Entête La lettre du Psy
16 octobre 2003 -- Volume 7, No 9a
ISSN 1481-1340


Le transfert en questions

Séparation
 
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La lettre du Psy

© Coffragants, 2003
ISBN 2-89558-172-X

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Séparation
 
Le transfert en questions
 
Question: l’apparition du transfert

En rapport avec «Les joies du transfert»
et avec «Résoudre son transfert»
par Michelle Larivey, psychologue

    Selon ce que je comprends, vous trouvez que le transfert est présent dans la plupart des relations importantes, les relations amoureuses en particulier. J’aimerais savoir comment il apparaît dans la relation. Est-ce qu’il survient au début ou après un certain temps ?

Réponse:

Le transfert s’installe très rapidement dans une relation. Lorsqu’il a une coloration positive on ne s’en soucie généralement pas. Mais si l’on s’inquiète de l’insatisfaction ou la dégradation du rapport, c’est dans le transfert qu’on trouve souvent les explications. Je vais illustrer ce fait en revenant à l’exemple de l’article. Examinons le déploiement de la relation entre Josiane et Jules avant la prise de conscience par cette dernière de son transfert.

    L’installation de l’insatisfaction

    Au début de sa relation avec Jules, Josiane était stimulée par sa présence. Il lui apportait amour et réconfort. C’est par sa présence forte et solide et son amour quasi inconditionnel qu’il avait fait fondre Josiane l’indépendante, la femme forte (et même la dure). Car au fil du temps, elle s’était forgé une enveloppe dure pour napper son tendre coeur. Cette protection était nécessaire pour se protéger des rejets répétés d’un père intempestif et imprévisible pour qui elle ne s’était jamais sentie importante. Et voilà qu’un homme réussissait à l’attendrir en lui offrant sur un plateau ce qu’elle avait recherché toute sa vie.
Josiane avait trouvé en Jules le compagnon idéal. Il lui apportait en effet ce que son père lui avait toujours refusé: un amour qui la faisait se sentir un être valable et aimable.
    À cette époque, Josiane est subjuguée par l’acceptation inconditionnelle de son amoureux. Il aime tout ce qui vient d’elle, est toujours disponible pour l’écouter, s’intéresse à elle et ne la critique jamais. Elle est comblée par cet homme qui va toujours au-devant de ses besoins, devinant ses désirs les plus imperceptibles. Tout le contraire de son père quoi! Avec lui elle a l’impression d’être la personne le plus importante au monde. Elle se surprend à être aimante comme elle ne l’a jamais été avec un homme.
Josiane ne se doute pas que Jules s’oublie parfois pour être son prince charmant car il cherche à gagner une place “spéciale” dans son coeur. Il est d’ailleurs peu sensible au fait qu’il néglige ses propres besoins tant la satisfaction de sa bien-aimée est maintenant le point central de son existence. Qu’importent quelques compromis pour obtenir une récompense aussi précieuse que de se sentir nourrissant, capable de combler celle qu’il aime?

Notons qu’il ne s’agit pas nécessairement de la tactique délibérée d’un amoureux. C’est plutôt un agir semi-conscient appartenant au “scénario” transférentiel particulier de cet individu. Car Jules est, lui aussi, en transfert. Il est fort possible que ce soit son habitude de rechercher l’acceptation et l’amour en étant gentil et totalement acceptant, quelqu’en soit le prix.

Durant cette lune de miel, la satisfaction du besoin transférentiel de Josiane se fait donc sans effort. Elle croit sincèrement que c’est ainsi que cela doit se passer. Tout comme un enfant espère recevoir l’amour et la considération de ses parents en faisant de son mieux pour répondre à ce qu’il croit être leurs besoins, l’adulte qui recherche encore cet amour à travers son transfert (ou directement avec son parent) croit qu’il le méritera s’il s’efforce d’être à la hauteur de leurs attentes. Voici comment cela s’est passé pour Josiane.

