accueilsommairerubriques

Qu'il est difficile...

Les relations politiques entre le Québec et les peuples autochtones



Pierre-Gerlier Forest
Université Laval


L'année politique au Québec 1997-1998

· Rubrique : Articles divers



L'article 91 (24) de la Loi constitutionnelle de 1867 accorde au Parlement du Canada l'autorité exclusive de légiférer sur « les Indiens et les terres réservées aux Indiens ». Avant le rapatriement de la constitution canadienne, en 1982, la vie des peuples autochtones fut donc totalement soumise aux règles fixées par le gouvernement d'Ottawa, qui exerça sa compétence au moyen d'une loi de portée générale connue sous le nom de Loi sur les Indiens, adoptée en 18761 ] . Aux effets de cette loi s'ajoutèrent dans le Canada central -- de l'Ontario aux Rocheuses -- ceux d'une longue série de traités pré et post-confédératifs, qui privèrent les Indiens de la plupart de leurs droits territoriaux en échange de « réserves » et de quelques bénéfices plus ou moins symboliques, tout en les reléguant à des activités surtout domestiques et artisanales. Ailleurs au pays, et notamment au Québec, ce sont plus souvent des lois ou des règlements particuliers qui ont décidé de l'emplacement et de la superficie des territoires mis de côté pour l'usage des collectivités autochtones, mais il s'agissait aussi de réduire leur indépendance et de limiter leurs activités traditionnelles, en échange de la protection et de l'entretien par les autorités fédérales.

Les rapports entre le gouvernement du Québec et les peuples autochtones sont longtemps restés à un niveau modeste, pour des motifs qui tiennent au cadre constitutionnel qui vient d'être évoqué, mais aussi à la géographie. À l'isolement physique des collectivités indiennes et inuits correspondait en effet une forme d'isolement politique dont les effets ne se sont pas encore dissipés. On sait peut-être qu'en 1937, Québec n'hésita pas à recourir à la Cour suprême pour forcer Ottawa à prendre en charge les Inuits du Grand Nord québécois, dans une cause où l'éloignement et la « sauvagerie » des populations concernées furent invoqués au bénéfice de la province. C'est seulement en 1963, quand commencèrent les pressions pour le développement du territoire nordique, que le gouvernement québécois se décida à « reprendre contact avec les Autochtones qui habitent son territoire », comme le veut la formule consacrée, avec la création d'une Direction générale du Nouveau-Québec au sein du ministère des Richesses naturelles. Depuis cette époque, les relations du Québec avec les peuples autochtones se sont beaucoup développées, dans tous les domaines d'activité : la santé, l'éducation, la culture, la justice, la sécurité publique, l'économie, l'environnement, etc. Les dépenses directes du gouvernement québécois en matière autochtone dépassent aujourd'hui 300 millions de dollars, alloués pour une très grande part aux collectivités signataires des traités « modernes » que sont la Convention de la baie James et du Nord québécois (signée en 1975) et la Convention du Nord-Est québécois (signée en 1978) : les Cris, les Inuits et les Naskapis.

Notons aussi que depuis les années 1960 et jusqu'à tout récemment, la politique autochtone du Québec était un parfait exemple de politique « bi-partisane ». Il y eut bien des moments de grâce, comme l'accueil des Chefs amérindiens à Québec par René Lévesque, en 1978, ou le témoignage du ministre Christos Sirros devant la Commission royale sur les peuples autochtones, en 1993, qui appelait à une réconciliation durable entre Québécois et Autochtones. Il y eut aussi, à l'inverse, des périodes d'affrontement qui purent faire croire à l'hostilité de tel gouvernement ou de tel parti politique : la baie James, Oka, la lutte contre la contrebande des produits du tabac. Mais en vérité, rien n'altérait fondamentalement la manière dont les dirigeants politiques québécois abordaient les dossiers autochtones : une maladresse évidente, souvent mêlée de bienveillance mais parfois aussi teintée de mépris, face à un programme revendicatif auquel ils n'entendaient rien faute de pouvoir l'inscrire dans la logique de la Révolution tranquille -- l'édification d'un État nation ou, à tout le moins, d'une communauté politique territoriale, autour de la majorité francophone.

La crise d'Oka-Kanasatake, en 1990, ne fit qu'aggraver les problèmes en éveillant dans l'opinion des mouvements hostiles aux Autochtones et en condamnant à l'avance toutes les initiatives politiques qui pouvaient être perçues comme des concessions. En fait, bien qu'il soit encore trop tôt pour en juger vraiment, il semble bien que la « méthode Chevrette », du nom du bouillant ministre responsable des Affaires autochtones dans le gouvernement Bouchard, soit la première inflexion véritable de la politique québécoise depuis trente ans. Mais comme on le verra, cette nouvelle approche consiste pour une grande part à calquer le comportement traditionnel du gouvernement fédéral, notamment dans le règlement à la pièce des différends, plutôt qu'à résoudre les problèmes à coup de déclarations emphatiques et de politiques ambitieuses2 ] .

Notre analyse va s'appliquer en priorité aux relations politiques qu'entretiennent les peuples autochtones et le gouvernement du Québec, avec l'objectif de faire progresser la compréhension du cadre et des règles qui conditionnent ces relations. Il est sûr que les catégories se confondent souvent et que les rapports de l'État québécois avec les Autochtones ressortissent autant à l'économie, à la culture et au droit qu'à la politique proprement dite. Mais l'ignorance mutuelle dans laquelle se sont longtemps tenues les deux parties, s'ajoutant à l'influence quotidienne et sans partage du pouvoir fédéral, a tout de même limité le nombre et l'étendue des relations non politiques, à l'exception des groupes autochtones « conventionnés ». À l'inverse, parce que les revendications autochtones ont parfois menacé les intérêts territoriaux et constitutionnels du Québec, ou parce que certaines visées québécoises ont touché aux droits ou aux privilèges des peuples autochtones, les relations politiques furent généralement placées au-dessus des autres questions. Il est donc légitime de centrer la réflexion sur ces relations particulières, ou sur les aspects plus politiques des autres relations, afin d'en suivre le développement et d'en montrer la trame.

Cela dit, cette étude n'aurait guère d'intérêt si elle se proposait seulement de faire l'histoire de la politique autochtone au Québec -- d'autres publications remplissent déjà cet office3 ] . Les relations politiques entre les Autochtones et le gouvernement du Québec offrent aussi un cas propice à l'étude des processus par lesquels des acteurs appartenant à des sociétés ou des cultures différentes perpétuent des conflits ou des désaccords en dépit de leurs appels mutuels et répétés à la collaboration, à la concertation et au règlement définitif de leurs querelles. Nous nous proposons de montrer ici le caractère équivoque de certains rapports inter-culturels et d'indiquer comment les difficultés qui leur sont associées, loin de disparaître au fil des échanges entre les acteurs, peuvent demeurer inchangées, voire s'intensifier.



Le régime autochtone québécois

Longtemps après le premier voyage de Jacques Cartier, en 1534, l'occupation du territoire québécois ou canadien par des Européens ou leurs descendants demeura plus symbolique que réelle. Une grande part de la confusion qui se manifeste aujourd'hui dans les tribunaux canadiens trouve d'ailleurs sa source dans la profusion de symboles au moyen desquels les puissances européennes tentèrent jadis de s'approprier par le discours ce dont elles ne pouvaient s'assurer par la voie des armes ou de la colonisation : traités, proclamations, promesses et monopoles, déclarations de toutes sortes affirmant la suprématie des uns ou la soumission des autres4 ] . Dans la grande fiction du droit public canadien, tous ces petits et ces grands mensonges ont pris une importance considérable, car ils justifient la continuité du pouvoir, au travers des conquêtes et des constitutions. Même chez les Autochtones, alors que ces différents instruments juridiques n'eurent en leur temps que des effets très limités, on fait mine de croire maintenant en leur importance solennelle, quitte à inventer un monde où les rois de France et d'Angleterre, qui se souciaient des Indiens comme d'une guigne, traitaient avec eux d'égal à égal et les appelaient « mon cousin ».

