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Présentation



Robert Boily
directeur de la publication


L'année politique au Québec 1996-1997

· Rubrique : Présentation des ouvrages



La présente édition de L'année politique au Québec 1996-1997, poursuit la formule qui a prévalu depuis 1989, année de la première édition de cette publication. Un ensemble d'universitaires, spécialistes reconnus en leur domaine, s'arrêtent aux diverses institutions, aux principaux acteurs de la vie politique québécoise et font le point sur les faits marquants de l'année politique écoulée. Es en analysent le sens et fournissent aux lecteurs les données factuelles nécessaires à leur compréhension et au contrôle, dirions-nous, des interprétations qu'ils proposent. Dans la réalité politique, la plupart de ces questions sont intimement liées. Aussi est-il inévitable que les auteurs se penchent parfois sur les mêmes faits, les mêmes événements. Le lecteur y trouve ainsi accès à de multiples manières de saisir un même phénomène, à des éclairages contrastés.

De par son contenu, cette publication s'adresse à tous ceux qu'intéresse la politique québécoise et en particulier à tous ceux qui, ici ou ailleurs, souhaitent une lecture fondée sur une information sûre de l'un ou l'autre aspect de la vie politique québécoise, qu'ils soient membres de partis politiques, fonctionnaires, journalistes, leaders d'opinion, professeurs ou étudiants.

La conception de l'ouvrage permet de situer une question à l'intérieur de son domaine propre, celui de l'administration publique, des partis ou des syndicats par exemple, ou encore de rechercher à travers les diverses rubriques les multiples aspects de cette même question. Le maintien, année après année, des mêmes rubriques offre au lecteur la possibilité de suivre, en plus ou moins longue période, les débats qui animent ces différents domaines d'activité politique, de retrouver les solutions proposées aux grands problèmes auxquels la société québécoise est confrontée. Possibilité d'autant plus intéressante que plusieurs collaborateurs sont associés à la publication depuis le début ou du moins depuis plusieurs années.

Ainsi conçue, L'année politique au Québec ne prétend pas rejoindre l'activité de la vie québécoise dans l'ensemble de ses manifestations. Son objectif est à la fois plus restreint mais non moins exigeant. L'année politique au Québec possède une unité, celle du politique, et une orientation qui lui est propre, celle de l'interprétation des événements relevant du politique, replacés dans leur contexte et dans le temps.

Il faut savoir qu'une telle publication constitue à bien des points de vue une aventure. Elle est née et a vécu grâce à la ténacité de Denis Monière qui en a assumé la direction jusqu'à l'édition de 1996 et du support du département de science politique de l'Université de Montréal. Nous devons ici rendre un hommage particulier à Renée Leclerc, responsable du Service de recherche et de documentation à ce département.

Une aventure rendue possible parce que depuis le début, tous les collaborateurs de L'année politique au Québec ont accepté d'y participer gracieusement. Il n'est que justice de rappeler qu'en plus de ceux qui à nouveau participent cette année à cette aventure, de nombreux universitaires de renom ont contribué dans le passé à L'année politique au Québec: de l'Université Laval, Réjean Pelletier et Louis Balthazar; de l'Université du Québec à Montréal, André Bernard et Jacques Bourgault; de l'Université d'Ottawa, Caroline Andrew; de l'Université de Sherbrooke, Jean-H. Guay; de l'Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue, Pierre Noreau; de l'Université Carleton, Jean-François Rocher; de l'Université de Montréal, Stéphane Dion, Panayotis Soldatos, Guy Bouthillier, Jacques Rouillard, Édouard Cloutier et Jean-Philippe Thérien. Un journaliste-politologue a participé aux premières éditions et est à l'origine de la collaboration du Devoir pendant quelques années, Paul-André Comeau. Il faudrait encore mentionner la contribution tout aussi généreuse et importante d'étudiantes et d'étudiants des cycles supérieurs, Martine Provost, Véronique Geoffrion, Magali Marc, Anne-Marie Braconnier, Jean-Francois Nadeau, Yann Strutynski de même que celle de Roger Charland, alors membre du Service de recherche et de documentation du département de science politique de l'Université de Montréal.

