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Demandes sociales et action collective : les défis des années 1980 et 1990



Pierre Hamel
Université de Montréal


L'année politique au Québec 1997-1998

· Rubrique : Les mouvements sociaux



Depuis la fin des années 1980, à l'instar de ce qui a été observé dans d'autres pays, les mouvements sociaux, au Québec, ont emprunté des formes d'organisation et d'intervention diversifiées qui reflètent, d'un côté, leur ambivalence, et, de l'autre, les changements contextuels par rapport auxquels se déroule leur action. En se situant à maintes occasions sur le terrain de la société civile, ils ont repris à leur compte d'anciennes revendications sociales relatives à l'appauvrissement des populations des quartiers centraux des villes-centres tout comme ils ont mis de l'avant de nouvelles demandes dans l'espoir de contrer l'exclusion sociale ou, à tout le moins, d'en atténuer les effets les plus néfastes.

Malgré leur fragilité, leur fragmentation, leur arrimage à des intérêts disparates, voire leur localisme, ces mouvements n'ont pas moins été révélateurs des transformations profondes à l'intérieur desquelles se trouve engagée la société québécoise sur tous les plans. Participant à plus d'un titre à la construction d'espaces publics-politiques qui sont indispensables à l'élaboration de compromis compte tenu de leur forme d'action concrète diversifiée, ces mouvements ont permis de mieux comprendre les exigences du cosmopolitisme ou du pluralisme multi-ethnique caractéristiques de nos milieux de vie.

En outre, les mouvements sociaux de la fin des années 1980 et des années 1990 ont attiré l'attention des observateurs de la scène publique sur une série de problèmes qui n'avaient pas la même acuité il y a quelques années ou, du moins, qui n'étaient pas perçus tout à fait de la même manière. Pensons aux inégalités sociales, aux nouvelles formes de pauvreté et à l'exclusion qui en découle. Évoquons également les questions relatives à l'environnement et aux choix de société qu'elles impliquent. Rappelons aussi les demandes sociales dans le domaine de la santé ou dans tous les autres secteurs d'activités -- comme la qualité de l'habitat ou de l'aménagement urbain -- qui concernent les conditions de vie. Mentionnons, enfin, les contraintes institutionnelles et culturelles qui limitent la participation des communautés ethniques, des autochtones ainsi que de diverses communautés d'intérêts à la vie démocratique.

Un premier bilan de l'action collective des milieux communautaires et des mouvements sociaux au cours des dix dernières années montre que c'est sa diversité qui se dégage avant tout. Il existe en effet peu de domaines ou de secteurs d'activités qui échappent à l'action collective. De surcroît, pareille diversité se reflète dans des formes d'action et d'organisation qui correspondent mieux aux changements sociaux et à leurs multiples niveaux d'expression. Ainsi, les acteurs n'hésitent pas à combiner des stratégies d'action institutionnelle, caractéristiques des groupes de pression traditionnels, à des stratégies non institutionnelles et à des formes d'action plus directe. De plus, ils font appel à des interventions pro-actives qui passent notamment par la coopération avec l'État ou avec d'autres acteurs, que ce soit le milieu des affaires, le milieu syndical ou avec des instances institutionnelles.

Si cet élargissement du rayon d'action des mouvements sociaux est un reflet des nouveaux défis auxquels ceux-ci se trouvent confrontés, il ne permet pas à lui seul de rendre compte du sens de leur action. Les changements des milieux de vie où ils interviennent doivent aussi retenir notre attention. C'est que, ces dernières années, la mondialisation de l'économie a provoqué des bouleversements dans les formes d'organisation sociale. Obligeant à des restructurations par rapport à l'émergence d'un nouvel ordre économique mondial, elle a mis en péril les régulations et les anciennes formes d'intégration sociale. Dans le même sens, la montée et la prépondérance d'un discours néo-libéral dans les officines gouvernementales, qui n'est pas sans affinité avec les tendances dominantes de l'économie, a suscité à maintes reprises la réprobation des leaders des mouvements sociaux.

Pour les milieux communautaires et les acteurs des mouvements sociaux, de tels changements les ont obligés à revoir leur conception de la justice sociale, de la démocratie -- des valeurs qui avaient pourtant inspiré leur action au Québec depuis les débuts des années 1960. Il nous faut donc revenir à la question des choix politiques en matière de redistribution et de protection sociales. Dans quels termes doit-on désormais concevoir les politiques sociales ? Dans quels sens doivent se redéfinir les responsabilités de l'État ? La défense des valeurs communautaires peut-elle être conciliée avec une conception universaliste de l'intérêt général ?