La Nouvelle-France ne fut pas précisément ce qu'on appelle un succès. Le régime seigneurial limita la colonisation et freina l'initiative économique en transposant sur les rives du Saint-Laurent ce qu'il y avait de plus étouffant en métropole : la hiérarchie, les privilèges, l'enracinement forcé. En dehors du Québec, comme on le sait bien, la présence française sur le continent américain s'affirma surtout par le truchement de quelques voyageurs et des Indiens ; à l'image des Inuits de la fin du xxe siècle, qui doivent incarner la souveraineté canadienne sur la frontière arctique du pays, les Autochtones permettaient l'expression de la suprématie française sur les territoires convoités. Cependant, ni les contacts, ni les échanges, ni les alliances, ni les mariages ne pouvaient faire une politique autochtone, bonne ou mauvaise. Si les pères jésuites n'avaient inventé le modèle de la « réduction » pour rassembler en villages certains groupes autochtones, préfigurant ainsi le système des réserves dans toute son ambiguïté, l'héritage français en cette matière serait bien peu de chose5 ] .

L'héritage britannique est beaucoup plus important, car il correspond à l'occupation effective du territoire canadien et à l'inexorable dépossession des Autochtones. On dit que tout a commencé par la Proclamation royale du 7 octobre 1763, qui fixait les droits et les devoirs respectifs de chaque composante de l'ordre politique dans l'Amérique du Nord britannique avec l'objectif de réduire les tensions entre le pouvoir colonial, les colonies nouvelles (dont le Québec) et les nations autochtones. Il est sûr que le régime qui se mit en place limita sévèrement les interactions entre les Autochtones et la population issue de la colonisation et de l'immigration. Les Indiens qui ne pouvaient être refoulés dans des réserves furent contenus dans des territoires inaccessibles. Le pouvoir central concentrait aussi entre ses mains tout ce qui concernait les affaires autochtones, de la question des terres à la question des moeurs. Il paraît que la Couronne voulait ainsi les protéger contre la cupidité des colons et des administrations locales. C'est possible. Mais il s'agissait aussi de les utiliser pour asseoir et préserver le pouvoir central menacé par la fragmentation des colonies et l'incroyable force économique et sociale qui se manifestait en leur sein. De toute manière, il apparut rapidement que le régime imposé aux Autochtones visait à maintenir leur subordination aux autorités de Washington ou d'Ottawa, en réserve d'une quelconque politique nationale, quitte à pénétrer la vie des individus et des groupes d'une manière aussi absurde qu'insupportable.

Tant que la vie politique autochtone est restée à distance de la vie politique des autres Canadiens, dans la théorie et dans la pratique, il a été possible d'ignorer les questions de ce genre. Mais depuis le faux-pas du gouvernement fédéral, en 1969, qui proposa ni plus ni moins de liquider la tradition autochtone canadienne en imposant une assimilation que des siècles de répression n'étaient pas parvenus à réaliser, les revendications formulées par les Indiens ou les Inuits ont été prépondérantes dans le débat politique -- de concert avec les revendications du Québec. Les autorités québécoises elles-mêmes ont souvent agi en réaction aux pressions et aux demandes venues des collectivités ou des associations autochtones. La création de la Commission (québécoise) de négociation des affaires indiennes, en 1970, ou les positions adoptées en 1971 par la Commission d'étude sur l'intégrité du territoire du Québec sont la conséquence directe des réclamations de l'Association des Indiens du Québec dans les années qui précèdent. Les deux grandes conventions des années 1970 font suite aux démarches des Cris et des Inuits devant la Cour supérieure du Québec pour faire échec au développement unilatéral du territoire nordique. Même les éléments fondamentaux de la politique autochtone du Québec que sont les Quinze principes de 1983 et la motion de reconnaissance des droits autochtones de 1985 font d'abord écho à des documents présentés au gouvernement ou à l'Assemblée nationale par des groupes autochtones6 ] . En fait, depuis la fin des années 1960, les Indiens ou les Inuits ont un rôle ambigu dans le système politique québécois : acteurs essentiels quand il s'agit de « haute politique » autochtone, notamment sur le front des principes, ils sont souvent relégués à la marge du processus de décision dans des champs d'activité concrets comme l'énergie ou l'aménagement du territoire.

Pour être juste, ajoutons que l'appareil administratif que le Québec a mis en place progressivement pour traiter les dossiers autochtones s'inscrit dans une stratégie différente, qui permet peut-être d'envisager une autre approche des rapports politiques avec les Indiens ou les Inuits. Le Secrétariat québécois aux affaires autochtones (SAA), formé en 1987 à même les dépouilles d'organismes plus traditionnels, est en effet une structure légère, proche des centres de décision au coeur de l'État, et qui conçoit son rôle entre celui d'un haut commissariat habilité à conduire les affaires entre nations d'une même communauté politique et celui d'un service général de coordination et de planification des interventions, profitant à toutes les branches du gouvernement. L'existence du SAA témoigne de la capacité du Québec à rompre avec la démarche tutélaire qui a longtemps caractérisé l'action du gouvernement fédéral, en évitant la création d'un ministère dont les Autochtones eussent été les dépendants autant que les bénéficiaires7 ] .

Le gouvernement québécois avait d'ailleurs pris l'habitude de traiter avec l'une ou l'autre des onze nations autochtones, quand il s'agissait de questions « politiques », et de confier aux ministères sectoriels le soin d'échanger avec les communautés de base, quand il s'agissait de problèmes fonctionnels ou techniques.

Ce qui est plus discutable, cependant, c'est la tendance à n'emprunter la voie politique que dans les occasions où il importe de pacifier rapidement les rapports avec les peuples autochtones, pour des raisons de haute ou de basse stratégie auxquelles les Indiens ou les Inuits sont rarement associés. L'adoption par le Conseil des ministres du Québec, en février 1983, des 15 principes qui reconnaissent les nations autochtones, et la résolution subséquente de l'Assemblée nationale sur ce thème, en mars 1985, sont des gestes d'une telle inspiration. D'abord, il est facile de trouver dans ces deux textes des signes de rigidité -- le rappel solennel de l'intégrité territoriale ou celui de la suprématie des lois du Québec, par exemple, qui étaient fort irritants pour des communautés qui tentaient de circonscrire leur part de souveraineté. Ensuite, il peut sembler que le gouvernement québécois manifestait ici sa volonté d'isoler les peuples autochtones et la population majoritaire dans leurs différences réciproques, au nom de la culture et de l'identité. Ainsi, quand le Québec reconnaissait « le droit [des nations autochtones] de se gouverner sur les terres qui leur sont attribuées », il présumait à la fois de l'assise des futurs gouvernements autochtones et des limites de leurs pouvoirs, sans s'arrêter un instant sur l'influence qu'exercent les relations d'échange entre les communautés. On était loin d'une formule permettant à chacun d'assumer à sa manière propre « sa part de responsabilité dans la société élargie », selon la belle formule des leaders inuits du Nunavik8 ] .




La question de l'identité

D'après les chiffres officiels, il y aurait au Québec à l'heure actuelle un peu plus de 65 000 Autochtones, mais ce calcul est approximatif comme c'est souvent le cas au Canada. Onze nations amérindiennes, dont la taille varie entre 400 et 13 000 personnes, sont représentées sur le territoire de la province, en plus des quatorze villages inuits situés sur les rives de la baie d'Ungava et de la baie d'Hudson9 ] . Contrairement à ce qui se passe en Ontario ou dans les provinces de l'Ouest canadien, la majorité des Indiens et la presque totalité des Inuits résidant au Québec vivent dans des réserves ou dans des communautés désignées où il leur est plus facile de conserver culture et croyances qu'en milieu urbain. Il est aussi important de savoir que les Autochtones ont été longtemps majoritaires dans les portions du territoire québécois qui correspondent à l'ancien « pays indien » et à la Terre de Rupert, concédés à la province de Québec en 1898 et en 1912, et qui comprennent toutes les terres situées au nord de la colonie conquise à la France par l'Angleterre en 1760. Dans cet environnement singulier, loin du marché et de l'État, les sociétés indigènes ont souvent été capables de préserver leur mode de vie, tout en utilisant les échanges avec le Québec méridional pour accroître leur maîtrise du milieu naturel10 ] . D'autres groupes autochtones, plus exposés à l'influence de la population québécoise, ont utilisé leur statut distinct de « citoyens fédéraux » pour arriver au même résultat et conserver, avec plus ou moins de succès, des valeurs particulières.

