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Manuel de pratique sensible à l’intention des professionnels de la santé : Leçons tirées de survivantes d’abus sexuel dans leur enfance

Notre mission est d’aider les Canadiens et les Canadiennes à maintenir et à améliorer leur état de santé.

Santé Canada

Manuel de pratique sensible à l’intention des professionnels de la santé – Leçons tirées de survivantes d’abus sexuel dans leur enfance a été préparé par Candice Schachter, Carol Stalker and Eli Teram, pour l’Unité de la prévention de la violence familiale, Santé Canada.

Also available in English under the title Handbook on Sensitive Practice for Health Professionals – Lessons from Women Survivors of Childhood Sexual Abuse

Les opinions exprimées dans ce rapport sont celles des auteurs et ne reflètent pas nécessairement les points de vue de Santé Canada.

Il est interdit de reproduire ce document à des fins commerciales, mais sa reproduction à d’autres fins est encouragée, à condition que la source soit citée.

On peut obtenir, sur demande, la présente publication en formats de substitutions.

Pour obtenir plus de renseignements sur les questions de violence familiale, veuillez communiquer avec :

Centre national d’information sur la violence dans la famille

Unité de prévention de la violence familiale Division de la santé des collectivités Centre du développement humain en santé Santé Canada Indice de l’adresse : 1909D1 9e étage, immeuble Jeanne-Mance, Pré Tunney Ottawa (Ontario) K1A 1B4 CANADA

Téléphone: 1-800-267-1291 or (613) 957-2938

Télécopieur : (613) 941-8930

Fax Link : 1-888-267-1233 ou (613) 941-7285 ATME : 1-800-561-5643 ou (613) 952-6396 Site Web : http://www.phac-aspc.gc.ca/nc-cn

© Sa Majesté la Reine du chef du Canada, 2001 Cat. H72-21/179-2000F

ISBN 0-662-85187-0


Table des matières    
Remerciements vii  
         
I. Le manuel comme outil de pratique clinique 1  
  A. Son public cible 1  
  B. Sa pertinence 1  
  C. Son utilité pour les clientes 1  
  D. Son contenu 1  
  E. Sa terminologie 2  
  F. Son élaboration 2  
  G. Ses limites 3  
  H. Ce que le manuel N’EST PAS 3  
  I. Utilisation du manuel 4  
         
II. Renseignements généraux sur l’abus sexuel dans l’enfance 5  
  A. Ce qu’est l’abus sexuel dans l’enfance 5  
  B. Ce qu’est l’abus rituel 5  
  C. Ce qu’est la prévalence de l’abus sexuel dans l’enfance 6  
  D. Que devrait savoir le professionnel de la santé sur la dynamique    
    de l’abus sexuel dans l’enfance? 6  
    1. L’abus sexuel est traumatisant 6  
    2. L’abus sexuel est une violation du corps, des limites et de    
    la confiance 7  
  E. Quels sont les effets à long terme de l’abus sexuel dans l’enfance? 7  
  F. Apport des survivantes à leur traitement 9  
    1. Se sentir en sécurité 9  
    2. Transfert et contre-transfert 9  
    3. Sentiments, expériences et comportements pouvant interférer    
    avec le traitement 9  
         
III. Principes de la pratique sensible 13  
  A. Importance primordiale d’aider sa cliente à se sentir en sécurité 13  
    1. Respect 13  
    2. Lien de confiance 13  
    3. Partage du contrôle 14  
    4. Partage de l’information 14  
    5. Respect des limites 14  
    6. Climat favorable à un apprentissage mutuel 15  
    7. Prise en compte des changements d’attitude 16  
    8. Démonstration d’ouverture aux problèmes de la prévalence et    
    des suites à la violence et à l’abus sexuel dans l’enfance 16  

iii


Table des matières    


 
           
           
IV. Lignes directrices pour la pratique sensible 17  
  A. Introduction 17  
  B. Préparation à la première rencontre 18  
    1. Le droit de choisir son clinicien et son établissement de santé 18  
    2. Aider la cliente à se préparer au traitement 18  
  C. Évaluation initiale 18  
  D. Autres considérations relatives au traitement 20  
    1. Consentement 20  
    2. Langage et communication 21  
    3. Habillement 21  
    4. Toucher 22  
    5. Intimité 22  
    6. Autres considérations relatives à l’intimité 23  
    7. Questions relatives à la douleur 24  
    8. Facteurs temporels 25  
    9. Contrôle et adhésion au traitement 26  
    10. Encourager la reprise de contact avec le corps 27  
    11. Encourager l’auto-prise en charge et en proposer les modalités 27  
    12. Résolution de problèmes 28  
    13. Continuité des soins 28  
  E. Faire face à une cliente bouleversée 28  
    1. Identification des déclencheurs 29  
    2. Reconnaissance du langage corporel pouvant indiquer le malaise,    
      la manifestation d’un déclencheur ou la dissociation 29  
    3. Gestion des déclencheurs et de la dissociation 30  
    4. Après l’expérience 31  
    5. Travail avec des survivantes atteintes d’un trouble dissociatif    
      de l’identité 32  
  F. Divulgation de l’abus sexuel dans l’enfance 32  
    1. Introduction 32  
    2. Qu’est-ce que la divulgation 32  
    3. Enquête initiée par le clinicien 32  
    4. Divulgation de l’abus passé entreprise par la survivante 33  
    5. Que devrais-je dire quand il y a divulgation? 34  
    6. Que devrais-je NE PAS dire ou faire quand il y a divulgation? 35  
    7. Après la divulgation 36  
  G. Dossiers médicaux 36  
    1. Confidentialité des dossiers 37  
    2. Questions relatives aux dossiers 37  
  H. Congé 38  
  I. Autres suggestions pour aider la cliente et le clinicien 38  
    1. Ressources communautaires et services de counselling 38  
    2. Prendre soin de vous 39  
    3. Consultation d’autres professionnels de la santé 40  
  J. Contribution du clinicien à la guérison de la survivante 40  




 
           
           
iv          

  Table des matières  


 
       
       
V. Commentaires de la fin   41  
       
Références   43  
       
Annexe A : Critères diagnostiques de l’état de stress post-traumatique   47  
       
Annexe B : La dissociation   48  
       
Annexe C : Suggestions aux clients des cliniques externes de physiothérapie 49  
       
Annexe D : Exemple de formule de consentement   51  
       
Annexe E : Lectures recommandées   52  
       
Index   53  

v



Remerciements

Les auteurs tiennent à remercier les survivantes, physiothérapeutes, étudi-ants en physiothérapie et conseillers qui ont participé aux trois phases de ce projet de recherche. Ces personnes ont généreusement offert leur temps et leur énergie. Sans leur concours, ce manuel n’aurait pas vu le jour.

Nous aimerions également remercier les personnes qui ont organisé et aidé les groupes de consultation lors des phases II et III : Lesley Bainbridge, Susan Bagley, Cheryl Blahut, Brenda Collacott, Tes Cournoyer, Peter Cox, Chantale Dumoulin, Sharon Elliott, Barbara Gibson et l’Ordre des physiothérapeutes de l'Ontario, Maureen Graham, Shayna Hornstein, Sheri McConnell, Kathy Mulder, Jodi Payant, Elizabeth Sled et Marilyn Veikle. Nous remercions aussi Gwen Beaton, Karen Busby, Anne Derrick, Heather Dzioba, Maureen Kennedy, Diana Majury, Judy Russell et Marusha Taylor.

Les auteurs expriment toute leur reconnaissance à l’Unité de la prévention de la violence familiale de Santé Canada pour ses conseils et sa compétence.

Les auteurs adressent aussi leurs remer-ciements pour les permissions d’utiliser les documents suivants.


  
Des éléments de la section sur la divulgation et certains témoignages de survivantes nous proviennent de : Teram, E., Schachter, C. L., & Stalker,
  C.
  
A. Opening the doors to disclosure: Childhood sexual abuse survivors reflect on telling physical therapists about their trauma. Physiotherapy (1999). 85:88–97, avec la permission de la revue Physiotherapy.

  
Des éléments de documentation de base sur l’abus sexuel dans l’enfance, des principes de la pratique sensible et des lignes de conduite pour ce type de pratique, ainsi que certains témoignages de survivantes provien-nent, tels quels ou adaptés, de : Schachter, C. L., Stalker, C. A., & Teram,
  E.
  
Toward sensitive practice: issues for physical therapists working with survivors of childhood sexual abuse.
Physical Therapy (1999). 79:248–261, avec la permission de l’American Physical Therapy Association.

  
Certains témoignages de survivantes sont extraits de : Stalker, C. A., Schachter, C. L., & Teram, E. Facilitating effective relationships between survivors of childhood sexual abuse and health professionals: lessons from survivors who have received physical therapy. Affilia: Journal of Women and

Social Work (1999). 14:176–198, avec la permission des auteurs.

vii


Manuel de pratique sensible à l’intention des professionnels de la santé – Leçons tirées de survivantes d’abus sexuel dans leur enfance

Enfin, les auteurs remercient les orga-nismes et programmes suivants de leur soutien financier :

  • Santé Canada
  • Fondation de physiothérapie du Canada
  • University of Saskatchewan College of Medicine Scientific Teaching and Research Fund
  • University of Saskatchewan President’s SSHRC Grant Program
  • University of Saskatchewan New Faculty Start-up Grant Program
  • Wilfrid Laurier University Research Grants Program

viii


  • Le manuel comme outil pour la pratique clinique

A. Son public cible

Ce manuel s’adresse aux professionnels de la santé et aux étudiants qui ne sont pas formés comme professionnels de la santé mentale ou psychothérapeutes, et qui ont une expérience limitée auprès des survivantes d’abus sexuel dans l’enfance. Le manuel présente des idées et des suggestions qui les aideront dans leur pratique à bien tenir compte des besoins particuliers des survivantes d’abus sexuel dans l’enfance. Ces idées et suggestions visent à favoriser ce qu’on appelle une

essentielles de la pratique clinique pour tous les clients. Par conséquent, le lecteur y trouvera des idées pouvant être appliquées à sa pratique actuelle (ou qu’il met déjà en œuvre). Le manuel met en lumière des suggestions précises à l’intention du clinicien pour son travail auprès de clientes qui ont des antécé-dents d’abus.

C. Son utilité pour les clientes

Ce manuel est fondé sur une étude qui montre l’importance, pour les sur-vivantes, de se sentir en sécurité. La survivante insécure peut ne pas bien participer au traitement ou ne pas en profiter pleinement. Dans certains cas, la survivante peut même abandonner le traitement, car elle ne se sent pas assez en sécurité pour continuer. Le manuel apporte des suggestions qui peuvent aider les cliniciens à sécuriser les sur-vivantes pendant le traitement et ainsi leur permettre de profiter davantage du traitement.

«
  
pratique sensible. »
B. Sa pertinence

Au moins une femme sur cinq et un homme sur dix sont des survivants d’abus sexuel dans l’enfance1. Les taux de prévalence élevés — tout comme les études indiquant que les traumatismes subis dans l’enfance accroissent le risque d’apparition de divers problèmes de santé — laissent penser que les profes-sionnels de la santé travaillent fréquem-ment, souvent sans le savoir, avec des survivants.

La pratique sensible n’est pas uniquement conçue pour les survivantes d’abus sexuel dans l’enfance. Tous les clients ont besoin de praticiens qui sont sensibles à leurs problèmes.2

Bien que ce manuel mette l’accent sur les survivantes d’abus sexuel dans l’enfance, il couvre aussi des caractéristiques

D. Son contenu

Le manuel est divisé en trois sections :

  • Information de base sur l’abus sexuel dans l’enfance. Cette section aidera le clinicien à mieux comprendre l’impor-tance de la pratique sensible pour la survivante. La dynamique, les effets à long terme et les types de sentiments, d’expériences et de comportements pouvant interférer avec le traitement y sont décrits.

1


Manuel de pratique sensible à l’intention des professionnels de la santé – Leçons tirées de survivantes d’abus sexuel dans leur enfance


  
Principes de la pratique sensible. Ces principes sont à la base de toutes les interactions entre le professionnel de la santé et la cliente.

  
Lignes directrices pour la pratique sensible. Ces lignes directrices sont des suggestions pratiques que le profes-sionnel de la santé peut appliquer à sa pratique clinique.
E. Sa terminologie

  
Les termes survivante et cliente sont utilisés de manière interchangeable, le clinicien n’étant peut-être pas au courant des antécédents d’abus sexuel dans l’enfance d’une cliente et que cette information n’est pas nécessaire pour qu’il pratique de façon sensible.

  
Le manuel utilise le mot survivante au lieu de victime. En utilisant le terme survivante, nous louons ainsi la force et les ressources de la personne qui a su trouver des moyens pour affronter les conséquences de l’abus qu’elle a subi3.

  
Les termes abus et violence sont utilisés de manière interchangeable. L’abus n’implique pas nécessairement des blessures physiques; mais il constitue une violation de la personne et s’avère la plupart du temps traumatisant4.

  
Le manuel emploie le féminin, étant fondé sur des recherches menées auprès de survivantes. Même s’il semble y avoir certaines différences dans la façon de réagir à l’abus sexuel entre les personnes des deux sexes, « les
  é
  
tudes d’impact ont eu de la difficulté à démontrer l’existence de différences constantes dans la symptomatologie entre les garçons et les filles, ou entre les hommes et les femmes. Selon les

études actuelles, il semble y avoir plus de similarités que de différences entre les répercussions de l’abus sur les hommes et sur les femmes. »1, p. 47 Bien que nous pensions que les principes de la pratique sensible (section III) et les lignes directrices pour cette pratique (section IV) peuvent être utiles pour travailler avec les survivants des deux sexes, d’autres études sur les besoins précis des hommes sont nécessaires.

F. Son élaboration

Ce manuel est le produit d’une recherche multidisciplinaire qui a exploré les moyens à la disposition des profession-nels de la santé pour répondre le mieux possible aux besoins en soins de santé des femmes adultes ayant survécu à un abus sexuel dans leur enfance. Le projet était d’abord axé sur la physiothérapie mais, comme le lecteur le verra, le manuel déborde du cadre de cette pratique comme telle, décrivant la pratique sensible valable pour toutes les professions de la santé.

L’étude a comporté trois phases. Dans la première, on a rencontré 27 femmes adultes de la Saskatchewan et de l’Ontario, survivantes d’abus sexuel dans leur enfance. Conformément aux conventions des méthodes de recherche qualitative, le recrutement de participantes a cessé lorsque les chercheurs ont jugé qu’il y avait saturation de l’information (c’est-à-dire que les thèmes se répétaient et qu’aucun nouveau thème n’apparaissait).

Les survivantes, des Canadiennes de race blanche pour la plupart, étaient âgées de 19 à 62 ans, et leurs niveaux d’éducation, professions et statuts socio-économiques étaient très variés. Toutes les femmes

2


Le manuel comme outil pour la pratique clinique

avaient amorcé leur guérison en rapport avec l’abus sexuel subi dans leur enfance. Elles avaient été orientées en physio-thérapie en milieu hospitalier ou en clinique externe pour des problèmes orthopédiques et cardiorespiratoires. Les femmes ont raconté leur expérience de la physiothérapie et décrit comment les praticiens pourraient être plus sensibles à leurs besoins. Pour consulter un résumé et une analyse des résultats des entre-vues, le lecteur est prié de se référer à Schachter, Stalker et Teram5, à Teram, Schachter et Stalker6 et à Stalker, Schachter et Teram7.

