© Réseau juridique canadien VIH/sida, 1997-98


Bulletin canadien VIH/sida et droit

Volume 3 Numéro 4 & Volume 4 Numéro 1 - Hiver 1997-98


Typhoid Mary: Captive to the Public’s Health[1]

En 1907, Mary Mallon, une immigrante irlandaise travaillant comme cuisinière, devenait la première personne identifiée comme porteuse saine de la typhoïde. Le concept de personne en santé portant une maladie était nouveau; un concept défini en laboratoire qui était contraire à l’intuition et à la compréhension du public. Mallon fut arrêtée à deux reprises, et isolée sur la North Brother Island pendant 26 ans.

Dans Typhoid Mary: Captive to the Public’s Health, Leavitt décrit la vie de Mallon selon diverses perspectives; elle explore d'une part la manière dont l’histoire de Mallon a été modelée par la science, les responsables de l’élaboration des politiques publiques, la loi, les médias et les préjugés sociaux de l’époque; elle emprunte d'autre part le point de vue personnel de Mallon. Le lecteur en vient à constater comment l’identité même de Mallon a été éclipsée par un symbole, et comment ce symbole, «Typhoid Mary», était une construction publique, un discours sur la transmission de la maladie qui n’avait guère à voir avec cette femme, mais plutôt avec ceux qui se préoccupaient d'influencer les opinions et les politiques sur la santé.

Mallon ne fut pas la seule porteuse saine à être identifiée au début des années 1900. Mais les autres, contrairement à Mallon, n’ont pas stigmatisés en ce qui a trait à leur «race, sexe, apparence physique personnelle [et] les médias n’ont pas porté de jugement et sont demeurés objectifs» (p. 153). Comme le souligne Leavitt au cours du texte:

L’histoire, qui raconte comment Mary Mallon est devenue «Typhoid Mary», met en évidence la nécessité s’attarder aux problèmes de santé publique sous différents angles. Très tôt dans son histoire, une puissante image négative est venue remplacer l’être humain — une image négative construite par des responsables de la santé publique, des auteurs médicaux et les médias, qui ont tous contribué à l’implanter dans la culture américaine. En conséquence, la signification culturelle de l’expression populaire stigmatisante «Typhoid Mary» a influencé le traitement même de Mary Mallon, ainsi que ses propres réactions à la situation. (p. 232)

Au fil du texte, Leavitt incite le lecteur à adopter un point de vue plus clément et empathique envers les individus qui portent un virus, en soulignant qu’une telle attitude pourrait «favoriser une coopération avec les mesures de santé publique et aider à endiguer de dangereuses crises épidémiques» (p. 238).

Leavitt étudie également la façon dont les enjeux fondamentaux de l’histoire de Mallon peuvent aider à éclairer la pensée contemporaine sur les tensions entre la santé publique et les droits de la personne. Elle décèle des similarités entre l’histoire de Mallon et les réactions actuelles au VIH, en soulignant que «l’association initiale de l’infection aux hommes gais et aux réfugiés haïtiens a permis à la marginalisation de l’homosexualité et de la race de construire un stigma lié à la maladie, d’exacerber [...] une distribution injuste du blâme» (p. 247).

Tout au long de son ouvrage, Leavitt attire l’attention du lecteur sur les aspects sociaux de nos tentatives de lutte contre la propagation de la maladie. Son récit lucide du traitement de Mallon est pertinent pour toutes les personnes engagées dans le discours public sur la santé.

- Critique de Anne Stone


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NOTE

[1] Judith Walzer Leavitt, Typhoid Mary: Captive to the Public’s Health, Boston, Beacon Press, 1996 (331 pages).