accueilsommairerubriques

La vie des partis



Jean Crête
Université Laval


L'année politique au Québec 1993-1994

· Rubrique : La vie des partis



De janvier 1993 à l'été 1994, la vie des partis politiques québécois s'est développée dans un climat de polarisation croissante à propos de l'avenir constitutionnel du Québec. Après le rejet du projet de réforme de la Constitution canadienne, projet connu sous le nom d'entente de Charlottetown, à l'automne 1992, le Parti libéral du Québec a finalement décidé de se ranger et d'accepter le statu quo constitutionnel pendant que le Parti québécois se préparait à reprendre le pouvoir et à enclencher le processus devant mener le Québec à l'indépendance. Depuis le printemps 1990, le PQ avait presque toujours devancé le PLQ dans les sondages d'opinion. L'élection de députés souverainistes au parlement fédéral à l'automne 1993 devait renforcer cette conviction pendant que le développement d'une troisième vole était de nature à l'inquiéter quelque peu. Une des grandes inconnues demeurait la direction et l'orientation du Parti libéral du Québec.



Le Parti libéral le chef

Au début du mois de janvier 1993, Robert Bourassa, chef du Parti libéral du Québec et premier ministre, dut subir à nouveau l'ablation d'une tumeur cancéreuse. Il avait déjà été traité à l'automne 1989 et en 1990 pour le même problème. Au cours de l'hiver 1993, il dut s'absenter pour aller se faire traiter à nouveau dans une clinique spécialisée aux États-Unis. En l'absence du chef, c'est la vice-première ministre Lise Bacon qui a eu pour tâche d'empêcher certaines personnes de se lancer trop ouvertement dans des spéculations sur l'avenir de M. Bourassa ou trop prématurément dans une campagne au leadership.

Au début de mal, on annonçait que la santé de M. Bourassa était bonne et qu'il avait le temps de décider s'il quittait la direction du parti ou non. En dehors de son état de santé, deux événements politiques importants devaient être pris en considération: le choix du nouveau chef du Parti progressiste-conservateur et les résultats des élections fédérales où le Bloc québécois, soutenu par le PQ, visait à faire élire 50 députés. À la fin de l'été, M. Bourassa mettait en place un comité préélectoral, ce qui laissait entendre qu'il envisageait de demeurer chef pour la prochaine élection. Pour certains, la décision de Robert Bourassa dépendrait des résultats des élections fédérales au Québec. Si le Bloc québécois devait balayer le Québec et effectivement remporter les 50 sièges visés, M. Bourassa quitterait la direction du PLQ; si au contraire les forces fédéralistes devaient l'emporter, le chef resterait pour la prochaine campagne. Au cours de l'été, les rumeurs sur les candidats possibles à la succession éventuelle de M. Bourassa tournaient constamment autour du nom de Daniel Johnson, président du Conseil du trésor dans le gouvernement Bourassa.

Mardi, le 14 septembre 1993, Robert Bourassa annonce qu'il démissionnera de son poste dès que le parti lui aura trouvé un successeur. Le président du parti, Jean-Pierre Roy, annonce qu'un congrès sera convoqué en janvier ou février 1994 pour choisir le nouveau chef. Chaque association de circonscription électorale sera appelée à choisir 24 personnes (moitié femmes et moitié hommes, dont au moins un tiers devront être âgées de moins de 25 ans) qui seront déléguées au congrès pour élire le prochain chef. Les successeurs possibles selon les journalistes sont: Daniel Johnson, Yvon Picotte, Gérald Tremblay et Lucienne Robillard, tous ministres dans le gouvernement Bourassa. D 'autres noms comme ceux de Paul Gobeil, exministre libéral, Jean Charest, ministre dans le cabinet pro gressiste-conservateur de Brian Mulroney puis de Kim Campbell à Ottawa, seront également mentionnés.