Josiane a toujours cherché à épater son père, un intellectuel fort exigeant. Elle a excellé non seulement dans ses études mais dans tout ce qu’elle a touché. En plus, elle se comportait de façon responsable, au point de ne jamais rien demander. C’est d’ailleurs à la fois par sa force, par son indépendance et par sa capacité d’exceller dans divers domaines que Jules avoue avoir été séduit. Cette déclaration faite dans les tout premiers temps de leur relation n’est pas tombée dans l’oreille d’une sourde. Sans en être totalement consciente, Josiane s’est imaginée qu’elle devait “être à la hauteur” pour mériter l’amour de Jules. Comme il s’agissait pour elle d’une vieille habitude, presque d’une seconde nature, elle ne s’est jamais étonnée des prouesses qu’elle se poussait à exécuter auprès de lui.

Mais les prouesses de Josiane ne suffisent pas à faire durer la lune de miel indéfiniment. La “magie” du grand amour s’estompe graduellement, emportant dans son ombre le beau prince. (Voir L’amour inconditionnel .)

    Reprise de la frustration
La frustration s’installe donc peu à peu et, en réaction, Josiane reprend les façons d’agir qui lui étaient bien familières: celles qu’elle a développées au contact de son père pour exprimer son manque sans laisser voir son besoin.
    Devant ce qu’elle considère comme un éloignement de Jules, Josiane se refroidit graduellement. Elle est déçue des changements qu’elle constate chez son mari. Elle a tenté de lui en a parler, mais au lieu d’exprimer son besoin, elle l’a transformé en critiques (“Tu n’es plus le même!”, “Qu’est-ce qui t’arrive, je ne te reconnais plus?”) ou en revendications (“J’en fais tellement, il me semble que j’ai droit à quelques égards.” “On dirait que tu ne me vois plus. Tu n’en as que pour ton travail et que pour les enfants!”).

    Mais sa tactique préférée demeure la bouderie et les attaques insidieuses. Elle sait qu’elle peut ainsi blesser Jules. C’est sa méthode privilégiée pour le punir de ne pas répondre à son besoin. (Elle utilise ici la même tactique qui lui a tant servi avec son père à l’adolescence. Elle se montrait indépendante et hautaine et ne ratait aucune occasion de souligner les erreurs qu’il pouvait commettre. Elle savait comment l’atteindre dans son perfectionnisme.)

    Elle reprend donc son armure défensive bien connue et relativement confortable. C’est en restant derrière ses barricades qu’elle observe la dégradation de sa relation.

    Les solutions stéréotypées
On appelle “comportement stéréotypé” une manière d’agir répétitive qui demeure identique d’une fois à l’autre. Par définition cette manière d’agir ne tient compte ni du vécu immédiat, ni de la situation particulière où il survient. C’est un agir qui ne laisse pas paraître le vécu réel du moment.

Ces façons de faire ne sont pas toujours synonymes de frustration. En effet, Josiane avait déjà recours à des comportement stéréotypés depuis le début de la relation. Pendant la période plus heureuse, elle utilisant ses façons, toujours les mêmes, de tenter d’obtenir l’attention, l’approbation et l’amour. C’est cette répétition compulsive qui l’amenait à se montrer ultra responsable à donner toujours une performance maximale.

On peut facilement remarquer l’absence de contact réel dans ces comportements stéréotypées . Lorsqu’elle s’efforce de donner une performance de haut niveau, Josiane n’est pas consciente (du moins pas toujours) de son désir de plaire et de sa recherche d’amour. Et même lorsqu’elle en est consciente, elle ne l’exprime jamais comme telle à la personne concernée.

Par exemple elle s’abstenait d’informer son père de ses efforts surhumains pour gagner son affection. Aujourd’hui, elle agit de la même façon en ne révélant pas à son amoureux qu’elle fait des pieds et des mains pour l’épater dans l’espoir de gagner ainsi son amour. Il arrive même, lorsqu’il s’agit de personnes relativement coupées de leur vie émotive, que celles-ci n’aient aucune idée des enjeux que recèlent leurs comportements stéréotypés.

