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La vie des partis



Jean Crête
Université Laval


L'année politique au Québec 1995-1996

· Rubrique : La vie des partis



En 1995, la vie des partis politiques québécois fut d'abord entièrement absorbée par le référendum à venir. Puis, une fois le référendum passé, les conséquences du résultat du référendum se firent sentir dans les organisations partisanes. On se souviendra que le Parti québécois avait été élu en 1994 en Promettant de tenir un référendum sur la souveraineté du Québec et que le Parti libéral, quoique défait, avait obtenu plus de votes qu'anticipé. Cela avait permis au chef du parti, Daniel Jonhson, de bien se maintenir à la direction du PLQ.



Vers le référendum


Le Parti libéral du Québec: le programme

Une des grandes énigmes de l'année 1995-1996 fut la définition de la position constitutionnelle du Parti libéral. De 1990 à 1995, le PLQ a modifié radicalement son programme constitutionnel plusieurs fois si bien qu'en prévision du référendum sur la souveraineté, on ne lui connaissait vraiment qu'un point assuré: le PLQ serait contre la proposition d'indépendance nationale. Toute autre position que l'indépendance aurait été conforme à l'esprit de l'un ou l'autre programme que le parti avait adopté au cours des récentes années. Même si le texte du programme demeurait celui adopté en 1991, la position dite du Rapport Allaire, ce programme avait été de fait rejeté à l'été 1992 lorsque le chef du Parti libéral, Robert Bourassa, avait accepté comme alternative l'accord constitutionnel de Charlottetown. Cette option alternative ayant été elle-même rejetée lors du référendum de 1992, le PLQ se retrouvait en fait sans position constitutionnelle explicite. Le programme du parti en cette matière fut, depuis l'accession de Daniel Johnson à la direction du parti, défini au jour le jour par le chef lui-même.

Fondamentalement, la position du chef du PLQ fut que le statu quo constitutionnel n'était pas acceptable à long terme, mais que ce ne devrait pas être une préoccupation dominante à court terme. Les changements requis à long terme sont en gros ceux qui avaient été définis dans les années 1980 lorsque le PLQ était au pouvoir, notamment que le Québec puisse opposer un veto à toute modification constitutionnelle qui le touche, et la reconnaissance du Québec comme société distincte. Certains membres du parti auraient souhaité que le PLQ définisse clairement une position constitutionnelle qui ferait concurrence à celle du PQ mais les difficultés inhérentes à l'exercice ont convaincu le chef du PLQ de se contenter de combattre le PQ en attaquant la thèse de la souveraineté et de l'association au Canada. Les péripéties des dernières semaines de la campagne référendaire, alors que les libéraux d'Ottawa et ceux de Québec essayaient d'arrimer leurs perspectives, et peut-être plus encore l'impossibilité pour les Canadiens de tenter une ouverture quelconque envers le Québec après le référendum, montrèrent, a posteriori, la sagesse de la décision du chef du PLQ.


L'Action démocratique du Québec

Le 12 juin 1995, le chef de l'Action démocratique du Québec, Mario Dumont, signait une entente avec le Parti québécois et le Bloc québécois concernant le contenu du projet de référendum sur la souveraineté du Québec. Cette entente permettait aux souverainistes d'étendre leur coalition et elle maintenait l'Action démocratique, et surtout son chef, sous les feux de la rampe pour les mois à venir.

Même si le programme de l'Action démocratique adopté en mars 1994 prévoyait à son article 6 «un référendum sur la souveraineté, en proposant une nouvelle union au reste du Canada, dans un esprit d'ouverture et de coopération», on pouvait douter de l'orientation profonde de ce parti. Issus du Parti libéral du Québec, les membres de l'ADQ n'étaient sûrement pas tous convaincus de la pertinence de leur programme politique, Un certain nombre de membres de l'ADQ annoncèrent au cours de l'été et lors de la campagne référendaire elle-même qu'ils voteraient NON même si leur parti était membre de la coalition pour le OUI. Parmi ces personnes on retrouvait même une ancienne candidate et un ancien candidat du parti lors des élections générales de 1994. Ces défections indiquaient clairement que le jeune chef du parti ne réussissait pas à contrôler ses troupes.

Pourtant, grâce à l'entente du 12 juin, l'ADQ avait beaucoup gagné sur le contenu. D'abord, la question référendaire se révélera être plus près du programme de l'ADQ que de celui du PQ et puis l'ADQ, qui ne compte qu'un seul député, devenait un des trois partis ayant droit de regard sur le choix du comité d'orientation et de surveillance des négociations à venir avec le Canada.