Des tractations se dérouleront en coulisses pendant quelques semaines. Puis des députés invitent Daniel Johnson à se présenter. La campagne est orchestrée par le ministre Bourbeau qui avait très rapidement annoncé qu'il soutiendrait son collègue Johnson. Les autres candidats potentiels se désistent un à un. Le dernier à se retirer fut le ministre de l'Agriculture, Yvon Picotte, qui réclamait que le parti modifie les règles du jeu pour que le choix du chef se fasse au suffrage universel auprès des membres du parti plutôt qu'à un congrès réunissant des délégués. Le président du parti déclarera qu'il ne saurait en être question. Yvon Picotte se retirera alors de la course. Daniel Johnson se retrouvera seul candidat. Sa campagne avait été menée de façon très feutrée.

Daniel Johnson, un néo-conservateur sur le plan social, vise la réduction de la taille de l'État. Employé-cadre d'un holding financier, la Power Corporation, dans les années 1970, Daniel Johnson croit que «l'entreprise privée est le seul agent capable de vraiment stimuler la création d'emplois et la croissance de la richesse collective». Fédéraliste, il entend s'en tenir à des ententes administratives avec Ottawa. De plus, le jour de l'annonce de sa candidature, il déclarera qu'il n'y a pas vraiment de place pour les souverainistes au Parti libéral du Québec. Son père, qui portait aussi le prénom Daniel, fut chef du parti l'Union nationale et devint premier ministre en 1966 après avoir défait les libéraux de jean Lesage. Daniel père mourra dans l'exercice de ses fonctions en 1968. Son frère cadet, Pierre-Marc, succéda à René Lévesque comme chef du gouvernement et du Parti québécois en 1985 mais perdit ses élections 71 jours plus tard aux mains des libéraux.

Le 15 décembre 1993, Daniel Johnson sera déclaré chef du Parti libéral du Québec et immédiatement, la vice-première ministre, Lise Bacon, annonce qu'elle quittera la vie politique dès que M. Johnson formera son cabinet. En novembre, le ministre des Finances, Gérard D. Lévesque était décédé. Deux autres ministres bien en vue, Marc-Yvan Côté et Gil Rémillard, annonçaient aussi leur retraite de la vie politique. À la fin janvier, le député d'Iberville annonçait son intention de quitter le PLQ pour aller militer à l'ADQ. Depuis les deux dernières années, plusieurs ministres et députés s'étaient retirés ou avaient annoncé leur départ. Le nouveau chef avait donc la vole libre pour nommer de nouveaux dirigeants, surtout de nouveaux ministres. Le cabinet Bourassa était sans doute le plus faible cabinet depuis celui de l'Union nationale de la fin des années 1960 et maintenant le nouveau premier ministre devait choisir ses collaborateurs parmi ce qui restait de ce cabinet et parmi les députés qui n'avaient pu sous Bourassa se faire admettre au cabinet.

L'élection par acclamation du chef du parti a privé le PLQ d'une occasion d'occuper l'avant-scène politique comme c'est généralement le cas lorsqu'il y a une campagne à la direction du parti. Il fut donc décidé de réunir les membres lors d'un congrès qui aurait pour objectif de définir le programme électoral. Le congrès fut finalement une occasion de fouetter les troupes en vue des élections générales qui seraient déclenchées au plus tard au début de l'automne.

Côté programme, les militants ont proposé que leur parti réduise la dette publique avant tout. Plusieurs résolutions visaient à réduire la sécurité d'emploi des fonctionnaires, à privatiser des services jusqu'à maintenant publics et, de façon générale, à implanter un programme néoconservateur. Les membres du gouvernement ont paru être un peu plus à gauche que les militants du parti. Les jeunes surtout, qui s 1 étaient déjà prononcés contre la permanence des professeurs des collèges et contre la sécurité d'emploi dans la fonction publique. Ils ont voté des résolutions visant à éliminer les déficits de l'État en réduisant la taille de l'État en commençant par la taille du gouvernement même, de l'Assemblée nationale, puis de l'administration publique. Des résolutions visaient également à forcer les bénéficiaires d'aide sociale à travailler. Au total, le PLQ continuait à éliminer de son programme et de sa philosophie les résidus de social-démocratie que l'on retrouvaient encore et qui étaient en fait portés par des militants de la mouvance de l'ancien premier ministre Bourassa.