Or c'est justement la question de l'identité qui imprime à la communication entre les Autochtones et les Québécois son caractère le plus difficile et le plus déroutant. On peut même se demander s'il n'est pas inscrit dans une fatalité que les particularismes culturels débouchent sur des projets rivaux de construction nationale, avec leur part inévitable de combats pour le pouvoir et de confrontations plus ou moins rituelles. D'un côté, la réussite, au Nouveau Monde, d'une véritable société francophone, vigoureuse et distincte, a satisfait une grande partie de la population québécoise qui s'irrite facilement des réticences exprimées par d'autres minorités à l'endroit de ses efforts d'affirmation. De l'autre, dans les collectivités autochtones, l'ancienne résignation a fait place à un large sentiment d'appartenance : la fierté d'être indien, inuit ou métis déborde l'attachement à une bande ou à un village11 ] . Les deux groupes saluent aussi l'héritage, au coeur de l'histoire, d'un noyau de valeurs et de traits primordiaux, auxquels ils attribuent chacun leur survie dans la défaite et devant l'encerclement : la langue, le territoire, le mode de vie, l'organisation sociale, les croyances, etc. En manipulant l'un ou l'autre de ces « caractères ethniques », il est sûr que les élites de chaque communauté peuvent susciter l'inflation de symboles identitaires opposés, comme l'atteste une longue suite d'incidents passés.

Mais les schémas culturels ne forment pas un simple réservoir de coutumes, de symboles ou de fables, dont les leaders pourraient disposer à leur guise. Ils participent aussi d'un sentiment plus « intérieur », qui remonte à la surface dans certaines attitudes ou dans certaines conduites. Lorsqu'un groupe autochtone accuse les autorités québécoises de transgresser des règles à l'encontre des droits humains ou de la nature, il s'agit autant d'une volonté d'identification culturelle, manifestée par l'exercice public du jugement moral, que d'une revendication politique ou sociale. La même chose vaut pour les remontrances que le gouvernement du Québec adresse parfois aux communautés autochtones pour leur attitude à l'égard de l'ordre public : bien que les infractions reprochées aient souvent des conséquences infimes, elles mettent en cause une certaine idée du fonctionnement de la justice -- l'égalité devant la loi --, que les citoyens d'une démocratie placent au coeur de leur identité. Le processus s'apparente à celui que Charles Taylor associe à l'évaluation forte, un mécanisme par lequel les bénéfices attendus d'un comportement ou d'un rapport social sont confrontés à un cadre intellectuel et moral, au lieu de n'être estimés que sur la base de l'intérêt immédiat, et qui contribue à forger notre identité :

Notre identité est définie par certaines évaluations qui sont indissociables de notre faculté d'agir. Si on nous en privait, nous cesserions d'être nous-mêmes, ce qui ne veut pas dire que nous serions différents, dans le sens trivial de manifester de nouveaux attributs -- c'est le cas après tout changement, même le plus petit --, mais que si on nous en privait, nous perdrions la faculté d'agir et d'évaluer nos actes ; en dehors des horizons ouverts par ces évaluations, notre existence en tant que personnes deviendrait intenable et, de ce fait, notre capacité individuelle de faire nôtres certains jugements serait affaiblie ; nous serions des individus brisés, incapables d'être des personnes à part entière12 ] .

Dans cette perspective, il est probable que les structures de pensée propres aux différentes communautés se manifestent moins souvent dans une idéologie ou un programme que dans une multitude d'évaluations et de valorisations concrètes, car celles-ci donnent l'occasion aux individus d'éprouver directement leurs convictions, leurs jugements de valeur et leurs priorités. En d'autres mots, même si le Québec et les Autochtones peuvent à l'occasion s'affronter sur un plan technique, comme celui des compétences ou des indemnités, il leur est surtout difficile de s'entendre sur le plan des convictions et des valeurs : au-delà des rivalités « nationales », le lieu du conflit réside dans l'usage même de l'évaluation, qui est comme la face objective et pratique de l'identité.

Ce n'est pas tout. L'identité est un besoin si pressant pour les individus ou les groupes que l'origine particulière des attributs revendiqués compte moins que le sentiment qu'ils procurent de fonder une différence. Les Québécois francophones, qui ont acquis leurs principales institutions politiques au contact du conquérant britannique, avec d'autres éléments de leur vie sociale et de leur culture matérielle, se prévalent ainsi à bon droit de la fermeté de leur esprit démocratique ou de l'originalité de leur patrimoine. D'une façon similaire, les Indiens ou les Inuits qui participent à l'univers technique nord-américain ou dont le régime politique imite depuis un siècle les institutions municipales canadiennes ne perçoivent pas nécessairement ces éléments étrangers comme des sources d'acculturation ou d'anomie : l'essentiel est que ces éléments puissent s'accorder avec leurs valeurs de référence -- on songe aux outils et à certaines pratiques entourant la chasse, où les rôles et les rituels ont incorporé les armes à feu, les véhicules à moteur et les transformations du régime alimentaire. Au regard de la société d'accueil, l'assimilation des emprunts est si complète et si profonde qu'ils deviennent indissociables de l'identité du groupe.

Certes, la nature inégalitaire des rapports entre les sociétés autochtones et les populations issues de la colonisation et de l'immigration complique la situation qui ne se réduit pas à la libre concurrence de deux modèles culturels. Les groupes dominants ne veulent pas seulement triompher sur le terrain de l'économie, de la technique ou de l'autorité ; il leur faut aussi imposer leur hiérarchie des valeurs. L'identité autochtone ne s'exprime donc pas dans une sphère autonome où les individus n'auraient qu'à être « eux-mêmes », en pleine possession des moyens qui leur permettent d'exercer leur jugement et d'affirmer leur différence. Au contraire, il y aura des gens pour se demander si la notion même d'identité offre assez de pertinence pour décrire la réalité autochtone, tant la relation entre l'individu et sa culture leur paraît faussée par la pratique d'un « double jeu » : ce sont quelquefois les codes de la société indigène qui dominent, plus ou moins dégradés par la répression et la modernisation forcée ; mais le plus souvent, ce sont les codes occidentaux, dans toute leur efficacité et leur âpreté. On devrait même conclure à la dénaturation progressive des manières d'être autochtones au profit de ces manières de faire, imposées par le changement et la modernité, qui poussent à dissimuler de vrais objectifs économiques ou politiques sous le déguisement de la conservation culturelle ou des droits des peuples. L'explication par la culture ou l'identité aurait alors perdu toute pertinence.

Pour avoir des raisons d'en douter, il faudrait établir que l'identité autochtone ne se réduit pas à quelques traditions locales noyées dans une mer de croyances et de pratiques empruntées à notre civilisation, et qu'elle reflète bien les exigences de sociétés qui sont encore partiellement étrangères à nos façons de penser. Mais c'est une tâche difficile. Plusieurs systèmes de pensée autochtones, affaiblis par les destructions opérées au cours des siècles ou dépassés par l'augmentation des besoins vitaux, ont conservé si peu de leur cohérence originale qu'ils se manifestent surtout comme des potentialités : à peine une résistance, une hésitation, avant de céder devant la raison du plus riche -- nous savons de longue date que les sociétés indigènes ne sont pas « extérieures au développement occidental ou restées indifférentes devant lui13 ]  ».

