accueilsommairerubriques

La vie parlementaire



Louis Massicotte
Université de Montréal


L'année politique au Québec 1996-1997

· Rubrique : La vie parlementaire



L'année politique a été surtout marquée, sur le plan parlementaire, par la nomination puis la démission du lieutenant- gouverneur Jean-Louis Roux et par l'adoption d'une modeste réforme parlementaire qui consacre le leadership du président Jean-Pierre Charbonneau.



Lieutenant-gouverneur : l'éphémère mandat de Jean-Louis Roux

Jamais dans l'histoire contemporaine du Québec la fonction de lieutenant-gouverneur n'a-t-elle attiré autant d'attention qu'entre août et novembre 1996, au grand dam du principal intéressé.

Tout commence avec l'annonce par le premier ministre Chrétien en août 1996 de la nomination de l'artiste et sénateur Jean-Louis Roux à ce poste en remplacement de Martial Asselin. Le premier ministre Bouchard se plaint de ne pas avoir été consulté par Ottawa. Et il déplore que le poste aille à une personne qui durant la campagne référendaire a tenu des propos très durs à l'égard du mouvement souverainiste.

Les rapports de presse révèlent l'ampleur de l'ignorance qui entoure la fonction. Plusieurs tiennent pour acquise, par exemple, l'existence d'une obligation pour le premier ministre fédéral de consulter son homologue provincial avant de procéder à la nomination d'un lieutenant-gouverneur. En fait, la Constitution ne dit mot à ce sujet. La pratique passée révèle qu'une telle consultation est entièrement à la discrétion du premier ministre fédéral, et que sa tenue dépend largement de l'excellence des relations entre les deux capitales. Ceci explique pourquoi M. Bourassa fut consulté par M. Mulroney en 1990 alors que M. Bouchard ne l'a pas été, pas plus que M. Duplessis ne l'avait été par Louis Saint-Laurent en d'autres temps.

Dans le contexte d'un raidissement des relations entre Ottawa et Québec, cette nomination est reçue par les souverainistes comme une provocation entrant dans le cadre du «plan B» (voir le chapitre «Le débat idéologique»). Des ,scénarios un peu victoriens circulent, faisant frétiller les juristes. Va-t-on assister à un exercice effectif des pouvoirs du représentant de la reine de réserver un projet de loi ou d'en refuser la sanction, voire de destituer le gouvernement en place comme le firent ses prédécesseurs Letellier et Angers au siècle dernier? L'intéressé alimente imprudemment ce type de spéculations en déclarant, à propos de l'hypothèse qu'il refuse de sanctionner une loi déclarant la souveraineté du Québec: «Je n'exclus rien». Ses adversaires font de même. Le pouvoir péquiste manifeste son déplaisir en tenant la cérémonie d'assermentation du nouveau lieutenant- gouverneur, le 12 septembre, non dans la salle du Conseil législatif comme le veut la tradition, mais dans le petit salon du président. Le tout se déroule dans une atmosphère glaciale.

La chute spectaculaire de Jean-Louis Roux, deux mois plus tard, confirme l'adage «Seigneur, gardez-moi de mes amis». Elle résulte en effet directement d'une confidence faite par l'ex-ministre fédéral Gérard Pelletier, et dont l'intéressé confirme candidement l'exactitude au journaliste Luc Chartrand. Au temps lointain de sa jeunesse nationaliste, durant la Deuxième Guerre mondiale, Jean-Louis Roux arborait fièrement la croix gammée sur l'épaule de son sarrau de laboratoire à l'Université de Montréal et a participé à une émeute anticonscriptionniste durant laquelle furent saccagés non seulement les bureaux de la Gazette mais des magasins dont le nom avait une consonance étrangère -«surtout israélite», précise-t-il.

Publiées en novembre dans le magazine L'Actualité sous le titre «L'affaire Roux», ces révélations créent une onde de choc qui emporte en quelques heures la brève carrière vice-royale de l'intéressé. Bien qu'il ait depuis longtemps répudié de tels gestes, sa position devient intenable et il annonce sa démission. Les souverainistes se gaussent des frasques de jeunesse de celui qui durant la campagne référendaire établissait des parallèles entre le Québec d'aujourd'hui et l'Allemagne des années 1930, alors que certains anglophones voient dans cette révélation un argument de plus leur permettant de démoniser la société québécoise.

