compte des divers aspects liés à la structure occupationnelle tels que recueillis au moment du recensement de 1991.

La possibilité de choix multiples depuis le recensement de 1981 et encore davantage depuis le recensement de 1986 en matière d'origine ethnique ou de langue maternelle pose de réels problèmes dans la poursuite de séries chronologiques et donc dans l'évaluation des tendances. Les résultats varient de manière sensible selon que l'on tient compte ou que l'on ne tient pas compte de ces choix multiples. De plus la manière d'en tenir compte n'est pas uniforme. Or il s'agit là de questions fort controversées de la vie politique québécoise.

D'autres problèmes liés à la tenue du recensement invitent à la prudence. Ainsi il demeure très difficile d'évaluer la population autochtone puisqu'un très grand nombre de ses membres ne répondent pas aux recenseurs. Les choix multiples sont venus encore accroître cette difficulté dans la mesure où au dernier recensement un très grand nombre de personnes se sont soudainement reconnus des ancêtres amérindiens. Le peu de sûreté de plusieurs des données concernant cette composante de la population québécoise explique le silence que nous observons bien à regret en cette matière. Grâce à des études en cours, nous serons à même de combler cette lacune dans la prochaine édition. D'autres difficultés peuvent naître d'un changement dans la manière de poser une question lors du recensement et avoir un impact sur les résultats. Plusieurs estiment que des changements dans le questionnaire du recensement de 1991 expliqueraient pour une part la progression importante des transferts linguistiques vers le français entre 1986 et 1991, soit une augmentation de 10%.

Par suite des révisions et des corrections effectuées périodiquement dans les séries statistiques des publications officielles, la comparaison des données publiées une année avec celles d'une année antérieure peut révéler des différences dans la mesure où nous tenons compte de ces corrections. Ces différences, cependant, entraînent rarement une lecture fondamentalement autre de la question retenue. Il en va autrement lorsque, malgré tout le soin apporté, une erreur se glisse. Compte tenu du nombre élevé de données ici traitées, des diverses étapes nécessaires dans leur traitement, il est presque inévitable que des erreurs échappent à notre vigilance lors des vérifications.

Certaines variations dans les données présentent au contraire un intérêt tout particulier. Ce sont celles qui touchent les données provisoires d'une année et les données révisées de l'année suivante. Ces variations permettent de constater les différences entre les attentes, les visées ou les objectifs politiques et ce qui s'est réellement produit. Cela est particulièrement manifeste en matière de bilan migratoire, de budget, mais aussi en matière de natalité et d'accroissement naturel de la population. Ainsi la comparaison du tableau des migrations internationales et interprovinciales de la présente édition avec celui de l'édition précédente montre que le bilan migratoire est un peu plus positif que prévu, que cela s'explique par une immigration internationale plus élevée que prévue et par des sorties du Québec vers d'autres provinces moins élevées que pressenties. Ce bilan positif est atténué cependant par le fait que l'émigration internationale a été plus élevée que prévu et les entrées au Québec en provenance d'autres provinces moins importantes qu'espéré. De même, alors que l'on attendait un taux de natalité de 14,6, soit une augmentation par rapport à 1991, le taux réel a été de 13,6, confirmant le maintien de la tendance tragique à la baisse de la natalité au Québec, un taux qui demeure inférieur à ceux de l'Ontario et de l'ensemble du Canada.




Les changements apportés

Nous avons apporté des changements importants à cette édition du Profil du Québec. Pour des raisons d'espace, nous avons supprimé plusieurs tableaux à l'intérieur des quatre grandes parties du chapitre. Nous l'avons fait en tentant de conserver l'essentiel. Dans certains cas nous l'avons fait lorsque nous n'avions pas de données nouvelles et qu'il ne s'agissait pas d'une information jugée essentielle. Le lecteur trouvera donc ces données dans l'édition précédente. Nous l'avons fait également lorsque des tableaux correspondaient à un fractionnement d'informations plus globales que nous retenions, fractionnement utile bien sûr mais non essentiel à la compréhension d'une facette de ce profil du Québec. Nous avons supprimé de manière définitive les renseignements touchant les sièges sociaux des syndicats. L'allégement le plus important concerne toutefois le personnel politique de l'Assemblée nationale et celui du gouvernement du Québec. La proximité d'une élection générale, la décision de plusieurs députés libéraux de ne pas se représenter, l'arrivée au PQ d'un grand nombre de nouveaux candidats, dont plusieurs de prestige, entraîneront des bouleversements importants du personnel politique. Nous avons décidé d'attendre la prochaine édition pour rendre compte des caractéristiques de ce personnel. Il nous a semblé nécessaire cependant de fournir les informations concernant la composition du gouvernement actuel du Québec suite à la démission de Robert Bourassa et à l'arrivée de Daniel Johnson au poste de premier ministre.

