accueilsommairerubriques

Les budgets québécois de 1988-1989 à 1998-1999



André Blais
Université de Montréal

François Vaillancourt* ]
Université de Montréal


L'année politique au Québec 1997-1998

· Rubrique : Le budget



Ce texte présente l'évolution des budgets du Québec depuis dix ans et examine s'il existe des différences entre les budgets libéraux (de 1988-1989 à 1994-1995) et péquistes (de 1995-1996 à nos jours). Nous présenterons tout d'abord la composition des dépenses et des recettes budgétaires du Québec. Nous examinerons par la suite l'évolution de la rémunération salariale, de la fiscalité québécoise et des transferts fédéraux, trois enjeux budgétaires importants au cours de cette période. Nous nous livrerons enfin à une comparaison Québec/autres provinces et terminerons par une évaluation politique de cette décennie budgétaire.



Les budgets québécois de 1988-1989 à 1998-1999

Le tableau 1 représente l'évolution des dépenses et le tableau 2 celle des recettes autonomes pour la période retenue. Les points suivants ressortent du tableau 1, outre les nombreux changements de nomenclature :


Le tableau 2 n'indique pas de changements majeurs dans les sources de revenus autonomes. L'impôt sur le revenu des particuliers rapporte 42 % des revenus, aussi bien en 1988-1989 qu'en 1998-1999, et la taxe de vente 18 %, soit 60 % des recettes au total. On peut quand même noter que :






Trois enjeux clés : rémunération, transferts et fiscalité


Rémunération

Le poste « salaires et traitement » correspond à la principale dépense des organismes publics et parapublics du Québec. Le gouvernement doit donc diminuer celui-ci s'il veut contrôler ses dépenses, soit par une réduction d'effectifs, soit par une réduction du taux de rémunération. Le tableau 3 permet d'examiner la réduction de ces taux. On peut constater que, si l'écart salarial entre le secteur public québécois et le secteur privé québécois était à l'avantage du premier en 1988 (+ 2 %), cela n'est plus le cas en 1997 (- 6,6 %). Il importe toutefois de tenir compte des avantages sociaux associés à l'emploi. Sur le plan de la rémunération globale, le secteur public provincial jouissait d'un avantage relatif (par rapport au secteur privé) de 10 % en 1988, avantage qui est en train de disparaître. On note finalement que le secteur public provincial est fortement désavantagé par rapport au secteur municipal et que ce désavantage s'est accru de 1991 à 1997.




Cette réduction des taux de rémunération s'est également accompagnée, de 1988 à 1998, d'une réduction du nombre d'employés du secteur public, mais non des secteurs de la Santé et des Commissions scolaires comme on le constate au tableau 4. Par contre, la masse salariale continue à croître en termes nominaux, mais diminue en termes de part du PIB.





Transferts

En 1998-1999, le gouvernement du Québec reçoit des transferts fédéraux principalement en vertu de deux programmes : la péréquation visant à assurer aux provinces les plus pauvres des recettes plus élevées et le transfert social canadien (TSC) qui aide à financer les dépenses dans le domaine de la santé, de l'éducation postsecondaire et de l'aide sociale. Ce dernier a remplacé en 1995 deux programmes : le Régime d'assistance publique du Canada (RAPC) et le Financement des Programmes établis (FPE). Le tableau 5 résume l'évolution des transferts fédéraux depuis 1988-1989.




À l'examen du tableau 5, on constate une nette réduction des transferts fédéraux en 1996-1997. Cela s'explique par la création du TSC qui, d'une part, dispose d'une enveloppe globale plus faible que la somme de celles des deux programmes qu'il remplace et, d'autre part, utilise une clé de répartition interprovinciale qui remplace à terme les parts 1996-1997 par des transferts égaux par habitant, ce qui désavantage le Québec ; celui-ci recevait en effet une part des transferts RAPC proportionnellement plus élevée que la part de la population canadienne qu'il représente. Les transferts FPE, quant à eux, étaient répartis en montants égaux par habitant depuis 1982.

Dès le deuxième budget du Parti québécois, le Québec, comme les autres provinces, a donc vu diminuer les transferts fédéraux en termes nominaux (et réels) d'environ 20%.


Fiscalité

La compétitivité de la fiscalité québécoise par rapport à celle de ses voisins nord-américains et, en particulier, celle de l'Ontario, fait toujours l'objet d'un vif débat. À l'examen du tableau 6, on constate ce qui suit :


Dans l'ensemble, la fiscalité québécoise tire profit de l'immobilité relative du travailleur francophone pour le taxer davantage. Pour ce qui est du capital, la position est plus ambiguë. D'une part, les profits des entreprises, en particulier les petites, sont peu taxés. D'autre part, les taux maximaux d'imposition des revenus sont particulièrement élevés. Il resterait à vérifier ce qu'en pensent les dirigeants d'entreprises : préfèrent-ils payer moins d'impôt sur leurs profits ou sur leurs revenus ?