La carrière de l'artiste se termine sur une tragédie personnelle. Sa fonction sort tout aussi malmenée de l'équipée. Ne découvre-t-on pas, l'actualité justifiant qu'on s'y arrête, que les dépenses du Québec à ce chapitre (740 000$) se situent au troisième rang des provinces canadiennes et excèdent celles de l'Ontario? Lucien Bouchard décide que la Province se départira de la résidence du chemin Saint-Louis affectée au lieutenant-gouverneur depuis l'incendie du domaine de Bois-de-Coulonge en 1966. Le 20 novembre, l'Assemblée nationale déclare la fonction «essentiellement symbolique et héritée du passé colonial du Québec et du Canada» et souhaite son abolition. Vu la constitution qui rend cette abolition impossible, elle réclame que le gouvernement fédéral nomme dorénavant la personnalité «désignée démocratiquement» par l'Assemblée.

Ottawa fait la sourde oreille à cette requête, à laquelle les Libéraux provinciaux ont refusé leur concours, et désigne le 12 décembre Lise Thibault pour succéder à Jean-Louis Roux. Ancienne candidate libérale - défaite - aux deux niveaux de gouvernement, cette paraplégique de 57 ans a fait sa marque à la direction de l'Office des personnes handicapées. La nomination d'une première femme à ce poste au Québec (des femmes ont été nommées à ce poste dans plusieurs autres provinces depuis 20 ans) suscite dans la presse une approbation unanime à laquelle se joignent même le premier ministre Lucien Bouchard et Gilles Duceppe sur le point de devenir chef du Bloc québécois. Signe de réchauffement des relations, son assermentation le 30 Janvier a lieu dans la salle du Conseil législatif. À la question qui brûle toutes les lèvres, elle répond: «À moins d'une orientation très droite provenant du gouvernement canadien, je sanctionnerais [un projet de loi déclarant la souveraineté du Québec]1 ] ».

Cet épisode appartient non seulement à la vie des institutions parlementaires, mais à l'histoire du Québec tout court. Imprudent, voire injuste, dans ses déclarations publiques, Jean-Louis Roux l'a à coup sûr été. A-t-il été victime d'intolérance, comme le soutiendra sa remplaçante? Un an plus tard, il se trouvera au moins un militant péquiste, Giuseppe Sclortino, pour abonder, avec prudence, dans le même sens2 ] . En tout cas, le spectacle du lieutenant-gouverneur acculé à déclarer: «je ne suis pas un criminel de guerre», a quelque chose de poignant, et l'acharnement dont certains font preuve contre sa personne, même après sa chute, laisse songeur. Que les activités criminelles passées, et judiciairement établies, d'un juge et d'un sous-ministre du gouvernement québécois du temps de leur jeunesse felquiste suscitent au même moment un minimum d'attention dans la presse francophone suggère que le Québec de l'après-référendum a la tolérance sélective.




Le Conseil des ministres

Constituée en janvier 1996, l'équipe ministérielle de Lucien Bouchard ne subit de modification qu'à la fin de la période couverte par cette chronique. Le 25 août 1997, huit ministres échangent leurs portefeuilles et une nouvelle venue entre au gouvernement. Le trait marquant du remaniement est la nomination de Serge Ménard, l'un des membres les plus estimés du gouvernement, à la justice, où il remplace Paul Bégin, muté à l'Environnement. David Cliche troque ce dernier portefeuille contre un poste de ministre délégué au Tourisme. Les autres subordonnés de Bernard Landry, Rita Dionne-Marsolais et Roger Bertrand, échangent leurs maroquins respectifs. Robert Perrault prend la place de Ménard au ministère d'État à la Métropole, abandonnant la Sécurité publique à Pierre Bélanger, qui cède ses fonctions de leader parlementaire et de ministre délégué à la réforme électorale à Jean-Pierre Jolivet. Les fonctions de whip en chef du gouvernement assumées par ce dernier - avec siège au Cabinet - échoient à la seule nouvelle ministre, jocelyne Caron, jusque-là leader parlementaire adjointe.