Il n'existe pas de réponse simple à ces questions. Il nous faut cependant reconnaître qu'elles jouent un rôle de plus en plus important par rapport à la définition d'espaces publics-politiques à laquelle entendent participer d'une manière active les acteurs des mouvements sociaux.

Avant de passer en revue les faits saillants qui ont marqué le milieu de l'action communautaire et des mouvements sociaux au cours des dix dernières années, j'évoquerai rapidement ce qui est survenu en 1997-1998. On comprendra ici que je ne propose pas d'être exhaustif. Je me contenterai plutôt d'évoquer quelques événements significatifs et d'en suggérer des éléments d'interprétation eu égard à leur portée politique.



L'année 1997-1998 : repenser les solidarités sociales

La tempête de verglas qui, en janvier 1998, a privé d'électricité durant plusieurs jours près de la moitié des Québécois a d'abord fait ressortir les limites ou les insuffisances de l'intervention de l'État en situation d'urgence. Toutefois, cet événement a aussi permis de prendre la mesure des solidarités sociales et communautaires dans de telles circonstances. En effet, dès les premiers jours de la catastrophe, les réseaux d'entraide et ce, tant sur une base locale que régionale et inter-régionale, ont fonctionné de manière très efficace en misant sur l'esprit de solidarité. Cet exemple a toutefois fait ressortir les écarts de revenus qui persistent entre les groupes sociaux. En général, les plus pauvres ont généralement été les plus durement touchés par les problèmes qui ont résulté du verglas.

Par ailleurs, dans le rapport du Conseil national du bien-être social publié en mai dernier, on nous rappelle que la pauvreté continue d'augmenter au Canada. Au Québec, la situation est encore plus alarmante. Plus de 21 % de la population vit dans l'indigence, soit 1,5 million de citoyens1 ] . Au-delà de leur abstraction, ces chiffres devraient attirer notre attention sur une réalité sociale dont les conséquences sont visibles, entre autres, dans le nombre grandissant de mesures palliatives mises en place par le milieu communautaire. En même temps, il nous invite à examiner de plus près le modèle de société que nous entendons promouvoir.

La question de la pauvreté et le sentiment d'exclusion sociale qui en découle ne peuvent pas être résolus uniquement par l'entraide et la solidarité. Ils correspondent à des « choix de société » -- même si l'expression peut sembler révolue -- qui engagent au premier chef nos valeurs sociales et culturelles de même que les choix politiques de l'État.

C'est ce qu'ont voulu rappeler à la classe politique et au gouvernement les membres de la Coalition pour la survie des programmes sociaux qui se sont mobilisés durant l'hiver et le printemps derniers afin de protester contre le projet de loi 186 visant à effectuer une réforme de l'aide sociale. Cette réforme exigeait, notamment de la part des jeunes prestataires âgés de 18 à 24 ans, qu'ils s'engagent dans des « parcours vers l'emploi », à défaut de quoi ils encouraient des pénalités. Un des reproches formulé par la Coalition était que cette réforme avait pour effet de « stigmatiser » les bénéficiaires de l'aide sociale, en particulier les jeunes. Même si la ministre Louise Harel, chargée de la réforme, a proposé quelques amendements de dernière minute à son projet de loi -- dont un moratoire jusqu'au 1er septembre 2000 concernant le parcours vers l'emploi -- le problème des inégalités sociales et de la pauvreté demeure entier.

Se joignant à celles et ceux qui luttent contre la pauvreté, la Fédération des femmes du Québec, avec l'appui de plusieurs groupes de femmes, a mis de l'avant l'idée d'organiser une « marche des femmes de l'an 2000 contre la pauvreté ». À la suite de la mobilisation « Du pain et des roses » qui s'est déroulée en 1995 pour lutter contre la pauvreté et la discrimination, le mouvement veut poursuivre la démarche, cette fois à l'échelle mondiale. Le projet se résume comme suit : « Des rassemblements mondiaux et des marches dans plus de 100 pays, du 8 mars au 17 octobre de l'an 2000 ; plus de 1000 groupes participants provenant de tous les continents. Des interventions et des revendications précises auprès des organismes internationaux (ONU, UNESCO, FMI, etc.) et devant les gouvernements de chaque pays2 ] . »