Il faut donc se limiter à corriger les défauts d'un manichéisme assez répandu, qui consiste à caractériser notre monde au moyen de catégories dont la connotation est généralement favorable, et à assigner aux collectivités autochtones les termes négatifs correspondants ; de sorte que nous opposons le pouvoir et l'anarchie, l'autonomie et la dépendance, la modernité et la tradition, l'ordre public et le dérèglement. Toutes ces notions sont destinées à trahir ceux qui veulent les utiliser, car elles ne sont pas plus efficaces pour masquer la pauvreté, la violence ou la superstition qui existent dans nos rangs, que pour nous empêcher de voir ce qui subsiste de liberté, de capacité d'invention et de mouvement dans les communautés autochtones.




La question constitutionnelle

Pour donner une idée exacte de la politique autochtone du Québec à la fin des années 1980, il faut d'abord se placer sur le terrain de la réforme constitutionnelle. Dans les années qui précédaient, les peuples autochtones avaient vu s'ouvrir l'horizon d'une grande entreprise, dans la continuité du rapatriement de 1982 : s'inscrire dans l'ordre institutionnel canadien, au moyen d'amendements à la Constitution assurant l'existence de gouvernements autonomes, détenteurs de pouvoirs exclusifs et concrets. Cet objectif était au faîte des revendications exprimées à travers le Canada par les organisations autochtones ; il semblait découler naturellement des gains (réels ou symboliques) obtenus à chaque négociation nationale entre Autochtones et gouvernements, notamment lors des conférences constitutionnelles de 1983-1987. Du côté autochtone, en fait, nul ne doutait que de tels pourparlers puissent un jour aboutir, malgré les tergiversations du gouvernement fédéral, les marchandages des provinces et les préventions de l'opinion.

Or, à cet égard, rien ne se déroula comme on s'yattendait. Les représentants autochtones, estimant que la solidité des institutions issues du rapatriement de 1982 reposait sur leur participation au règlement des différends constitutionnels, réclamaient une influence politique en rapport avec leur situation juridique. Mais en dépit de leurs avances ultérieures, le gouvernement fédéral et les provinces choisirent plutôt de conclure dans l'isolement l'Accord du lac Meech, destiné à permettre l'adhésion du Québec à la constitution de 1982. La suite ne tarda pas à venir : les leaders autochtones se mobilisèrent contre l'accord et le traitement particulier des revendications du Québec14 ] . Forts d'appuis sûrs dans la classe politique canadienne, particulièrement au sein du Parti libéral du Canada, ils contribuèrent à entraver l'action des artisans de Meech, d'une extrémité à l'autre du pays. C'est même à un député autochtone du Manitoba, Elijah Harper, que revint symboliquement la tâche de mettre à mort l'entente de 1987, en empêchant son adoption par l'Assemblée législative de sa province.

Habile à tenir compte des leçons de l'expérience, le premier ministre canadien de l'époque, Brian Mulroney, résolut de procéder d'une manière différente. À Charlottetown, en 1992, il convia, sur un pied d'égalité, les représentants autochtones et le Québec, en même temps que les autres leaders provinciaux, dans une tentative de règlement global des difficultés constitutionnelles issues de la crise du rapatriement. Un accord s'ensuivit, qui reçut l'aval des chefs autochtones -- ils y gagnaient beaucoup -- et des autorités québécoises -- elles y perdaient un peu en comparaison de Meech, mais semblèrent s'accommoder des offres qui leur étaient faites15 ] . Soumise au test d'un référendum national, l'entente de Charlottetown fut néanmoins rejetée par la majorité de la population canadienne, y compris dans les communautés qu'on visait précisément à rallier au fédéralisme rénové : les Autochtones et les Québécois s'opposèrent à l'entente pour des motifs différents. Dans les communautés autochtones, en effet, on manifesta beaucoup de crainte devant une formule politique et institutionnelle qui brisait les liens personnels et directs unissant les individus au gouvernement central, au bénéfice d'autorités locales dont on ne savait pas grand-chose, sinon qu'elles risquaient de perpétuer le pouvoir des administrations en place. Au Québec, comme on le sait bien, l'entente fut perçue par l'opinion comme une solution bâtarde, aussi mal adaptée aux besoins du fédéralisme canadien qu'aux aspirations de la majorité francophone.

Ceux qui ne connaissent pas la réalité québécoise et canadienne peuvent être surpris de la difficulté des deux groupes à se coaliser face aux autres acteurs constitutionnels : les champions du changement contre ceux de l'ordre établi. Mais les expériences de Meech et de Charlottetown ont montré qu'il existait un fossé entre les attentes des leaders autochtones, qui cherchent surtout à participer à l'exercice du pouvoir central, et celles des dirigeants québécois, qui tiennent d'abord à préserver, sinon à élargir, le champ d'action de leur politique. Ces différences vont apparaître de façon manifeste lors des audiences de la Commission royale sur les peuples autochtones, d'une part, et des différentes commissions québécoises sur l'avenir constitutionnel de la province, d'autre part, pendant la première moitié de la décennie 1990.

Établie dans la foulée de la crise d'Oka, la Commission royale d'enquête sur les peuples autochtones (1991-1996) était coprésidée par un spécialiste francophone du droit administratif, le juge René Dussault, et par un ancien grand chef de l'Assemblée des Premières Nations, George Erasmus, bien connu à l'époque pour ses positions hostiles à toute expression du nationalisme québécois. En dépit de ce qu'on pourrait croire, le mandat initial de la Commission ne fut pas dominé par les questions suggérées par les affrontements de l'été 1990, mais bien par le projet constitutionnel du Parti conservateur au pouvoir à Ottawa. Avant d'instaurer les institutions gouvernementales autochtones autonomes, il convenait en effet de les définir et d'en justifier l'existence aux yeux de l'opinion. Pour dire les choses autrement, il s'agissait de trouver un fondement juridique et socio-politique aux promesses contenues dans l'entente de Charlottetown. Après l'échec du référendum, et malgré le désaveu des positions adoptées par les représentants autochtones aux discussions constitutionnelles, la Commission ne s'éloigna pas de cette voie. Jusqu'à la publication de son rapport final à la fin de 1996, elle contribua donc à renforcer l'idée, chez les Autochtones, que leur participation aux institutions politiques canadiennes était possible et souhaitable, en faisant abstraction de tous les autres problèmes que pose la rénovation du fédéralisme.

Au Québec, pendant la même période, les gouvernements successifs du Parti libéral et du Parti québécois s'engageaient dans une réflexion plus ou moins systématique sur l'avenir de la province et sa place dans le Canada, par le biais de commissions publiques chargées d'entendre les avis des experts et de l'opinion : Commission Bélanger-Campeau, commissions nationales et régionales sur l'avenir du Québec ou son accession à la souveraineté. Les témoignages qu'y firent les chefs autochtones du Québec et du Canada furent habituellement accueillis avec consternation -- on pense surtout à l'intervention dans laquelle Ovide Mercredi, le successeur de George Erasmus à la tête de l'Assemblée des Premières Nations, déclara que « les Québécois ne formaient pas un peuple16 ]  ». Les accusations répétées de racisme ou même de génocide et les revendications territoriales spectaculaires de certains groupes autochtones furent d'ailleurs reçues froidement par la classe politique et par les médias, qui ne firent pas toujours preuve de grand discernement en ces matières, faute de préparation et d'information. Les commissions recueillirent aussi l'avis de plusieurs spécialistes reconnus dont l'opinion marqua les conclusions finales des commissaires, mais qui pesèrent assez peu sur la politique gouvernementale.

Le contenu de l'article 3 de l'Avant-projet de loi sur la souveraineté du Québec, déposé par le gouvernement de Jacques Parizeau, en 1994, pour préparer le référendum québécois, fournit une démonstration de ce qui précède. Alors que les recommandations des experts et les conclusions des commissions laissaient croire que le Québec allait reprendre à son compte l'essentiel des obligations du gouvernement fédéral à l'endroit des Autochtones, y compris les promesses d'autonomie gouvernementale, les autorités souverainistes choisirent plutôt une formule qui reprenait les fameux Principes de 1983-1985, en insistant sur les limites (territoriales) de l'autonomie autochtone et sur l'intégrité des frontières du Québec :

Elle [la nouvelle constitution du Québec] doit également reconnaître aux nations autochtones le droit de se gouverner sur des terres leur appartenant en propre. Cette garantie et cette reconnaissance s'exercent dans le respect de l'intégrité du territoire québécois.

