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Le budget 1996-1997



André Blais
Université de Montréal

François Vaillancourt
Université de Montréal


L'année politique au Québec 1995-1996

· Rubrique : Le budget



Le budget du gouvernement du Québec comprend une prévision des dépenses et des revenus. L'année fiscale débute le 1er avril et se termine le 31 mars. La prévision des dépenses a été présentée dans le budget des crédits, déposé le 27 mars 1996, et celle des revenus a été annoncée dans le discours du budget, prononcé le 9 mai 1996. Le discours du budget indique également certaines modifications aux prévisions initiales des dépenses.

Nous examinons dans un premier temps les grandes orientations budgétaires du gouvernement québécois, en les comparant à celles des gouvernements des autres provinces canadiennes. Nous nous penchons ensuite sur les principaux changements annoncés cette année et passons en revue les réactions qu'ils ont suscitées.



Les orientations budgétaires

Le gouvernement du Québec dépense-t-il plus ou moins que le gouvernement des autres provinces? Pour faire des comparaisons interprovinciales, il faut considérer le budget combiné des gouvernements provinciaux et locaux puisque certaines fonctions prises en charge par le gouvernement du Québec relèvent des autorités locales dans d'autres provinces. De même, il faut exclure les dépenses et revenus du Régime de rentes du Québec, puisqu'ils apparaissent au budget du gouvernement fédéral ailleurs au Canada.

Le tableau 1 présente les informations pertinentes. Les dépenses totales du gouvernement provincial et des gouvernements locaux au Québec s'élèvent à plus de 57 milliards en 1995, soit 7800 $ per capita, et correspondent à 33% du PIB. En termes de dépenses per capita, le Québec se situe au premier rang. Par rapport au PIB, le Québec vient au troisième rang, derrière Terre-Neuve et Ile-du-Prince-Édouard. En 1990, le Québec venait au troisième rang pour ce qui est des dépenses per capita et au septième si l'on considère les dépenses par rapport au PIB (voir notre texte dans L'année politique au Québec, 1991). C'est donc dire que les dépenses du gouvernement provincial et des gouvernements locaux ont augmenté davantage au Québec que dans les autres provinces canadiennes entre 1990 et 1995.




Par ailleurs, le déficit totalise plus de 8 milliards $, soit plus de 1100 $ per capita et presque 5% du PIB. Sur ce plan, le Québec est pratiquement dans une classe à part puisque la seule autre province où le déficit reste élevé est l'Ontario et qu'il représente dans cette province moins de 3% du PIB.

Les postes budgétaires les plus importants sont la santé, l'éducation et les services sociaux, qui accaparent chacun un peu moins de 20% des dépenses totales (tableau 2). Le Québec arrive au huitième rang pour ce qui est de la part consacrée à la santé (il était au dernier rang en 1990) et au cinquième rang en ce qui concerne l'éducation (comparativement au sixième rang en 1990). C'est cependant dans le domaine des services sociaux et des services généraux et de protection que le Québec dépense proportionnellement le plus (c'était aussi le cas en 1990).




Par ailleurs, la principale source de recettes propres est l'impôt sur le revenu des particuliers, qui fournit près du tiers des revenus (tableau 3). Le Québec se distingue de toutes les autres provinces par la place considérable de l'impôt sur le revenu des particuliers, qui s'explique en grande partie par l'utilisation de points d'impôt plutôt que de transferts en argent du gouvernement fédéral, et par celle des taxes sur la masse salariale, ainsi que par la maigre part des impôts sur le revenu des corporations et d'autres types de revenus1 ] .







Le budget 1996

Les dépenses. - Le gouvernement du Québec prévoit des dépenses totales de 40,9 milliards $ pour l'année fiscale 1996-1997, une baisse importante de 3,3% par rapport à l'année précédente. C'est la première fois en 25 ans que les dépenses du gouvernement provincial diminueront en valeur absolue. Les dépenses représentent 23,1% du PIB québécois.

Le tableau 4 indique la répartition prévue des dépenses par ministères pour la prochaine année fiscale ainsi que celle des quatre années précédentes. C'est le Conseil du Trésor qui voit sa part du budget augmenter le plus fortement. Mais en fait les crédits alloués au Conseil du Trésor ne sont pas en hausse par rapport à ceux alloués l'an dernier. C'est que l'an dernier on avait prévu des crédits de l'ordre de 800 millions $ pour un Fonds de suppléance pour des crédits supplémentaires pour des ministères. Il semble que ce fonds n'a pratiquement pas été utilisé, ce qui a représenté des économies substantielles pour le gouvernement. Cette année, on a alloué des crédits beaucoup moindres, environ 300 millions $, mais qui sont supérieurs aux dépenses de l'an dernier.