Dès le départ, il a été convenu que les revenus générés par la publication, lorsque revenus il y avait, serviraient à soutenir des étudiants d'études supérieures dans leurs recherches, notamment celles qui sont reliées à la publication.



Dix ans de vie politique

Entre la première parution de L'année politique au Québec et la présente édition, dix ans de vie politique se sont écoulés. Dix années pendant lesquelles de nombreux changements sont survenus au sein des forces politiques, mais également dix années pendant lesquelles les mêmes questions ont été débattues sans que les solutions proposées ne reçoivent jamais un net appui.

Ces dix années ont vu se dérouler trois élections fédérales (1988, 1993, 1997), deux élections provinciales (1989, 1994) et deux référendums (1992 et 1995). À l'occasion ou par suite de ces élections, de profonds changements sont survenus au sein des divers partis politiques fédéraux ou provinciaux. Brian Mulroney a été remplacé à la tête du Parti conservateur par Kim Campbell puis par jean Charest. John Turner qui avait succédé à Pierre Elliott Trudeau à la direction du Parti libéral fédéral a été remplacé à son tour par Jean Chrétien. Au niveau provincial, des changements importants sont également survenus: Jacques Parizeau, devenu chef du Parti québécois après le départ forcé de Pierre Marc Johnson, sera lui-même remplacé par Lucien Bouchard après le référendum de 1995. En décembre 1993, Daniel Johnson succède à Robert Bourassa à la tête du Parti libéral du Québec. De nouveaux partis politiques apparaissent sur les scènes fédérale et provinciale. Après la démission fracassante de Lucien Bouchard du Parti conservateur, nous assistons à la formation en juillet 1990 du Bloc québécois qui parviendra même à devenir l'opposition officielle à Ottawa à l'élection de 1993. À Québec, se forment trois nouveaux partis issus de fractionnements du Parti libéral: le Parti Égalité et le Parti Unité pour contester la politique linguistique du Parti libéral et L'action démocratique du Québec pour contester la position constitutionnelle de ce parti.

D'autres renouvellements importants se produisent également au sein des partis. Au cours de ces dix années, de nombreuses figures de proue du Parti libéral s'estompent: Lise Bacon, Thérèse Lavoie-Roux, Claude Ryan, Gil Rémillard, Pierre Fortier, Paul Gobeil, Michel Pagé, Gérald Tremblay et, par suite de leur décès, Gérard-D. Lévesque et Robert Bourassa. Des anciennes vedettes de ce parti, seuls demeurent Daniel Johnson, Liza Frulla, Monique Gagnon-Tremblay, John Ciaccia, Pierre Paradis, André Bourbeau et Christos Sirros. Le Parti québécois connaîtra la mort de René Lévesque, de Gérald Godin et de Yves Bérubé. Lors de la formation du nouveau cabinet péquiste, suite à l'élection de 1994, 15 des 23 ministres sont des nouveaux venus au Parlement. Des anciennes vedettes du Parti québécois, les Pauline Marois, Louise Harel, Guy Chevrette, Jacques Léonard, Jacques Brassard et Bernard Landry demeurent ministres.