Les chercheurs ont choisi de rencontrer d’abord des femmes, en raison des statis-tiques qui indiquent que la prévalence de l’abus sexuel dans l’enfance est significa-tivement plus élevée chez elles que chez les hommes1, 8–11. Ce n’est pas que l’expérience des survivants soit moins importante que celles des survivantes. Nous avons plus tard tenté de recruter des survivants, mais sans succès. Nous espérons que notre travail sera prolongé par des recherches sur la pratique sensible destinée spécifiquement aux hommes.

Dans la seconde phase du projet, des groupes de physiothérapeutes et de sur-vivantes ont collaboré à la formulation de recommandations pour les lignes directrices pour la pratique sensible. Les thérapeutes faisant partie de ces groupes ont appliqué ces idées à leur pratique cli-nique, puis ont fait rapport de leur expéri-ence aux groupes. Les groupes ont, par la suite, tenu compte de ces commentaires pour peaufiner leurs recommandations.

Dans la dernière phase du projet, l’infor-mation recueillie lors des entrevues et au

sein des groupes de travail a été utilisée pour rédiger l’ébauche du manuel. Les paroles des survivantes rencontrées dans le cadre de l’étude sont citées dans le manuel pour illustrer clairement leurs sentiments et leurs pensées. Des physiothérapeutes, des étudiants en physiothérapie, des survivantes et des conseillers de partout au Canada ont participé à l’élaboration des ébauches successives en présentant leurs commen-taires. Ce vaste processus consultatif visait à assurer la validité d’application du manuel en clinique.

G. Ses limites

Il est important de souligner que la race, la culture, la classe sociale, l’orientation sexuelle, le stade de rétablissement à la suite d’un traumatisme subi dans l’enfance et d’autres facteurs influent sur la réaction des survivantes auprès d’un professionnel de la santé. Par con-séquent, ce document ne peut englober toutes les réactions possibles des person-nes ni décrire tous les aspects d’une pra-tique clinique sensible aux survivantes. Ces limites étant reconnues, nous pensons que le manuel offre aux profes-sionnels de la santé à la fois un cadre de travail utile et de nombreuses suggestions applicables à tous les types de pratiques.

H. Ce que le manuel N’EST PAS

Les idées décrites dans ce manuel ne sont pas présentées dans le but d’encourager les professionnels de la santé à intervenir en dehors de leur champ d’expertise et à développer des compétences dans le domaine de la psychothérapie. De plus, le manuel ne se veut pas un outil qui permet de faciliter intentionnellement,

3


Manuel de pratique sensible à l’intention des professionnels de la santé – Leçons tirées de survivantes d’abus sexuel dans leur enfance

l’expression des émotions. Enfin, il n’a pas pour objectif d’aider les cliniciens à détecter si une cliente est une survivante d’abus.

I. Utilisation du manuel

Nous encourageons les cliniciens et les étudiants à aborder le manuel comme suit :

  • Réfléchir sur les liens entre la documentation sur l’abus sexuel dans l’enfance, les principes de la pratique sensible et les lignes directrices pour ce type de pratique.
  • Discuter avec d’autres personnes des idées exprimées dans le manuel.

  
Examiner :
 
  
comment les idées et les suggestions s’appliquent à eux-mêmes;
 
  
comment mettre concrètement en
  œ
  
uvre les suggestions dans leur pratique;
 
  
quelles réactions auraient-ils dans les diverses situations décrites dans le manuel.

Il se peut que vous trouviez que certaines suggestions ne s’appliquent pas à votre pratique. Avant de les rejeter, posez-vous les deux questions suivantes :

1.
  
Pourquoi cette suggestion ne s’ap-plique-t-elle pas?
2.
  
Y a-t-il une autre façon d’intégrer une partie ou bien l’essence de cette suggestion dans ma pratique?

4


II. Renseignements généraux sur l’abus sexuel dans l’enfance

  • Ce qu’est l’abus sexuel dans l’enfance

L’abus sexuel d’un enfant est un acte criminel. L’abus sexuel d’un enfant survient lorsqu’un enfant est utilisé pour la gratification sexuelle d’un adulte ou d’un adolescent. Cela comprend l’exposi-tion d’un enfant à des contacts, à des activités ou à des comportements sexuels. Il peut s’agir d’une invitation à des attouchements ou à des relations sexuels, ou à d’autres formes d’exploitation telles que la prostitution juvénile ou la pornographie4, p. 1. Le consentement d’un enfant à ce genre d’activité constitue une question controversée, car « l’autorité et le pouvoir permettent au délinquant, implicitement ou directement, de contraindre l’enfant à la soumission sexuelle. »12, p. 29 Les enfants abusés sexuellement sont souvent également victimes d’un abus physique et émotif.

B. Ce qu’est l’abus rituel

L’abus rituel fait référence au « type d’abus sexuel le plus grave des enfants. »13, p. 163 Les personnes qui ont subi des abus rituels considèrent souvent qu’elles sont survivantes d’abus sexuel dans leur enfance et aussi d’abus rituel. L’abus rituel comporte habituellement une combinaison d’agressions physiques, sexuelles et émotives. Il s’agit souvent d’un abus subi par des personnes faisant partie d’un groupe, dans le contexte d’un puissant système de croyances.

Finkelhor, Williams et Burns14 décrivent trois sous-types d’abus rituel : 1) l’abus s’inscrivant dans un culte, où l’agression sexuelle n’est qu’un élément de la participation de l’enfant aux rites et aux croyances; 2) l’abus pseudo-rituel, où l’agression sexuelle constitue la principale activité et où les rituels du culte sont secondaires; 3) le rituel psychopathologique, où des personnes souffrant de troubles psychologiques exploitent des enfants dans le cadre de rites idiosyncrasiques. L’expression « abus rituel » est parfois utilisée comme un synonyme d’« abus satanique »; mais cet usage n’est exact que lorsque l’abus d’un enfant est combiné à des rites et à des pratiques par des personnes vouant un culte à Satan.

Des enfants et des adultes du monde entier ont rapporté des abus, des tortures et des lavages de cerveaux horribles. De nombreux cas sont pour ainsi dire identiques et ce, même si les personnes ne se connaissent pas. Bien que la police ait pu trouver des preuves matérielles de certaines allégations, bon nombre n’ont pu être prouvées. Par conséquent, il existe une controverse en ce qui concerne la prévalence de cette forme d’abus. Puisque l’abus rituel implique souvent des actes sadiques et dégradants pour la victime, il peut avoir des effets à long terme très graves13.

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Manuel de pratique sensible à l’intention des professionnels de la santé – Leçons tirées de survivantes d’abus sexuel dans leur enfance

  • Ce qu’est la prévalence de l’abus sexuel dans l’enfance

La Commission royale d’enquête sur les infractions sexuelles à l’égard des enfants et des jeunes de 1984 rapportait qu’au Canada, 22 % des femmes et 10 % des hommes ont subi un abus sexuel dans leur enfance, avant l’âge de 18 ans8. Bien qu’il y ait quelques différences entre les taux de prévalence signalés par les diverses études à ce sujet, la plupart des analystes ont conclu qu’au moins 20 % des femmes, et de 5 % à 10 % des hommes, ont souffert d’abus sexuel dans leur enfance en Amérique du Nord. Le pourcentage d’adultes ayant affirmé avoir été victime d’abus sexuel dans leur enfance peut varier, en partie à cause de l’utilisation de plusieurs âges pour définir la fin de l’enfance et de l’intégration ou non, dans la définition, d’expériences telles que l’agression par les pairs, le fait d’être témoin d’exhibitionnisme, l’expo-sition à la pornographie ou le fait de recevoir des invitations non désirées à participer à des activités sexuelles.

cliente pendant le traitement. Le résumé qui suit est tiré d’études sur la santé mentale, de documents cliniques et d’entrevues avec des survivantes.

1. L’abus sexuel est traumatisant

Nombre des réactions des survivantes d’abus sexuel dans l’enfance ressemblent à celles des survivants d’autres genres d’événements accablants tels que le combat militaire, les agressions sexuelles pendant l’âge adulte et les désastres naturels, et font partie des critères caractérisant l’état de stress post-traumatique4, 15 (voir l’annexe A). Bien que certaines adultes ayant été abusées sexuellement dans l’enfance ne mention-nent pas d’effets négatifs à long terme, la plupart des professionnels de la santé mentale et des chercheurs s’entendent pour dire que des antécédents d’abus sexuel dans l’enfance peuvent entraîner toute une série de difficultés importantes à l’âge adulte.

Notre société a tendance à voir les actes violents sur un continuum, certains actes étant considérés « moins violents » que d’autres. Ensuite, nous caractérisons le traumatisme engendré par l’acte violent et les réactions de la victime suivant un continuum semblable. De tels jugements nuisent aux personnes qui ont subi des actes violents. Il n’appartient pas au professionnel de la santé de porter des jugements sur la sévérité des actes violents, le traumatisme qui s’ensuit et les réactions d’une personne à cette situation.

  • Que devrait savoir le profes-sionnel de la santé sur la dynamique de l’abus sexuel dans l’enfance?

Les difficultés vécues par les survivantes pendant leur rencontre avec des profes-sionnels de la santé peuvent résulter d’un abus passé. Le clinicien ne peut changer les antécédents d’une survivante, mais une évaluation de la dynamique et des effets à long terme peut lui permettre de mieux comprendre les réactions de la

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Renseignements généraux sur l’abus sexuel dans l’enfance

  • L’abus sexuel est une violation du corps, des limites et de la confiance3

Les violations du corps, des limites et de la confiance peuvent affecter les relations de la survivante avec elle-même, avec son corps et avec autrui. Quand une enfant est abusée, elle ne se sent plus maîtresse d’elle-même et se trouve impuissante. Elle est handicapée : son sens de la réalité est compromis, et ce qu’elle veut ne compte pas. Ainsi, l’enfant apprend que son corps ne lui appartient pas et qu’elle n’a rien à dire sur ce qui lui arrive. Elle apprend à renier son corps et à ne plus en prendre soin. Pour survivre aux périodes d’abus, elle a peut-être appris à négliger ou à ignorer les signes de douleur, de blessure et de danger ou d’autres sensations que son corps produit, ou à se détacher de celui-ci. Ainsi, la relation ou le lien de la survivante avec son corps peut être atteint3, 4.

L’abus sexuel dans l’enfance est, par définition, une violation des limites. La majorité des enfants prennent con-naissance des limites tôt dans leur vie par l’entremise des interactions de tous les jours. Ils intériorisent des idées sur ce qui est personnel et privé et sur la signification de la proximité et de la distance physiques et émotives. Quand une enfant voit que les autres respectent ses limites et ses besoins d’intimité et d’isolement, cela renforce chez elle le sentiment de sa valeur. Elle apprend qu’elle est distincte des autres, qu’elle est une personne à part entière et qu’elle possède une identité qui lui est propre. Par contre, l’enfant qui est abusée sexuellement apprend que son corps appartient à une autre personne. Son corps est utilisé pour assouvir les besoins d’une autre personne, et ses sentiments, désirs et besoins ne sont

pas importants. La relation ou le lien qu’elle entretient avec elle-même et son identité sont alors affectés3, 4.

La plupart des abus sexuels sont per-pétrés par des personnes connues de l’enfant – membres de la famille, gardiens et gardiennes, amis, entraîneurs, mem-bres du clergé, etc. –, responsables de protéger les enfants et de subvenir à leurs besoins. Les conséquences de cette expérience peuvent être profondément dévastatrices. Quand de telles personnes profitent d’elle, l’enfant se sent trahie. Pour elle, le monde devient un endroit dangereux, car elle se rend compte qu’elle ne peut pas faire confiance aux personnes qui prétendent prendre soin d’elle. Par conséquent, ses relations avec autrui (y compris avec les professionnels de la santé) peuvent être compromises3, 4.

  • Quels sont les effets à long terme de l’abus sexuel dans l’enfance?

De nombreuses études ont établi que l’abus sexuel dans l’enfance est associé à des problèmes mentaux, interpersonnels et physiques vécus à l’âge adulte16. Les séquelles à long terme peuvent affecter de nombreux aspects fonctionnels tels que la faculté cognitive, l’émotivité, le comportement, les relations interperson-nelles et la condition physique. Les paragraphes suivants décrivent certains types de difficultés établis par des chercheurs et des professionnels de la santé.

Faculté cognitive. Des études indiquent que l’abus des enfants entraîne souvent des pensées et des perceptions défor-mées concernant soi-même, son propre comportement et les intentions d’autrui. Ces déformations peuvent causer un

7


Manuel de pratique sensible à l’intention des professionnels de la santé – Leçons tirées de survivantes d’abus sexuel dans leur enfance

sentiment de culpabilité, de l’auto-blâme et une faible estime de soi10. L’impression d’impuissance et de danger chronique, et l’hypervigilance résultante (sensibilité extrême et appréhension constante des dangers possibles) est courante10. Le sentiment d’impuissance peut se manifester sous forme de passivité ou, au contraire, par ce que les autres peuvent percevoir comme un comportement de domination10.

Émotivité. Les effets à long terme sur l’émotivité sont notamment la dépres-sion, l’anxiété, la colère, la peur, la dissociation (définie à la page 11) et l’engourdissement des sentiments10, 17.

Comportement. Des études révèlent plusieurs moyens utilisés par les sur-vivantes pour faire face à la détresse ou à la douleur émotive, ou pour les éviter. Ces moyens sont entre autres l’abus de substances et la toxicomanie, l’auto-mutilation, des tentatives de suicide et des troubles de l’alimentation. Elles peu-vent aussi avoir des comportements risqués pour la santé tels qu’une consommation de tabac et des relations sexuelles précoces ainsi que des relations sexuelles avec plusieurs partenaires18.

Relations interpersonnelles. Parmi les difficultés, il y a la réticence à faire confiance aux autres, la tendance à éviter des relations intimes et étroites, les pro-blèmes sexuels et la peur d’être seule10. Comme les survivantes ont vu leurs limites fondamentales violées et ont vécu un manque de sensibilité à l’égard de leurs sentiments et de leurs besoins, certaines peuvent avoir du mal à appren-dre les comportements sociaux habituels, qui nécessitent une sensibilité aux sentiments et aux besoins d’autrui.

Condition physique. Des études ont à maintes reprises montré que des expériences traumatisantes dans l’enfance, notamment l’abus sexuel, sont associées à des taux plus élevés de douleurs au bas du dos19, de douleurs pelviennes chroniques20-22, de troubles gastro-intestinaux23, de maux de tête chroniques24, et de problèmes médicaux en général18, 26.

Certaines conditions éprouvantes peu-vent directement résulter d’abus passés qui ont laissé des dysfonctionnements structuraux permanents et qui devien-nent plus problématiques avec le vieil-lissement de la personne.