Lors de la campagne référendaire proprement dite, l'ADQ a maintenu ses distances par rapport au PQ, faisant sa propre campagne avec une organisation parallèle et sous son propre thème: «OUI, s'entendre pour agir».




Après le référendum


Les chefs

Au cours de l'année, les chefs des trois principaux partis politiques ont été contestés par leurs troupes. La position constitutionnelle à promouvoir lors du référendum annoncé pour l'automne 1995 n'a pas facilement fait l'unanimité dans aucun des trois partis. D'abord, la position dite «dure» du chef du Parti québécois fut contestée par des militants souverainistes et plus encore par le chef souverainiste à la Chambre des communes, Lucien Bouchard. Suite à ces pressions, le chef du PQ signa une entente avec l'ADQ et le BQ, entente par laquelle on prévoyait inclure dans la campagne référendaire à venir une offre de partenariat avec le Canada. Puis dès le lendemain de la défaite référendaire, le 31 octobre 1995, Jacques Parizeau annonçait sa démission comme chef de son parti, premier ministre et député de la circonscription de L'Assomption. La veille, lors de son allocution suite aux résultats du référendum, il avait attribué la défaite de son option aux forces de l'argent et aux votes ethniques, ce qui lui avait valu la réprobation générale.

Puis ce fut au tour du chef de l'ADQ, Mario Dumont, de se voir critiquer par des membres de son parti par suite de son alliance aux forces souverainistes. Malgré quelques défections, le chef de l'ADQ a pu maintenir son autorité.

Le chef du PLQ, malgré quelques grognements dans le parti à l'occasion, avait réussi avant le référendum à garder un contrôle presque parfait sur les troupes. Une fois le référendum passé, des militants sont devenus plus volubiles. Deux semaines après le référendum, lors d'une réunion à Québec de la direction de la Commission jeunesse du PLQ, un groupe de militants a ouvertement évoqué une course au leadership libéral comme moyen d'amener un profond débat sur les prochaines orientations constitutionnelles du PLQ. La député libérale de Marguerite-Bourgeoys, Liza Frulla, dont le nom circulait comme éventuelle candidate à la direction du PLQ, a publiquement rassuré son chef de sa loyauté pendant que ce dernier se lançait dans une autre tournée des circonscriptions en vue de rencontrer les dirigeants locaux du parti. De plus, une réunion spéciale du Conseil général du parti était convoquée à Montréal, à la mi-décembre, pour amorcer la reprise des discussions devant éventuellement mener le PLQ à adopter une nouvelle position constitutionnelle et qui permettait en même temps de resserrer la discipline et d'assurer au chef l'appui des militants. Les critiques de l'ancien président de la Commission politique, Pierre Saulnier, ou de l'ex-vice-présidente du parti, Diane Viau, ont pu alors être contrées. Le Conseil général n'a pas demandé à Daniel Johnson de «mettre son leadership sur la table». Cependant, à Ottawa, le ministre libéral André Ouellet blâmait Daniel Johnson et suggérait qu'il soit remplacé par le chef du Parti progressiste-conservateur, jean Charest.

Face à un Daniel Johnson contesté dans son parti et peu favorisé dans les sondages faits auprès de l'électorat, le Parti québécois accueillait comme chef Lucien Bouchard, jusqu'alors chef du Bloc québécois et de l'Opposition officielle à la Chambre des communes à Ottawa. Personne ne s'est présenté contre la personnalité politique la plus populaire au Québec. Seul un écologiste avait annoncé son intention de se présenter aussi à la direction du parti mais il n'a pas pu recueillir les 1000 signatures réparties dans 40 circonscriptions comme le prévoit le règlement du parti. Le 27 janvier 1996, au Conseil général du parti réuni à Montréal, Lucien Bouchard devenait le quatrième chef du Parti québécois après René Lévesque, Pierre-Marc Johnson et Jacques Parizeau.

Dès son accession à la direction du PQ, Lucien Bouchard a commencé à s'entourer de collaborateurs de son choix. C'est ainsi que Bob Dufour, ex-directeur général du Bloc québécois, est venu occuper la même fonction au Parti québécois, que Jean-Roch Boivin, un compagnon d'armes de la première heure de René Lévesque en 1967, est revenu aux affaires dans le bureau du premier ministre Bouchard ainsi que François Leblanc, Pierre Boileau et Michel Carpentier et d'autres de l'époque de René Lévesque. Les collaborateurs de Jacques Parizeau se sont discrètement effacés.


