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L'opinion publique · Les hauts et les bas de l'option souverainiste



Édouard Cloutier
Université de Montréal

Anne-Marie Braconier
Université de Montréal


L'année politique au Québec 1994-1995

· Rubrique : Les tendances de l'opinion publique



Mesurée dans tous les sens, avec toutes les nuances connues, l'option souverainiste est le plus souvent apparue comme minoritaire dans les sondages pour finalement mériter, au début de l'été 1995, la mention «majoritaire possible».

Cet aide-mémoire des principaux sondages effectués au Québec en 1994-1995 comporte une présentation des faits saillants suivie d'une note méthodologique.



Faits saillants

1. - Les intentions de vote aux élections québécoises (tableau A.1) s'analysent en distinguant deux périodes: avant et après les élections générales du 12 septembre 1994. Durant la période pré-électorale qui débute environ à la mijuillet, nous avons recensé 17 sondages diffusés dans divers quotidiens. Tous ces sondages, sauf un fait au début de septembre, donnaient le PQ gagnant. On note toutefois que les scores accordés au PQ étaient généralement plus élevés en juillet et août (minimum 45%, maximum 52% avec une moyenne d'environ 49%) qu'en septembre (moyenne 46%) alors que les scores attribués au PLQ se maintiennent à peu près constants autour de 43-45% des voix. Il appert donc que l'appui au PQ aurait significativement glissé en fin de campagne pour donner le résultat très serré que l'on sait: 45,6% au PQ et 45,0% au PLQ. Le Parti de l'Action démocratique, pour sa part, a fait une entrée remarquée sur la scène électorale avec 7% des suffrages. À la suite des élections et jusqu'en juin 1995, les sondages diffusés dans nos journaux accordent presque toujours une confortable avance au PQ sur le PLQ, avance variant de 6 à 16 points de pourcentage (un seul sondage sur onze, révélait un score plus serré de 45%-42% en faveur du PQ). Pour cette dernière période, il importe de noter que le parti de l'Action démocratique recueille un appui significativement plus élevé que celui qui lui a été accordé aux élections. Ce soutien additionnel semble lui venir davantage de la clientèle libérale que de la clientèle péquiste.

2. - Les intentions québécoises de vote aux élections fédérales (tableau A.2) sont plus difficiles à interpréter puisque les sondages produisent des estimations qui varient considérablement selon les moments où l'on a sondé et l'entreprise qui a sondé. Ainsi, parmi les neuf sondages menés par Gallup, quatre mettent le PLC fortement en avance sur le Bloc, un les met faiblement en avance, un les met à égalité, un donne un léger avantage au Bloc et, enfin, deux accordent une forte avance au Bloc. Cette fluctuation semble imputable à la petite taille des échantillons de Gallup, car avec des échantillons presque quatre fois plus nombreux, Léger et Léger accorde systématiquement une avance très importante au Bloc.

3. - Les appuis aux options constitutionnelles ont été mesurés de deux principales façons, l'une centrée sur la notion d'indépendance, l'autre sur celle de souveraineté. Dans les deux cas, deux dates sont à retenir pour mieux interpréter l'évolution des opinions. Le 6 décembre 1994, le premier ministre Parizeau a rendu public l'énoncé d'une éventuelle question portant directement sur la souveraineté du Québec, et le 12 juin 1995, le PQ, le Bloc et l'Action démocratique ont signé une entente selon laquelle le référendum porterait sur la souveraineté assortie d'une offre de partenariat au Canada. Concernant les mesures relatives à l'indépendance (tableau B. 1), on constate que les gens se répartissent généralement à environ 40% pour et 60% contre cette option. Il y a trois exceptions à cette généralité: (1) un sondage Gallup effectué juste au moment du dévoilement de la question référendaire (6 décembre) rapproche les scores à 47% pour et 53% contre; (2) un sondage Environics où une majorité de 55%-45% appuie une indépendance assortie d'une association et (3) un sondage portant sur une indépendance survenant après constatation de l'impossibilité de conclure une entente de souveraineté-association avec le Canada qui donne un score de 44% pour et 56% contre.