L'ampleur des changements survenus dans le personnel du Québec à la Chambre des communes nous a amené par contre à conserver cette rubrique pour la présente édition. Nous y avons apporté quelques informations supplémentaires. Non seulement y trouve-t-on le nombre de voix de majorité de chaque député et le nombre d'électeurs inscrits pour chaque circonscription, mais on y trouvera cette fois le pourcentage de voix valides obtenu par chaque député et le pourcentage des voix valides que représente sa majorité. Nous avons également inscrit le pourcentage de la participation électorale dans les diverses circonscriptions. Ces diverses données permettent de se faire une meilleure idée de la force relative de chaque député et par là des divers partis.

Compte tenu de l'importance de ces questions, nous avons introduit de nouveaux tableaux touchant les transferts linguistiques, le pluralisme dans les institutions d'enseignement du primaire au collégial, la fréquentation scolaire et les facteurs de réussite au secondaire.

Malgré cette cure d'amaigrissement, nous espérons que ce chapitre conserve tous les éléments essentiels qui permettent à un lecteur d'obtenir des réponses rapides et claires à ses interrogations.




Données statistiques et réalités politiques

Ce n'est pas l'objet de cette introduction que de procéder à une analyse de l'ensemble des données de ce chapitre. De fait, ce sont plusieurs des réalités que reflètent ces données que le lecteur trouve analysées dans les autres chapitres de L'année politique au Québec. Nous nous permettons toutefois de mettre en relief quelques unes d'entre elles concernant le dynamisme démographique, le pluralisme de plus en plus affirmé de la région de Montréal et la scolarisation.

Lors de l'édition précédente nous rappelions qu'un des problèmes majeurs qu'affronte le Québec dans son développement démographique depuis le début des années 1960 est la chute vertigineuse du rythme de ce développement. En 1961 le Québec connaissait par rapport à 1951 une augmentation de sa population de l'ordre de 27,7%. En 1991 elle n'est plus que de 2,29% par rapport à 1981. Le taux en est de 10,8% en Ontario et de 7,85% pour l'ensemble du Canada. Deux facteurs expliquent cette réalité: la chute importante du taux de natalité et un bilan migratoire largement négatif.

Le taux de natalité passe de 26,1% (pour 1000 h.) en 1961 à 14,8% en 1981. Les données provisoires de 1992 laissaient croire à une légère reprise de la natalité poursuivant ainsi une tendance amorcée en 1991. La réalité est malheureusement tout autre. En 1992, le taux est retombé à 13,9% au lieu du 14,6% prévu. De plus, les données provisoires pour 1993 laissent prévoir une accentuation de cette baisse, soit un taux de 13,6%.

En 1991, le Québec avait réussi à hausser sa part de l'immigration canadienne à 22,4%. En 1992, il revenait à son taux de 1990, soit 19,1%. C'est loin des objectifs que le Québec dit vouloir atteindre. Même si le Québec parvient à augmenter le nombre d'immigrants internationaux il continue à perdre au profit des autres provinces presque autant de personnes: en 1990, 45 834 individus immigraient au Québec cependant que 36 545 migraient vers d'autres provinces. Les chiffres prévus pour 1991-1992 sont de 50 671 immigrants internationaux et de 42 291 migrants vers d'autres provinces. L'Ontario, quant à elle, continue à effectuer une ponction de plus de 50% du total des immigrants, soit 54,7% en 1992. Cette province, contrairement au Québec, trouve donc dans cette immigration une compensation efficace à la baisse de la natalité qui, comme ailleurs au Canada, l'affecte, bien que son taux de natalité demeure supérieur à celui du Québec (14,2%). Compte tenu de ces réalités, l'écart entre les populations du Québec et celle de l'Ontario ne peut que continuer de s'accroître et le poids démographique et politique du Québec, du moins au plan de sa représentation à la Chambre des communes ne peut que diminuer. jusqu'à maintenant le Québec n'est pas parvenu à atteindre 25% de l'immigration du Canada, soit un pourcentage correspondant à son poids démographique au sein de la population canadienne.