La révision des programmes

Après le référendum, les trois partis politiques représentés à l'Assemblée nationale se sont vus contraints à réviser leur programme. Le Parti libéral a nommé de nouvelles personnes responsables de la formulation de propositions pour le renouvellement de son programme. Le nouveau programme, qui sera alimenté par les travaux des commissions, fera d'abord l'objet d'un an de consultations auprès des militants avant d'être soumis au vote du congrès d'orientation de mars 1997. Le PLQ avait renouvelé son programme lorsqu'il fut dans l'opposition de 1976 à 1985 mais depuis il semble s'être épuisé sur la question constitutionnelle. Depuis l'arrivée de Daniel Johnson à la direction du parti, l'orientation a été davantage vers la droite mais sans que cela soit formulé en termes de programme politique par les membres du parti.

Pour sa part, l'ADQ a tenu à la fin avril 1996, à Drummondville, un conseil général où on a rappelé que le programme mettait surtout l'accent sur la gestion des finances publiques et de l'économie et non sur la souveraineté nationale. De plus, l'Action démocratique du Québec a adopté des résolutions pour qu'on accorde le droit de vote aux jeunes de 16 ans, réclamé une forme de scrutin à la proportionnelle et invité les citoyens à dénoncer le gaspillage de fonds publics. Par ailleurs, les militants adéquistes ont mis en veilleuse des propositions réclamant l'élection du premier ministre au suffrage universel et la publication du salaire des employés de l'État qui gagnent autant ou plus que les députés. C'est l'abaissement du droit de vote à 16 ans qui a alimenté le débat le plus vif. Ses supporters faisaient valoir que les jeunes paient souvent des impôts, qu'ils sont scolarisés et assez responsables pour pouvoir voter eux aussi.

Au même moment, le PQ tenait son premier conseil général depuis le choix du nouveau chef Lucien Bouchard. Les militants péquistes ont donné alors au nouveau chef ce que le journaliste du Devoir, Pierre O'Neil, a appelé «une leçon de démocratie participative». Le chef du PQ voulait obtenir le feu vert pour déroger au programme du parti et maintenir le bilinguisme dans l'affichage commercial. Même après avoir passé des heures à rencontrer des groupes de militants et après avoir conscrit les ministres et députés pour convaincre les membres du conseil général, il n'obtint que 103 des 188 voix des délégués. Il y avait longtemps qu'au Parti québécois un débat linguistique n'avait connu un dénouement aussi dramatique. Même le père de la Charte de la langue française, le Dr Camille Laurin, a été hué par l'assemblée quand il a soutenu que ce n'était pas le moment de revenir à l'affichage unilingue français.

Ce débat sur la langue était aussi l'occasion de débattre du type de parti qu'est le PQ. Les délégués de la base ont rappelé au nouveau chef que leur parti n'était pas le Parti conservateur (dont Lucien Bouchard avait fait partie), ni le Bloc québécois (parti fondé et dirigé d'une main de fer par Lucien Bouchard lui-même) mais un parti de militants. L'intervention du président de la région Ville-Marie, Sylvain Lépine, fut fortement ovationnée lorsqu'il déclara: «Sans les militants péquistes, il n'y a pas de programme péquiste, pas de députés péquistes et pas de gouvernement péquiste.»

Les militants ont aussi demandé au gouvernement de rétablir l'exonération et l'aide financière aux parents d'enfants fréquentant un service de garde en milieu scolaire malgré l'opposition des ministres à cette résolution. Les militants ont aussi pressé le gouvernement de réévaluer sa décision de fermer des délégations du Québec à l'étranger.

Quoique le premier ministre Bouchard ait obtenu ce qu'il demandait aux militants, le débat sur la langue n'est cependant pas terminé et les dirigeants péquistes ont annoncé que les militants seront appelés à en débattre à nouveau au congrès du parti. Les thèmes à débattre seront le bilinguisme institutionnel que les libéraux ont introduit dans les années 1980; l'utilisation de l'administration publique pour promouvoir le français partout au Québec notamment par l'utilisation de la langue française par les employés de l'État; la consolidation des administrations responsables de la diffusion et de la protection de la langue.

Ce n'est vraisemblablement qu'en 1996-1997 que les trois partis présenteront les programmes qui deviendront les plates-formes électorales mises en valeur lors des prochaines élections générales prévues pour 1997 ou 1998.