Les comportements stéréotypés qui apparaissent pendant cette phase peuvent être qualifiés de “négatifs” à cause de leur ton et de leurs résultats. Ce sont ceux qu’on adopte en réaction au “refus” du parent. Ils visent surtout à punir celui-ci en l’agressant de quelque façon ou en s’agressant soi-même.
    Josiane, par exemple, a choisi de se durcir, de s’éloigner, de jouer à l’indépendante dans l’espoir que son père en souffre. Plus tard, elle a découvert un moyen encore plus puissant: attaquer son père dans ses vulnérabilités. Ce sont les mêmes façons d’agir qu’elle adopte avec Jules lorsque la frustration remplace le nirvana des premiers temps de la relation. Ces comportements la soulagent un peu tout en lui évitant de prendre le risque d’être authentique. Si elle avait pris ce risque, elle aurait probablement exprimé à son père à peu près ceci:

    “Papa, je souffre terriblement de ton indifférence. Je me défonce pour exceller afin de mériter ton amour, mais je n’ai jamais l’impression d’y parvenir. Je suis immensément triste. Parfois cela m’enrage en plus, surtout lorsque je vois combien il est facile pour mon frère d’avoir une place dans ton univers!”
Ce que Josiane n’a jamais osé exprimer à son père elle ne l’exprime pas plus à mari, du moins tant qu’elle ne décide pas de s’engager dans la résolution de son transfert. Au lieu de s’efforcer de réussir cette expression authentique, elle reprend les comportements stéréotypées qu’elle avait adoptés en réaction au rejet de son père.

En l’observant un peu, on peut remarquer que Josiane adopte ces comportements stéréotypés non seulement avec son mari, mais avec toutes les personnes avec lesquelles elle se retrouve en transfert. En général nous sommes en relation transférentielle avec un grand nombre d’interlocuteurs: des personnes en autorité, des instances qui représentent le pouvoir, des groupes que nous craignons ou admirons, certaines institutions (la compagnie ou le gouvernement y échappent rarement), même l’un ou l’autre de nos enfants, etc... Josiane ne fait pas exception à cette tendance.

    La résistance au changement
Josiane n’aime pas être en contact avec l’idée que l’amour de Jules lui manque. Même si elle est consciente des moyens détournés qu’elle emploie pour gagner cet amour, elle rejette avec vigueur toute invitation à révéler son besoin À cet égard, elle agit comme toute personne qui est en transfert et n’a pas décidé de le résoudre (ou qui ne sait pas comment le faire).

Pour Josiane, ce serait s’humilier que de faire part de son besoin d’être aimée. Elle assimile cette expression à demander la charité, à “quêter” l’amour. Selon elle, toute réponse à une expression claire de son besoin serait absolument sans valeur. C’est sur la spontanéité de l’autre que repose toute la valeur de l’amour qui lui serait manifesté.

C’est l’impasse typique que nous présente le transfert tant qu’on n’a pas choisi de travailler à le résoudre. Il faut rétablir un équilibre viable, mais comment ?
    Josiane tente d’y parvenir en raisonnant: “Mon besoin est infantile. Personne ne pourrait réussir à le combler! Surtout pas un homme!” Elle cherche aussi des explications: “Jules a changé. Je crois qu’il ne m’aime plus”. Elle cherche enfin des solutions pour ne plus souffrir: “Je ne l’aime plus. Il vaut mieux nous séparer” (plus clairement on dirait mon besoin est trop en souffrance avec lui; comme je ne vois pas de solution, il vaut mieux nous séparer).
Et Josiane pourrait facilement repartir avec son besoin inassouvi, cherchant un nouvel amour qui lui prouvera enfin qu’elle est une personne valable et aimable. Elle reprendrait alors les mêmes comportements stéréotypés avec chaque nouvel homme. Jusqu’au jour où, épuisée et désenchantée, elle arriverait à la conclusion qu’il n’y a rien à faire et qu’il faut faire le deuil de ce besoin.

En réalité, il y aurait bien quelque chose à faire, une solution efficace qui n’exige pas qu’elle renonce à la satisfaction de son besoin. Mais il faudrait pour cela qu’elle change de façon importante sa manière de prouver qu’elle est une personne valable et aimable. C’est de cette question que traite “Conquérir la liberté d'être soi-même”.


Séparation

 
Question: encore une chance ?

En rapport avec «Résoudre son transfert»
par Michelle Larivey, psychologue

    J'ai quitté il y a quelques mois une relation qui me faisait beaucoup souffrir (il était jaloux, possessif, dépendant affectif, contrôlant, dénigrant, méprisant, etc). Je sais que j'ai fait le bon choix même si je l'aimais encore.