Le stress causé par des événements traumatisants peut avoir des effets négatifs à long terme sur le fonction-nement physiologique normal15. Les domaines émergents de la médecine psychosomatique, de la psycho-endocrinologie et de la psycho-immunologie apportent de plus en plus d’information sur les liens entre les événements extérieurs, la biochimie du cerveau, le corps et l’interprétation de tous ces événements par l’esprit27, p21.

Les recherches sur la mémoire trauma-tique ont mis en lumière l’existence d’une « mémoire somatique » ou « mémoire corporelle ». Les souvenirs traumatisants peuvent être encodés dans la mémoire non verbale « non déclarative », qui est indépendante de la mémoire habituelle basée sur le langage. Ces souvenirs trau-matisants peuvent être déclenchés par un stress vécu dans le présent, qui rappelle à la personne le traumatisme passé et peut se traduire par un souvenir « somatique » ou « corporel »28.

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Renseignements généraux sur l’abus sexuel dans l’enfance

  • Apport des survivantes à leur traitement

1. Se sentir en sécurité

Le sentiment ou la perception d’être en sécurité est un besoin crucial pour les sur-vivantes, à cause des violations vécues dans le passé. Ce besoin de sécurité est nécessaire dans tous les aspects de la vie de la survivante, y compris dans ses interactions avec les professionnels de la santé.

2. Transfert et contre-transfert

Transfert : Quand les expériences passées interfèrent avec les situations présentes

Les facteurs présentés dans cette section sont liés au phénomène psychologique du transfert. Ce terme désigne le déplacement des sentiments et des perceptions vécues dans le passé à des expériences qui ont lieu dans le présent.

Plusieurs théories psychologiques affir-ment que nous faisons tous l’expérience du transfert dans nos vies. Bien qu’il puisse être positif ou neutre, le transfert peut aussi être négatif et interférer avec le fonctionnement sain et adaptatif. Par exemple, lorsqu’elle était enfant, la sur-vivante peut avoir été fréquemment critiquée par un parent ou la personne qui abusait d’elle. Elle s’attend donc peut-être à ce que le clinicien (autre figure d’autorité) la critique également, et peut percevoir une attitude critique là où il n’y en a pas. Comprendre le concept de transfert peut aider le clinicien à ne pas prendre les réactions de transfert des survivantes de façon personnelle.

Contre-transfert

Le contre-transfert survient quand un professionnel de la santé transfère des sentiments ou des perceptions de situations passées à sa relation actuelle avec une cliente, ou quand il laisse la réaction de transfert de la cliente évoquer une réaction non thérapeutique. Le contre-transfert peut se manifester de diverses façons : besoin d’être aimé ou admiré par ses clientes; espoir que ses clientes adhèrent à ses opinions sur quelque sujet que ce soit29, p. 5.

Les réactions de transfert tout comme celles de contre-transfert sont normales, mais doivent être résolues de façon éthique, afin que la cliente ne développe pas une résistance au rétablissement et que les soins du professionnel ne soient pas compromis par une participation trop émotive ou une exploitation de la relation thérapeutique29.

  • Sentiments, expériences et comportements pouvant interférer avec le traitement

Les sentiments et les expériences com-munément associés à l’abus sexuel dans l’enfance peuvent entraver le processus thérapeutique en compromettant le sentiment de sécurité de la survivante. Il est impossible d’en présenter une liste complète parce que les sentiments, les expériences et les comportements peu-vent grandement varier d’une personne à l’autre. Cette section met en évidence certains des sentiments, expériences et comportements fréquents des sur-vivantes qui peuvent entrer en jeu dans la relation avec leur professionnel de la santé. Le clinicien qui élargit sa compréhension de l’abus sexuel dans

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Manuel de pratique sensible à l’intention des professionnels de la santé – Leçons tirées de survivantes d’abus sexuel dans leur enfance

l’enfance sera mieux préparé pour bien intervenir lors des réactions inusitées au traitement, qui peuvent être liées à l’abus passé. Nous mettons cependant en garde le lecteur à l’effet que ces réactions et sentiments ne sont pas limités aux survivantes. Il est impossible de tirer des conclusions sur le passé d’une cliente en se basant uniquement sur ces sentiments et comportements.

Les principes de la pratique sensible et les lignes directrices pour ce type de pratique présentés plus loin proposent des idées pour les soins axés sur la cliente qui per-mettent de faire face aux difficultés brièvement résumées dans cette section.

a. Peur et méfiance

…assise dans la salle d’attente de la clinique, je me sentais nerveuse, craintive, et je ne savais pas trop ce qui allait arriver… En ce qui concernait l’habille-ment ou… les contacts physiques… je ne savais tout simplement pas…

Nombre de survivantes vivent l’anxiété et la peur terribles d’être blessées pendant le traitement. La survivante peut se méfier du professionnel de la santé et hésiter à adhérer au traitement.

b. Douleur physique

Pour beaucoup, l’expérience des douleurs physiques est associée de manière cognitive à l’abus subi dans le passé. Cela peut se manifester de diverses façons : certaines survivantes ont appris à engourdir leur douleur ou à s’en dissocier; d’autres peuvent ressentir pleinement la douleur tant présente que passée.

Je pense que parfois, quand des sur-vivantes souffrantes arrivent à la séance de physiothérapie, cela nous ramène vers… notre enfance, époque pendant laquelle nous souffrions…et que personne ne nous aidait. Et lorsqu’on parlait de notre douleur… cette dernière était banalisée ou bien on nous menaçait pour que nous ne disions rien à personne.

c. Le besoin de « contrôler » la situation

Le besoin de « contrôler » la situation naît souvent des violations passées où l’enfant n’avait aucun contrôle sur ce qui lui arrivait. Par conséquent, si la survivante perçoit un manque de contrôle, elle se sentira moins en sécurité pendant le traite-ment et pourrait y adhérer moins bien.

Je me rends compte que si je ne sens pas que j’ai le contrôle… je fuis la situation.

d. Malaise avec les hommes

Les auteurs d’abus sexuel à l’égard des enfants peuvent être des hommes ou des femmes; toutefois, les statistiques indiquent que la majorité des agresseurs sont des hommes1. C’est pourquoi les survivantes peuvent se sentir en danger et mal à l’aise en présence d’un profes-sionnel de la santé de sexe masculin.

Deux hommes, un physiothérapeute et un assistant, étaient dans la pièce avec moi. J’avais enlevé mes pantalons, et ce type appliquait du gel pour l’ultrason sur ma jambe. Et je me sentais vraiment mal à l’aise… Même si… probablement rien ne pouvait arriver… mais je n’aimais tout simplement pas me retrouver dans une pièce toute seule, sans pantalons, avec deux hommes. C’était vraiment inquiétant.

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Renseignements généraux sur l’abus sexuel dans l’enfance

Certaines survivantes peuvent aussi être inconfortables en présence de clients de sexe masculin.

Une fois, j’étais à côté de deux hommes qui étaient aussi des patients, et… j’étais étendue avec mes chevilles posées sur un coussin, et je me suis sentie vraiment vulnérable… Je me souviens d’avoir été incapable de me concentrer sur ce que je voulais faire à cause de ces deux hommes à côté de moi. Et en fait, c’était probablement au détriment de la physiothérapie que je tentais de faire. Les hommes étaient inoffensifs, mais il y a une certaine vulnérabilité quand on est étendue et incapable de fuir…

e. Ambivalence par rapport à son corps

De nombreuses survivantes ressentent de la haine ou de la honte par rapport à leur corps, et/ou se sentent séparées de celui-ci. Le conflit entre le besoin d’une sur-vivante de trouver un traitement pour régler un problème physique et la diffi-culté qu’elle a de prendre soin de son corps peut affecter le traitement. La sur-vivante peut, par exemple, ignorer les symptômes qui pourraient donner de bons indices pour le diagnostic ou la réaction au traitement.

Et l’attention que je porte à mon corps varie selon où j’en suis et ma résolution à prendre soin de mon corps. C’est très difficile pour moi physiquement parce que, comme je n’habite pas vraiment mon corps, je le conçois seulement comme une sorte de véhicule permettant de me déplacer.

f. Conditionnement à la passivité

Les abus poussent souvent les enfants

à éviter de parler franchement ou de contester les figures d’autorité. Même

adultes, les survivantes peuvent avoir du mal à exprimer leurs besoins au praticien de la santé qui représente alors pour elles une nouvelle figure d’autorité.

La thérapeute a fait quelque chose et j’ai réellement paniqué mais… je ne lui ai pas montré que je paniquais parce que j’ai appris à cause de l’abus que j’ai subi qu’il ne faut pas montrer qu’il y a des choses qui nous posent des problèmes. Il faut juste se débrouiller comme on peut… par la dissociation ou quelque chose comme ça.

g. Déclencheurs

Un flashback est l’expérience de revivre un événement passé. Certaines sur-vivantes sont susceptibles d’avoir des flashbacks et d’être accablées par les sentiments liés au passé. L’examen et/ou le traitement peut « déclencher » ou précipiter des flashbacks ou des émo-tions accablantes telles que la peur, l’anxiété, la terreur, la peine ou la colère. Cela peut se produire momentanément ou sur une période plus longue. On croit que ces expériences s’inscrivent dans un processus dissociatif.

Et le gel qu’ils ont mis sur moi a provoqué des flashbacks, des cauchemars, des insomnies… je ne pouvais simplement pas supporter ça.

h. Dissociation

On a défini la dissociation comme une rupture dans les fonctions habituelle-ment intégrées de la conscience, de la mémoire, de l’identité ou de la perception de l’environnement30, p. 477. Elle peut être soudaine ou graduelle, passagère ou chronique. La dissociation ne devrait pas nécessairement être jugée pathologique

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Manuel de pratique sensible à l’intention des professionnels de la santé – Leçons tirées de survivantes d’abus sexuel dans leur enfance

et, dans bien des cas, n’entraîne pas de détresse, d’incapacité ou un comportement de recherche d’aide30, p. 477. Une expérience commune de dissociation est l'hypnose de la route : après avoir conduit un certain temps, la personne se rend soudainement compte qu’elle ne se sou-vient pas de ce qui s’est passé durant une partie ou la totalité du voyage31.

La dissociation peut être perçue comme un moyen utilisé par la survivante pour altérer son attention à des fins d’adapta-tion – quand elle était enfant, elle utilisait ce moyen pour survivre aux abus. Quand la survivante continue d’utiliser cette stratégie à l’âge adulte, cela peut inter-férer avec le fonctionnement adaptatif28. Beaucoup de survivantes rapportent qu’elles n’arrivent pas à maîtriser com-plètement cette faculté de « fuir » une situation (habituellement stressante), et certaines affirment qu’elles ont été inconscientes de leur tendance à dissocier pendant des années.

Certaines survivantes disent avoir déjà eu l’impression d’être en dehors de leur corps, en observant la situation présente à distance, une expérience qu’on croit être le résultat d’un processus dissociatif.

Certaines trouvent difficile et douloureux de réintégrer la réalité.

Dans une séance de physiothérapie, j’ai toujours cette même impression de terreur à l’intérieur de moi-même, et j’utilise le même moyen pour y faire face que lorsque j’étais abusée… Simplement essayer de ne plus sentir mes bras et ne plus être vraiment là.

Les chercheurs poursuivent leur étude de la dissociation, phénomène terriblement compliqué28, p. 287. D’importantes recherches laissent entendre que la dissociation est une réaction courante aux situations traumatisantes, non exclusive aux survivantes d’abus sexuel dans l’enfance32. Vous trouverez une explication plus détaillée du phénomène de la dissociation, à l’annexe B.

i. Auto-mutilation

L’auto-mutilation (telle que les égratignures, les coupures et les brûlures infligées volontairement) est une réaction de certaines survivantes face à leurs problèmes. Les professionnels de la santé peuvent voir des signes évidents d’auto-mutilation, tels des blessures ou des cicatrices sur les bras, les jambes ou l’abdomen.

Il y a beaucoup de raisons pour lesquelles les survivantes s’auto-mutilent. Elles peuvent le faire pour masquer ou engour-dir leur douleur émotive, transférer leur sensation douloureuse à un seul point concret, ou mettre fin aux épisodes d’engourdissement. D’autres peuvent chercher à s’auto-punir parce qu’elles se sentent responsables ou coupables des abus subis dans le passé.

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III. Principes de la pratique sensible

Importance primordiale d’aider sa cliente à se sentir en sécurité

Je commence à comprendre que mon bien-être physique est intimement lié à mon état émotif. Si je ne me sens pas à l’aise, si je suis anxieuse, je n’arriverai pas à faire autant de progrès que le souhaite mon physiothérapeute.

L’un des principaux buts du traitement est l’établissement d’un sentiment de sécurité chez la cliente. On peut con-cevoir la sécurité comme un parapluie protecteur : quand il est ouvert, la sur-vivante est mieux disposée à participer au traitement. Les rayons qui tiennent ce parapluie ouvert sont les principes de la pratique sensible.

1. Respect

Le respect repose sur la prise de conscience de l’individualité de l’autre33. La survivante risque de réagir fortement à toute trace de manque de respect : par le passé, on a abusé d’elle et elle a été traitée avec un irrespect total.

Je pense qu’il ne vient même pas à l’esprit des physiothérapeutes et des autres profes-sionnels de la santé que nous puissions être mal à l’aise. Ils disent souvent « À nos yeux, vous êtes une patiente, pas une personne. » Je ne suis pas entièrement de leur avis. Nous sommes tous des humains, et la thérapie est une démarche intime. Vous regardez et touchez mon corps, et vous m’interrogez sur ma vie. Ça, c’est personnel.

2. Lien de confiance

Le lien de confiance constitue le fonde-ment de toute relation thérapeutique. L’établissement de ce lien est encore plus essentiel quand il s’agit d’amener une survivante à se sentir en sécurité. Dès les premiers instants de l’interaction entre le clinicien et la cliente, il importe donc d’établir une relation qui devra par la suite être entretenue avec soin.

Le dosage entre l’attitude professionnelle et le comportement amical adopté en vue d’établir une relation positive avec la cliente dépend en partie de la person-nalité du clinicien. Mais un clinicien distant et froid risque d’avoir de la difficulté à établir une communication positive avec sa cliente. Inversement, un clinicien trop familier risque d’être perçu comme envahissant et peu respectueux. L’atteinte d’un juste équilibre est donc

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Manuel de pratique sensible à l’intention des professionnels de la santé – Leçons tirées de survivantes d’abus sexuel dans leur enfance

cruciale : les thérapeutes efficaces ne sont-ils pas ceux qui font preuve d’une authentique empathie à l’intérieur de limites appropriées?

Je n’étais qu’un nom parmi tant d’autres sur la liste. Elle n’était pas chaleureuse et je ne me sentais pas à l’aise avec elle. Elle n’était vraiment pas le genre de personne avec qui j’aurais pu parler de quoi que ce soit, elle n’était tout simplement PAS intéressée.

3. Partage du contrôle

Pendant son enfance, la survivante n’avait pas eu la possibilité de garder le contrôle de son corps. Par conséquent, à l’âge adulte, elle estime capital de sentir qu’elle a ce contrôle pour assurer et maintenir sa sécurité. La cliente à qui l’on permet de conserver une partie de ce contrôle se sent respectée et peut, dès lors, participer activement à son traite-ment, et non pas se comporter comme si elle y était étrangère. Pour ce qui est du clinicien, il doit jouer un rôle de guide ou de facilitateur et travailler avec sa cliente et non pas sur son cas.