En ayant recours à des moyens d'action différents, le Comité des sans-emploi du Centre-Sud (surnommé le « commando bouffe ») s'est aussi opposé à la réforme de l'aide sociale. Il a avant tout tenté de sensibiliser l'opinion publique et les gouvernements aux problèmes que connaissent les exclus, et de favoriser des mesures de partage de la richesse. Le « commando bouffe » a attiré aussi l'attention des médias à quelques reprises depuis 1997, en organisant des manifestations provocantes comme l'irruption, en décembre dernier, avec une centaine de manifestants, dans le restaurant Le Montréalais de l'hôtel Reine-Elizabeth où il a fait main basse sur le buffet.

Il demeure difficile d'évaluer la portée profonde de ces manifestations et des demandes exprimées par les mouvements sociaux en matière de lutte contre la pauvreté et les inégalités sociales et, partant, contre les lacunes ou effets négatifs des politiques ou des réformes gouvernementales. Au-delà de quelques acquis indéniables, si nous pensons à certaines avancées de l'économie sociale, à diverses expériences de solidarité comme celles mises de l'avant par les « resto pop », aux activités de formation que dispensent depuis plusieurs années dans les milieux défavorisés les organismes volontaires d'éducation populaire (OVEP), il reste que nous sommes confrontés à un problème social dont les causes sont nombreuses et complexes, si ce n'est équivoques : une ambiguïté qui semble avantager certains.

Enfin, soulignons que la question de la pauvreté est sans cesse revenue à l'agenda social et politique depuis la fin des années 1980, bien qu'elle ait pu converger avec divers autres thèmes. Mentionnons l'exclusion, la justice sociale, la crise des finances publiques, la redéfinition du cadre de l'action publique. Une série de thèmes qui nous invitent à revoir notre conception de l'État et de la solidarité dans le contexte actuel de la mondialisation.

En outre, en 1997-1998, d'autres revendications ont retenu l'attention des médias. Mentionnons la lutte du Comité de citoyens du Val Saint-François contre le projet de la ligne hydro-électrique Des Cantons/Hertel 3 ] . Pensons aussi aux traditionalistes Micmacs de Restigouche en Gaspésie qui ont bloqué la route 132 afin de faire reconnaître le « respect intégral de ce qu'ils considèrent leurs droits ancestraux de coupe sur les terres publiques4 ]  ». À l'instar d'autres conflits qui ont mobilisé des autochtones dans les années passées, ce conflit était révélateur de tensions et d'incompréhensions qui existent depuis plusieurs années entre les communautés blanches et les communautés autochtones de la région5 ] . D'autres conflits majeurs sont aussi survenus. Soulignons le blocus organisé par les producteurs de porcs sur l'autoroute Jean-Lesage en septembre dernier. Mentionnons également les manifestations organisées par Alliance Québec devant le magasin Eaton afin de réclamer un affichage en anglais à l'intérieur des commerces. C'était là une tentative qui, heureusement, a fait long feu, en essayant de raviver d'anciennes batailles linguistiques au sein de la communauté montréalaise.




Retour sur quelques faits saillants des années 1980 et 1990

À plusieurs égards, ce qui est survenu en 1997-1998 sur le terrain de la société civile, par rapport aux formes concrètes d'action collective qu'empruntent les mouvements sociaux, s'inscrit en continuité avec les mobilisations, les stratégies, les moyens d'action auxquels ont recours les acteurs sociaux depuis la fin des années 1980. Toutefois, à plus d'un titre, le répertoire de l'action collective à partir de ce moment n'est pas très différent de celui auquel les mouvements ont eu recours dès le début des années 1960. L'action se situait déjà alors à la fois sur le terrain institutionnel et en marge du pouvoir politique institué.