Le Parti québécois: programme et organisation

En janvier 1993, une déclaration du chef du Parti québécois, Jacques Parizeau, créa un léger malaise dans le parti. Selon lui, puisque les anglophones et les allophones n'avaient pas voté comme les péquistes au référendum de 1992 et que le NON l'avait quand même emporté, les péquistes pouvaient gagner un référendum sur la souveraineté sans leur vote. Au même moment, la direction du parti et ses députés montréalais décidèrent de renouveler leurs efforts de rapprochement des représentants de communautés ethniques, notamment juive, grecque, italienne et portugaise. En février, on apprenait que la communauté juive, via le Comité Québec-Israël, avait décidé de se rapprocher du PQ tout en maintenant sa position très farouchement profédéraliste. Ce rapprochement opéré avec les milieux nationalistes a reçu l'aval de tous les leaders de la communauté juive et des organismes qu'ils représentent: le Congrès juif canadien, la Fédération sioniste du Canada, la Communauté sépharade du Québec et le groupe B'nai B'rith du Canada. Par ailleurs, une rencontre organisée à Montréal avec des représentants de groupes ethniques divers a tourné à la controverse.

En avril 1994, la communauté grecque de Montréal a montré à son tour des signes de rapprochement avec le Parti québécois, en réservant un accueil enthousiaste à Jacques Parizeau. Fait politique sans précédent de l'histoire du PQ, un millier de Montréalais d'origine grecque ont participé à un souper-bénéfice à 75$ le couvert. C'était la première fois que le PQ remportait un aussi éclatant succès à l'occasion d'un événement organisé à l'intention d'une communauté culturelle.

Ces démarches et le choix de candidats d'origines ethniques diverses étaient perçus comme des gestes de rassemblement et d'investissement dans une société pluriethnique plutôt que comme une quête de votes pour la prochaine élection. Les efforts électoraux et de préparation de la prochaine équipe se déroulaient principalement ailleurs. En décembre 1993, le candidat vedette du PQ, Serge Ménard, était élu dans Laval-des-Rapides à l'occasion d'une élection partielle. En vue du suffrage de 1994, le PQ recrutait des candidats prestigieux dans la société québécoise. En février 1994, on annonçait que Jean Rochon, directeur de l'Organisation mondiale de la santé et ex-président de la Commission d'étude sur les services de santé au Québec, serait candidat dans la circonscription de Charlesbourg. En mai, on annonçait que l'ancien président de la Caisse de dépôt et de placement et coprésident de la commission sur l'avenir constitutionnel du Québec, Jean Campeau, serait candidat dans Crémazie. Plusieurs autres recrues connues du public se sont jointes à l'équipe péquiste: Richard Le Hir, ex-président de l'Association des manufacturiers, Diane Lavallée, ex-présidente de la Fédération des infirmières du Québec, Michel Rivard, président de la Communauté urbaine de Québec, et le député de Westmount, Richard Holden, qui avait été élu sous l'étiquette du Parti Égalité en 1989. Bref, le PQ montrait qu'il pouvait rassembler un nouveau groupe d'élites pour mener le combat de la souveraineté. Dans un certain nombre de cas, le «parachutage» de candidats prestigieux dans une circonscription choisie par la direction du parti a divisé les militants locaux.

Du côté du programme, le PQ a poursuivi en 1993 et en 1994 la publication d'une série de documents de travail, publication qui a été suspendue pendant la période d'organisation du soutien au Bloc québécois sur la scène fédérale. Le rapport intitulé Le Québec à l'heure du développement durable, était publié comme document d'orientation et outil d'animation politique. Plusieurs militants, dont l'ex-président du Parti vert du Québec devenu conseiller péquiste, jean Ouimet, iront le présenter aux quatre coins du Québec. Reprenant les grands thèmes du rapport de la Commission mondiale de l'environnement et du développement, mieux connu sous le nom de Rapport Brundtland, ce document d'orientation vise à expliciter la conception péquiste de cette stratégie environnementale souvent galvaudée.