En mai, un nouveau ministère, dit de la Famille et de l'Enfance, avait été créé sans entraîner de remaniement ministériel, ce portefeuille étant attribué à la ministre de l'Éducation Pauline Marois.




Mort de Robert Bourassa

Le grand disparu de l'année politique québécoise, c'est évidemment l'ex-premier ministre Robert Bourassa, qui succombe le 2 octobre 1996 au cancer. Les commentaires soulignent unanimement la gentillesse personnelle du disparu, son absence de rancune, sa ténacité et sa capacité à encaisser les revers, qui n'ont pas manqué durant une longue carrière publique de près de trente ans. Le fil conducteur de sa carrière, c'est la fidélité à quelques intuitions de base: la priorité du Québec doit être le progrès économique plus que l'affirmation nationale, le fédéralisme demeure le moins mauvais régime pour le Québec. La ratification de l'accord du lac Meech, s'ajoutant à l'adoption de la Loi 22 en 1974, lui aurait donné en prime la stature d'un grand leader québécois. Unanime, l'Assemblée vote à la rentrée une motion du premier ministre Bouchard donnant le nom du défunt au complexe LG 2, à la Baie James.




Situation personnelle des parlementaires

À la mi-novembre, six députés péquistes célèbrent le 20' anniversaire de leur élection à l'Assemblée, où ils siègent depuis de façon ininterrompue: Guy Chevrette, jean Garon, Jacques Brassard, François Gendron, Jean-Pierre Jolivet et Denis Perron. C'est un exploit en effet digne d'être souligné dans un parlement au taux de roulement aussi élevé que celui du Québec.

L'année verra la démission le 19 novembre 1996 de l'ex-ministre Daniel Paillé, qui abandonne son siège de Prévost pour poursuivre sa carrière à la Société générale de financement. Les décès de Paul-Eugène Quirion, député libéral de Beauce-sud, le 24 décembre, et de Denis Perron, député de Duplessis, le 22 avril 1997, coïncident avec la publication de recherches scientifiques confirmant l'intuition de plusieurs: la vie politique est un tue-monde3 ] . L'annonce de la tenue d'élections fédérales provoque la démission le 2 mai d'Yvon Charbonneau, député de Bourassa, et de France Dionne, députée de Kamouraska-Témiscouata. Seul le premier réussira à continuer sur la scène fédérale un parcours politique qui ne cesse d'étonner ceux et celles qui se souviennent de la carrière de l'ancien chef syndical.




Annulation de l'élection dans Bertrand

La vendetta Simard-Thérien se poursuit. La Cour d'Appel, en mars 1997, confirme la décision de trois juges de la Cour du Québec un an plus tôt annulant l'élection du député Robert Thérien dans Bertrand. Le même tribunal puis, quelques jours plus tard, la Cour suprême du Canada, rejettent successivement sa requête en sursis d'exécution du jugement, ce qui confirme définitivement la vacance du siège et met fin à la saga, du moins en ce qui le concerne. Il a fallu deux ans et demi pour arriver à ce résultat, ce qui a levé bien des illusions sur l'efficacité des procédures simplifiées prévues dans la loi en matière de contestation d'élections: le Directeur des élections a dénombré en tout et pour tout pas moins de 34 étapes à caractère judiciaire dans ce dossier entre septembre 1994 et février 1997. C'était avant la toute dernière, en octobre 1997 en Cour suprême du Canada, qui sonne le glas définitif de la carrière de Robert Thérien.




Nouvelle tuile pour Monique Simard

Acquittée le 25 septembre 1996 en Cour du Québec d'une accusation d'avoir signé une fiche de recensement contenant une inexactitude quant à la durée de sa résidence à Outremont, la députée Monique Simard n'est pas au bout de ses peines. Le Directeur général des élections refuse de faire appel de cette décision, pourtant basée sur un constat d'infraction de ses services. Le député libéral Régent Beaudet, lui, ne l'entend pas de cette oreille. L'acquittement de Monique Simard, qui n'a pas nié avoir commis l'infraction qu'on lui reproche, tient au fait que l'infraction alléguée en est une dite de mens rea, ce qui exigeait de la part de la poursuite une preuve d'intention coupable plus difficile à faire. il intente un recours civil contre sa collègue péquiste, l'accusant d'avoir voté illégalement et sans excuse aux élections municipales d'Outremont en novembre 1995. L'infraction reprochée en est une cette fois-ci de responsabilité stricte, et la preuve de la commission de l'acte suffit pour une condamnation. Le 29 septembre 1997, le juge François Doyon, de la Cour du Québec, donne raison au député Beaudet4 ] .