Il ne fait pas de doute que les connaissances et le savoir-faire de la physiothérapeute sont essentiels à mon traitement. Avec ce que je sais et ce que je peux lui dire, je souhaiterais qu’elle soit capable d’évaluer ma situation et de m’offrir des solutions. J’aimerais qu’elle ne soit pas l’experte et moi la patiente : je préférerais qu’il s’établisse une communication entre nous au sujet de mon corps.

4. Partage de l’information

Le fait de donner à la cliente des informations sur l’examen initial et les aspects du traitement contribue aussi à l’éta-blissement chez elle d’un sentiment de sécurité. Le clinicien doit de plus faire en sorte que la cliente puisse bien se rappeler, après le rendez-vous, les informations qui lui auront été fournies au sujet de son corps et de son traitement.

Il est primordial que l’échange d’informa-tion soit réciproque. En plus de donner des explications sur l’examen et le traite-ment, le clinicien se doit de constamment chercher à connaître les réactions de sa cliente au traitement ainsi que sa perception quant aux progrès accomplis.

5. Respect des limites

Le respect des limites est essentiel à l’instauration d’un sentiment de sécurité chez la cliente.

En tant que survivante, j’ai besoin de savoir que cette personne ne va pas envahir mon intimité ni me causer de tort. Je ne parle pas nécessairement sur le plan physique, mais sur le plan émotif.

Le terme « limites » fait référence aux limites externes du territoire physique et psychologique d’une personne. Les limites définissent non seulement les parties du corps, mais aussi les informations que cette personne estime devoir garder sous son contrôle. Toucher une personne sans son consentement constitue un empiéte-ment sur ses limites physiques; lui poser des questions très intimes transgresse ses limites psychologiques personnelles. Quand une telle atteinte se produit, cette personne se sent violée.

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Principles de la pratique sensible

Les concepts de pouvoir et de respon-sabilité dans la relation thérapeutique occupent une importance de premier plan pour ce qui est de la question des limites de l’intimité. « Les limites sont une façon de concrétiser l’inégalité de pouvoir propre à la relation thérapeu-tique et de circonscrire l’expression du pouvoir du thérapeute… » 34, p. 50 Comme le professionnel de la santé est en position de pouvoir, il a la responsabilité de faire en sorte que la relation thérapeu-tique soit centrée, d’abord et avant tout, sur les besoins de la cliente. S’il néglige d’établir des limites ou de les respecter, le clinicien fait passer ses besoins avant ceux de sa cliente, ce qui n’est pas dans son intérêt. Par exemple, il y a violation de limites quand un praticien pressé par le temps estime qu’il n’a pas le temps de demander le consentement de son client ou de sa cliente avant de poser un acte. Ce faisant, il donne priorité à ses propres besoins plutôt qu’à ceux de sa cliente.

Ces limites peuvent parfois être difficiles à percevoir, par la cliente comme par le clinicien. Les violations des limites sont souvent dues à l’inadvertance. Il appar-tient au clinicien de porter une attention soutenue au maintien de limites adéquates de part et d’autre. Il arrive aussi, quoique cela soit moins courant, que les limites du clinicien soient dépassées. La survivante peut en effet parfois donner une connotation sexuelle aux interactions qu’elle a avec les person-nes symbolisant l’autorité : enfant, elle a en effet appris que sa relation avec l’abuseur était avant tout sexuelle. Il incombe au clinicien d’être attentif aux possibilités de violations des limites de l’intimité et de résoudre les problèmes éventuels qui en découleraient. Il lui revient toujours de clarifier la situation et de voir à ce qu’aucune violation de limites ne se produise.

Certaines survivantes, dont, par défini-tion, les limites ont été violées au cours de leur enfance, commencent souvent à peine à saisir l’importance des limites de leur intimité. En faisant preuve de respect envers la susceptibilité de sa cliente par rapport à ses limites, le clinicien peut servir de modèle à la survivante qui apprend à établir de saines limites d’intimité.

  • Climat favorable à un apprentissage mutuel

L’application des principes ci-dessus permet de raffermir des comportements que la survivante n’a peut-être pas eu l’occasion d’apprendre dans son enfance et qu’elle ne commence à mettre en pratique qu’à l’âge adulte. Elle a peut-être donc besoin d’être encouragée dans sa démarche si l’on veut qu’elle participe activement et à part entière à ses soins de santé. De son côté, le clinicien doit aborder avec la survivante la question du partage des responsabilités relatives à sa santé et faire en sorte d’encourager sa participation, sans créer d’attentes irréalistes en ce qui a trait aux résultats du traitement.

La capacité de s’affirmer et de dire « non » s’acquiert difficilement. Cette personne m’a donné la permission de dire « non » jusqu’à ce que je puisse apprendre à me donner à moi-même cette permission…

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Manuel de pratique sensible à l’intention des professionnels de la santé – Leçons tirées de survivantes d’abus sexuel dans leur enfance

Avec le temps, le clinicien apprend à travailler avec les survivantes d’abus sexuel. Celles qui ont participé à la recherche nous ont rappelé que les erreurs et les situations pénibles sont inévitables, mais qu’il existe à cela deux solutions éprouvées. Tout d’abord, le clinicien doit reconnaître ses erreurs et présenter des excuses, puis discuter de la situation avec sa cliente en vue de résoudre le problème rencontré.

  • Prise en compte des changements d’attitude

Par moments, je ne tolère pas qu’on touche à certaines parties de mon corps. Mon degré de tolérance varie en fonction de ce que je vis. Il vous sera donc impossible de tenir un registre de mes réactions et de vous y fier pour savoir comment m’aborder : il va donc falloir faire le point au début de chaque session.

La démarche entreprise par la survivante afin de surmonter les effets des abus sexuels subis au cours de son enfance et de s’en sortir n’est pas un processus linéaire. Conséquemment, le degré de tolérance de la survivante au traitement et son niveau de participation peuvent fluctuer. De telles variations peuvent se manifester d’un jour à l’autre, ou ap-paraître après une plus longue période de temps. Pour prévenir de tels change-ments, le clinicien doit constamment vérifier l’état d’esprit de sa cliente et se tenir prêt à adapter sa méthode thérapeutique en conséquence.

  • Démonstration d’ouverture aux problèmes de la prévalence et des suites à la violence et à l’abus sexuel dans l’enfance

Beaucoup de survivantes sont à l’affût d’indices signalant que le clinicien est sensible aux questions de violence et d’abus. La démonstration de cette ouver-ture peut prendre diverses formes. Des signes tangibles, tels que la présence d’affiches et de dépliants du centre local d’aide aux victimes d’agression sexuelle, laissent entendre que le professionnel de la santé en question porte attention à ces sujets. L’application dans votre pratique des principes de la pratique sensible et des lignes directrices pour ce type de pra-tique, décrits dans ce manuel, démontre aussi clairement cette ouverture.

Ce qui m’importe encore davantage, c’est le niveau de sensibilisation du thérapeute par rapport au traumatisme. C’est primordial pour moi.

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IV. Lignes directrices pour la pratique sensible

A. Introduction

Il y a des différences parmi les survivantes. Chez certaines, l’abus sexuel dans l’en-fance a peu d’effets négatifs. D’autres ont appris à gérer les effets à long terme d’une manière telle que leur vie quotidienne ne s’en trouve pas affectée. Cependant, chez certaines survivantes, les effets négatifs de l’abus se font sentir dans tous les aspects de leur vie.

De même, les survivantes d’abus sexuel dans l’enfance se trouvent aussi à dif-férents stades du processus de guérison. Certaines ne se souviennent même pas de l’abus; d’autres savent qu’elles ont été abusées mais ont évité d’y penser ou d’y attacher de l’importance; enfin, il y a celles qui commencent un véritable processus de guérison ou qui ont déjà fait un bon bout de chemin dans cette voie.

Les survivantes ne se font pas toutes la même idée de la relation entre leur santé physique et psychologique et l’abus subi dans l’enfance. Certaines croient que leur santé physique et leurs réactions au traitement sont intimement liées à leur état psychologique. D’autres n’ont pas fait ce genre de liens. Toutes les femmes qui ont participé à cette étude avaient entamé leur processus de guérison. Elles ont parlé des liens étroits entre leur santé physique et l’abus passé. Nombre d’entre elles ont décrit leurs interactions avec les professionnels de la santé à différents moments de leur vie, soit avant s’être souvenu de l’abus passé, avant qu’elles aient commencé à voir des liens entre leur santé et l’abus, et durant et après cette période de prise de conscience.

Ainsi, le clinicien peut être appelé à traiter des survivantes dont les situations par rapport avec l’abus passé varient grandement.

[Les survivantes ] peuvent ne pas voir de liens entre leur santé et l’abus, ou elles peu-vent ne pas en être rendues là dans leur vie. J’ai vécu des années sans savoir à quel point l’abus que j’ai subi affectait mon corps, ma vie, mes émotions, tout. En regardant en arrière, je crois que si des médecins ou quelqu’un d’autre l’avaient su, cela aurait pu changer des choses.

Les lignes directrices présentées sous les rubriques autres que Faire face à une cliente bouleversée et Divulgation de l’abus sexuel dans l’enfance permettent d’assurer un traitement respectueux de tout client, qu’il ait subi ou non un abus sexuel. Les lignes directrices présentées sous ces rubriques ont spécifiquement trait à l’intervention auprès des sur-vivantes d’abus sexuel dans l’enfance.

Certaines suggestions présentées dans ces lignes directrices peuvent ne pas s’appliquer à certaines professions de la santé, certains milieux cliniques ou certaines survivantes.

On encourage les lecteurs à trouver des façons originales d’appliquer ces lignes directrices dans leur pratique clinique.

Les lecteurs doivent aussi être avertis que la section des lignes directrices du manuel n’est pas un document qui se suffit à lui-même; elle s’appuie sur la dynamique et les effets à long terme de

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Manuel de pratique sensible à l’intention des professionnels de la santé – Leçons tirées de survivantes d’abus sexuel dans leur enfance

l’abus sexuel dans l’enfance et sur les principes de la pratique sensible.

  • Aider la cliente à se préparer au traitement

On peut aider la cliente à mieux compren-dre le processus thérapeutique dans lequel elle va s’engager en lui remettant par écrit, un aperçu du traitement à venir. Les Suggestions aux clients des cliniques externes de physiothérapie (Annexe C) en sont un exemple. Ce modèle peut être modifié par les professionnels de la santé selon les particularités de leur contexte clinique. Pour que ces suggestions puis-sent être comprises par tous, on a utilisé pour leur rédaction un guide de lisibilité35.

Ce document peut être envoyé à la cliente avant son premier rendez-vous ou lui être remis à cette occasion dans la salle d’attente; on peut aussi en laisser des exemplaires dans les salles d’attente et les cabinets de traitement. Cette information peut contribuer à réduire en partant l’anxiété, et aider le clinicien à aborder certains des besoins de sa cliente dès le début de l’interaction.

B.
  
Préparation à la première rencontre
1. Le droit de choisir son clini-cien et son établissement de santé

La cliente peut, sur la base d’informa-tions pertinentes, choisir librement les professionnels de la santé avec lesquels elle va travailler. Elle a aussi le droit de demander d’être orientée vers un autre clinicien ou établissement si elle ne se sent pas à l’aise dans le contexte où elle se trouve. Il se peut que ces conditions soient difficiles, voire impossibles à satisfaire dans certains cas; néanmoins, on encourage les professionnels de la santé à trouver des moyens d’appliquer ce principe de libre choix.

Comme on l’a signalé dans la section sur les effets à long terme de l’abus sexuel dans l’enfance, de nombreuses survivantes ne se sentent pas à l’aise avec les intervenants de sexe masculin. Il est important que les professionnels de la santé de sexe masculin soient conscients que l’inconfort de leurs clientes peut découler de ses expériences passées. Les cliniciens de sexe masculin parviennent souvent à établir une bonne relation thérapeutique avec leurs clientes. Cependant, il arrive parfois que l’inconfort de la survivante soit trop important et qu’il ne puisse être surmonté. Que doit alors faire le clinicien? Nous suggérons que chaque clinicien fasse preuve de sensibilité et soit disposé à orienter la cliente vers un autre praticien si elle le souhaite.

C. Évaluation initiale

On suggère cette marche à suivre lors de l’anamnèse* et de l’examen initiaux.


  
Rédigez le document initial de consentement éclairé en des termes facilement compréhensibles pour la cliente. Évitez les termes techniques et utilisez un langage tel que la survivante aura l’assurance d’être considérée comme une personne
  à
  
part entière (voir l’Annexe D, Exemple de formule de consentement).
  • Anamnèse : Renseignements fournis par le/la patient(e) interrogé(e) sur l’histoire de sa maladie et les circon-stances qui l’on précédée.

18


Lignes directrices pour la pratique sensible


  
Veillez à ce que les clientes sachent qu’elles peuvent être, en tout temps, accompagnées durant le traitement.
 
  
Affichez cette information dans la salle d’attente et indiquez-la aussi sur les cartes de rendez-vous.
 
  
Mettez l’accent sur cette option verbalement.

  
Offrez à la cliente la possibilité d’être reçue dans une pièce privée lors de la première rencontre, si possible.

  
Indiquez à l’avance à la cliente en quoi consiste les évaluations subjective et objective avant de commencer.

  
Demandez un consentement verbal pour chaque segment de l’évaluation.

  
Établissez d’abord les antécédents médicaux avant de demander à la cliente de retirer toute pièce de vête-ment en vue de l’examen physique.

  
Prévoyez suffisamment de temps pour répondre aux questions durant l’anamnèse. Bon nombre de sur-vivantes ont perdu contact avec leur corps et peuvent avoir besoin de plus de temps pour décrire leurs symp-tômes.

  
Recherchez un équilibre entre proposer des descripteurs des symp-tômes (« Diriez-vous que votre douleur est vive ou sourde, constante ou pulsatile? ») et encourager la survivante à identifier et donc, à
  «
  
s’approprier », ses symptômes.

  
Si la cliente semble mal à l’aise ou
  é
  
prouve de la difficulté — quand vient le temps de répondre aux questions de l’un des volets de l’évalua-tion subjective — il pourrait être indiqué de passer à un autre volet de l’évaluation et de revenir, ultérieure-ment, aux questions précédentes.

  
Préservez l’intimité de la cliente quand elle se déshabille ou se change, et assurez-vous qu’elle est prête — frappez, demandez-lui si elle est prête, et attendez sa permission avant d’entrer.

  
Avant d’examiner une nouvelle partie du corps, faites savoir à votre cliente qu’il conviendrait d’examiner cette autre partie, et expliquez-lui pourquoi.

  
Veillez à ce que votre cliente com-prenne bien que, durant l’examen physique, elle peut vous demander de prendre une pause, d’aller plus lentement ou de tout arrêter.

  
Demandez à votre cliente si elle se sent à l’aise, ou si elle est disposée à continuer
 
  
de façon intermittente durant l’examen;
 
  
quand vous passez d’une partie du corps à une autre;
 
  
si son langage corporel traduit un malaise.

