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L'opinion publique québécoise



Édouard Cloutier
Université de Montréal

Yann Strutynski
Université de Montréal


L'année politique au Québec 1995-1996

· Rubrique : Les tendances de l'opinion publique



Pour constituer cet aide-mémoire des résultats des sondages politiques qui ont été effectués et diffusés au Québec entre juin 1995 et la fin mai 1996, nous avons tout d'abord eu recours au dossier de presse constitué par le Groupe de recherche sur la mobilité de l'opinion publique et par le Service de recherche et de documentation du département de science politique de l'Université de Montréal. Nous avons également relevé de façon systématique, à l'aide de l'Index de L'Actualité compilé sur disque numérique, tous les articles traitant de sondages faits au Québec et diffusés dans La Presse, Le Devoir, The Gazette et Le Soleil. Quant aux articles du Globe and Mail relatifs aux sondages, nous les avons repérés à l'aide du Canadian Index. Enfin, nous avons consulté, à la Bibliothèque nationale du Québec à Montréal, les articles du Journal de Montréal traitant de sondages.

Ne sont présentés ici que les résultats des sondages qui ont été rendus publics dans les médias écrits. Il s'agit donc d'une recension de l'opinion telle que le public a pu la connaître.

De plus, n'ont été retenus que les résultats de sondages représentant l'ensemble du Québec, ce qui exclut les résultats pan-canadiens, les sondages régionaux ou locaux et les résultats afférents à des catégories sociales, économiques, linguistiques ou démographiques particulières.

Faute d'espace, la présente rubrique ne fera état que des principales mesures prises en série, lesquelles seront présentées sous forme de tableaux couvrant deux grands secteurs: (1) le soutien accordé au personnel politique, lequel regroupe les intentions de vote aux élections québécoises, les intentions de vote aux élections fédérales, l'approbation/satisfaction à l'égard du gouvernement québécois et l'approbation/ satisfaction à l'égard du gouvernement fédéral; (2) les appuis à la souveraineté assortie d'un partenariat.

Des principales composantes de l'opinion politique des adultes québécois cri 1995-1996, on aura donc une image chiffrée accompagnée des données techniques qui permettent de la jauger. Ces données comprennent la date du sondage, l'identité du sondeur et du commanditaire, la taille de l'échantillon, le nombre de non-répondants, le lieu et la date de diffusion des résultats. Lorsque la source ne diffuse pas une donnée technique, cette donnée est remplacée par le symbole ND. Nous avons malheureusement dû faire l'économie de l'énoncé exact des questions faute d'espace.

Faute d'espace également, les données ne seront pas analysées en profondeur. Les faits saillants qui se dégagent des résultats seront toutefois signalés à l'attention du lecteur, lequel pourra, à partir de là, élaborer une lecture conforme à ses propres questionnements.



Faits saillants

1. Les intentions de vote aux élections québécoises (tableau A.1) s'analysent en distinguant deux périodes: avant et après le référendum du 30 octobre 1995. Ces deux périodes correspondent aussi, grosso modo, aux leaderships de messieurs Parizeau et Bouchard. C'est pourquoi nous avons considéré comme appartenant à l'après-référendum les résultats des sondages qui sont parus dans Le Soleil du 17 et du 27 octobre portant sur les intentions de vote avec monsieur Bouchard comme chef du PQ.

Pour la période pré-référendaire, qui va du début juin à la fin octobre, le PQ obtient en moyenne 47% des voix, contre 39% pour le PLQ et 9% pour l'ADQ, ce qui procure un avantage d'environ 8 points au parti gouvernemental par rapport à son principal adversaire. Entre le référendum et la fin mai 1996, l'appui au Parti québécois augmentera substantiellement pour atteindre une moyenne d'environ 54% des voix alors que l'appui au Parti libéral du Québec chute vers une moyenne d'environ 35%. Aucun sondage publié au Québec de Juin 1995 à mai 1996 n'a donné le PLQ en avance. Le résultat le plus serré entre les deux principaux partis provient du sondage SOM-Environnics/Le Devoir tenu les 19-25 septembre, soit pendant la période référendaire, qui place le PQ à 43% et le PLQ à 41%.