Pour être juste, ajoutons que le renvoi du gouvernement fédéral devant la Cour suprême à propos de l'accession du Québec à la souveraineté -- le dernier acte du débat constitutionnel canadien -- s'est conclu, en 1998, d'une façon qui va dans le sens de la position officielle du Québec à l'endroit des Autochtones plutôt que dans le sens des avis formulés par les experts dans les années précédentes. La Cour suprême refusa de reconnaître aux peuples autochtones résidant sur le territoire québécois une sorte de droit de veto sur une éventuelle sécession du Québec, se contentant d'opiner que leurs intérêts devraient être pris en compte lors d'éventuelles négociations entre les autorités canadiennes et les autorités québécoises. Il y a loin de cette position à la thèse « partitionniste » des Mohawks ou des Cris encouragés par plusieurs spécialistes des questions constitutionnelles.




La question de la violence

Il y avait eu des affrontements entre Autochtones et policiers québécois avant la crise d'Oka-Kanesatake de l'été 1990, mais il s'agissait toujours de questions dont l'importance pour la population majoritaire demeurait assez marginale : droits de pêche commerciale, braconnage, utilisation des parcs, etc. Il y avait eu des querelles au sujet du territoire entre l'État québécois et certaines collectivités autochtones, dont les Cris de la baie James. L'affaire de la pinède d'Oka, pendant laquelle « le Québec joua sa réputation internationale pour un terrain de golf 17 ]  », transforma toutefois les perceptions mutuelles de chacun des groupes d'une manière aussi profonde qu'irréversible.

Aux Autochtones, elle apprit que l'action directe pouvait conduire à des gains politiques aussi importants que ceux qui viennent de la négociation ou du recours aux tribunaux18 ] . Elle leur apprit aussi que les pouvoirs publics ne feraient pas grand- chose pour leur éviter l'hostilité ou le racisme qui pouvaient se manifester dans la population majoritaire ; dans les communautés autochtones du Canada, encore aujourd'hui, personne n'a oublié les scènes de lapidation des derniers jours de la crise ou les mannequins indiens pendus ou brûlés en effigie pendant les manifestations « blanches » -- l'habitude de distinguer entre « Blancs » et Autochtones, qui s'était perdue depuis longtemps, se généralisa d'ailleurs pendant cette période.

En retour, dans la population majoritaire, et surtout chez les francophones vivant en milieu urbain, la crise d'Oka transforma l'image des Autochtones. En 78 jours -- les barricades mohawks furent érigées le 11 mars 1990 et démantelées le 26 septembre suivant --, on passa d'un vague sentiment de sympathie à l'égard d'une population inoffensive à l'expression ouverte d'une certaine malveillance, souvent marquée au coin par le mépris ou la haine raciale. Dans les médias, les populations amérindiennes furent volontiers représentées comme des sociétés parasites, vivant dans une sorte d'anarchie criminelle. Au moment du recours à l'armée canadienne, en août 1990, le premier ministre Bourassa fit d'ailleurs officiellement écho à cette interprétation, en déclarant que les Mohawks ne pouvaient « choisir les lois sociales qui leur donnent des avantages, choisir les lois fiscales qui leur donnent des avantages, mais refuser les lois de l'ordre public ».

Un des aspects les plus révélateurs de cette crise, lorsqu'on tente de la considérer avec un peu de recul, est l'importance accordée à des phénomènes tels que la contrebande ou le banditisme, dans un dossier où les questions d'organisation territoriale ou politique étaient pourtant prédominantes : la reconnaissance des droits territoriaux autochtones dans la Seigneurie de Deux-Montagnes, par exemple, était une question vieille de plus d'un siècle ; de même la légitimité des structures administratives créées en vertu de la Loi sur les Indiens, dans la perspective d'une résurgence des modes de gouverne traditionnels chez les Mokawks (Longue Maison, sociétés de guerriers, mères de clan, etc.).

Dans le monde, comme on le sait bien, plusieurs sociétés minoritaires ont pratiqué la contrebande pour des raisons où la recherche du profit se mêlait à la contestation du pouvoir. Dans l'histoire, plusieurs sociétés pauvres ont vu éclore en leur sein des formes plus ou moins élaborées de banditisme « social », sans qu'il soit toujours possible de bien distinguer entre les différentes fonctions remplies par les organisations criminelles, du maintien des hiérarchies locales à la redistribution des richesses. Au lieu de s'étonner de tels phénomènes chez les Mohawks, où leur émergence n'a rien d'exceptionnel, sociologiquement parlant, il faut donc plutôt s'interroger sur les valeurs affichées par la population québécoise dans ses évaluations de la crise d'Oka, qui en disent long sur la culture politique ambiante : identification des Autochtones à un groupe étranger manipulé par les ennemis du Québec ; colère devant les interventions extérieures faites au nom des droits de l'homme ou de la démocratie ; difficulté à se percevoir comme un groupe majoritaire qui tente d'imposer ses valeurs et ses perceptions, etc.19 ]

La crise du « pot » de 1995 à Kanesatake et les querelles incessantes entre l'État québécois et les commerçants autochtones de la périphérie de Montréal et de Québec au sujet de la contrebande des cigarettes et de l'essence vont d'ailleurs prolonger le climat de l'été 1990 pendant les années qui suivront. L'attitude de l'État québécois, qui se refusera longtemps à accorder son discours et ses actes, soit pour réprimer, soit pour reconnaître la « différence » autochtone, est finalement assez singulière. Du point de vue de la légalité, certes, l'autorité du Québec est restée indiscutable, mais en réalité, le pouvoir n'a pu s'accommoder de la situation que par une série d'équivoques et de compromis que l'opinion lui reprochera sans cesse.




La question du territoire

Dans les questions criminelles, la justice passe par la protection des personnes et la sûreté de leurs biens -- les populations autochtones ne font pas exception et se plaignent autant d'être négligées par les forces de police « blanches » que d'être victimes de leur zèle. Mais dans les autres différends qui opposent le gouvernement du Québec et les peuples autochtones, la question ne se tranche pas avec la même facilité, particulièrement quand il s'agit de ressources et de territoires.

Comme les frontières de toute ancienne colonie européenne, les frontières du Québec sont issues des considérations de partage entre les puissances coloniales ou de commodités administratives. Au tournant des années 1970, une commission d'enquête présidée par le géographe Henri Dorion avait insisté pour que soient promptement résolues les incertitudes juridiques portant sur la propriété du sol et des ressources dans le Nord québécois, avant que ne commencent le développement et l'occupation effective du territoire20 ] . Il était clair que les Autochtones qui résidaient là avaient des droits qui leur venaient non seulement de la coutume ou de l'usage, mais encore de garanties formelles contenues dans des textes engageant solennellement la Couronne ou ses mandataires. Comme on l'a vu, le gouvernement emprunta à la Commission Dorion la formule de l'« intégrité territoriale », qui devint un des piliers de sa politique autochtone, mais il négligea de suivre les recommandations qui découlaient de ce concept et qui supposaient que l'activité économique soit accordée avec le droit et la politique.

La première querelle, en 1973, porta sur les droits des Cris dans le territoire de la baie James, où Hydro-Québec se préparait à des aménagements majeurs. Cette dispute fut rapidement conclue grâce aux grandes « conventions » entre Québec et les Autochtones. Mais ces longs documents tenaient à la fois du traité, du contrat de travail et du texte constitutionnel, selon qu'on les considérait à travers le prisme du gouvernement du Québec, d'Hydro-Québec ou des dirigeants autochtones. D'innombrables problèmes d'interprétation allaient donc surgir au fil des ans, jusqu'à empoisonner tout à fait les relations entre le gouvernement québécois et les Cris de la baie James, sans parler d'Hydro-Québec ou de ses filiales21 ] . Qu'il est difficile de s'entendre, quand un partenaire s'imagine qu'il tient une solution définitive à ses problèmes juridiques (en échange de certains avantages ou privilèges, les Autochtones semblaient avoir définitivement cédé leurs droits sur le territoire). Quand un autre partenaire est convaincu d'avoir conclu un contrat en bonne forme, dont il suffirait maintenant d'appliquer les dispositions à la lettre, quitte à en perdre le bénéfice à l'échéance. Quand, enfin, le troisième partenaire est sûr d'avoir conclu un accord politique, qui doit évoluer à mesure qu'évoluent les relations entre les signataires.