Financement des partis

Une des grandes réformes introduites dans les années 1970 fut celle du financement des partis politiques. Fondamentalement, les citoyens sont les seuls qui peuvent participer à la vie démocratique et, s'agissant du financement, le montant des contributions d'un électeur ou électrice est limité à 3000$ annuellement. LÉtat participe au financement des partis politiques selon une formule qui tient compte du succès électoral des partis. En 1995, l'État a déboursé 2,5 millions de dollars; le Parti libéral et le Parti québécois ont raflé 89%. du total des contributions de l'État. La contribution de l'État ne représentait cependant que 17% des revenus totaux du PQ et 24% de ceux du PLQ; elle comptait pour 74% des revenus de l'ADQ cependant. Les deux grands partis tirent l'essentiel de leurs revenus des contributions de leurs membres. Comme le tableau ci-dessus le fait bien ressortir, le nombre de contributeurs au PLQ se maintient relativement bien d'une année à l'autre alors que les variations vont presque du simple au double dans le cas du PQ. En 1995, la contribution moyenne au PLQ était de 181 $ alors qu'elle était de 71 $ au PQ.




Le caractère démocratique de la vie politique au Québec devient encore plus frappant lorsque l'on compare la pratique du financement des partis au Québec à ce qui se passe dans les partis fédéraux. Le Parti progressiste-conservateur aurait, selon une journaliste canadienne qui a enquêté sur le parti à l'époque de Brian Mulroney, recueilli les deux tiers de son budget auprès de seulement 220 personnes, surtout des dirigeants d'entreprises1 ] .

Dans la grande lutte que se livrent les familles libérale et souverainiste au Québec, le financement des partis fédéraux n'est pas sans conséquence. Le parti souverainiste à Ottawa, le Bloc québécois, a adopté la formule du financement populaire à l'image des partis provinciaux québécois. Le Parti libéral du Canada et le Parti progressiste-conservateur, comme nous l'avons mentionné, s'alimentent auprès des grandes entreprises. Au Québec, la famille libérale doit donc financer son seul parti provincial, le PLQ, alors que la famille souverainiste doit financer le parti provincial, le PQ, et le parti fédéral, le Bloc québécois.

Le système mis en place pour éviter la collusion entre les forces de l'argent et les partis politiques n'est pas étanche cependant. Plusieurs gestionnaires d'entreprises contribuent au financement des partis comme citoyen mais ils refilent la note à leur entreprise. En 1995, des accusations ont été portés contre des dirigeants d'un corps public qui s'adonnaient à cette pratique mais du côté des entreprises privées, la démonstration de contributions illégales sont plus difficiles à faire. Le journaliste Pierre Asselin, après avoir étudié les rapports du Directeur général des élections, affirmait que presque tous les promoteurs de production privée d'électricité ont contribué à la caisse du Parti libéral du Québec, dans laquelle ils auraient versé plus de 400 000 $ entre 1984 et 1994. Il notait que sur les 65 contrats de production privée qui ont été accordés à des entreprises dont les actionnaires sont connus, 57 ont été attribués à des entreprises dont les dirigeants ont fourni à la caisse du Parti libéral2 ] .




L'encadrement de la vie des partis et de la conduite du scrutin

L'année 1995 a probablement été l'année où les règles électorales ont été les plus contestées depuis 20 ans. Le Directeur général des élections lui-même a été contesté par divers groupes. Les contestations ont porté sur l'inscription des électeurs, sur le décompte des voix le soir du scrutin, sur le financement des activités partisanes. Le Directeur des élections a été blâmé pour la façon dont il s'est exprimé à certaines occasions et sur la bilinguisation de son organisation.

L'inscription des électeurs a été l'enjeu d'un grand débat à l'Assemblée nationale en même temps que des actions judiciaires étaient en cours. L'élection du député libéral Robert Thérien dans la circonscription de Bertrand, le 12 septembre 1994, a été déclarée nulle par trois juges de la Cour du Québec, à l'issue d'un procès pour fraude électorale. Les juges ont estimé que M. Robert Thérien avait commis deux manoeuvres électorales frauduleuses: d'abord en votant dans le comté de Bertrand sans y avoir droit, et ensuite en donnant son assentiment à ce que les organisateurs, et en particulier le conseiller juridique libéral, incitent des villégiateurs à voter dans Bertrand sans y avoir le droit. Puis, lors du référendum, un groupe de pression s'est plaint que des citoyens résidant temporairement à l'extérieur du Québec avaient de la difficulté à se faire inscrire sur les listes électorales.

Il y a lieu de croire que la confection d'une liste électorale permanente permettra d'éliminer un certain nombre de ces problèmes d'inscription des électeurs. Le recensement des électeurs a été en principe effectué pour la dernière fois à l'occasion du référendum de 1995.