Par ailleurs, les coupures les plus substantielles surviennent au ministère des Transports, dont le budget total (même après les révisions discussées plus bas) est réduit de plus de 10%. On peut noter que la part du budget allouée à ce ministère n'a cessé de diminuer au cours des dernières années. Les crédits alloués à l'amélioration et la réfection du réseau routier, en particulier, sont amputés de près de 20%.

Le discours du budget annonce un certain nombre de mesures additionnelles. Le ministre des Finances indique d'abord qu'il injecte 75 millions $ de plus que ce qui avait été annoncé lors du dépôt des crédits pour l'amélioration et la réfection du réseau routier. Il faut dire que le budget des crédits prévoyait des coupures de 168 millions $ et que même avec ces sommes additionnelles le ministère des Transports et le réseau routier sont parmi les plus durement touchés par les restrictions budgétaires. Une seconde mesure consiste à consacrer 40 millions supplémentaires pour la vérification et la perception des impôts et taxes (ce budget avait déjà été haussé de 20 millions $ l'an dernier). On anticipe cependant que la mesure rapportera au gouvernement une somme additionnelle de 313 millions $. En termes nets, cette mesure constitue donc une entrée de fonds. Finalement, on accorde un budget additionnel de 13 millions de dollars à la SDI pour lui permettre de financer des grands projets d'infrastructure à l'étranger.

Les revenus. - Le budget prévoit des revenus de 37,6 milliards de dollars et donc un déficit de 3,3 milliards, en baisse par rapport au déficit de 1995-1996, qui s'élevait à 4 milliards. Le déficit représentera 1,9% du PIB en 1996-1997, comparativement à 2,3% en 1995-1996. Même si le déficit annuel diminue, la dette accumulée demeure substantielle: elle correspond à 44,3% du PIB, comparativement à 44,7% l'an dernier.

Les transferts du gouvernement fédéral totaliseront 6,6 milliards $, une diminution de 19% par rapport à l'année précédente; ils correspondent à 17,6% de l'ensemble des revenus du gouvernement québécois. Il s'agit d'une baisse fort importante, qui résulte de la mise en place du Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux.

Pour ce qui est des revenus autonomes, on constate la hausse des recettes provenant de l'impôt sur le revenu des particuliers. Cette hausse découle principalement du resserrement des mesures de vérification et de perception des revenus qui devrait rapporter des sommes additionnelles de 313 millions $. Il convient également de noter la réduction des crédits d'impôt pour les personnes seules et âgées dont les revenus dépassent 26 000 $. Cette mesure n'entrera en pleine vigueur qu'en 1997 et ne rapportera guère de revenus additionnels cette année; elle coûtera cependant aux contribuables 72 millions de plus l'an prochain et 130 millions l'année suivante.




Les réactions

Les réactions au budget ont été plutôt positives. L'évaluation de l'éditorialiste Alain Dubuc, de La Presse (10 mai 1996, p. B2), est typique. Dubuc intitule son éditorial «Un budget terne, prévisible, mais efficace». Il qualifie le budget du plus «platte» que le Québec a connu depuis un quart de siècle, mais il ajoute que cela est une vertu «parce que les budgets -spectacles masquent trop souvent des cachoteries». Selon Dubuc, le gouvernement devait démontrer qu'il était capable d'atteindre l'objectif d'éliminer son déficit d'ici quatre ans et le discours du budget établit sa crédibilité. Dubuc apprécie en particulier la prudence des prévisions économiques sur lesquelles repose le budget, prudence qui assure un bon coussin au ministre. La seule critique que l'éditorialiste adresse au ministre des Finances, C'est de ne rien annoncer sur la deuxième vague de compressions auxquelles le gouvernement devra procéder l'an prochain, compressions qui risquent d'être encore plus douloureuses.

L'éditorial de Jean-Robert Sansfaçon, dans Le Devoir (10 mai 1996, p. A10), emprunte un ton plus négatif. Intitulé «Les fonds de tiroir», il commence de cette façon: «De budget en budget, le gouvernement du Québec n'en finit plus de trouver le moyen d'augmenter le fardeau des contribuables en se donnant des airs de redresseur de torts.» Sansfaçon écrit qu'il est impossible de se réjouir devant ce budget. L'éditorialiste concède toutefois que l'objectif de ramener à zéro le déficit du gouvernement d'ici l'an 2000 est valable, et que cela implique qu'il faut geler les dépenses et trouver de nouveaux revenus et Il remercie même le premier ministre Bouchard d'avoir «ramené un peu de bon sens financier dans une équipe dont l'idéologie généreuse risquait d'appauvrir encore davantage les contribuables».

Il est clair que le budget 1996-1997 marque un tournant important dans la fiscalité québécoise. Le gouvernement réduit ses dépenses en valeur absolue et indique son intention ferme d'éliminer le déficit d'ici quatre ans. On entre dans une période de compressions budgétaires nettement plus sévères que celles qu'on avait connues jusqu'à maintenant.







Note(s)

1.  Sur ces divers points, le lecteur peut consulter les éditions antérieures de L'année politique au Québec