Certes, la méfiance passionnée des Cris à l'endroit du gouvernement du Québec n'est pas née avec le développement hydro-électrique de la baie James. Cette attitude a des racines plus anciennes, que certains anthropologues attribuent à l'histoire trouble des contacts entre les Indiens et les voyageurs venus du sud pour le commerce ou pour le pillage. Mais la Convention de la baie James a donné aux vieilles attitudes une dynamique nouvelle, qui vient pour une large part des transformations de la société crie et qui dans le passé ne se compare avec aucune autre : l'enrichissement relatif, l'intégration partielle dans l'univers culturel et commercial nord-américain, l'éclosion d'une élite politique formée au combat politique et juridique. Toutefois, ce n'est pas seulement sous cet angle que les obstacles se sont manifestés. L'activité d'Hydro-Québec a tenu sous hypothèque toute la politique gouvernementale, qui ne disposait pas sur le terrain d'autres moyens de s'informer et d'agir -- c'était encore une conséquence directe des dispositions de la Convention, qui confiait à la société d'État d'incroyables pouvoirs de gestion. Quant aux Cris, ils voyaient dans tout sujet débattu l'intention du Québec de garder une emprise directe sur le territoire ou, pour le moins, des prétextes à y intervenir.

Au milieu des années 1980, Hydro-Québec adopta une politique visant l'exportation aux États-Unis d'au moins 3500 MW22 ] . La société conclut ensuite d'importants contrats d'exportation avec des compagnies américaines. La stratégie était simple : il s'agissait de profiter des besoins à moyen terme des États américains pour financer la construction de nouvelles centrales -- dont un gigantesque projet sur la rivière à la Baleine. En 1985, Robert Bourassa lui-même s'était fait le champion de cette approche dans un livre-manifeste, L'Énergie du Nord, où il tenait un discours centré sur le développement économique et l'intérêt national. Le projet Grande-Baleine était présenté comme la condition nécessaire d'une certaine relance, d'un effort collectif pour assurer au Québec des avantages comparatifs importants dans la compétition économique entre les États. Par la suite, ce discours s'est doublé d'une revendication écologique fondée sur les notions d'économie d'énergie et de développement durable.

Les opposants au projet furent nombreux. Les Cris menèrent un rude combat pour la préservation du territoire nordique, au nom de l'affirmation de leur souveraineté et de la protection de leur identité culturelle. Ils profitèrent de toutes les tribunes internationales pour dénoncer l'attitude du Québec, de Genève à New York, en passant par Bruxelles et Barcelone, au grand scandale de l'opinion publique québécoise. Les Inuits, concernés de la même façon par les aménagements prévus par Hydro-Québec, ont plutôt cherché à promouvoir leur conception de l'autonomie gouvernementale, fondée sur la rente hydro-électrique et la gestion conjointe des ressources. Quant aux groupes de protestation écologique ou sociale, ils se sont surtout inquiétés de l'attitude d'Hydro-Québec et du gouvernement provincial, soupçonnés de vouloir éviter tout examen en profondeur de la stratégie énergétique du Québec. À partir de 1990, des groupes de pression américains parvinrent à retarder, puis à faire dérailler le projet aux États-Unis. Il fut remis sine die par le gouvernement de Jacques Parizeau, après l'élection québécoise de 1994.

Le cas des Innus ou Montagnais est aussi très représentatif de ce qui sépare Autochtones et Québécois en matière de droits territoriaux, bien que le modèle de la « négociation » entre les deux parties ne ressemble pas à ce qui est advenu à la baie James23 ] . Dispersés entre neuf communautés dont les conditions de vie et les intérêts immédiats peuvent être assez différents, il a d'abord fallu que les Innus commencent par acquérir l'habitude de parler d'une seule voix -- ce qui ne leur fut jamais facile, et qui montre l'artifice de certains processus politiques ou juridiques imposés aux Autochtones. Le Conseil Attikamek-Montagnais, formé en 1975 par les représentants des trois communautés attikamekw du Nord-Ouest québécois et les représentants des communautés innus, n'aura d'ailleurs jamais l'unité ou les capacités stratégiques du Grand Conseil des Cris, sans compter ses moyens financiers ou ses appuis internationaux. Amorcée officiellement en 1979, la négociation avec le gouvernement du Québec et le gouvernement du Canada sera même perturbée par d'innombrables querelles internes, dénonciations ou démissions, qui se solderont finalement, en 1994, par le départ des Attikamekw et la division des communautés innus en deux groupes de négociation, l'un pour la Basse Côte-Nord et l'autre, pour le centre du Québec.

En fait, la négociation territoriale avec les Innus est un exemple parfait d'une relation ratée, séparant des acteurs qui ne sont pas foncièrement hostiles l'un à l'autre au point de départ, mais que la structure politique oblige à s'opposer, l'astuce répondant à la ruse, la mauvaise foi faisant écho au mépris. Dix ans de discussions laborieuses ont été nécessaires pour parvenir à conclure une simple entente-cadre sur l'objet et les limites de la négociation territoriale. Les propositions qui s'ensuivirent furent toutes rejetées par les parties, malgré des tentatives assez audacieuses de part et d'autre. On songe à la formulation par les Innus (1989) ou les Attikamekw (1990) de demandes reflétant les demandes recueillies dans les communautés, à la fois sur le territoire et l'organisation politique ; ou à l'ultime tentative du gouvernement Parizeau, en 1994, pour parvenir à une solution « globale » du problème. L'échec de cette offre fait même sans doute partie des raisons qui ont poussé Guy Chevrette à reconsidérer l'approche du gouvernement en ces matières.

Il ne faudrait pas croire que la question du territoire n'a concerné que les terres nordiques que Québec voulait ouvrir au développement. En 1990, à la grande surprise du gouvernement québécois, la Cour suprême du Canada a reconnu à des collectivités autochtones certains droits territoriaux dans des parties du Québec qui avaient connu la colonisation française et dans lesquelles on croyait que les droits des Indiens étaient strictement limités à leurs terres de réserve24 ] . L'arrêt Sioui élargit la notion de « traité », pour y inclure tous les engagements solennels de la Couronne avec des nations indiennes. Par la suite, dans les jugements rendus en 1996 sur les affaires Adams et Côté, la Cour suprême viendra préciser et protéger les droits « ancestraux » ayant survécu au régime français. Pour dire les choses le plus directement possible, le statut juridique des territoires autochtones faisait désormais en sorte que le pluralisme soit une obligation de fait et de droit.




La question du pouvoir

D'une nature d'abord confidentielle, les gestes de soutien ou d'amitié des Québécois francophones à l'endroit des Autochtones vont prendre un caractère public au moment de la crise de 1990, mais sans atteindre jamais l'ampleur des manifestations de frustration organisées à Châteauguay par les usagers du pont Mercier, bloqué par les Mohawks de Kahnawake entre juillet et septembre. Au même moment, une oeuvre de rapprochement s'effectua dans certaines sphères « progressistes » de la société québécoise : syndicats, Églises, groupes de défense et de promotion des droits humains, associations de juristes ou de scientifiques. C'est d'ailleurs avec leur appui, sinon à leur initiative, que des observateurs de la Fédération internationale des droits de l'homme viendront enquêter sur les affrontements dans la pinède d'Oka, pendant l'été 1990.