Les conséquences proprement juridiques de cette décision pour la principale accusée sont incertaines. À coup sûr, elle écope d'une amende de 100$, en plus de perdre notamment son droit de voter et de siéger au municipal pour une période de cinq ans. «Vraisemblablement», ajoute le juge, elle pourrait perdre son siège à l'Assemblée. L'article 17-6' de la Loi sur l'Assemblée nationale prévoit la vacance du siège d'un député qui est reconnu coupable ou tenu pour coupable de manoeuvres frauduleuses «en matière électorale», sans spécifier, mais sans exclure non plus, les manoeuvres frauduleuses prévues par la Loi électorale municipale. En tout état de cause, Monique Simard fait immédiatement appel du jugement, ce qui en suspend l'exécution, et se refuse à quitter à nouveau le caucus péquiste.




Élections partielles

Les scrutins tenus dans Pointe-aux-Trembles le 9 décembre 1996, dans Beauce-sud et Prévost le 28 avril 1997 et dans Bertrand, Bourassa, Kamouraska-Témiscouata et Duplessis le 6 octobre 1997, portent à 11 le nombre total des élections partielles en moins de deux ans. Elles entraînent une progression de la représentation féminine à l'Assemblée, avec l'élection de Nicole Léger dans Pointe-aux-Trembles, Diane Leblanc dans Beauce-Sud et Lucie Papineau dans Prévost.

L'analyse des résultats dans Pointe-aux-Trembles suggérait que le Parti québécois perdait un peu de terrain, mais au profit de l'Action démocratique plutôt que des libéraux. En revanche, les partielles du printemps 1997 sont un succès pour les libéraux. Dans Beauce-Sud, leur majorité passe de 164 à 5156 voix (de 0,6 à 18,9%) alors que dans Prévost, celle du Parti québécois baisse de 4110 à 239 voix (de 12 à 1,1%). La progression des libéraux est d'autant plus significative vu la présence cette fois-ci d'un candidat adéquiste dans Beauce-Sud. Plusieurs attribuent le recul du Parti québécois à l'abstention de partisans démobilisés par les coupures dans le secteur public.

Même scénario à l'automne. La stabilité des allégeances (trois circonscriptions libérales, une péquiste, avant comme après les partielles) dissimule mal un glissement net en faveur des libéraux, perceptible partout. Les majorités libérales passent de 2340 à 4555 voix dans Bourassa, de 386 à 2745 voix dans Kamouraska-Témiscouata, de 146 à 2753 voix dans Bertrand. Celle du PQ dans Duplessis fond de 5263 à 1866 voix. Malgré l'emploi d'un bulletin de vote destiné à réduire le nombre des bulletins rejetés, le taux de rejet a progressé dans les quatre circonscriptions et varie entre 1,8 et 2,0 du vote exercé.

Les leçons à tirer de ces scrutins quant à l'état des forces politiques au Québec sont incertaines. Durant les années 1970 et 1980, on notait une corrélation globale entre la tendance révélée à l'échelle de la province par les sondages et les mouvements plus localisés enregistrés lors des partielles. Par contre, depuis l'avènement de Lucien Bouchard, les péquistes font moins bien, et les libéraux mieux, lors des partielles que dans les sondages réalisés au même moment à l'échelle de la province. Néanmoins, ces scrutins s'ajoutent à d'autres indices de désaffection à l'égard du Parti québécois, désaffection prévisible au vu des choix douloureux effectués par le gouvernement Bouchard. Il serait très hasardeux d'en tirer des prédictions quant à l'issue des prochaines élections générales.