Cette immigration, jugée insuffisante par plusieurs pour assurer un développement plus dynamique de la population québécoise, n'est pas sans poser pourtant de nombreux problèmes d'intégration à la majorité francophone. Plusieurs tableaux illustrent cette réalité. Concentrée à 90% dans la région montréalaise, cette immigration s'est de plus en plus diversifiée depuis une quinzaine d'années. La loi 101, en obligeant la scolarisation des nouveaux immigrants de niveau primaire ou secondaire dans le secteur francophone, a eu pour conséquence de forcer leur intégration à la majorité. Cette intégration est cependant partiellement compromise, chaque fois que dans une classe ou une école, les allophones forment la grande majorité des élèves. L'absence d'un nombre suffisant d'élèves francophones additionnée au caractère souvent non francophone du quartier environnant l'école donnent à l'enseignement en français un caractère artificiel. Or, on le constate, le nombre d'écoles où une telle situation existe a tendance à augmenter

Bien que la présence des allophones ne soit pas négligeable dans les collèges francophones du secteur public ou privé, niveau d'enseignement pour lequel les contraintes de la loi 101 ne jouent plus, ils demeurent plus nombreux à fréquenter les institutions publiques de langue anglaise au sein desquelles ils représentent 30,7% des effectifs.

Les tableaux concernant les transferts linguistiques montrent que si l'intégration des immigrants à la majorité francophone a tendance à augmenter depuis les années 1970, il n'en reste pas moins que près des deux tiers des allophones ont opté pour l'anglais. Le poids des tendances anciennes demeure encore lourd.

Si les gouvernements successifs du Québec ont tardé à intervenir en matière d'immigration et d'intégration des immigrants, des efforts considérables ont été entrepris dès le début de la Révolution tranquille pour démocratiser l'enseignement et faire en sorte que le plus grand nombre de jeunes possible puisse poursuivre des études jusqu'au niveau universitaire. Le chemin parcouru est énorme. On a réussi à hausser de façon constante le taux de fréquentation aux divers niveaux. En 1991-1992, dernière année pour lesquelles nous avons cette information, 33,7% des jeunes de 18 à 24 ans fréquentent le niveau universitaire et pré-universitaire. En 1961, seulement 7,1% de ces jeunes atteignaient un premier cycle universitaire. Beaucoup plus de ruraux ont eu accès à l'instruction, mais sans doute le phénomène le plus important est-il que les filles ont enfin eu un large accès à l'instruction. Elles sont maintenant plus nombreuses à terminer le collégial et un premier cycle universitaire. À ces deux niveaux elles constituent les effectifs les plus importants. À titre d'illustration, rappelons qu'en 1968-1969 les filles représentaient 35% des effectifs du collégial et qu'aujourd'hui elles en forment plus de la moitié.

Indéniablement donc, on constate de grands succès. Il y a lieu toutefois de soulever quelques motifs d'inquiétude lorsque l'on s'arrête à certaines des données. Malgré tous les efforts déployés, près du tiers des élèves du secondaire quittent leurs études avant d'avoir obtenu leur diplôme. Ce taux est de 38,2% pour les garçons et de 25,9% pour les filles. Malgré les efforts réels de démocratisation de l'enseignement, l'origine sociale continue de jouer un rôle important. Les enfants réussissent d'autant mieux au secondaire que leurs parents possèdent une scolarité élevée. L'étude d'où provient cette donnée montre que si au niveau collégial ce facteur joue beaucoup moins c'est que la sélection a eu lieu au moment du secondaire. Cette étude montre aussi que les anglophones et les allophones du secondaire sont plus nombreux à aspirer à une formation universitaire. Malgré la volonté de faire du secteur public un réseau de qualité accessible à tous, on constate que sur la seule île de Montréal près du quart des effectifs de niveau collégial fréquentent des institutions privées. Plus prononcé quelque peu chez les francophones, le phénomène est également marqué chez les anglophones et les allophones. Ces trois phénomènes traduisent à leur manière une part d'échec dans le grand projet de réforme de l'enseignement des années 1960 et font partie des grands défis que devra affronter le Québec de l'an 2000, quel que soit son statut constitutionnel. Elles illustrent aussi la nécessité pour les francophones du Québec de poursuivre la longue marche vers le progrès commencée avec la Révolution tranquille.