  
Insistez sur le fait que vous êtes dis-posé à faire montre de souplesse durant l’évaluation et le traitement subséquent pour atténuer son incon-fort ou son anxiété.

  
Donnez des explications concernant le corps et ses nombreuses connexions, particulièrement quand vous examinez des parties autres que celles où se manifestent les symp-tômes. Rassurez la cliente en lui expliquant qu’il est assez courant de ressentir de la douleur ou d’autres symptômes à des endroits éloignés de celui qui la préoccupe.

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Manuel de pratique sensible à l’intention des professionnels de la santé – Leçons tirées de survivantes d’abus sexuel dans leur enfance

  • Demandez à votre cliente à quelle heure préfère-t-elle vous rencontrer avant de fixer les futurs rendez-vous. Une survivante qui dort mal pourrait préférer prendre rendez-vous à une heure qui lui permettra de tirer le meilleur profit du traitement.
  • Assurez-vous de voir votre cliente complètement habillée, même brièvement, après chaque séance. Cela renforce chez elle le sentiment que le clinicien la considère comme une personne à part entière.
  • Expliquez après l’examen les rôles du clinicien et de sa cliente dans le traitement, mais avant d’entre-prendre le traitement.

Si vous suivez cette façon de faire, il se pourrait que l’évaluation initiale prenne plus de temps que prévu. Toutefois, ce long premier rendez-vous pourrait aider à instaurer plus rapidement une bonne relation, la confiance et un sentiment de sécurité, d’où, à terme, un gain de temps.

relatives au consentement établies par leur organisme de réglementation professionnelle.

Puis [la physiothérapeute] me disait :

« Voici ce que je vais faire », et elle me montrait un peu sur elle-même ce qu’elle allait faire, et me demandait alors si cette intervention me rendait mal à l’aise. Si je répondais non, alors elle allait de l’avant, normalement en mettant du froid ou de la chaleur sur moi, puis revenait 15 minutes plus tard. À son retour, juste avant de pour-suivre le traitement, elle me demandait de nouveau si la nouvelle intervention me mettait mal à l’aise, si tout allait bien, et si je comprenais ce qu’elle faisait. Et cela facilitait les choses, parce qu’il arrive qu’on puisse se sentir bien une minute, puis qu’on se sente mal la minute suivante. Elle me permettait de lui faire savoir si subite-ment, pour quelque raison que ce soit, je changeais d’idée ou me sentais mal, et je pouvais m’exprimer. Comme ça, j’avais le sentiment de maîtriser la situation et j’avais mon mot à dire.

Le consentement doit être constam-ment réitéré suivant un processus interactif. Ne prenez pas pour acquis que le consentement accordé est toujours valable : demandez le consentement à chaque jour du traitement.


  
Demandez et obtenez toujours une permission verbale avant d’entre-prendre tout volet d’un examen ou d’un traitement, à chaque fois que vous voyez votre cliente.

  
Assurez-vous que votre cliente consente à ce qu’un étudiant observe le traitement, ou y participe, le cas
  é
  
chéant. Cette demande de consentement devrait être adressée le plus tôt possible et en l’absence de l’étudiant.
  • Autres considérations relatives au traitement

On développe ici des idées associées à certaines des suggestions présentées pour l’évaluation initiale, ainsi que de nouvelles idées et suggestions pour la pratique clinique.

1. Consentement

Le consentement est un élément crucial en matière de sécurité. On conseille aux cliniciens de revoir les lignes directrices

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Lignes directrices pour la pratique sensible

Expliquez le ou les rôles de l’étudiant et indiquez s’il sera présent pour observer ou traiter, ou les deux. Rappelez à votre cliente qu’elle peut, en tout temps, cesser de consentir à la présence de l’étudiant.


  
Quand vous utilisez un agent électro-physique (comme des ultrasons ou un NSTC), décrivez-en les effets phy-siologiques et les sensations qu’il procure. Indiquez quel matériel (gels,
  é
  
lectrodes, etc.) sera utilisé. Assurez-vous d’obtenir le consentement verbal de votre cliente avant de faire l’intervention et après avoir donné les explications.
2. Langage et communication

Le langage peut amplifier ou atténuer le déséquilibre de pouvoir dans la relation thérapeutique.

  • N’abusez pas de termes médicaux : veillez à établir un langage commun qui sécurise la cliente et vous permet de maintenir une rigueur professionnelle.
  • Dosez l’information présentée à votre cliente — trop d’information peut s’avérer aussi improductif que pas assez.
  • Soyez attentif au langage corporel de votre cliente durant le traitement et discutez avec elle de toute disparité apparente entre ses réactions verbales et non verbales.

… nous envoyons aux gens des signaux comme quoi nous avons été abusées… J’envoyais des signaux, et je ne pense pas que les gens les recevaient vraiment et les comprenaient. Je pouvais avoir des mouvements de recul et bouger, et je disais souvent « mais que faites-vous? »


  
Soyez aussi attentif à votre propre lan-gage corporel. Envoie-t-il le même message que vos paroles? Les clientes perçoivent avec acuité les signaux non verbaux.

  
Faites sentir à votre cliente que vous l’écoutez attentivement. L’écoute active est une technique efficace pour clarifier ce que la cliente tente de dire. Par la reformulation, la réflexion et la clarification, vous paraphrasez les paroles de votre interlocuteur plutôt que d’y réagir, afin de bien établir si vous avez saisi correctement la signification voulue36, p. 106.

  
Envisagez la possibilité d’offrir un bref compte rendu écrit de chaque séance de traitement. Cela peut prendre du temps, mais pourrait aider la sur-vivante à se sentir plus engagée dans son traitement. Vous pourriez gagner du temps en utilisant un photocopieur ou du papier carbone.
3. Habillement

Si la cliente doit se dévêtir pour son traitement, elle pourrait se sentir vul-nérable. Expliquez les raisons de vos préférences en ce qui a trait à son habillement, et demandez-lui les siennes. Parvenir à une entente concernant les vêtements appropriés ou offrir des chemises d’hôpital qui ne s’entr’ouvrent pas pourraient sécuriser et rendre à l’aise la survivante durant son traitement. Mettez à la disposition de vos clientes des chemises et des culottes pour toutes les tailles, et demandez-leur si ces tenues leur conviennent.

Ayez aussi à l’esprit que les vêtements que vous portez peuvent aussi avoir des répercussions — un sarrau blanc de

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Manuel de pratique sensible à l’intention des professionnels de la santé – Leçons tirées de survivantes d’abus sexuel dans leur enfance

laboratoire donne une impression de professionnalisme, mais peut accentuer le sentiment d’un déséquilibre de pouvoir et intimider certaines clientes.

4. Toucher

Le toucher peut être associé à des souvenirs douloureux chez les survivantes. C’est pourquoi nombre d’entre elles peuvent tolérer difficilement d’être touchées par des professionnels de la santé. Certaines peuvent en venir à l’accepter de mieux en mieux au fur et à mesure que la confiance s’installe; chez d’autres, le malaise persiste.

… le fait d’avoir à aller chez le physio-thérapeute ne me plaisait pas tellement, parce que je n’aime pas aller à des endroits où des gens vont me toucher… Que ce soit ma tête ou mes orteils, je n’aime pas ça… Si je leur dis que ça me rend mal à l’aise, je ne veux pas qu’il me regarde en disant :

« Mais vous êtes cinglée! Je ne fais que toucher votre tête ou votre pied! Ce n’est pas la fin du monde! »... Rien qu’à penser que je vais voir quelqu’un qui va me toucher, je me mets à repenser à mon passé. Je deviens alors vraiment très tendue.

Vous devez toucher en mettant l’accent sur les principes du contrôle et de l’infor-mation partagés.


  
Décrivez le toucher requis durant le traitement.

  
Il est essentiel que vous demandiez le consentement de votre cliente avant de la toucher, et ce, durant toute la durée de la séance de traitement.
 
  
Certaines clientes peuvent vouloir une description étape par étape, au fur et à mesure des gestes à poser.
  • D’autres clientes se sentiront à l’aise de donner leur consentement après une description de l’ensemble de l’intervention.

Quand la personne m’explique ce qu’elle fait et pourquoi, au fur et à mesure, alors je me sens plus à l’aise. J’éprouve tout de même un certain malaise quand quelqu’un me touche.


  
Vérifiez auprès de votre cliente si son langage corporel n’indiquerait pas une réaction négative au toucher.

  
Demeurez toujours attentif à la distance physique entre vous et votre cliente durant le traitement. Évitez d’être très près d’elle, sauf quand le traitement l’exige.

  
Évitez tout contact physique inutile. Si, pour le traitement, vous devez appuyez une partie du corps de votre cliente contre le vôtre, expliquez cette intervention et obtenez le consentement de votre cliente avant de le faire.
5. Intimité

Le respect des besoins d’intimité de la cliente est un autre élément important pour qu’elle en vienne à se sentir en sécurité. L’équilibre entre sécurité et intimité n’est pas le même chez toutes les survivantes. Certaines clientes se sentiront plus à l’aise dans une pièce privée où personne d’autre ne pourra les entendre. D’autres peuvent préférer une pièce privée où, cependant, quelqu’un de leur choix peut les accompagner durant leur examen ou leur traitement. Enfin, certaines préféreront ne pas se trouver dans des conditions d’intimité parce

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Lignes directrices pour la pratique sensible

qu’elles se sentent plus en sécurité dans un plus grand espace avec d’autres personnes.

Les établissements de soins de santé ne peuvent pas tous offrir aux clientes qui le désirent des pièces privées; vous devrez discuter de cette question avec votre cliente au début du traitement. Si vous ne pouvez parvenir à une solution satis-faisante, il faudrait envisager de l’orienter vers un autre clinicien ou établissement pour satisfaire au mieux ses besoins.

… je ne me sentais pas à l’aise dans un cubicule à rideaux parce que je pensais qu’à tout moment, n’importe qui pouvait ouvrir les rideaux. Quand des personnes passaient à proximité, il pouvait arriver qu’elles fassent bouger les rideaux, et je ne me sentais pas aussi en sécurité ou aussi bien que si je m’étais trouvée dans un espace vraiment privé. J’avais le sentiment que le cubicule pouvait être à tout moment envahi… Je me sentais vraiment vul-nérable… Vous entendez tout ce qui se passe autour… Ce n’est pas intime, ce n’est pas privé et on ne s’y sent pas en sécurité.


  
Affichez à la réception un avis indi-quant qu’une pièce privée peut, le cas
  é
  
chéant, être offerte aux clientes qui le désirent.

  
Demandez à votre cliente ce qu’elle souhaite comme conditions d’intimité. Discutez des solutions possibles en cette matière.

  
Demandez à votre cliente de vous faire savoir en cours de route si elle souhaite des changements au chapitre des conditions d’intimité et informez-vous périodiquement de ses besoins en cette matière durant le traitement.

Bien que soient plus limitées les conditions d’intimité offertes par les services de soins actifs, les cliniciens doivent absolument discuter de cette question avec leurs clientes.

… durant les périodes intimes du traite-ment, je me trouvais dans une vraie pièce avec des murs et tout. Je me sentais plus à l’aise… Je sentais ainsi que le thérapeute reconnaissait que ce qui se passait là était strictement personnel et qu’il respectait mon besoin d’intimité… C’était vraiment bien.

  • Autres considérations relatives à l’intimité

Il est important pour plusieurs sur-vivantes de se sentir en sécurité dans leur environnement.


  
Prenez le temps qu’il faut pour familiariser la cliente avec l’aire de traitement.

  
Plusieurs survivantes se sentent plus à l’aise quand elles peuvent voir la porte, ou se trouvent près de celle-ci.

  
Avant d’entrer dans une pièce ou un autre espace où se trouve la cliente, frappez ou annoncez-vous, et attendez qu’elle vous donne la permission d’entrer.

  
Offrez un lieu sûr où la cliente pourra laisser ses vêtements si elle doit se dévêtir et que le traitement se déroule
  à
  
une certaine distance de l’endroit où elle s’est déshabillée.

  
Certaines clientes peuvent se sentir plus à l’aise si elles peuvent apporter avec elle un petit objet familier sécurisant. Ne portez pas de jugement sur ce genre de comportement.

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Manuel de pratique sensible à l’intention des professionnels de la santé – Leçons tirées de survivantes d’abus sexuel dans leur enfance

  • Offrez, si possible, des toilettes bien identifiées réservées aux femmes.

Certaines survivantes sont très sensibles à l’éclairage, aux planchers et aux plafonds.


  
Demandez à votre cliente comment elle peut se sentir le plus à l’aise :
 
  
en ce qui concerne l’éclairage fourni.
 
  
quand elle doit prendre une position où elle se trouve face au plancher ou face au plafond.

  
Si des difficultés se présentent, discutez avec elle des solutions possibles.

Si votre établissement ne peut offrir à votre cliente l’environnement dont elle a besoin pour se sentir à l’aise, expliquez-lui la situation et offrez-lui la possibilité d’être orientée vers un clinicien d’un autre établissement.

  • Questions relatives à la douleur

La douleur est une question complexe qui est souvent difficile à cerner, tant pour la survivante que pour le profes-sionnel de la santé. La douleur aiguë et/ou chronique peut être en partie liée à l’abus passé. Il est établi que la détresse psychologique peut trouver une expression somatique,37, p. 143 et les chercheurs comprennent de mieux en mieux les répercussions à long terme des trauma-tismes sur les réponses physiologiques au stress qui peuvent aussi contribuer à la douleur des survivantes.

Rappelez-vous que :

  • Certaines survivantes peuvent réagir à la douleur en l’ignorant, en ne la prenant pas au sérieux ou en manifestant une dissociation mentale quand elles l’éprouvent.
  • Certaines survivantes ne peuvent pas ressentir la douleur.
  • La survivante peut ressentir une douleur associée à des mémoires cor-porelles, qui fait partie des problèmes pour lesquels elle fait appel à votre expertise clinique, ou qui s’y ajoute.
  • La survivante peut avoir eu des expéri-ences négatives avec des profession-nels de la santé qui n’ont pas pris sa douleur au sérieux parce que celle-ci ne semblait pas concorder avec les résul-tats des tests ou de l’examen physique. Même si la douleur ne concorde pas avec les résultats de l’examen, l’expéri-ence de cette douleur par la cliente est réelle.

Le clinicien a la responsabilité de s’occu-per de la douleur de sa cliente, ainsi que de ses autres symptômes et problèmes; et ceci, de façon consciencieuse, systéma-tique et sans porter de jugement. Le clinicien doit établir avec sa cliente des objectifs réalistes et les poursuivre systématiquement.

Après exploration exhaustive des possi-bilités de traitement qu’offre votre champ d’expertise, il se peut que vous constatiez que vous ne pouvez traiter la douleur de certaines clientes. Si vous n’arrivez pas à traiter la douleur de façon satisfaisante, vous avez la responsabilité d’expliquer à

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Lignes directrices pour la pratique sensible

votre cliente que vous avez fait le tour des traitements que vous pouviez lui offrir, et de discuter d’autres traitements que pourrait lui offrir une autre personne.


  
Notez ce que vous et votre cliente avez dit durant cette discussion. Ce document pourra s’avérer utile si vous revoyez cette cliente plus tard.