La classe politique a donc connu, au cours de cette période, un renouvellement certain. il est toutefois un domaine où les changements, bien que significatifs, ont été moins prononcés, soit celui de la place des femmes au Parlement et dans le conseil des ministres. Dans le conseil des ministres libéral de l'année parlementaire 19871988, quatre femmes occupent des postes de ministre sur un total de 29 membres, soit 13,7%. Deux d'entre elles, Thérèse Lavoie-Roux et Lise Bacon, ont eu toutefois un rôle de premier plan. Au sein du groupe parlementaire libéral les femmes représentaient 140/. des effectifs. Le pourcentage était de 20% pour le groupe péquiste. Au cours de l'année parlementaire 1996-1997, légère amélioration: près de 22% du conseil des ministres du gouvernement du Parti québécois est constitué de femmes, soit cinq femmes sur 23 membres du conseil. Trois d'entre elles, Pauline Marois, Louise Harel et Louise Beaudoin, font partie du Comité des priorités. Léger changement dans le groupe parlementaire libéral avec 15% de femmes députées cependant que le Parti québécois a réussi à faire élire 16 femmes, soit 23,4% de sa députation. La dernière élection fédérale révèle des progrès dans la représentation féminine: 23% de la députation libérale pour 16,7% en 1989, 20% de la députation conservatrice pour 17,7% en 1989 et 20,5% de la députation du Bloc québécois pour 13% en 1994.

Les changements ont été beaucoup moins prononcés en ce qui concerne deux autres acteurs de la vie politique, les syndicats et le monde patronal. Tout au long de la période, la CSN conserve le même leader, Gérald Larose. C'est au début de cette décennie que Lorraine Pagé remplace Yvon Charbonneau à la tête de la CEQ. Ce dernier deviendra député libéral provincial et député libéral fédéral à l'élection de 1997. C'est au milieu de cette décennie que la FTQ, le plus important syndicat du Québec en terme d'effectifs, met fin au long règne du tandem Laberge-Daoust avec l'élection de Clément Godbout à sa tête, en décembre 1993. Si on retient comme principal représentant du monde patronal le CPQ (Conseil du patronat québécois), on doit observer que la stabilité dans la direction a été ici des plus marquée, puisque Ghilslain Dufour a continué d'en assurer la direction jusqu'en février 1997.

Les grandes questions qui, au cours de la dernière année de référence, celle de 1996-1997, ont animé la vie politique québécoise et qui continuent de susciter de vives réactions sont celles qui, tout au cours de cette décennie, ont fait l'objet d'âpres débats. La reconnaissance du caractère distinct du Québec a été au centre de l'accord du lac Meech, de l'accord de Charlottetown, des référendums de 1992 et de 1995. Cette même reconnaissance a été au centre de la réunion des premiers ministres provinciaux à Calgary. À l'expression «caractère distinct», on préfère toutefois celle de «caractère unique». Sondages après sondages, on a ausculté les frémissements de l'indécision constitutionnelle de l'âme québécoise. En matière d'éducation, le statut linguistique des commissions scolaires, la question des frais de scolarité ont fait l'objet de propositions gouvernementales et de consultations. De Thérèse Lavoie-Roux et Michel Pagé à Pauline Marois, de nombreuses propositions en matière de politique familiale, de garderie et de congé parental. Du dépôt du Rapport Rochon en 1987 aux politiques de Marc Yvan Côté et au virage ambulatoire du ministre Rochon, des bouleversements profonds dans le domaine de la santé, bouleversements liés à la décision de réduire le déficit et, conséquemment, d'effectuer les compressions nécessaires en ce domaine comme dans les autres. Au début de la décennie, le ministre Paradis a tenté une réforme en matière de sécurité du revenu et de l'aide sociale. Les préoccupations demeureront les mêmes au cours de la période jusqu'aux tentatives de la ministre Louise Harel, tentatives qui demeurent pour le moment sans résultats. Au cours de cette période, il fut amplement question de l'intégration des municipalités, de la décentralisation régionale, du développement de Montréal, des thèmes qui demeurent tous d'actualité et pour plusieurs sans solutions satisfaisantes.

Après la fièvre du sommet de l'automne 1996, de l'enthousiasme qui s'ensuivit et laissa croire à une large concertation entre les politiques, les responsables du monde syndical et du patronat et ceux des groupes communautaires, l'équilibre semble modifié. Le monde syndical et les groupes communautaires ont de plus en plus l'impression que les politiques deviennent trop sensibles aux revendications du monde patronal et que le nouveau visage de l'État providence commence à ressembler à celui de l'État néolibéral. Si cela était vrai, que resterait-il du modèle québécois si souvent évoqué?