En mars 1993, le PQ rendait public le rapport de son groupe de travail sur les anglophones dans un Québec souverain. Le rapport propose que la Constitution garantisse le droit de s'exprimer en anglais à l'Assemblée nationale et devant les tribunaux, de même que le droit à un réseau anglophone d'enseignement. Les services de santé et sociaux en anglais seraient maintenus, un programme d'accès à l'égalité pour les anglophones dans la fonction publique serait instauré; une attention particulière serait accordée à l'enseignement du français dans les écoles anglaises; et la radio et la télévision d'État d'un Québec souverain offriraient une programmation en anglais. Aussi, un conseil consultatif serait mis en place pour conseiller le gouvernement sur toute question relative au développement de la communauté anglophone; et une Commission permanente interétatique Canada-Québec veillerait aux droits linguistiques des minorités de chacun des pays. Le rapport fut assez bien accueilli par les porte-parole des organisations anglophones qui soulignaient toutefois que les anglophones étaient très opposés à la souveraineté du Québec.

Dans un autre document intitulé Le Québec dans un monde nouveau, publié en avril 1993, le PQ propose la mise en place de trois organismes pour gérer l'association avec le Canada: un Conseil composé de délégués du Canada et du Québec, un secrétariat pour l'administration et un tribunal pour régler les différends. Le document propose aussi que le Québec se dote de forces armées, qu'il demande son admission aux organismes internationaux comme l'ONU et qu'il signe les traités internationaux existants comme celui de l'OTAN. Le document propose aussi que le Québec continue d'utiliser le dollar canadien comme monnaie légale. Sur le plan social, le PQ se propose de maintenir le cap sur la social-démocratie.

En mai, le PQ publiait un document de 60 pages sur la politique énergétique. La politique favoriserait «l'efficacité énergétique sous toutes ses formes»; le PQ préconise la diversification vers les énergies nouvelles et renouvelables (éolien surtout, mais aussi solaire, biomasse et géothermie) et l'intégration des coûts sociaux et environnementaux dans les choix énergétiques. Pour impliquer la population dans ces choix -dont le nucléaire est d'emblée exclu - un gouvernement du Parti québécois soumettrait ses plans énergétiques (conçus non plus par le seul ministère de l'Énergie mais par un comité ministériel permanent incluant Transports, Environnement, Affaires municipales, Finances) à un processus d'examen public devant un «Conseil consultatif de l'énergie». Il placerait les divers pourvoyeurs d'énergie sous la tutelle d'une «Commission de l'énergie», nouvelle autorité réglementaire en matière de tarification qui remplacerait l'actuelle Régie du gaz naturel et assumerait certaines des fonctions actuellement dévolues à l'Office national de l'Énergie.

Le Parti québécois prépare aussi son scénario de l'an 1 en demandant à des comités d'experts mis sur pied par la direction du parti de préparer un certain nombre de dossiers: la réorganisation administrative de l'État; la définition des modalités de la campagne référendaire; la formation d'une commission constitutionnelle qui sera chargée de la rédaction d'une constitution provisoire; la négociation du transfert des compétences depuis Ottawa vers Québec; l'intégration à la fonction publique du Québec des Québécois qui oeuvrent au sein de la fonction publique fédérale; la décentralisation du pouvoir de décisions de l'État québécois en faveur des régions.

Depuis l'élection de 1989, le Parti québécois a revu ou précisé une grande partie de son programme de gouvernement. Il a aussi légèrement modifié sa structure pour garantir aux jeunes une place dans l'organisation. Le Comité national des jeunes du PQ, dans un document intitulé Brassons la cage, réclamait une garantie de représentation à certaines instances du parti. Un groupe de jeunes membres des organisations de circonscriptions invitèrent plutôt les jeunes à militer chez elles pour éviter de devenir marginaux dans des structures parallèles. Finalement les jeunes furent invités à déléguer leur président à l'exécutif national.