La réforme parlementaire

Malgré la création en grande pompe d'une sous-commission permanente de la réforme parlementaire dans le cadre des réformes Guay de 1984, ce domaine est demeuré largement en friche sous Robert Bourassa, peu enclin aux remises en question institutionnelles. Sous Lucien Bouchard, le domaine souffre au contraire d'un encombrement momentané. Comme à l'époque Burns-Richard (premier gouvernement Lévesque) et Bertrand-Guay (second gouvernement Lévesque), on assiste à deux démarches parallèles, celle de l'exécutif et celle de la présidence.

Le 2 octobre 1996, le Conseil des ministres examine un mémoire sur la revalorisation des députés et le rôle de l'Assemblée nationale soumis par les ministres de la réforme électorale. Le 16 octobre, le président Charbonneau dépose une quarantaine de propositions de réforme parlementaire de son cru: le leader parlementaire du gouvernement relève sèchement que ce document ne lui a été transmis que la veille. Il s'établit rapidement que la réforme parlementaire relève de l'Assemblée, non du gouvernements5 ] .

On relève quelques convergences entre les deux documents, comme la création de nouvelles commissions. Chacun comporte des accents particuliers révélateurs des préférences respectives du gouvernement et du président. Le premier propose l'élection du président de l'Assemblée au vote secret, un recours moins systématique à la motion de suspension des règles au profit de la motion de clôture de l'étude en commission. Quant au président, il propose que l'Assemblée siège plus longtemps, que soient éliminées les séances nocturnes qui discréditent l'Assemblée depuis un temps immémorial, que les droits de parole et la durée globale des débats soient réduits. Surtout, il remet en cause la discipline de parti.

D'où qu'elles viennent, ces propositions doivent en principe recevoir l'aval de l'opposition libérale pour être entérinées, la tradition suggérant - sans imposer - le consensus inter-partisan en ce domaine. Des négociations présessionnelles ont lieu en février, avant la reprise des travaux. Finalement, pour reprendre le cliché convenu, la montagne accouche d'une souris. Présentés comme des projets-pilotes applicables à titre expérimental jusqu'à la reprise d'octobre 1997, deux blocs de modifications au Règlement de l'Assemblée sont adoptés à l'unanimité les 11 mars et 10 avril 1997.

L'austérité budgétaire ambiante facilite l'élimination des fameuses séances de nuit, qui tout en épuisant les députés et en les exposant à des bévues télédiffusées, coûtaient cher au contribuable en temps supplémentaire payé au personnel de l'Assemblée (on lance le chiffre de 400 000$ par année). En temps normal, l'Assemblée se réunira désormais du mardi au jeudi de 10 à 18 heures. Durant la période dite de «travaux intensifs» ou de surchauffe, les séances ont lieu du mardi au vendredi de l0h à minuit, avec option de siéger le lundi aux mêmes heures. Dans le but de compenser notamment la perte des heures de séances nocturnes, le début de la période de surchauffe est avancé du 1- juin au 25 mal.

On en profite aussi pour remanier légèrement les commissions permanentes de l'Assemblée, dont le nombre est porté de 9 à 11. La commission de l'aménagement et des équipements est scindée en deux: on comptera désormais une commission de l'aménagement du territoire et une commission des transports et de l'environnement, présidée par Claude-André Lachance (PQ). Plus significative se veut la création d'une nouvelle commission de l'administration publique, présidée par Jacques Chagnon (PLQ), et chargée d'examiner les engagements financiers et d'examiner les rapports du Vérificateur général (la commission du budget et de l'administration est rebaptisée commission des finances publiques).

C'est tout, et de l'avis des rares observateurs que le domaine intéresse, c'est peu, tout en étant bienvenu. «Beaucoup reste à faire», admet le président.




Clôture et guillotine

Entre 1989 et 1994, les libéraux avaient interrompu l'étude en commission d'au moins 10 projets de loi et suspendu les règles pour raison d'urgence relativement à 42 textes. Le sommet dans le genre fut atteint en juin 1992 lorsque M. Pagé fit adopter une motion suspendant d'urgence les règles pour assurer l'adoption en bloc de 28 projets de loi!