Cependant, si nous remontons à la fin des années 1980, nous pouvons parler de caractéristiques organisationnelles qui n'avaient pas, auparavant, autant de poids dans les représentations de l'action. Songeons au pragmatisme de l'engagement des acteurs, à la reconnaissance de leur subjectivité ou de leur individualisme (incluant une mise en valeur de leurs compétences particulières), au principe d'une coopération active -- partenariat -- avec diverses catégories d'acteurs (pouvoirs publics, milieu des affaires, milieu syndical) ou encore au caractère ponctuel des mobilisations autour d'enjeux spécifiques afin d'obtenir des résultats concrets, etc. Il s'agit là d'une série de traits distinctifs qui font en sorte que les mouvements sociaux n'hésitent plus à jouer sur plusieurs terrains à la fois et à réévaluer sans cesse leurs alliances et leurs stratégies.

Ces caractéristiques de l'action collective ont d'ailleurs été amplifiées par les changements survenus tant sur le plan social que sur le plan politique. La mondialisation de l'économie et de la culture, de même que la redéfinition de l'État-providence et de ses modes d'intervention ont mis en lumière des processus de ségrégation et d'exclusion à la fois plus subtils, c'est-à-dire plus difficiles à percevoir, et plus brutaux, si l'on pense aux difficultés accrues de reconnaissance sociale que connaissent nombre d'acteurs et de groupes sociaux. C'est le principe du social, reposant sur « le sentiment de l'interdépendance des différentes composantes de la société les unes vis-à-vis des autres6 ]  », encore effectif à l'époque de la société industrielle, qui ne tient plus.

Il en résulte une émergence de processus caractéristiques d'une certaine « décomposition », qui se traduit par un accroissement de la violence et de la pauvreté dans les grands centres urbains des pays développés. En même temps, l'on peut parler d'un épuisement des anciens modèles d'intégration sociale ou de solidarité tels qu'ils ont été mis en place par l'État-providence.

Si, au Québec, l'expression ou la manifestation de ces réalités a été moins visible et moins brutale qu'ailleurs, c'est en partie parce que chez nous les mesures de redistribution parviennent encore à jouer un rôle social, mais aussi parce que les mécanismes de ségrégation revêtent ici des formes moins extrêmes. Cependant, nous pouvons faire l'hypothèse que nous sommes en présence de restructurations similaires à celles qui ont été observées dans d'autres pays7 ] , dont les effets, visibles sous diverses formes, risquent aussi, à moyen terme, de connaître une aggravation si nous ne parvenons pas à enrayer l'accroissement des inégalités sociales et de la pauvreté.

Pour les acteurs du milieu communautaire et des mouvements sociaux, les difficultés sociales qui viennent d'être évoquées constituent de nouveaux défis dont la dimension économique, sociale et politique n'est pas toujours facile à appréhender. En effet, les milieux de vie et les milieux professionnels de travail sont devenus complexes et leur évolution rapide rend difficile l'anticipation des changements. Ainsi, dans ce contexte, il est souvent difficile pour les acteurs d'identifier leurs adversaires. En dernière analyse, qui est responsable de la pauvreté et de l'exclusion ? Qui faut-il avant tout blâmer pour la détérioration de l'environnement ? Même chose en ce qui concerne la détérioration de la qualité des services urbains : la responsabilité est-elle du côté du gouvernement qui refuse d'élaborer des mesures sévères de contrôle de l'étalement urbain ou relève-t-elle plutôt des ménages qui acceptent de s'éloigner toujours plus du centre afin de réduire leurs coûts d'achat d'une résidence permanente ?

En passant en revue les principaux enjeux par rapport auxquels se sont mobilisés le milieu communautaire et les mouvements sociaux au cours des dix dernières années, on constate au moins trois choses. D'abord, ces enjeux sont très diversifiés et correspondent à l'éclatement des identités caractéristique du pluralisme des sociétés contemporaines. Ensuite, une série de problèmes majeurs demeurent centraux au cours de la décennie. Enfin, malgré leur dispersement ou leur éclatement, les demandes sociales mises de l'avant par ces mouvements convergent toutes par rapport aux nouvelles exigences de représentation et de construction de compromis socio-politiques dans le contexte actuel.

La majorité des thèmes et des enjeux qui prévalaient au début de la décennie que nous avons passés en revue sont d'actualité encore aujourd'hui. Les problèmes relatifs aux inégalités sociales, à la pauvreté et à l'exclusion viennent à nouveau en tête de liste. Il en résulte, pour les acteurs du milieu communautaire et des mouvements sociaux, une réalité qui prend souvent l'aspect d'une situation d'urgence. Même chose sur le plan de l'environnement, des régions et de l'espace rural. Là aussi, les changements ou les restructurations, reliés en partie à la mise en place d'un nouvel ordre économique mondial, ont conduit les acteurs sociaux à se mobiliser afin de défendre l'intégrité de leur milieu de vie.