La troisième voie

Pendant que le PLQ se cherchait un chef et que le PQ paufinait son programme et recrutait des candidats pour les élections, on n'écartait pas la possibilité qu'un mouvement regroupant les «confédéralistes» puissent voir le jour. Après avoir quitté le Parti libéral du Québec suite au virage spectaculaire du PLQ sur la question constitutionnelle et avoir milité dans le camp du NON lors du référendum de 1992, Jean Allaire lançait un groupe de réflexion politique au début de 1993. Le groupe visait à définir un projet de société pour cette fin de siècle. En parallèle à ce groupe, des jeunes dissidents libéraux se sont réunis autour de Mario Dumont, ex-président de la commission jeunesse du PLQ et membre du groupe de réflexion d'Allaire, dans une organisation appelée Forum Option-jeunesse. En mai 1993, Mario Dumont suggère qu'un nouveau parti soit fondé, un parti dont la position constitutionnelle serait quelque part entre celles du PQ et du PLQ. En juillet, lors du premier congrès du mouvement, Mario Dumont est élu président du Forum.

En novembre 1993, le groupe de réflexion Allaire-Dumont, connu sous le nom «Groupe Réflexion-Québec », mettait fin à ses travaux et se sabordait en publiant dans le nouveau mensuel L'Agora un rapport intitulé «Un Québec responsable». Le document propose un nouveau partenariat Canada-Québec qui n'est pas sans rappeler le Mouvement Souveraineté-Association de 1968. Le nouveau Québec souverain et le Canada partageraient des institutions parlementaires communes, une administration et des tribunaux communs. Au plan social, le document vise une diminution de la place de l'État dans la société. Le groupe recommande de réduire le nombre de règlements, de promouvoir la concurrence, d'interdire tout budget déficitaire de fonctionnement, de favoriser les diminutions de dépenses, de tarifer les services, etc. Les institutions parlementaires seraient revues pour faire en sorte que le premier ministre et le vice-premier ministre soient élus au suffrage universel, à date fixe et pour un maximum de deux mandats de cinq ans. D'autres Initiatives comme la tenue de référendums suite à l'initiative des citoyens, la création d'une Chambre des régions, le scrutin proportionnel viendraient rajeunir les institutions démocratiques québécoises.

Suite à ce rapport, des ex-membres du groupe de réflexion se regroupent sous la bannière Action-Québec tout en souhaitant la fondation d'un nouveau parti politique pour porter leurs idées. Mario Dumont et jean-Guy Saint-Roch, député ayant quitté le PLQ en 1992, multiplient les déclarations visant à rassembler des gens pour fonder ce nouveau parti souverainiste de droite. À la fin de l'année, plusieurs personnes, notamment d'ex-libéraux, s'affairaient à recruter et mettre en place une organisation devant mener à la création du Parti Action Québec (PAQ).

Le journaliste Pierre O'Neill du quotidien Le Devoir les décrivaient ainsi:

Comparé aux péquistes et aux libéraux, le militant padiste est relativement jeune, âgé de 25 à 50 ans, de sexe masculin plutôt que féminin, affairiste oeuvrant au sein de la PME, plutôt que «logue» ou professeur. Il a de péquiste qu'il est studieux et maîtrise bien les règles de procédure. Il est francophone et préfère la ville à la campagne. Il tient du militant libéral en ce qu'il est plus enclin à discuter d'économie, de fiscalité et d'emploi que de constitution.

Le président, le. vice-président et un autre membre de l'exécutif de l'association péquiste du comté de l'Assomption, représenté à l'Assemblée nationale par M. Parizeau, démissionnèrent du PQ en mai pour joindre l'ADQ. Ce mouvement de péquistes vers le nouveau parti fut très limité cependant. Puis, à la fin avril, le chef du parti annonçait sa démission pour raison de santé. C'est le jeune politicien Mario Dumont qui prit la relève.

Pour sa part, le Parti Égalité (PÉ) dirigé par Keith Henderson propose plutôt que ce soit son parti qui soit reconnu comme la troisième voie. Le chef du PÉ considère que le PLQ est, comme le PQ, un parti nationaliste et il propose que son parti soit considéré comme le vrai parti fédéraliste au Québec. Il propose que le Québec devienne bilingue, que les impôts soient perçus par l'État fédéral et remis ensuite au Québec, que les grandes institutions francophones comme la Caisse de dépôt et placement et Hydro-Québec soient vendues à des intérêts privés.