Durant les 15 mois où il fut leader parlementaire, M. Chevrette, qui avait vertement critiqué cette banalisation du bâillon, resta fidèle à ses convictions en recourant à la clôture une seule fois (pour la liste électorale permanente) et en invoquant l'urgence distinctement pour seulement 5 textes. Sous son successeur Pierre Bélanger, on revient aux anciennes pratiques. L'étude en commission du projet de loi 130 sur la justice administrative a été interrompue le 9 décembre 1996. Surtout, on a repris la technique des motions suspendant les règles «en raison de l'urgence de la situation» pour faciliter d'un coup l'adoption d'un bloc de projets de loi. Les 18 juin, 17 et 20 décembre 1996, l'Assemblée a adopté trois motions visant un total de 19 textes. Sur ce plan, les gouvernements se suivent et se ressemblent.




Les parlementaires sont-ils des menteurs?

Lors de son accession au fauteuil présidentiel, Jean-Pierre Charbonneau s'était inquiété de la perte de crédibilité des parlementaires dans l'opinion. Qu'un spectacle populaire comique sur l'Assemblée diffusé à l'époque, dans la foulée des «Yes, Minister» et autres «Bébête Show», s'intitule «Les parlementeries» en dit long sur le scepticisme du public à l'endroit du discours politique. Le 19 mars, l'Assemblée tente d'endiguer le courant en adoptant à l'unanimité, à l'initiative du chef de l'opposition Daniel Johnson, une motion déplorant «les propos, le thème et les procédés» d'une émission sur le sujet diffusée au réseau TVA deux jours plus tôt. «Ce n'est pas vrai que nous sommes tous des menteurs», s'exclame le président.

Le courroux de l'Assemblée aura un impact pour le moins mitigé. L'essai du journaliste André Pratte, Le syndrome de Pinocchio, qui est à l'origine de l'affaire, sera désormais affublé d'un bandeau rouge susceptible d'en stimuler la vente: «Le livre qui a fait réagir l'Assemblée nationale». Bernard Landry déclare dans la foulée de l'affaire, en invoquant l'exemple de René Lévesque: «Je ne dis jamais toute la vérité, mais je ne dis jamais le contraire de la vérité6 ] .» Déclaration peu faite pour rehausser la crédibilité de la gent politique, pour ne rien dire de celle de son mentor, auprès de ceux qui ont déjà entendu parler de la notion de mensonge par omission.

En tous cas, personne ne reprochera à l'Assemblée de s'exempter des rigueurs budgétaires qu'elle impose au même moment à la société québécoise. Les crédits de l'Assemblée nationale sont amputés de 5,9 millions $ (une baisse de 8,5%). Ceci comporte une compression salariale de 6% imposée aux députés, une baisse de 603 100$ dans les crédits affectés à l'embauche du personnel des députés, et de 310 000$ dans les cabinets ministériels. La principale victime est le bureau du lieutenant-gouverneur, dont les crédits fondent de 740 000$ à 378 600$, une baisse de 49%.




Vote d'un amendement constitutionnel

L'Assemblée vote au printemps 1997 une modification constitutionnelle qui stipule que les paragraphes (1) à (4) de l'article 93 de la Loi constitutionnelle de 1867 ne s'appliquent pas au Québec. Cela signifie que la compétence du Québec en matière d'éducation ne sera plus entravée par la nécessité de respecter les droits des minorités confessionnelles ni par la possibilité que le parlement fédéral intervienne législativement pour protéger les droits desdites minorités. Pour refuser la tenue d'une commission parlementaire préalable sur la modification proposée, le gouvernement péquiste invoque l'ampleur du consensus entourant selon lui cette mesure. Mémoire historique oblige, le préambule de la motion d'approbation précise: «Une telle modification ne constitue en aucun cas une reconnaissance par l'Assemblée nationale de la Loi constitutionnelle de 1982 qui fut adoptée sans son consentement.» Les libéraux font ajouter un autre considérant qui réaffirme «les droits consacrés de la communauté québécoise d'expression anglaise», avant de consentir à l'adoption de cette motion le 15 avril 1997, par 103 voix contre aucune. L'absence lors du vote des députés libéraux anglophones Ciaccia et Bergman est remarquée. La motion est acheminée à Ottawa, dont l'approbation est requise et a été promise et viendra à la fin de 1997, tel que promis par le ministre Stéphane Dion.