  
Offrez à votre cliente la possibilité de revenir vous consulter, si elle en
  é
  
prouve le besoin.

  
Envisagez la possibilité de vous joindre
  à
  
une équipe de soins de santé qui tentera avec la cliente de régler son problème, ou de créer une telle équipe.

Envisagez la possibilité d’orienter votre cliente vers des cliniciens ou des cliniques spécialisés dans le soulagement de la douleur chronique et vers d’autres profes-sionnels spécialistes du maintien cor-porel, de la mise en forme, du massage, etc. Dans certaines cas, le clinicien peut soupçonner que le problème de sa cliente soit en partie lié à des facteurs psycho-sociaux qui tombent en dehors de son champ de pratique. Le clinicien peut en discuter avec sa cliente et l’orienter vers des personnes qui pourraient l’aider à ce chapitre.

En réhabilitation, on adopte souvent un mode de traitement axé sur les compé-tences fonctionnelles plutôt que sur les symptômes. On demande au client de passer outre les symptômes modérés en l’absence de signes objectifs de mal, de façon à ce qu’il puisse développer les tolérances fonctionnelles qui lui permet-tront de reprendre l’emploi et/ou le style de vie d’avant sa blessure. Les survivantes en réhabilitation peuvent avoir besoin

d’informations supplémentaires sur les stades de guérison des tissus ainsi que de l’aide pour distinguer les symptômes d’une « blessure » de ceux d’un « mal ».

8. Facteurs temporels

Les professionnels font face à de nombreux problèmes de temps dans le système de soins de santé actuel. Le clinicien est au prise avec le difficile problème de trouver un équilibre entre les contraintes de temps et la prestation de soins de qualité; mais il est important de souligner que le fait, pour le clinicien, d’être pressé par le temps peut avoir des conséquences graves sur les survivantes qu’il traite. Le traitement pourra alors paraître très impersonnel, privant ainsi la survivante du sentiment de sécurité dont elle a besoin. Sans ce sentiment de sécurité, le succès du traitement se trouvera grandement compromis.

… il n’arrive pas très souvent que le personnel médical dispose d’assez de temps pour les clients. L’horaire de rendez-vous est très chargé. Vous avez votre demi-heure et c’est tout. Il faudrait alors peut-être que le tout premier rendez-vous soit plus long pour que s’établisse entre le clinicien et sa cliente une certaine relation avant qu’il ne la touche…

  • Discutez avec votre cliente des con-traintes de temps, de façon à établir comment vous pourriez satisfaire au mieux ses besoins.
  • En raison du rapport ambivalent qu’entretient la survivante avec son corps, elle pourrait prendre plus de temps que prévu pour développer la confiance nécessaire pour son

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Manuel de pratique sensible à l’intention des professionnels de la santé – Leçons tirées de survivantes d’abus sexuel dans leur enfance

auto-prise en charge. Il pourrait être indiqué de prévoir des rendez-vous de suivi (mensuels, par exemple).

  • Contrôle et adhésion au traitement

Ils m’ont demandé de faire certains exercices après le remplacement total d’une de mes hanches, dont l’un que je ne suis toujours pas capable de faire. Pour cet exercice, il faut se coucher sur le côté… c’est un mouvement de ciseaux… La phy-siothérapeute passait l’écharpe autour de ma cheville et il y avait une corde avec une poignée dont je pouvais me servir pour m’aider à lever la jambe en tirant, mais je ne pouvais même pas faire cet exercice. J’arrivais à lever la jambe un peu, mais je ne pouvais pas aller plus loin parce que je ne pouvais m’empêcher de garder mes jambes fermées… et cela frustrait la physiothérapeute, vraiment… elle pensait que je n’essayais pas, mais ce n’était pas du tout vrai parce que je faisais les autres exercices très bien…

Les difficultés d’adhésion au traitement peuvent être liées à l’abus passé. Certaines survivantes peuvent avoir perdu contact avec leur corps et avoir de la difficulté à identifier les signes de surmenage ou d’autres signaux corporels. D’autres peuvent faire trop d’exercices, peut-être en s’efforçant d’obtenir une plus grande maîtrise de leur corps, en voulant plaire au clinicien ou de façon auto-destructrice. Certaines survivantes peuvent avoir des difficultés à faire certains mouvements ou à prendre certaines positions, à cause d’associations avec l’abus passé. Les suggestions suivantes pourraient aider la cliente à mieux accepter le traitement.

  • Informez-vous chaque jour de l’état d’esprit de votre cliente avant le traitement.
  • Discutez de ce qu’elle vous a dit avant de faire le traitement : envisagez ensemble des solutions de rechange pour éviter les éléments du traitement qu’elle a de la difficulté à tolérer.
  • Donnez des explications sur le traite-ment.
  • Discutez des difficultés d’adhésion au traitement avec votre cliente. Ne recourez pas au blâme et au sentiment de culpabilité comme outils pour obtenir son adhésion. Évitez d’utiliser des tournures comme « il faut ou il faudrait », « vous devez ou vous devriez ». Dans la formulation des objectifs, introduisez des commen-taires du genre « faites du mieux que vous pouvez. »
  • Les problèmes d’adhésion sont souvent très pressants dans les services de soins actifs. Après une chirugie, par exemple, une mobilisation rapide peut s’avérer essentiel au rétablissement, mais la douleur peut rendre difficile l’atteinte de l’objectif. Le clinicien peut alors être tenté d’obtenir l’adhésion de sa cliente en lui disant qu’elle doit ou devrait faire telle ou telle chose. Cependant, il se pourrait qu’on obtienne plus efficacement l’adhésion de la cliente en l’encourageant à se recentrer sur les objectifs initiaux de son traitement.
  • Pour les clientes soignées en clinique externe ou à domicile, le clinicien peut faciliter l’adhésion en restructurant le traitement, avec sa cliente, de façon à ce qu’il soit mieux adapté aux activités et au style de vie de celle-ci.

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Lignes directrices pour la pratique sensible

Quand le traitement comporte des exercices et activités :


  
Donnez des directives claires et directes concernant les programmes d’exercices.

  
Donnez, par écrit et oralement, des instructions indiquant ce que la cliente devrait ressentir quand elle fait tel ou tel exercice.

  
Indiquez le nombre minimum et maximum de répétitions et de séries d’exercices que la cliente doit effectuer.

  
Établissez un programme d’exercices graduel pour permettre à la cliente de développer progressivement les capa-cités neuromusculaires requises.

  
Décrivez à votre cliente les signes et les symptômes du surmenage; et veillez à ajuster votre prescription d’exercices en cas de signes de surmenage.

  
Encouragez la cliente à tenir un carnet d’exercices ou de traitement.

  
Encouragez la cliente à s’inspirer du programme de traitement à domicile pour savoir comment elle peut prendre soin d’elle-même.
10. Encourager la reprise de contact avec le corps

Un des aspects du traitement qui a été très bénéfique a été la reprise de contact avec mon corps… Je pense qu’un physio-thérapeute peut vraiment agir à ce niveau en invitant et en encourageant sa cliente à retrouver son corps… Je pense que c’est très important…

Selon Herman4, la reprise de contact avec leur corps est un des éléments du processus de guérison des survivantes. Le professionnel de la santé peut jouer un rôle à cet égard.


  
Certaines survivantes ont de la diffi-culté à reconnaître ou à interpréter les sensations physiques et les réactions au traitement. Elles peuvent avoir besoin d’apprendre à reconnaître et à inter-préter les sensations associées à la fatigue musculaire, aux étirements dans des limites raisonnables, à la tension, à la relaxation, au surmenage articulaire, etc.

  
Demandez à votre cliente de visualiser les exercices et les sensations atten-dues. Cela pourrait aider la survivante à développer la sensibilité kinesthésique requise avant qu’elle fasse l’exercice.

  
Utilisez des exercices de respiration, le yoga et des techniques de relaxation.

  
Si vous savez que votre cliente voit un conseiller, vous pourriez offrir de travailler en collaboration avec elle et lui.
11. Encourager l’auto-prise en charge et en proposer les modalités

Bien prendre soin de soi — s’alimenter correctement, se reposer suffisamment, faire régulièrement de l’exercice, prendre le temps de relaxer — peut ne pas aller de soi, pour bon nombre d’entre nous. Le professionnel de la santé peut proposer les modalités d’une bonne auto-prise en charge et encourager la survivante à élaborer des stratégies qui lui permet-tront de bien prendre soin d’elle. Si la

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Manuel de pratique sensible à l’intention des professionnels de la santé – Leçons tirées de survivantes d’abus sexuel dans leur enfance

cliente a de la difficulté à s’y tenir, elle pourrait apprécier de savoir qu’elle n’est pas la seule!

12. Résolution de problèmes

Quand un traitement que vous suggérez présente des difficultés pour la cliente, explorez diverses stratégies qui pour-raient tout de même vous permettre d’atteindre les objectifs thérapeutiques. Comme votre cliente a fait appel à votre expertise pour régler son problème, soyez respectueux et ne portez pas de jugement quand vous discutez des solutions de rechange.

Si vous sentez que votre autorité est remise en question, engagez le dialogue au lieu d’être sur la défensive. Offrez divers choix de traitements. Il peut s’agir de traitements que vous recommandez, ou de traitements avec lesquels il vous semble que les objectifs seront plus longs à atteindre ou qui ne sont pas aussi efficaces, mais que la cliente pourrait accepter plus facilement.

13. Continuité des soins

S’il y a changement de clinicien sans discussion préalable avec la cliente, celle-ci peut avoir l’impression que sa confiance a été trompée et/ou que le contrat de traitement a été brisé.

  • Si vous savez que vous devez vous absenter, informez-en votre cliente du mieux que vous le pouvez le plus tôt possible.
  • Discutez des solutions de rechange avec votre cliente; recommandez un collègue qui connaît la problématique des survivantes et qui y est sensible.

  
Il serait bon de présenter à votre cliente le clinicien qui la prendra en charge.

  
Si vous pratiquez seul, discutez des aspects pratiques de votre absence avec votre cliente.

  
Si vous devez vous absentez de façon imprévue, vous devriez en informer votre cliente le plus tôt possible et lui offrir la possibilité de prendre rendezvous avec un autre clinicien.
E. Faire face à une cliente bouleversée

Lors de la deuxième visite, je devais de nouveau m’étendre sur la table… le thérapeute ne m’a pas averti et tout à coup, j’ai entendu le mécanisme et il a levé la table et je montais vers le plafond. Je me suis sentie agressée. Mais j’ai gardé ça à l’intérieur et ne lui ai pas dit ce qui se passait. Mais je n’y suis pas retournée. C’en était trop.

Le traitement peut « déclencher » chez la patiente un mécanisme par lequel elle se trouve à revivre l’abus passé (flashback), ou provoquer une puissante réponse émotionnelle. De telles réactions peuvent se produire même si la survivante ne vous a pas du tout parlé de l’abus qu’elle a subi, et même si elle ne s’en souvient pas.

Ainsi, cette section est pertinente tant pour les survivantes qui ont divulgué l’abus passé que pour celles qui ne l’ont pas fait mais paraissent très mal à l’aise ou bouleversées durant le traitement.

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Lignes directrices pour la pratique sensible

  • Identification des déclencheurs

Il n’existe pas de liste complète des déclencheurs s’appliquant à toutes les survivantes. On mentionne souvent le toucher. La traction et certains agents électrophysiologiques, comme le NSTC, les ultrasons et les courants interféren-tiels peuvent aussi être des déclencheurs.

Certaines survivantes peuvent être capables d’identifier leurs déclencheurs tandis que d’autres en sont inconscientes.

Lors de mon premier traitement de physiothérapie, il n’y avait pas de papier-mouchoir, et dès que le thérapeute me touchait, je me mettais à sangloter, sans savoir pourquoi…

  • Reconnaissance du langage corporel pouvant indiquer le malaise, la manifestation d’un déclencheur ou la dissociation

Certaines survivantes décrivent leur grand inconfort à l’aide du langage corporel :

  • raidissement
  • attitude craintive
  • retrait
  • tremblement
  • réaction de surprise
  • tension musculaire et incapacité de relaxer
  • réactions émotives soudaines et fortes (larmes, par exemple).

Les survivantes ont décrit de nombreuses réactions physiques différentes induites par un déclencheur. Certaines de ces réactions peuvent être comprises comme des réactions physiologiques au stress :

  • respiration superficielle et rapide, souffle retenu ou tout autre changement dans la respiration
  • accélération du rythme cardiaque
  • baisse de la concentration.

Si une cliente réagit à un déclencheur, elle peut entrer en état de dissociation. Elle pourra alors sembler :

  • distante
  • incapable de se concentrer
  • absente

Au sortir de son état de dissociation, la cliente peut poser des questions comme

« Où étais-je? Qu’est-ce que je viens de dire? Que vient-il de se passer? »

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Manuel de pratique sensible à l’intention des professionnels de la santé – Leçons tirées de survivantes d’abus sexuel dans leur enfance

  • Gestion des déclencheurs et de la dissociation

… les cliniciens n’ont cependant pas à prendre totalement en main la crise, mais ils doivent savoir la reconnaître. Ils doivent aussi pouvoir aborder la question avec délicatesse en demandant, par exemple

  • Voyez-vous votre conseiller demain? » ou
  • Y a-t-il quelqu’un à qui vous pouvez en

parler? » On pourrait alors dire que, comme physiothérapeutes, ils en auraient définitivement fait assez et qu’ils ne seraient pas tenus d’aller plus loin. Mais il serait souhaitable qu’ils puissent recon-naître ce qui peut se passer quand une femme fait l’expérience d’un flashback et savoir comment l’aider à se recentrer. Ce n’est pas difficile, vous savez... Il suffit d’être simplement humain et de rassurer la personne en lui disant par exemple : « Ça va aller, vous êtes en sécurité ici. » Le thérapeute peut aussi rappeler à la cliente qu’elle a du mérite, car il faut beaucoup d’énergie et de courage pour suivre un traitement physiothérapeutique, qu’il arrive que ce type de traitement déclenche des souvenirs et soit perturbant et souf-frant, et que ce qu’elle ressent est normal.

Cette section a pour objectifs 1) de fournir au clinicien de l’information qui l’aidera à offrir à sa cliente un bon soutien et 2) d’indiquer au clinicien comment il peut s’y prendre pour faire en sorte que sa cliente ne quitte pas sa séance de traitement en se sentant désorientée ou embarassée à cause de ses réactions. Nous n’avons cependant pas voulu décrire ici des techniques de counselling.

Que vous sachiez ou non que votre cliente est une survivante, si son langage corporel indique un grand inconfort, arrêtez-vous immédiatement et cherchez à savoir ce qui ne va pas.


  
Si votre cliente est bouleversée, arrêtez immédiatement le traitement et aidez-la à reprendre contact avec la réalité présente.
 
  
Rappelez-lui où elle se trouve.
 
  
Rassurez-là en lui disant qu’elle est en sécurité.
 
  
Encouragez-la à prendre de grandes respirations lentes.
 
  
Encouragez-la à s’asseoir droite et à mettre ses pieds sur le plancher.
 
  
Demandez-lui de vous regarder et de maintenir le contact visuel avec vous.
 
  
Demandez-lui comment elle se sent.