Si nous considérons maintenant les revendications sociales sous l'angle des groupes d'intérêts, l'on peut dire qu'au cours des dix dernières années leurs revendications se sont articulées à des thèmes transversaux comme la justice, les inégalités, le territoire ou l'environnement. En même temps toutefois, ils ont affirmé leur identité et ont réclamé une reconnaissance de leur identité/différence. C'est le cas du mouvement des femmes. Mais c'est le cas aussi d'autres mouvements. Pensons aux autochtones, à la communauté gaie, aux étudiants, aux communautés ethniques. Pour chacun de ces groupes, leurs demandes et leurs revendications apparaissent constitutives de leur intégrité tant sociale que culturelle. En d'autres termes, il s'agit pour eux de trouver des moyens et des ressources qui leur permettent d'inscrire leur spécificité sur la scène publique, afin de pouvoir participer d'une manière active à l'élaboration des choix collectifs.

Cela dit, au cours des dernières années, l'ensemble du milieu communautaire et des mouvements sociaux au Québec s'est résolument engagé sur le terrain de la « nouvelle culture politique » dont parle Ulrich Beck8 ] . C'est que l'État n'est plus en mesure, comme il le faisait auparavant, d'arbitrer les conflits ou d'intégrer, par le haut, la diversité des intérêts sociaux. D'où un recours accru aux pratiques faisant appel à la décentralisation et à la participation des communautés locales. Dans cette foulée, les pouvoirs publics n'hésitent pas non plus à employer des modalités de débat public, de consultation, de coopération ou de partenariat. En un mot, ils n'hésitent pas à « impliquer » davantage les citoyens dans la gestion publique.

Pour les acteurs des mouvements sociaux, ces innovations institutionnelles ont pris place à l'intérieur d'une nouvelle orientation de l'État devenue monnaie courante à partir du milieu des années 1980. Elles ont eu pour conséquence une révision des modes de gestion publique traditionnelle tout comme elles ont entraîné une réflexion sur le partage des responsabilités entre le public et le privé. À la clé, l'on retrouvait en filigrane des interrogations sur les conceptions sociales et politiques de la justice, sur les priorités de l'État et, notamment, sur la fiscalité gouvernementale. Il s'agit là d'une réflexion qui devra être poursuivie dans les années à venir, mais à laquelle, jusqu'à maintenant, les acteurs sociaux n'ont pas hésité à contribuer d'une manière active.

Dans un contexte de crise des finances publiques, de restrictions budgétaires, alors que sont remis en cause les principes intégrateurs qui servaient jadis à effectuer les arbitrages et les choix publics, qu'est-ce qui devient la norme ? La conviction du milieu communautaire et des mouvements sociaux telle qu'elle a été exprimée depuis la fin des années 1980, au Québec, peut être résumée comme suit : s'il est nécessaire de redéfinir le cadre de l'action publique et les priorités de l'État, cela doit être fait en recourant au débat public tout en faisant une place à l'ensemble des acteurs sociaux, compte tenu des valeurs et des principes démocratiques de la société québécoise.




Note(s)

1.  La Presse, 12 mai 1998, a1.

2.  Pierre Demers, « Entrevue avec Françoise David », L'Itinéraire, vol. 5, no 11, Montréal, nov. 1998, p. 7.

3.  « Selon les opposants, le projet de ligne Des Cantons/Hertel est surtout destiné à masquer le mauvais état du réseau de distribution d'électricité et à permettre à Hydro-Québec d'exporter éventuellement de l'énergie aux États-Unis », La Presse, 28 juillet 1998, a7.

4.  Le Devoir, 10 août 1998, a1.

5.  La Presse, 8 août 1998, a2.

6.  Jacques Donzelot et Marie-Christine Jaillet, Séminaire sur les zones urbaines défavorisées en Europe et en Amérique du Nord, Paris, Plan Urbain, 1997, p. 16.

7.  Voir à ce sujet l'étude de Jacques Donzelot et Marie-Christine Jaillet, op. cit.

8.  Ulrich Beck, Risk Society : Towards New Modernity, Londres, Sage, 1992.