Les comparaisons interprovinciales

Nous utilisons les données de Statistique Canada pour 1988 et 1997, l'année la plus récente qui soit disponible à ce jour, pour fin de comparaison. Nous présentons au tableau 7 les recettes et les dépenses totales, per capita et en part du PIB. À son examen, on constate que le gouvernement du Québec dépense plus per capita et en % du PIB que celui de l'Ontario ou que la moyenne des provinces canadiennes aussi bien en 1988 qu'en 1997, mais qu'il n'est pas en tête du peloton. En termes de dépenses per capita, la Colombie-Britannique est la première en 1997, alors qu'elle était l'avant-dernière en 1988. En termes de pourcentage du PIB, les quatre provinces atlantiques dépensent davantage, tout comme en 1988.




Regardons maintenant la composition des recettes et des dépenses à l'aide des tableaux 8 et 9, respectivement. Relativement aux recettes, on observe, aussi bien en 1988 qu'en 1997, la plus grande importance, pour le Québec, de l'impôt sur le revenu des particuliers, ce qui s'explique par son utilisation (depuis 1965) du droit de retrait qui lui permet de remplacer certains transferts en espèces par l'occupation plus large de ce champ fiscal. On note aussi la faiblesse relative des recettes de l'impôt corporatif et l'importance des cotisations (taxes sur la masse salariale). Dans le cas de l'impôt corporatif, l'écart avec les autres provinces s'est toutefois amenuisé. On observe le contraire pour ce qui est des taxes sur la masse salariale. C'est ici que le Québec se distingue le plus nettement des autres provinces. Du côté des dépenses, l'évolution est sensiblement la même que dans le reste du Canada (tableau 1).










Budgets libéraux et budgets péquistes

Le Parti libéral a été au pouvoir jusqu'en 1994, année où il a été remplacé par le Parti québécois. Peut-on dire que les budgets péquistes ont différé des budgets libéraux ? La question mériterait une analyse beaucoup plus systématique. Un certain nombre d'observations peuvent cependant être faites.

Première question : les gouvernements péquistes sont-ils plus dépensiers que les gouvernements libéraux ? Il semble que non. Entre 1988 et 1997, le pourcentage des dépenses par rapport au PIB est passé de 23 % à 25 %. Mais la hausse s'est produite au début des années 1990, sous l'administration libérale, atteignant un sommet en 1993 de 28 %. Le gouvernement du Parti québécois a alors commencé à réduire la taille relative du budget à son niveau antérieur. Il faut toutefois souligner que le gouvernement péquiste ne disposait que d'une marge de manoeuvre très mince étant donné le niveau de la dette accumulée et les coupures opérées par le gouvernement fédéral dans ses transferts aux provinces. Le gouvernement péquiste n'a donc pas été plus dépensier.

Au niveau de la ventilation des dépenses, on ne décèle par ailleurs que très peu de différences entre gouvernements libéraux et péquistes. Les comparaisons sont parfois délicates puisque certaines catégories changent dans le temps, mais on ne note aucune réorientation majeure de dépenses. Les changements qui se produisent sont des tendances lourdes -- hausse des budgets de la santé et des services sociaux ainsi que du service de la dette, et diminution de celui du transport -- qui ne sont pas modifiées par l'arrivée au pouvoir du Parti québécois.

Le même verdict s'impose pour ce qui est de la ventilation des revenus. Comme on le voit au tableau 6, le Parti québécois a essentiellement maintenu les taux de taxation existants. Le seul changement (l'intégration de la taxe de vente provinciale à la TPS fédérale avait été décidée sous les libéraux) concerne la hausse de la contribution des employeurs au Fonds des services de santé, décrétée en 1995.

Il est intéressant, à cet égard, de se demander pourquoi un parti social-démocrate comme le Parti québécois a jugé bon de hausser une taxe qui touche directement l'emploi. La gauche n'est-elle pas censée se soucier prioritairement de l'emploi ? Peut-être estime-t-on que les employeurs repassent leur contribution aux employés, non pas en réduisant la demande mais plutôt en diminuant la rémunération.

Finalement, il n'y a aucune indication que le Parti québécois offre à ses employés des conditions de travail plus généreuses que ne le fait le Parti libéral. Comme le démontre le tableau 3, la rémunération relative du secteur public provincial commence à diminuer sous l'administration libérale mais la tendance continue sous le gouvernement péquiste. Ce dernier semble même avoir été plus dur que les libéraux, mais cette « rigueur » s'explique probablement par les contraintes budgétaires plus sévères auxquelles le Parti québécois devait faire face.

En somme, les différences entre les budgets libéraux et péquistes apparaissent plutôt faibles, les facteurs comme le niveau de la dette accumulée et les coupures des transferts du gouvernement fédéral pesant davantage sur les orientations budgétaires du gouvernement que l'idéologie du parti au pouvoir.




Note(s)

*   Nous remercions Sandrine Bourdeau-Primeau pour son assistance de recherche.