    Je veux retrouver la paix mais je pense à lui sans cesse. On dirait que je ne veux pas le laisser partir dans mes souvenirs. Je le retiens... L’idée de ne plus jamais le voir me fait beaucoup de peine... Je voudrais une deuxième chance, même si je sais très bien que ça ne fonctionnerait pas. Comment faire pour aller vers l'avant plutôt que de regarder sans cesse en arrière?

Réponse

C’est parfois ainsi: la séparation physique permet de constater que la séparation émotionnelle n’est pas encore complétée. C’est souvent le cas lorsqu’on quitte une relation où on est resté très longtemps après qu’elle soit devenue clairement insatisfaisante.

Lorsqu’on persévère beaucoup trop longtemps dans une relation malsaine, c’est souvent parce qu’on ignore la nature exacte des satisfactions qu’on y recherche. On s’acharne de façon compulsive, incapable de choisir des façons efficaces d’obtenir satisfaction parce qu’on ne voit pas clair dans ses motivations réelles.

Explorons ce point de vue en l’appliquant à la question ci-dessus. Que signifie exactement “même si je l’aimais encore” ? De quelle sorte d’amour s’agit-il lorsqu’on éprouve ce sentiment pour un conjoint qu’on considère comme “jaloux, possessif, dépendant affectif, contrôlant, dénigrant, méprisant, etc.” ?

Dans “La puissance des émotions”, Michelle Larivey distingue plusieurs expériences psychiques qu’on désigne sous ce nom. Certaines ne contiennent pas les ingrédients correspondant à la définition générale de l’amour: “un mouvement affectif spontané vers un être qui nous procure une satisfaction” ou nous offre l’espoir de l’obtenir.

Dans l’exemple qui nous intéresse ici, la satisfaction et même la promesse d’un bonheur à venir sont absentes. On y trouve encore moins l’estime qui caractérise les amours fortes et profondes. La question est donc pertinente: de quelle sorte d’amour s’agit-il? En cernant soigneusement ce qu’on entend par “je l’aimais encore”, on serait mieux informé des besoins, des satisfactions, des manques ou des frustrations qui sont en jeu.

La tristesse est aussi un chemin direct vers l’identification des besoins et des manques qui sont en cause. La personne qui écrit “l’idée de ne plus jamais le voir me fait beaucoup de peine” pourrait avoir avantage à examiner sa douleur afin d’identifier quel manque elle éprouve ou prévoit éprouver en se privant du contact avec cette personne. Elle pourrait se demander, par exemple, ce qu’elle perd à ne plus voir cette personne.

La réponse n’est pas simple car cette relation est surtout synonyme de frustration. Mais la tristesse dans ce contexte particulier suppose la perte d’une satisfaction (au moins sous forme d’espoir ou de potentiel). En reconnaissant clairement le potentiel de satisfaction auquel il faut renoncer, on est moins à la merci des élans intempestifs.

De même, l’idée d’une nouvelle tentative (même si on sait que “ça ne fonctionnerait pas” en réalité) signale un besoin qu’on imagine pouvoir peut-être combler à travers la relation. En se demandant à quoi servirait une nouvelle tentative qu’on sait vouée à l’échec, on peut découvrir des besoins moins évidents que la relation frustrante permet tout de même de satisfaire, au moins partiellement.

Le but de ces questions est d’identifier plus clairement ce qu’on recherche, à quoi sert cette relation, ce que représente ce partenaire. Tant qu’on ne sait pas “après quoi on court”, il ne faut pas s’étonner de ne pas l’atteindre. Mais dès qu’on sait clairement ce qu’on recherche, il devient plus facile de choisir les moyens appropriés pour l’obtenir.

Il ne faut pas s’étonner toutefois que les vraies réponses soient difficiles à découvrir. Plusieurs enjeux secrets s’y cachent la plupart du temps. Si cette recherche nous amène à découvrir des motifs transférentiels au fond de cette quête infructueuse, on peut la plupart du temps en conclure qu’on est sur la bonne voie. Il reste alors à entreprendre la résolution de ce transfert. C’est ce qui permettra ensuite de sortir des ornières infructueuses pour se mettre efficacement à la recherche de la satisfaction et... d’un amour fondé sur la satisfaction et l’épanouissement mutuel.


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Vaincre la dépendance affective
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