Pierre F. Côté tire sa révérence

C'est sur une note un peu aigre que se termine la carrière du directeur général des élections du Québec, Pierre E Côté, celui-ci ayant eu tendance durant son long pontificat (il est en poste depuis 1978) à concevoir son poste comme celui d'un ministre de la Démocratie et non simplement d'un administrateur des lois électorales.

En décembre, le rapport annuel du Vérificateur général révèle que la liste électorale permanente tant vantée coûtera 6,2 millions $ au lieu des 3,8 millions $ prévus à l'origine par le directeur général des élections, un dépassement de 60%. Des contrats ont été attribués sans appel d'offres. Un contrat de 280 000$ pour l'informatisation de la mise à jour des sections de vote a été signé avec un fournisseur dont le produit n'a pas donné les résultats escomptés, forçant les fonctionnaires à terminer le processus manuellement. Le DGE est en plus blâmé de n'avoir pas émis de T4 pour une partie du personnel électoral, et on estime à 23,7 millions $ le montant des pertes encourues par le fisc québécois lors du référendum de 1995. Ceci à un moment où l'État québécois fait campagne contre l'évasion fiscale. Conclusion du Vérificateur: «Le DGE n'a pas pu nous démontrer qu'il s'était soucié des principes de saine gestion dans l'attribution des contrats relatifs à la liste électorale permanente7 ]

Le directeur général subit un autre revers devant les tribunaux le 3 avril 1997. Des poursuites avaient été intentées contre les organisateurs de la Marche pour l'Unité d'octobre 1995, et l'on avait soutenu avec assurance que les lois québécoises en ce domaine étaient d'application extra-territoriale. La Cour supérieure du Québec a toutefois jugé (Algonquin College Student Association v. DGE) que de telles poursuites ne pouvaient être instruites devant la Cour du Québec si l'infraction avait été commise hors du Québec. Appel est immédiatement interjeté de ce jugement. Un coup encore plus sérieux sera porté par la Cour suprême en octobre 1997 avec l'arrêt Libman, qui entraînera l'abandon rapide des poursuites contre les organisateurs de la Marche de l'Unité canadienne si décriée par le haut fonctionnaire et par les souverainistes.

Le 8 mai 1997, Pierre E Côté annonce par lettre adressée au président de l'Assemblée qu'il prendra sa retraite le 16 juillet prochain, jour de ses 70 ans. L'intéressé précise qu'il s'agit d'une décision libre et volontaire et qu'il n'a subi aucune pression de qui que ce soit. Lors de l'ajournement des travaux en juin, on note toutefois que le chef de l'opposition Daniel Johnson ne s'est pas associé au bref éloge qu'adresse le premier ministre au retraité. Le problème de la succession n'est pas réglé à l'ajournement d'été, et c'est le directeur du contentieux au bureau du directeur général des élections, François Casgrain, qui sera désigné en juillet par décret du gouvernement pour assurer l'intérim.




Note(s)

1.  Le Soleil, 23 janvier 1997.

2.  Giuseppe SCIORTINO, «Sommes-nous intolérants?», La Presse, 25 septembre 1997, B3.

3.  Robert BOURBEAU et Valérie ÉMOND, «Caractéristiques socio-économiques et mortalité des députés québécois aux XIXe et XXe siècles», Population, 1996, p. 929-954.

4.  Cour du Québec (Chambre criminelle et pénale), Beaudet c. Simard et Simard, 29 septembre 1997.

5.  Débats de l'Assemblée nationale, Commission de l'Assemblée nationale, 24 octobre 1996, p. 4.

6.  Katia GAGNON, «Les politiciens se trompent, mais ne mentent pas ... », La Presse, 20 mars 1997, B4. Un sondage Gallup effectué au même moment place les politiciens au dernier rang de quinze professions au chapitre de l'honnêteté et de l'intégrité, tout comme, précise-t-on, lors des cinq dernières enquêtes où cette question a été posée. «Médecins et pharmaciens classés comme les plus honnêtes et intègres», La Presse, 9 avril 1996.

7.  Rapport du Vérificateur général à l'Assemblée nationale pour l'année 1995-1996, tome 11, 1996, p. 79