  
Évitez de lui toucher.

  
Parlez-lui et rassurez-la d’une voix calme, mais ne la bombardez pas de questions.

  
Si la cliente vous révèle qu’elle a été abusée, dites-lui qu’il arrive parfois que les traitements physiothérapeutiques déclenchent des flashbacks ou certaines réponses émotionnelles.

  
Si votre cliente a eu une forte réaction
  é
  
motionnelle, rassurez-la en lui disant qu’il est normal qu’elle soit en colère, triste ou effrayée (ou qu’elle éprouve quelque autre sentiment).

  
Si la cliente est entrée en état de dissociation :
 
  
Demandez-lui de garder les yeux ouverts et de vous regarder et de regarder autour d’elle.
 
  
Posez-lui des questions calmement et sans précipitation. Par exemple :
  Ê
  
tes-vous bien là? Êtes-vous avec moi? Comprenez-vous bien ce que je vous dis? Connaissez-vous des techniques pour demeurer présente?

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Lignes directrices pour la pratique sensible

Une fois que votre cliente paraît moins bouleversée ou plus présente, parlez-lui de ce qui vient de se passer :

  • Donnez-lui le temps nécessaire pour qu’elle puisse se rétablir dans un lieu adéquat, comme une pièce tranquille.
  • Ne lui demandez pas quels détails de l’abus qu’elle a subi ont pu déclencher sa réaction.
  • Dites-lui qu’il n’est pas rare que les cir-constances du présent fassent resurgir chez les gens des expériences passées.
  • Demandez-lui ce qu’elle souhaite dans l’immédiat : Veut-elle avoir de la compagnie ou être seule?
  • Demandez-lui si elle se sent capable de continuer la séance de traitement.

La cliente qui traverse ce genre d’expéri-ence peut être effrayée ou déroutée. Il pourrait être bon pour elle d’en parler à un proche ou à son conseiller.

  • Dites-lui que sa réaction n’est pas rare, qu’elle est compréhensible et normale.
  • Demandez-lui s’il y a quelqu’un avec qui elle se sentirait à l’aise de parler de ce qu’elle a vécu après son rendez-vous avec vous. Il pourrait s’agir d’un ami, d’un membre de sa famille ou d’un conseiller.
  • Si elle souhaite approfondir cette expérience mais n’a personne à qui en parler, orientez-la vers un conseiller ou toute autre ressource de votre col-lectivité (par exemple un centre d’aide aux victimes d’agression sexuelle).
  • Vous pouvez l’assurer qu’elle peut se confier à vous en toute confiance, en précisant cependant que vous n’avez pas de formation de conseiller.

Si des contraintes de temps font que vous ne pouvez pas aider une client boulever-sée aussi bien que vous le souhaiteriez, expliquez-lui la situation et demandez si quelqu’un d’autre pourrait l’aider. (Ce pourrait être un autre membre du personnel ou un des amis de la cliente que vous pourriez appeler pour elle.)

4. Après l’expérience

La cliente peut se sentir très vulnérable après une telle expérience. Il est important d’en discuter avec elle au prochain rendez-vous pour vérifier si elle se sent mieux et lui faire bien comprendre que vous ne jugez pas ses actions ou ses réac-tions.


  
Essayez de voir avec votre cliente ce que vous devriez éviter de faire ou modifier dans votre traitement pour
  é
  
viter les déclencheurs. Dans cette recherche, concentrez-vous sur le traitement plutôt que sur les flashbacks ou les émotions que la cliente a
  é
  
prouvés durant l’expérience.

  
Demandez à votre cliente si elle connaît des techniques qui l’aident à demeurer présente et établissez avec elle une stratégie pour l’avenir.

Souvenez-vous que votre cliente ne sera pas toujours capable d’identifier le déclencheur ou la cause de sa réaction.

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Manuel de pratique sensible à l’intention des professionnels de la santé – Leçons tirées de survivantes d’abus sexuel dans leur enfance

Si vous vous sentez bouleversé par ce qui s’est passé, rassurez votre cliente en lui disant qu’elle n’a rien fait de mal. Il pourrait être bon pour vous de discuter ultérieurement de vos réactions aux événements avec une personne qui peut vous aider. Cela peut être fait sans violation de la confidentialité (voir Prendre soin de vous, page 39).

  • Travail avec des survivantes atteintes d’un trouble dissociatif de l’identité

Nous vous recommandons de travailler au sein d’une équipe multidisciplinaire de soins de santé pour aider les clientes qui ont divulgué qu’elles souffraient d’un trouble dissociatif de l’identité. Si la cliente est d’accord, consultez les praticiens avec lesquelles elle travaille déjà pour établir comment vous pourriez collaborer.

  • Divulgation de l’abus sexuel dans l’enfance

1. Introduction

Cette section est surtout basée sur les expériences de survivantes travaillant avec des physiothérapeutes qui, souvent, traitent leurs clients durant des périodes relativement courtes et pour des pro-blèmes bien précis. Les éléments de cette section sur la divulgation s’appliquent également à un vaste éventail de profes-sionnels de la santé qui peuvent suivre leurs clients sur de plus longues périodes.

2. Qu’est-ce que la divulgation?

Au sens large, il y a divulgation quand la survivante dit au clinicien qu’elle a été abusée sexuellement dans l’enfance. L’identification des sensibilités et des malaises liés au traitement représente une forme plus limitée de divulgation qu’on appelle « divulgation centrée sur les tâches ».

3.
  
Enquête initiée par le clinicien
a. Investigation centrée sur les tâches

Le clinicien devrait commencer à s’enquérir des sensibilités et des malaises liés aux tâches durant l’examen initial. Les renseignements révélés par la cliente (intolérances au toucher, à certaines positions, etc.) sont très pertinents au traitement. Ces renseignements devront être pris en considération durant les examens subséquents et le traitement, pour que la cliente se sente en sécurité. Cette divulgation centrée sur les tâches est fondée sur la communication par la cliente d’informations précises qui concernent directement le traitement, sans qu’elle ait à révéler d’autres ren-seignements personnels qu’elle n’est pas prête à partager à ce moment-là.

L’enquête peut se faire en combinant questions fermées et questions ouvertes. Une question fermée avant de commencer l’examen des membres inférieurs pourrait être, par exemple : « J’aimerais maintenant examiner vos jambes. Est-ce que cela vous embête que je touche vos jambes? » En posant, à la fin du premier rendez-vous, une question ouverte du genre : « Croyez-vous qu’il y ait autre chose que je doive savoir avant que nous commencions le traitement comme tel? »

32


Lignes directrices pour la pratique sensible

vous pouvez donner l’occasion à la cliente de vous faire part d’éléments qu’elle juge importants pour l’établisse-ment d’une bonne relation thérapeutique et sur lesquels vous ne l’avez pas spéci-fiquement questionnée.

L’enquête concernant les sensibilités et les malaises peut aussi se faire au moyen de questionnaires. Certaines survivantes peuvent préférer l’écrit. Si vous utilisez un questionnaire, vous pouvez donner à votre cliente le choix de le remplir seule ou avec vous.

Le clinicien devrait entreprendre ses enquêtes durant l’examen initial; mais il doit savoir que la survivante peut choisir de révéler ses sensibilités et ses malaises seulement en cours de traitement. Elle peut choisir de les révéler seulement après avoir une meilleure connaissance de son clinicien et évaluer si elle peut lui faire confiance. Ainsi, le clinicien ne peut supposer que sa cliente a divulgué toutes ses sensibilités et tous ses malaises centrés sur les tâches en début de traitement; et il doit continuer d’être sensible aux difficultés et aux indica-teurs d’inconfort non verbaux et d’en discuter durant toute la durée du traitement.

b. Enquête concernant l’abus passé

Dans certains types de pratique clinique, les professionnels de la santé croient que le fait de savoir que leur cliente a été abusée leur permet plus facilement de faire en sorte que leur cliente se sente en sécurité et à l’aise et de maximiser les effets du traitement. Si on lui demande si elle a été abusée, la survivante peut choisir de le divulguer ou elle peut pren-dre du temps, pour voir si elle peut faire confiance au clinicien et si elle se sent suffisamment en sécurité pour le faire.

  • Divulgation de l’abus passé initiée par la survivante

Certaines survivantes sentent qu’il est important de divulguer au clinicien l’abus sexuel qu’elles ont subi à cause des répercussions de cette expérience sur leur santé et de leurs réactions au traitement. Elles peuvent se demander de quelle façon ou à quel moment elle devrait le faire. Un des facteurs qui peut les retenir de divulguer qu’elles ont été abusées sexuellement dans leur enfance est l’incertitude quant à la réaction du clinicien.

Je ne savais pas comment ils allaient réagir ou le passer sous silence, ou s’ils préféraient n’en rien savoir. Alors, je leur ai plutôt parlé de tous mes autres problèmes… Ça m’a beaucoup frustrée parce que je voulais dire quelque chose, mais je ne savais pas comment, ou s’ils auraient aimé que je le dise.

Les expériences passées des survivantes en ce qui concerne la divulgation de l’abus sexuel qu’elles ont subi peuvent aussi jouer un rôle quand elles évaluent si elles peuvent procéder à cette divulgation sans trop de risque.

Je ne me sentais pas assez en sécurité ou je n’étais pas sûre, parce que j’ai déjà eu de mauvaises expériences. Je l’ai déjà dit à des gens, et ils ont paniqué ou ils m’ont regardé comme si j’étais d’une autre planète, comme si je n’aurais pas dû leur raconter ça. C’est pourquoi j’hésite beaucoup à le dire, particulièrement aux professionnels de la santé. Je ne veux pas commencer à en parler ou le mentionner et connaître encore ce genre de rejet. Parce que c’est ça le pire.

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Manuel de pratique sensible à l’intention des professionnels de la santé – Leçons tirées de survivantes d’abus sexuel dans leur enfance

Ainsi, la réaction du clinicien à la divulgation est très importante pour la survivante.

  • Que devrais-je dire quand il y a divulgation?

En premier lieu, il est réellement important que le clinicien dise à la survivante qu’il la croit, parce qu’il est peut-être la première personne à qui elle le dit. Il est aussi très important de considérer la survivante avant tout en tant que personne. Vous pouvez alors exprimez vos vrais sentiments, quels qu’ils soient, par exemple : « Je suis vraiment attristé d’entendre cela. »

Il est important que le langage verbal et non verbal suite à une divulgation soit approprié. Les éléments de base sont les suivants.


  
Bonne réception de l’information
(c’est-à-dire que vous devez faire com-prendre à la survivante que vous êtes sensible à son histoire)
 
  
Montrez-vous compréhensif et prêt à la soutenir. Dites-lui par exemple :

• « Je suis peiné que cela vous soit arrivé »

• « Comment pourrais-je vous aider durant le temps que nous pas-serons ensemble? »


  
Reconnaître le grand nombre de cas d’abus sexuel
Le fait d’indiquer à votre cliente que vous êtes conscient de la fréquence des abus sexuels a pour effet de réduire sa honte. Vous pouvez dire :
– « On sait qu’au moins 1 femme sur
3 à 1 femme sur 5 (ou 1 homme sur
7 à 1 homme sur 10) a été abusée sexuellement dans son enfance. C’est terrible que tant d’enfants aient connu de telles souffrances. »

  
Affirmer que vous croyez en ses paroles et que vous reconnaissez les conséquences de l’abus pour elle
 
  
Dites-lui qu’elle a été courageuse de divulguer l’abus sexuel qu’elle a subi.
 
  
Si votre cliente paraît affligée, accom-pagnez-la dans sa souffrance. « Je vois que vous êtes souffrante (affligée, bouleversée) actuellement. Que puis-je faire pour vous aider? »
 
  
Faites-lui comprendre que vous ne pensez pas qu’elle ait été responsable de cet abus sexuel.

Donnez à la survivante toute liberté quant au moment et au contenu de sa divulgation. Si vous avez des contraintes de temps, trouvez une façon d’en informer votre cliente pour qu’elle ne se sente pas rejetée ou ne pense pas qu’elle n’aurait pas dû divulguer l’abus.

Au Canada, dans la plupart des provinces, la loi exige que tout abus présumé d’un enfant (de moins de 16 ans) soit signalé aux agents de protection de l’enfance. Vous n’êtes par légalement tenu de signaler aux agents de protection de l’enfance la divulgation d’un abus passé

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Lignes directrices pour la pratique sensible

par un survivant adulte, mais si votre client vous révèle également qu’un enfant est actuellement abusé, vous devez le signaler.

  • Que devrais-je NE PAS dire ou faire quand il y a divulgation?

Parfois, une personne qui commence à divulguer l’abus sexuel qu’elle a subi se fait dire par le professionnel : « Vous n’êtes pas obligée de me raconter ça si vous ne le voulez pas ». Les gens qui sont très mal à l’aise devant ce genre de divulgation réagissent de cette façon, et leur message est alors qu’ils ne veulent pas entendre cela.

Si une cliente divulgue l’abus sexuel qu’elle a subi :

  • ne demeurez pas silencieux pour ne pas que la cliente ait l’impression que vous ne prêtez pas attention à ce qu’elle vous dit; et
  • évitez de l’accabler avec une série d’énoncés directifs (« vous devriez »)

J’ai parlé à ma physiothérapeute de l’abus sexuel que j’ai subi. Elle n’a pas répondu. Elle a simplement continué de faire ce qu’elle faisait comme si de rien n’était… Oh! là là! Quand quelqu’un raconte cela, vous ne pouvez pas ignorer une telle chose. Parce que ce que je comprends alors, c’est que la personne n’y voit rien de vrai ou d’important et que ça n’a rien avec notre relation.

De plus, vous NE devez PAS :

  • exprimer de la pitié (p. ex. « Pauvre vous! »)

  
vous inquiéter à son sujet sur un ton artificiel

  
conseiller à la cliente d’être optimiste

  
vous appesantir sur les aspects négatifs

  
sourire (On peut penser que le sourire exprime de la compassion, mais une expression neutre ou soucieuse est préférable)

  
toucher la cliente sans sa permission, même si c’est pour la réconforter

  
interrompre la cliente (laissez-la finir de parler)

  
essayer de dire quelque chose pour arranger la situation

  
dire quoi que ce soit qui remettrait en question sa décision de divulguer l’abus sexuel qu’elle a subi, ou atténuerait la gravité de cet abus
  (p.
  
ex. : « Ne racontez cela à personne »,
  «
  
Mais ne pensez-vous pas que vos parents ont fait ce qu’ils pouvaient? »)

  
dire à la survivante d’oublier cela (p. ex.
  «
  
C’est du passé. », « On n’en meurt pas! », « Il faut aller de l’avant. »

  
minimiser les répercussions possibles de l’abus (p. ex. « C’est arrivé à une femme que je connais, et ça ne l’a pas empêchée de gagner une médaille d’or aux Olympiques.», « Concentrons-nous sur votre mal de dos. », « Qu’est-ce que cela a à voir avec votre entorse à la cheville? »)
poser des questions indiscrètes sans rapport avec le traitement

  

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Manuel de pratique sensible à l’intention des professionnels de la santé – Leçons tirées de survivantes d’abus sexuel dans leur enfance

  • parler de vous-même, de vos expéri-ences ou des expériences de quelqu’un d’autre
  • divulguer un abus sexuel que vous auriez pu avoir subi
  • donner l’impression que vous savez tout ce qu’il y a à savoir sur les abus sexuels.

