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Le budget 1997-1998



André Blais
Université de Montréal

François Vaillancourt
Université de Montréal


L'année politique au Québec 1996-1997

· Rubrique : Le budget



Le budget du gouvernement du Québec comprend une prévision des dépenses et des revenus. L'année fiscale débute le il, avril et se termine le 31 mars. La prévision des dépenses a été présentée dans le budget des crédits, déposé le 18 mars 1997, et celle des revenus a été annoncée dans le discours du budget, prononcé le 25 mars 1997. Le discours du budget indique également certaines modifications aux prévisions initiales des dépenses.

Nous examinons dans un premier temps les principaux changements annoncés dans le budget de cette année et passons en revue les réactions qu'ils ont suscitées.



Le budget 1997


Les dépenses

Le gouvernement du Québec prévoit des dépenses totales de 40,3 milliards de dollars pour l'année fiscale 1997-1998, une baisse de 0,6% par rapport à l'année précédente. Cela constitue en fait une baisse des dépenses pour deux années consécutives, ce qui est une première dans l'histoire du Québec moderne. Les dépenses représentent actuellement 23% du PIB québécois.

Le tableau 1 indique la répartition prévue des dépenses par ministère pour la prochaine année fiscale ainsi que celle des quatre années précédentes. C'est le Conseil du Trésor qui voit sa part du budget augmenter le plus fortement. Cela peut s'expliquer par le resserrement des mesures de contrôle du gouvernement.

Par ailleurs, les coupures les plus substantielles surviennent au ministère de la Sécurité publique, dont le budget total est réduit de près de 16%. On peut noter que la part du budget allouée à ce ministère avait été approximativement constante au cours des dernières années. Les crédits alloués à la Sûreté du Québec et à la sécurité et prévention, en particulier, sont amputés de 29% et 22% respectivement.

Le discours du budget annonce un certain nombre de mesures additionnelles: la création du Fonds pour l'accroissement de l'investissement privé et la relance de l'emploi, le F-A-I-R-E, dans lequel le gouvernement injecte 250 millions sur une période de 18 mois, pour des projets notamment dans le secteur manufacturier, les technologies de l'information et le tourisme; 235 millions $ pour l'environnement entre autres par l'abolition de la taxe de 8,2 cents sur le litre de propane; 763 millions $ au cours des deux prochaines années pour la création d'emplois dans les domaines de la santé et des services sociaux, de l'éducation, de la culture et du métro de Montréal; des investissements additionnels de 369 millions $ dans le réseau routier plus de 30 millions $, au cours des trois prochaines années, pour la création d'emplois d'été pour les jeunes dans les entreprises et au gouvernement; 10 millions $ pour de la formation et des stages afin de combler les besoins en main-d'oeuvre spécialisée, notamment dans les secteurs des technologies de l'information et de l'aérospatiale; près de 100 millions $ pour plusieurs mesures d'aide à l'habitation sociale. Enfin, le gouvernement accorde un soutien financier (90,5 millions $ sur quatre ans) à trois des projets de création d'emplois dans le secteur de l'économie sociale auxquels il avait souscrit lors du Sommet de Montréal: un programme d'exonération financière pour les services d'aide à domicile, de création d'emplois dans les centres de travail adapté pour des personnes handicapées et un fonds d'accompagnement des entreprises et organismes oeuvrant dans le secteur de l'économie sociale.


Les revenus

Le budget prévoit des revenus de 38,1 milliards $ et donc un déficit de 2,2 milliards $, en baisse par rapport au déficit de 1996-97, qui s'élevait à 3,2 milliards $. Le déficit représentera 1,2% du PIB en 1997-98, comparativement à 1,8% en 1996-97. Même si le déficit annuel diminue, la dette accumulée demeure substantielle: elle correspond à 44,0% du PIB, comparativement à 44,3% l'an dernier.

Les transferts du gouvernement fédéral totaliseront 5,8 milliards $, une diminution de 12% par rapport à l'année précédente ; ils correspondent à 15,3% de l'ensemble des revenus du gouvernement québécois. Il s'agit d'une baisse fort importante, qui résulte des coupures dans l'enveloppe globale du Transfert social canadien, transfert qui provient de la fusion des programmes de Financement des Programmes établis et du Régime d'assistance publique du Canada. D'autre part, le gouvernement ne remboursera pas les 482 millions en TVQ auxquels les entreprises s'attendaient, alléguant l'absence de paiements fédéraux suite à l'harmonisation de la TPS et de la TVQ. De plus, on prévoit transférer aux municipalités un fardeau de 500 millions l'an prochain et il y a eu des négociations avec le secteur public pour réduire les coûts de main-d'oeuvre de 830 millions $.