2. Au niveau fédéral, l'électorat du Québec paraît difficile à cerner dans ses intentions. En effet, sur 18 sondages publiés (tableau A.2), on en trouve quatre qui donnent le Parti libéral du Canada gagnant devant le Bloc québécois. Les résultats de ces sondages, produits par Gallup et Angus Reid avec des échantillons de taille assez réduite, contrastent vivement avec ceux des neuf sondages produits par des firmes québécoises sur la base d'échantillons d'environ 1000 répondants (2000 pour le SOM/Le Soleil du 10-21 mai 1996) qui, tous, accordent une très large avance au Bloc sur le PLC. C'est pourquoi nous mettons de côté tous les sondages réalisés par des entreprises canadiennes sur la base de petits échantillons québécois, y compris les cinq sondages Gallup qui estiment le Bloc québécois nettement avantagé par rapport au PLC, car leur méthodologie nous semble produire des résultats peu fiables.

Les neuf sondages qui restent (six Léger et Léger, deux SOM et un CROP) indiquent qu'à partir de la campagne référendaire d'octobre 1995, le Bloc québécois a doublé l'écart qui le séparait du Parti libéral du Canada, écart qui est passé d'environ 8% à environ 16%.

3. La satisfaction à l'égard du gouvernement québécois s'est maintenue autour de 50% durant toute la période, l'insatisfaction variant de 43% à 49% (tableau A.3). Outre la stabilité relative de la satisfaction, aucune tendance ne se dégage.

4. La satisfaction à l'égard du gouvernement fédéral (tableau A.4) accuse une baisse tendancielle qui passe progressivement de la mi-quarantaine de points à la petite trentaine (ici encore, il faut se fier d'avantage aux mesures de Léger et Léger, fondées sur des échantillons plus substantiels que les sondages Gallup). Pendant ce temps, les mécontents atteignent la petite cinquantaine, puis la nette soixantaine.

5. Les intentions de vote à la question référendaire (tableau B) relative à la souveraineté du Québec assortie d'un partenariat avec le Canada se décodent en opérant quatre coupures dans le déroulement temporel des événements. Durant les quelques mois qui ont précédé la campagne référendaire, les tendances dans les intentions de vote sont assez difficiles à saisir. Si l'on accepte qu'un écart de 6% entre les deux options doit apparaître dans les sondages pour que l'on considère l'une ou l'autre des options comme significativement majoritaire, il appert que les deux sondages avec des échantillons supérieurs à 1000 répondants placent le OUI et le NON à égalité relative alors que les deux sondages à base «échantillonnale» plus restreinte confèrent une nette majorité, le premier au NON et le second au OUI. Conclusion: égalité relative pour cette première période.

La seconde période court du 7 au 21 septembre environ. Mis à part le Léger et Léger du 7-8 septembre qui produit un nez à nez, les sondages suivant donnent tous une avance significative au NON. Donc, net avantage au NON.

La troisième période, qui s'étend du 22 septembre environ au vote du 30 octobre 1995, marque le retour de l'égalité relative. Trois exceptions sur les 17 sondages produits durant cette période indiquent une mince avance significative d'abord pour le NON, puis pour le OUI en toute fin de campagne référendaire. Notons toutefois qu'on peut détecter une certaine tendance dans cette égalité relative: fin septembre et début octobre, le NON semble légèrement en avance selon cinq sondages consécutifs; puis, on assiste à une fluctuation des majorités du 3 au 12 octobre ; enfin, à compter du 13 octobre, sept sondages consécutifs donnent le OUI légèrement ou significativement en majorité.

La campagne référendaire, dans son ensemble, peut donc se concevoir comme progressant d'un NON significativement majoritaire à un OUI possiblement significativement majoritaire.

Finalement, l'après-référendum confère un net avantage au OUI dans six des huit mesures qui ont été rendues publiques. Le sondage Léger et Léger/Journal de Montréal/Globe & Mail du 15-19 février de même que le SOM/Le Soleil du 10-21 mai accordent tous deux 59% d'appuis au OUI.