Le décompte des votes au référendum a aussi révélé des problèmes sérieux dans trois circonscriptions électorales de la région de Montréal. Dans la circonscription de Chomedey, 5426 bulletins ont été déclarés nuls le jour du vote référendaire, soit 11,6% de tous les bulletins. C'est six fois plus que la moyenne dans l'ensemble du Québec, où 1,8% des votes ont été annulés. On a même vu dans un des bureaux de scrutin seulement 130 bulletins déclarés valides et 152 annulés. Dans Marguerite- Bourgeoys, le taux de bulletins annulés a été de 5,5%. Il a été de 3,6% dans Laurier-Dorion. L'affaire a fait scandale, surtout dans les médias anglophones.

Le Directeur général des élections a conduit une enquête utilisant des moyens exceptionnels dans cette affaire, comme de faire ouvrir les boîtes de scrutin pour soumettre les bulletins à l'examen d'un juge, et de porter plainte contre 31 personnes pour avoir rejeté de façon déraisonnable des bulletins de vote. Le député libéral Mulcair ainsi que des intellectuels de l'Université McGill ont laissé entendre que le décompte des votes avait été frauduleux dans tout le Québec le soir du référendum et ont reproché au Directeur général des élections de n'avoir pris action que contre quelques fraudeurs.

Un troisième grand dossier, lié au financement des campagnes électorales ou référendaires, a aussi fait scandale, mais cette fois-ci surtout chez les francophones. Lors de la campagne référendaire d'octobre, des dépenses encourues pour promouvoir une option, le NON dans ce cas-ci, n'ont pas été autorisées ni comptabilisées dans le rapport de dépenses du camp du NON. Au sens de la loi, il y a eu fraude. Plusieurs des personnes impliquées dans cette fraude électorale seraient liées au Parti libéral du Canada. Cinq députés fédéraux de l'Ontario ont refusé toute collaboration à l'enquête. Il s'agit de Mauril Bélanger (Ottawa-Vanier), Don Boudria (Glengarry-Prescott-Russell), Barry Campbell (Si. Paul's), Paul Devillers (Simcoe North) et Bob Kilger (Stormont-Dundas). Le Directeur général des élections a aussi nommé les autorités des gouvernements des provinces canadiennes de la Nouvelle-Écosse et du Nouveau-Brunswick dans cette histoire de fonds illicites. Des accusations ont été portées contre un certain nombre de personnes et des fonds de défense de ces accusés ont été créés par un député ontarien et le quotidien le Sun d'Ottawa.

Dans l'éventualité où les contrôles administratifs et judiciaires ne pourraient pas assurer le respect de la loi sur les dépenses électorales et référendaires, ce qui fut en partie le cas lors du référendum de 1995, c'est tout le système de financement public des partis qui s'écroulerait. Du point de vue de la vie démocratique au Québec, c'est le dossier le plus lourd de conséquences à être traité depuis les grandes réformes des années 1970 qui avaient permis l'épuration des moeurs politiques.

*    *    *

En 1995-1996, la vie des partis fut donc marquée par le changement de chef au PQ, par le piétinement du PLQ et par la contestation des institutions électorales par divers groupes. De plus, depuis l'élection du Parti québécois en 1994, et surtout depuis le référendum de 1995, un fort groupe de mécontents, très majoritairement de langue anglaise, a mis de l'avant de nouveaux projets politiques comme la bilinguisation complète de Montréal, la création d'une nouvelle province qui serait constituée de l'île de Montréal et de l'Outaouais ou la «partition» de Montréal et des Cantons de l'Est. Les personnes qui promeuvent ces idées ne retrouvent pas de porte-parole dans les partis provinciaux existant. Ils trouvent par ailleurs de solides appuis dans le Parti libéral du Canada. Lors des élections générales de 1994, le PLQ a vu un certain nombre de ses appuis dans l'électorat francophone glisser vers l'ADQ; lors des élections de 1989, de très nombreux anglophones avaient opté pour le Parti Égalité. Est-ce qu'un phénomène semblable pourrait se produire du côté des anglophones lors du prochain scrutin?




Note(s)

1.  SteVie CAMERON, On the Take: Crime, Corruption and Greed in the Mulroney Years, Toronto, McClelland-Bantam, 1995, p. 76

2.  Pierre ASSELIN, «Les centrales hydro-électriques privées: des petits barrages bien rouges. Les promoteurs n'oubliaient pas la caisse électorale du PLQ», Le Soleil, 31 mai 1995, p. A7.