Pour ce qui est des revenus autonomes, le tableau 2 montre la répartition prévue des sources de revenu pour la prochaine année fiscale ainsi que celle des quatre années précédentes. Ce sont les revenus provenant des droits et permis qui connaissent la plus forte augmentation. Le ministre des Finances a en effet annoncé une hausse des droits d'immatriculation de 28$ et une hausse substantielle des droits sur les automobiles de luxe.




Réforme de la fiscalité au 1er janvier 1998

Notons que cette réforme est au départ neutre sur le plan financier, pour l'État comme pour les contribuables. Elle sera en grande partie financée par un relèvement du taux de la taxe de vente, qui passera de 6,5% à 7,5% le 1er janvier prochain. Elle comporte par ailleurs une diminution de l'impôt des particuliers et permettra d'alléger le fardeau fiscal des contribuables dès que le déficit zéro sera atteint. 11 y aura une baisse de 15% de l'impôt sur le revenu des ménages gagnant 50 000$ ou moins. Par ailleurs, l'impôt des ménages gagnant plus de 50 000$ sera abaissé de 3%. De plus, 200 000 contribuables à faibles revenus n'auront plus aucun impôt à payer. En fait, il y aura mise en place d'une table d'imposition à trois paliers plutôt que cinq; bonification de 20% à 23% du taux des crédits d'impôt; abolition des actuelles surtaxes de 5% et 10% ainsi qu'une réduction d'impôt de 2%. Au total, ceci amènera une réduction d'impôt sur le revenu des particuliers de 850 millions $. Cette baisse de l'impôt sur le revenu fait suite à la baisse moyenne de 30% consentie aux Ontariens.




Les réactions

Les réactions au budget ont été diverses. L'éditorial de Jean-Robert Sansfaçon, dans Le Devoir (26 mars 1997, p. A6), emprunte un ton positif. Intitulé «Un vrai budget», Sansfaçon y note son appréciation de la réforme de la fiscalité à cause de sa simplicité qui «est susceptible d'améliorer un tant soit peu la confiance des contribuables à l'égard du fisc». Il précise par ailleurs qu'il est difficile d'évaluer les nombreux impacts de ce budget.

L'éditorial d'Alain Dubuc, dans La Presse (26 mars 1997, p. 132), est plus mitigé. Pour l'essentiel, Alain Dubuc conclut qu'avec le deuxième budget du ministre Landry, le Québec est sur la bonne vole pour se débarrasser du fardeau du déficit. Par contre, l'éditorialiste traite la réforme fiscale de pur écran de fumée, de beaucoup de brassage pour pas grand-chose.

L'éditorial de J. Jacques Samson, «Les lunettes roses du Grand Vizir», dans Le Soleil (26 mars 1997, p. B10) emprunte un ton encore plus négatif. Il écrit notamment: «M. Landry n'a pas les moyens de lancer de vastes et coûteuses réformes ou de grands chantiers mais rien n'allait l'empêcher de tracer un étincelant plan d'action. Quitte à corriger l'an prochain ses prévisions ou à revenir sur certaines promesses fiscales.» Samson rappelle ainsi les 8500 emplois qui ont été créés plutôt que les 45 000 prévus par le ministre en 1996. Il émet aussi des réserves concernant les 4,2 milliards $ d'investissements privés qu'espère M. Landry, il souligne que la baisse d'impôt consentie aux Québécois est la moitié de celle annoncée en Ontario et que le Québec perd un de ses seuls avantages comparatifs (au point de vue fiscal) avec la hausse de 1 % de la TVQ. Enfin, il note que le congé fiscal pour les petites et moyennes entreprises est un trompe-l'oeil, car elles ne payaient pas d'impôt.

Il est clair que le budget 1997-98 s'inscrit dans la poursuite de l'objectif du déficit zéro en l'an 2000. Les dépenses et les revenus ont été ajustés dans ce but et celui de maintenir la compétitivité avec l'Ontario. La réforme de la fiscalité, quant à elle, ne devrait pas avoir d'impact financier sur les revenus du gouvernement et des particuliers.







 

Note. - Nous remercions Rose Pelletier pour son assistance de recherche.