Robert Libman, député de D'Arcy-McGee à l'Assemblée nationale depuis 1989, a abandonné la direction du Parti Égalité lors du congrès de février 1993. M. Libman était contesté dans son parti depuis un certain temps et surtout suite à son appui à l'entente constitutionnelle de Charlottetown en 1992. Fin mars 1994, le Parti Égalité n'a plus qu'un député siégeant à l'Assemblée nationale. Après que Richard Holden soit passé au Parti québécois et que le cheffondateur Robert Libman ait quitté la formation politique avec l'espoir, vain, de se )oindre aux libéraux, voici que le député de Notre-Damede-Grâces, Gordon Atkinson, quitte les rangs du parti qui avait fait élire quatre représentants, en 1989, avec 4% des suffrages exprimés au Québec. Le député Atkinson expliquera dans un communiqué que «depuis un an et demi, l'agenda du Parti Égalité n'a pas été conforme aux aspirations politiques de la communauté que nous représentons. La voix raisonnée des députés élus a été en grande partie ignorée», écrit-il, faisant allusion aux positions plus radicales du nouveau chef Keith Henderson. Le seul survivant de la formation politique en Chambre demeure le député de Jacques-Cartier, Neil Cameron.

L'affaiblissement du Parti Égalité, parti qui était né d'une révolte des anglophones contre le Parti libéral sur une question de droit d'affichage dans la langue de Shakespeare, devrait laisser la vole libre au PLQ dans les circonscriptions anglophones. Il faut noter toutefois que dans les circonscriptions ayant élu des députés du PÉ en 1989 la campagne de financement du PLQ en 1993 fut plutôt mauvaise. Cependant, le choix de Daniel Johnson à la tête du PLQ devrait ramener les anglophones au bercail libéral.




Le financement des partis

Le contraste entre le financement du PLQ et du PQ ne s'est pas estompé. Le PLQ continue de recueillir près de deux fois les montants que le PQ récolte même si le nombre de contributeurs est moindre au PLQ. Comme le tableau 1 l'indique, la position relative des deux grands partis ne change pas beaucoup au fil des ans. Tout au plus observe-t-on une légère diminution de l'écart relatif entre les revenus totaux du PQ et ceux du PLQ entre 1990 et 1993.




Cette apparente stabilité des deux partis cache cependant une situation bien différente sur le terrain. Comme on peut le constater pour l'année du référendum, 1992, le Parti québécois a recruté beaucoup plus de donateurs que les autres années. Par ailleurs, en 1993, le Parti libéral a connu une remontée tant du nombre de contributeurs que des sommes recueillies. Au Parti québécois la situation fut beaucoup plus difficile en 1993 car un bon nombre des contributeurs du PQ sont aussi devenus des contributeurs du Bloc québécois qui a adopté la même méthode de financement que les partis provinciaux du Québec. Le Parti libéral fédéral comme les autres grands partis fédéraux garnit sa caisse à même les contributions des grandes sociétés privées et par conséquent ne vient pas en concurrence avec le Parti libéral provincial.




Conclusion

En 1993-1994, la vie des partis fut donc marquée par le changement de chef au PLQ, par la constitution d'une équipe au PQ et par ce qui semble bien être l'échec de l'organisation d'une troisième voie. Depuis l'élection d'un fort contingent de députés souverainistes à Ottawa, c'est davantage le Bloc québécois et surtout son chef qui ont fait la manchette des médias et porté le message de la souveraineté. De plus, entre le Bloc québécois et le Parti québécois s'est développé une forte coordination. Cette coordination n'est pas cependant institutionalisée; elle repose sur des réseaux informels de souverainistes qui entrecoupent les deux partis. De son côté, la grande famille libérale qui s'était quelque peu divisée sur la question nationale depuis une vingtaine d'années - les centralisateurs Pierre-Elliot Trudeau et jean Chrétien s'opposant à Robert Bourassa - était en 1994 en voie de réconciliation. La reconnaissance de cette réconciliation des libéraux ne sera possible cependant qu'après les élections générales au Québec. Si le PLQ de Daniel Johnson devait être reporté au pouvoir, la question constitutionnelle serait remise aux calendes grecques et il n'y aurait que des frictions normales entre provinciaux et fédéraux. Si le PQ devait l'emporter, la famille libérale se cimenterait dans son opposition à la souveraineté du Québec.