Ces trois exceptions indiquent que les appuis à l'option de l'indépendance peuvent croître de façon très significative quand on l'évoque dans un contexte d'association économique entre le Québec et le Canada.

Par ailleurs, nous avons relevé pas moins de 38 mesures relatives à la souveraineté du Québec (tableau B.2), dont trois établies en avril et mai portent plus spécifiquement sur la souveraineté-association. Si l'on met ces trois mesures de côté pour le moment, on constate que 33 des 35 autres sondages accordent une majorité des appuis aux opposants de la souveraineté; le score moyen était de 43% pour, 57% contre. Il existe cependant d'assez grandes fluctuations autour de ces moyennes, fluctuations dont on peut retracer grossièrement les tendances aux deux points suivants: (1) la campagne électorale menant aux élections du 12 septembre a généré une baisse du nombre des personnes favorables à la souveraineté, qui est passé des 45-47% aux 41-42%; (2) après la déclaration du début décembre où les intentions souverainistes du gouvernement ont été clairement énoncées, on perçoit un regain, faible mais indéniable, des appuis à la souveraineté qui atteint, et dépasse même à l'occasion les 44-45%.

Le printemps marque le moment où Lucien Bouchard a proposé le virage de la souveraineté-partenariat au PQ et au PADQ. Quand cette notion est prise en considération, notamment sous l'appellation d'association, elle permet, les trois fois où on l'a mesurée, de décrocher de faibles majorités absolues, avec cependant des proportions importantes de non répondants (14% et 16% dans les sondages débutant à la fin mars et le 13 avril).

Somme toute, l'option souverainiste est passée d'un statut de minoritaire honorable à minoritaire nette pour remonter à minoritaire honorable et mériter, en mai-juin, le qualificatif de majoritaire possible.




Note méthodologique

Pour constituer cet aide-mémoire des résultats des sondages politiques qui ont été effectués et diffusés au Québec entre juin 1994 et la fin de mai 1995, nous avons tout d'abord eu recours aux dossiers de presse constitués par le Groupe de recherche sur la mobilité de l'opinion du Département de science politique de l'Université de Montréal. Nous avons également relevé de façon systématique, à l'aide de l'Index: de l'Actualité compilé sur disque numérique, tous les articles traitant de sondages faits au Québec et diffusés dans La Presse, Le Devoir, The Gazette, Le Soleil et The Globe and Mail. Enfin, nous avons consulté, dans un dossier de presse parfois incomplet, les articles du Journal de Montréal traitant de sondages.

Ne sont présentés ici que les résultats des sondages qui ont été rendus publics dans les médias. Il s'agit donc d'une recension de l'opinion telle que le public a pu la connaître.

De plus, n'ont été retenus que les résultats de sondages représentant l'ensemble du Québec, ce qui exclut les résultats pan-canadiens, les résultats régionaux ou locaux et les résultats afférents à des catégories sociales, économiques, linguistiques ou démographiques particulières.

Faute d'espace, la présente rubrique ne fait état que des principales mesures prises en série, soit les tableaux couvrant deux grands secteurs: le soutien accordé au personnel politique (intentions de vote aux élections québécoises, intentions québécoises de vote aux élections fédérales) et les appuis aux options constitutionnelles qui ont fait l'objet de séries de mesures (l'indépendance, la souveraineté).

Des principales composantes de l'opinion politique des adultes québécois en 1994-1995, on aura donc une image chiffrée accompagnée des données techniques qui permettent de la jauger. Ces données comprennent: la date du sondage, l'identité du sondeur et du commanditaire, la taille de l'échantillon, le nombre de non-répondants, le lieu et la date de diffusion des résultats. Quand la source ne diffuse pas une donnée technique, cette donnée est remplacée par le symbole ND. Nous avons malheureusement dû faire l'économie de l'énoncé exact des questions faute d'espace. Pour la même raison, les données ne seront pas analysées en profondeur. Le lecteur pourra, à partir des faits saillants dégagés plus haut, élaborer une lecture conforme à ses propres questionnements.