L'initiative la plus systématique est venue l'année suivante, à la suite de la formation d'un groupe de réflexion composé de responsables d'organisations autochtones et québécoises, connu sous le nom de Forum paritaire québécois-autochtone. À l'automne 1993, ce groupe publia un manifeste concernant les relations entre la population majoritaire et les peuples autochtones25 ] . Ce texte, qui cherche à préciser les conditions d'une cohabitation paisible et fructueuse entre un Québec souverain et des nations autochtones aspirant à l'autonomie politique, continue à servir de référence à plusieurs groupes politiques et sociaux. Les grands partis politiques québécois feront aussi des propositions d'une inspiration voisine pendant cette période, avec des accents plus ou moins souverainistes selon leur orientation de base26 ] . Même les propositions du ministre libéral Christos Sirros, en 1993, reprenaient l'idée d'un « mécanisme paritaire » pour régler les rapports entre Québécois et Autochtones, avec un souci identique pour le respect des aspirations et des droits « collectifs27 ]  ».

Heureuses ou malheureuses, toutes ces interventions n'eurent toutefois, et ne pouvaient avoir, qu'une importance secondaire. Malgré toutes ses prétentions, le Québec n'est encore nanti d'aucune des prérogatives fondamentales inhérentes à l'exercice de l'autorité sur les peuples autochtones. Cette question est une matière fédérale, comme on l'a dit. C'est donc le gouvernement d'Ottawa, avec ses priorités ou ses réticences, qui impose le rythme auquel chaque dossier évolue. Or, dès l'arrivée au pouvoir de Jean Chrétien, il était possible de sentir un retour à des manières de faire plus traditionnelles, spécialement dans le dossier des revendications territoriales. En 1996, l'accueil réservé au rapport final de la Commission royale sur les peuples autochtones -- comme prévu, les auteurs proposaient une solution « constitutionnelle » aux problèmes aborigènes --, ne dépassa guère le stade des engagements de principe et des vagues promesses. Simultanément, on voyait s'esquisser les grandes lignes de la politique des « petits pas », mise en oeuvre par la ministre fédérale Jane Stewart : règlement des litiges au cas par cas, maintien des structures administratives prévues par la Loi sur les Indiens pour asseoir le cadre de l'autonomie « gouvernementale » autochtone, dévolution vers chacune des bandes des responsabilités de gestion actuellement confiées au ministère des Affaires indiennes.

En 1994, après l'ultime tentative du gouvernement pour régler le dossier des revendications attikamekw et un nouveau report de l'accord général avec les Inuits sur l'autonomie du Nunavik, les autorités québécoises vont elles aussi imprimer une nouvelle direction à leur politique autochtone, sous l'impulsion énergique et discrète du ministre Guy Chevrette. Comme à Ottawa, ce n'est pas tant la rhétorique qui change -- il est encore question de « la prise en charge, par les Autochtones, de leur destinée propre » --, que les méthodes concrètes pour résoudre les problèmes. C'est ainsi que le document de politique rendu public à Québec en avril 1998 laisse la porte ouverte à des négociations visant aussi bien les communautés que les nations autochtones dans leur ensemble, « selon [leurs] propres priorités », en rupture avec l'approche qui prévalait à Québec depuis la fin des années 1970, et qui supposait des rapports de nation à nation28 ] .

Mais la démonstration la plus évidente de la nouvelle approche québécoise est apparue pendant la crise des Micmacs de l'été 1998, au cours de laquelle une querelle sur les droits d'exploitation des ressources forestières aux abords de la réserve de Listuguj (Restigouche) dégénéra en affrontement ouvert, avec barricades, occupation et hommes en armes. Pendant des semaines, malgré les pressions de l'opinion, les maladresses des élites locales et les manoeuvres des principaux leaders autochtones, le ministre Chevrette parvint à contenir le conflit dans les limites d'un problème régional, jouant des divisions internes chez les Indiens micmacs pour empêcher tout débordement vers les questions d'envergure nationale, à l'inverse de ce qui s'était produit à Oka. Les partis d'opposition crièrent au scandale et Mario Dumont appela même à une intervention militaire, mais il est clair que la méthode Chevrette a bien fonctionné en contenant les discussions à un niveau où il était possible d'aboutir à une solution : la communauté micmac de Listuguj et ses voisins immédiats.

La même attitude inspire aujourd'hui les discussions avec les Inuits -- encore l'accord sur l'autonomie du Nunavik... -- et la reprise des discussions avec les Cris. Elle devrait aussi permettre de progresser dans des dossiers techniques importants, comme la gestion de la politique familiale ou l'administration de la justice29 ] . Le problème est que cette recherche systématique de l'efficacité dans la gestion de la politique autochtone, si elle est évidemment favorable aux intérêts généraux de l'État, n'apporte pas nécessairement de réponse aux questions qui se posent depuis deux décennies, notamment à la question du développement politique et social des Autochtones vivant au Québec. Sans perspectives économiques en dehors de l'exploitation des ressources et du tourisme, il manque aux communautés amérindiennes un véritable élément de vitalité pour participer aux échanges à l'échelle du pays, du continent et, a fortiori, du monde. Dans le domaine politique, au-delà des attitudes de propagande, les institutions font défaut pour assurer la conduite des affaires publiques et la préservation des intérêts particuliers des collectivités autochtones, tout en permettant aux rapports communs de s'épanouir, entre communautés comme entre individus.

Quelles sont les conditions de rapports plus féconds  ? L'organisation particulière des nations autochtones ne concerne pas le Québec et ne devrait pas faire l'objet d'une politique. Si les peuples autochtones ont le droit de disposer d'eux-mêmes, indépendamment des droits ancestraux ou des jugements des tribunaux, par le seul fait qu'une collectivité humaine, dans la modernité, jouit de ce droit, il appartient aux acteurs, et aux organes qui les groupent, d'orienter et de régler le pouvoir dans chaque nation. Comme on y a insisté, il suffit d'observer dans les communautés autochtones le jeu des dissensions et des alliances pour se persuader que ces sociétés sont des sociétés politiques, au plein sens du terme, et pour n'avoir aucune inquiétude sur leur capacité de développer utilement leur liberté, leur dignité et leur bien-être. Mais il importe d'établir des règles de coexistence entre les sociétés concernées. Comme le supposent depuis longtemps les autorités gouvernementales qui se sont succédé à Québec, la réconciliation avec les peuples autochtones suppose que l'organisation politique devienne le lieu privilégié pour le règlement des litiges :

Le gouvernement du Québec est conscient que la dynamique de négociation d'ententes de responsabilisation et de développement ne réglera pas toutes les préoccupations de nature politique. C'est pourquoi la mise en place d'une commission bipartite en vue de la création d'un lieu politique est proposée. C'est là que pourront être discutées les questions importantes tant pour les Autochtones que pour le gouvernement. Cela permettra, si les leaders autochtones sont d'accord avec la mise en place de ce lieu, de faire avancer le débat politique concernant les Autochtones au Québec, en permettant les contacts entre élus autochtones et non autochtones30 ] .

La forme définitive reste en fait à inventer, mais elle devra satisfaire à une condition minimale : l'institution de gouvernements autochtones qui émanent de la communauté et qui traduisent sa spécificité. Il ne s'agit donc pas d'intégrer les Autochtones dans les institutions euro-canadiennes ou euro-québécoises, mais seulement de rompre avec l'illusion de la fatalité : une souveraineté limitée et partagée ne conduit pas nécessairement les peuples en dehors de l'histoire.




Note(s)

1.  Pour un tour d'horizon récent, voir Pierre-Gerlier Forest, « Les politiques autochtones au Canada », in Manon Tremblay, dir., Les Politiques publiques canadiennes, Sainte-Foy, Presses de l'Université Laval, 1998, p. 265-304. Certains thèmes développés ici ont aussi été abordés dans Pierre-Gerlier Forest, « Les relations politiques entre le Québec et les peuples autochtones depuis la Révolution tranquille », Zeitschrift für Kanada-Studien 16, no 1, p. 80-91.

2.  Voir Michel Venne, « À tâtons avec les autochtones », Le Devoir, 6 avril 1998, a6.

3.  Voir notamment le document produit au début des années 1990 par le Secrétariat aux affaires autochtones, Les Autochtones et le Québec. Le chemin parcouru, Québec, Publications du Québec, 1991 ; Renée Dupuis, Tribus, Peuples et Nations. Les nouveaux enjeux des revendications autochtones au Canada, Montréal, Boréal, 1997 ; Sylvie Vincent, « Le Québec et les Autochtones : trois décennies de rapports politiques », in Pierre Trudel, dir., Autochtones et Québécois. La rencontre des nationalismes, Montréal, Recherches amérindiennes au Québec, 1995, p. 116-125.

4.  André Lajoie, « Synthèse introductive », in André Lajoie, dir., Le Statut juridique des peuples autochtones au Québec et le pluralisme, Cowansville, Yvon Blais, 1996, p. 1-60.

5.  Nous devons cette idée au sociologue Jean-Jacques Simard ; voir notamment « La réduction des Amérindiens : entre l'envers du Blanc et l'avenir pour soi », dans Jean Lafontant, dir., L'État et les Minorités, Saint-Boniface, Éditions du Blé et Presses universitaires de Saint-Boniface, 1993, p. 153-186.

6.  Ces deux textes sont habituellement reproduits dans les documents officiels publiés par le gouvernement du Québec en matière de politique autochtone. La source la plus complète reste cependant une brochure publiée en 1988 par le ministère du Conseil exécutif, sous le titre Les Fondements de la politique du gouvernement du Québec en matière autochtone, Québec, Publications du Québec, 1988.

7.  Le rôle du Secrétariat aux affaires autochtones a été réaffirmé en avril 1998, au moment de l'examen de la politique autochtone par le gouvernement du Québec.

8.  Comité constitutionnel du Nunavik, « Constitution du Nunavik », Recherches amérindiennes au Québec, 19, no 4, 1989, p. 74.

9.  Statistique Canada, « Le Recensement de 1996 : données sur les Autochtones  », Le Quotidien de Statistique Canada, 13 janvier 1998, p. 3. Voir aussi : ministère des Affaires indiennes et du Nord Canada, Région du Québec, Guide des collectivités indiennes du Québec 1995, Ottawa, ministère des Travaux publics et Services gouvernementaux, 1995 ; et Secrétariat aux affaires autochtones, Les Amérindiens et les Inuits du Québec. Onze nations contemporaines, Québec, Gouvernement du Québec, 1997. Le premier tome du Rapport final de la Commission royale sur les peuples autochtones contient des renseignements inestimables sur la démographie et la statistique autochtones au Canada (vol. 1, « Un passé, un avenir », Ottawa, CRPA, 1996, p. 11-29).

10.  François Trudel, « La politique des gouvernements du Canada et du Québec en matière de langues autochtones  », in Jacques Maurais, dir., Les Langues autochtones au Québec, Québec, Conseil de la langue française, 1992, p. 151-182.

11.  Voir Dominique Collin, « Modernité et tradition dans le discours identitaire autochtone », Recherches sociographiques, 35, no 3, 1994, p. 477-504.

12.  Charles Taylor, Philosophical Papers, vol. 1 : Human Agency and Language, Cambridge, Cambridge University Press, 1985, p. 34-35  ; notre traduction.

13.  Claude Lévi-Strauss, Anthropologie structurale deux, Paris, Plon, 1973, p. 368.

14.  Lire l'analyse documentée de Tony Hall : « What Are We ? Chopped Liver ? Aboriginal Affairs in the Constitutional Politics of Canada in the 1980s », in Michael D. Behiels, dir., The Meech Lake Primer : Conflicting Views of the 1987 Constitutionnal Accord, Ottawa, University of Ottawa Press, 1989, p. 423-459.

15.  Alain Bissonnette, « Analyse posthume d'un accord mis à mort », Recherches amérindiennes au Québec, 23, no 1, 1993, p. 80-87.

16.  La déclaration originale était plus nuancée, mais c'est ainsi qu'elle fut rapportée dans les journaux québécois. Voir « Témoignage de Ovide Mercredi, Grand Chef de l'Assemblée des Premières Nations », in Québec, Commission d'étude des questions afférentes à l'accession du Québec à la souveraineté, 11 février 1992, r-1055, p. 2. Voir aussi Assemblée des Premières Nations, Mémoire à l'intention de l'Assemblée nationale, 11 février 1992, p. 5-6 et 10.

17.  Louis Balthazar, conversation personnelle, août 1991.

18.  Geoffrey York et Loreen Pindera, People of the Pines : The Warriors and the Legacy of Oka, Toronto, Little, Brown and Co., 1991. Voir également Gerald R. Alfred, Heeding the Voices of Our Ancestors : Kahnawake Mohawk Politics and the Rise of Native Nationalism, Toronto, Oxford University Press, 1995.

19.  Voir Carmen Michaud, loc. cit., p. 111-117.

20.  Commission d'étude sur l'intégrité du territoire du Québec, Rapport 1968-1972, vol. 4 : Le Domaine indien, Québec, Éditeur officiel, 1971. Voir aussi Henri Dorion et Jean-Paul Lacasse, « La notion d'intégrité territoriale et les problèmes des régions frontière du Québec », Cahiers de géographie du Québec, 18, no 43, 1974, p. 137-157 ; et Henri Dorion, « La Constitution canadienne et les partages géographiques », Cahiers de géographie du Québec, 24, no 61, 1980, p. 69-80.

21.  Jean-Jacques Simard, « Développement et gouvernement autochtones : l'expérience de la baie James et du Nord québécois », Politique et Sociétés, 14, no 28, 1995, p. 71-85.

22.  Voir Vincent Lemieux, Pierre-Gerlier Forest, Paul Painchaud et al., « Étude sur les coalitions qui se sont formées autour des préoccupations environnementales et sociales : le cas du projet Grande-Baleine », GERPE, Université Laval, rapport de recherche inédit, 1994.

23.  Renée Dupuis, « Historique de la négociation sur les revendications territoriales du Conseil des Attikamekw et des Montagnais (1978-1992) », Recherches amérindiennes au Québec 23, no 1, p. 35-48.

24.  Voir André Émond, « Existe-t-il un titre indien originaire dans les territoires cédés par la France en 1763 ? », Revue de droit de McGill, 41, no 1, 1995, p. 59-90.

25.  Forum paritaire québécois-autochtone, Manifeste concernant l'avenir des relations entre les Autochtones et les Québécois, Montréal, automne 1993.

26.  On trouvera des extraits représentatifs de ces textes dans les annexes de l'ouvrage collectif publié par Pierre Trudel, Autochtones et Québécois, op. cit., p. 194-198 et 209-210.

27.  Gouvernement du Québec, « Notes pour une allocution du ministre délégué aux Affaires autochtones, M. Christos Sirros, devant la Commission royale sur les peuples autochtones », 2 décembre 1993. La seule présence d'un ministre en exercice devant une commission fédérale devait être interprétée comme une manifestation de bonne volonté sans précédent de la part des autorités québécoises.

28.  Sur l'approche traditionnelle de nation à nation, voir Pierre-Gerlier Forest, « La structuration des gouvernements autochtones au Québec », in Jean-Pierre Augustin, dir., L'Institutionnalisation du territoire au Canada, Bordeaux, Presses universitaires de Bordeaux, et Sainte-Foy, Presses de l'Université Laval, 1996, p. 187-205.

29.  Marie-Pierre Bessette, « Les Premières Nations et la nouvelle allocation familiale dans le cadre de la prestation nationale pour enfants », mémoire inédit, Programme de maîtrise en analyse des politiques, Université Laval, novembre 1998 ; John Gray, «  They're a Law Unto Themselves », The Globe and Mail, 16 novembre 1998, a1 et a9.

30.  Secrétariat aux affaires autochtones, « Partenariat Développement-Actions ; Affaires autochtones : Orientations du Gouvernement du Québec », Québec, Publications du Québec, 1998, p. 27-28.