… ne bousculez pas la personne et faites bien attention de ne pas dire des « vous devriez », comme « vous devriez appeler la ligne d’écoute téléphonique », ou « consultez-vous un psychologue? ».

7. Après la divulgation

La survivante peut se sentir plus vul-nérable et exposée après la divulgation. Rassurez-la en lui disant que :

  • elle n’a pas eu tort de divulguer l’abus sexuel qu’elle a subi,
  • vous la respectez,
  • vous respectez sa décision de divulguer, avec tout ce qu’elle a révélé,
  • vous respecterez le caractère confiden-tiel de cette divulgation.

La cliente pourrait tout de même se sentir encore plus vulnérable la prochaine fois que vous la verrez. Il pourrait être bon de réitérer brièvement ces points au prochain rendez-vous.

Il est important de demander à la cliente comment, selon elle, l’abus qu’elle a subi peut affecter sa réponse au traitement. Examinez les aspects pratiques du traitement. Par exemple, demandez-lui : « Y a-t-il quelque chose dans le traitement que nous devrions changer pour que

vous vous sentiez plus à l’aise? » et « En tout temps, n’hésitez pas à me signaler si je fais quelque chose qui ne vous plaît pas. » Avant de commencer ou de continuer le traitement, vous pourriez avoir à tenir compte de l’importance de prendre le temps de discuter de la divulgation avec votre cliente. Discuter des implications de la divulgation sur le traitement prendra du temps, mais le sentiment de sécurité de la survivante s’en trouvera probablement accru pour les traitements futurs.

Après la divulgation, il est important de clarifier les attentes de la survivante à l’égard du clinicien. Certaines survivantes espèrent, ou attendent, des choses qui vont au-delà des compétences ou du champ de pratique du clinicien. Il est donc important que vous définissiez clairement votre champ de pratique et que vous établissiez vos compétences et limites. Si vous sentez que la survivante a besoin d’une aide que vous ne pouvez pas lui fournir, proposez-lui de faire appel à d’autres ressources (voir page 38). Après la divulgation, pour assurer la bonne marche du traitement, tant pour le clinicien que pour sa cliente, il est souhaitable de concentrer son attention sur les aspects et les possibilités du traitement et sur la meilleure manière de travailler avec les sensibilités de la cliente.

G.
  
Dossiers médicaux
1. Confidentialité des dossiers

Bien que les professionnels de la santé considèrent comme confidentielles les fiches médicales de leurs clients, il est important de connaître la nature exacte et les limites de cette confidentialité pour chaque contexte clinique. On doit

36


Lignes directrices pour la pratique sensible

informer la cliente du niveau de confi-dentialité de son dossier médical. On devrait lui dire :

  • qui a ou aura accès à son dossier dans le contexte clinique actuel et futur;
  • que son ou ses dossiers ne peuvent être présentés à d’autres personnes qu’avec son consentement;
  • que ses dossiers seront présentés aux autorités concernées si la loi l’exige.

Quand il rédige les dossiers médicaux de ses clientes, le clinicien devrait prendre en considération les limites de la confi-dentialité de ces dossiers.

  • Questions relatives aux dossiers

Si la cliente a une réaction inattendue au traitement ou au clinicien, on conseille à ce dernier de consigner les événements le plus précisément et objectivement possible, et le plus rapidement possible après l’incident. Indiquez les mots et les actions de la cliente, du clinicien et de tout autre membre du personnel impliqué. On recommande de faire la même chose quand la cliente montre des signes d’in-confort par suite de tout ce que fait, ou ne fait pas, le professionnel.

Les divulgations centrées sur les tâches peuvent être documentées de manière

à établir les sensibilités ou inconforts spécifiques sans révéler l’abus passé. Cette façon de rédiger le dossier permet de communiquer l’information perti-nente aux autres cliniciens sans révéler les éléments qui embarrasseraient la survivante. Dans le choix des éléments

d’information à verser au dossier de la cliente, le clinicien devrait juger de ce qui est nécessaire pour que la cliente soit le mieux servie possible.

La consignation de l’abus peut avoir des implications légales pour la cliente qui est (ou pourrait être) engagée dans un procès. Ce pourrait être le cas, par exem-ple, si la cliente décide d’engager une poursuite au criminel ou au civil contre un agresseur, ou en rapport avec un litige civil après un accident d’automobile. Ce sont là quelques-unes des nombreuses situations possibles où des dossiers médicaux peuvent être demandés par bref d’assignation. Dans certains cas, on voudra produire ces dossiers pour soutenir la cause de la cliente; et dans d’autres, pour remettre en question la crédibilité de la cliente ou sa version des faits.

On ne peut, dans ce manuel, faire le tour de tous les aspects juridiques des dossiers médicaux. On conseille au clinicien d’obtenir un avis juridique dans toute situation où un tiers parti demande les dossiers médicaux d’une cliente en l’absence du consentement de celle-ci. Un clinicien ne devrait pas divulguer des dossiers confidentiels à la demande de la police ou d’un avocat sans le consentement de la cliente. Si les dossiers sont demandés par bref d’assignation, le clinicien doit consulter un avocat. Les dossiers demandés par bref d’assignation ne doivent pas être produits avant que la cour n’ait ordonné leur communication, habituellement après qu’il y ait eu audience sur la question.

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Manuel de pratique sensible à l’intention des professionnels de la santé – Leçons tirées de survivantes d’abus sexuel dans leur enfance

On conseille aux professionnels de la santé de s’informer sur les politiques actuelles de tenue des dossiers médi-caux, établies par leurs organismes de réglementation professionnelle et par les organisations auxquelles ils sont affiliés.

H. Congé

De nombreuses survivantes ont éprouvé dans l’enfance des sentiments d’abandon, de rejet puis de honte qui demeurent présents à l’âge adulte. Dans certaines circonstances, quand le traitement arrive à terme, la survivante peut avoir le sentiment que le clinicien la rejette ou mi-nimise son problème. Le clinicien peut faire plusieurs choses pour aider sa cliente

à
  
bien vivre la fin de son traitement.

  
Discutez de la fin du traitement au premier rendez-vous dans le cadre de votre description du traitement. En cours de traitement, soulevez encore la question de la fin du traitement pour vous assurez que les besoins de votre cliente soient satisfaits.

  
Planifiez le plus tôt possible le moment et les autres détails du congé avec la survivante.

  
Revoyez avec la cliente les objectifs initiaux et demandez-lui si de nouveaux objectifs lui viennent à l’esprit à l’approche de la fin du traitement.

  
Envisagez la possibilité d’un suivi par un rendez-vous, un appel téléphonique ou un échange de courriel, 6 à 8 semaines après la fin du traitement régulier.

  
Dites-lui de ne pas hésiter à revenir vous consulter si son état se détériore.
I.
  
Autres suggestions pour aider la cliente et le clinicien
1. Ressources communautaires et services de counselling

Il est important d’insister sur le fait que les cliniciens ne sont pas les seules person-nes sur qui les clientes peuvent compter.

Afin de bien traiter la personne à part entière, le clinicien devrait offrir à sa cliente de l’aider à repérer les autres ressources communautaires et à y accéder.


  
Renseignez-vous sur les ressources communautaires existantes. Vous pou-vez commencer en contactant :
 
  
votre centre local d’aide aux victimes d’agression sexuelle
 
  
les centres d’aide aux femmes
 
  
les organismes de services à la famille
 
  
les centres communautaires de santé mentale.

  
Il peut y avoir d’autres organismes utiles dans votre communauté. Le centre d’aide aux victimes d’agression sexuelle ou le centre d’aide aux femmes pourra vous diriger vers d’autres orga-nismes qui s’occupent des survivantes.

  
Quand vous vous adressez à ces orga-nismes pour vous informer sur leurs services aux survivantes, posez les questions suivantes :
 
  
Quels types de services l’organisme offre-t-il aux survivantes (p. ex. intervention en cas de crise, counselling individuel, thérapie de groupe, groupes de soutien)?
 
  
Quel est le coût des services? Sont-ils gratuits ou établis par service? L’organisme offre-t-il une échelle mobile de coûts?

38


Lignes directrices pour la pratique sensible

 
  
Y a-t-il habituellement une liste d’attente? Si oui, quel est le délai habituel?

  
Mettez bien à la vue de vos clientes des affiches et des brochures sur les abus sexuels, avec les numéros de téléphone de lignes d’aide, comme ceux des :
 
  
centres d’aide aux victimes d’agres-sion sexuelle, qui offrent souvent une ligne accessible 24 heures sur 24, en cas de crise
 
  
foyers pour femmes battues
 
  
services mobiles d’intervention d’urgence.

  
Recherchez et offrez de bons textes de référence.
 
  
Vous pourriez trouver au centre d’aide aux victimes d’agression sexuelle une bonne bibliographie qui pourrait être utile à vos clientes.
 
  
Le Centre national d'information sur la violence dans la famille est riche en ressources.

Téléphone :

Fax :

1 800 267-1291 (613) 957-2938 (613) 941-8930

http://www.phac-aspc.gc.ca/nc-cn

  • Demandez au personnel de votre centre local d’aide aux victimes d’agression sexuelle s’il tient une liste de conseillers, médecins et autres professionnels de la santé aptes à traiter les survivantes d’abus sexuel dans l’enfance. Si oui, vous pourriez suggérer à votre cliente de contacter le centre, qui pourra l’orienter vers ces personnes.

  
Prenez soin de ne pas fournir trop d’in-formations à la fois sur les ressources disponibles.

  
Il peut parfois être délicat de demander
  à
  
votre cliente si elle voit un conseiller. Elle pourrait alors se renfermer ou voir dans cette question un jugement négatif sur son état. Il pourrait être plus facile et moins offensant de lui demander si elle compte dans son entourage des personnes qui peuvent la soutenir. Cette approche pourrait aussi vous amener plus facilement à lui parler de counselling.

Je pense que les physiothérapeutes doivent savoir quels sont les bons conseillers, ceux qui savent comprendre les survivantes. Il est très très important que le personnel médical oriente les personnes vers quelqu’un qui comprend le rôle que joue la violence dans la vie des femmes et des enfants. Je pense que c’est fondamental…


  
Dans certains cas, le clinicien peut juger qu’il serait bon que sa cliente tra-vaille également sur les aspects psycho-sociaux de sa vie, en même temps qu’elle suit son traitement physio-thérapeutique. Cette question peut être amenée en faisant prendre conscience
  à
  
la cliente que son état physique peut
  ê
  
tre aggravé ou exacerbé par ses expéri-ences passées.
2. Prendre soin de vous

Nous devons avoir pour nous-mêmes la même bienveillance et la même compassion que nous manifestons à l’égard de nos clients/es. On ne peut pas être toujours préparé à ce qui arrive dans la

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Manuel de pratique sensible à l’intention des professionnels de la santé – Leçons tirées de survivantes d’abus sexuel dans leur enfance

pratique clinique! Chaque clinicien doit élaborer des stratégies pour faire face aux situations difficiles face aux clientes. Il est aussi essentiel de se rappeler que notre capacité de supporter les situations diffi-ciles n’est pas constante, même chez le clinicien expérimenté.

Il pourrait être bon pour vous de recourir au soutien d’un collègue ou d’un con-seiller pour discuter, par exemple, de votre réaction à la divulgation d’un abus sexuel ou à certaines réactions émotionnelles de vos clientes. Cela peut et doit être fait sans atteinte à la confi-dentialité. Vous pouvez discuter de vos réactions aux événements sans divulguer de détails concernant la survivante. On ne recommande pas d’ignorer votre pro-pre malaise. Il pourrait en ressortir que vous souhaitiez ne plus traiter la cliente concernée, et elle pourrait avoir l’impres-sion qu’elle a fait quelque chose de mal.

Vous n’avez pas à être le principal soutien de la survivante. Bon nombre de centres d’aide aux victimes d’agression sexuelle peuvent vous offrir une formation ou un soutien personnel si vous avez besoin d’aide pour clarifier vos rôles et respon-sabilités.

  • Consultation d’autres professionnels de la santé

Votre cliente pourrait souhaiter que vous parliez à un médecin ou à un conseiller qu’elle consulte. Cela pourrait vous permettre d’être plus à l’aise pour le traitement et peut-être le rendre ainsi plus efficace.

Je pense qu’il faut une longue collaboration entre divers professionnels de la santé… comme un physiothérapeute, un psy-chothérapeute, un médecin de famille. Nous avons besoin de ce genre de structures de soutien, et les intervenants doivent être en contact les uns avec les autres. J’ai cela, et je me sens bien soutenue.

  • Contribution du clinicien à la guérison de la survivante

Les abus sexuels dans l’enfance peuvent entraîner chez la survivante un manque d’emprise sur sa vie et un retrait social4. Il y a rétablissement, conclut Judith Herman (une psychiatre et chercheuse), quand la survivante devient autonome et reprend contact avec elle-même et les autres4. Même si vous n’êtes pas psycho-thérapeute, vous pouvez largement contribuer à la guérison d’une survivante en étant pour elle un précieux allié.

Les professionnels de la santé peuvent :

  • établir un lien bénéfique entre la sur-vivante et eux-mêmes en créant une relation thérapeutique dans laquelle elle se sentira en sécurité et en confi-ance;
  • faciliter la reprise de contact de la sur-vivante avec son corps;
  • aider la survivante à devenir autonome en l’encourageant à prendre une part active dans ses soins de santé.

Notre relation en est une d’échange. La clinicienne me donne une grande part de responsabilité, je lui donne beaucoup d’information, et, ensemble, nous cher-chons les meilleures façons de collaborer pour m’aider à satisfaire mes besoins et à mieux prendre ma vie en main.

40


V. Commentaires de la fin

Ce manuel ne présente pas tous les moyens que peuvent prendre les profes-sionnels de la santé pour traiter de façon sensible les survivantes, ni tous les effets que peuvent avoir les abus sexuels dans l’enfance sur les réactions des clientes à leur traitement. Le style, la personnalité et les expériences de vie de chacun influent sur son travail. En outre, il n’existe pas de recette miracle qu’on pourrait appliquer à toutes les situations. Nous espérons que ce manuel fournira aux professionnels de la santé une connaissance des problèmes associés aux abus sexuels dans l’enfance et des idées en matière de soins aux survivantes. Ce qui favorisera une pratique adaptée à cette clientèle dans leurs champs de compétences des professionnels.

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Références

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Références

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22 Walker, E., Katon, W., Harrop, G. J., Holm, L., Russo, J., & Hickok, L. R. (1988). Relationship of chronic pelvic pain to psychiatric diagnoses and childhood sexual abuse. American Journal of Psychiatry, 145, 75–80.

23 Scarinci, I. C., McDonald, H. J., Bradley, L. A., & Richter, J. E. (1994). Altered pain perception and psychosocial features among women with

gastrointestinal disorders and history of abuse: A preliminary model.

American Journal of Medicine, 97, 108–118.

24 Domino, J. V. & Haber, J. D. (1987). Prior physical and sexual abuse in women with chronic headache: Clinical correlates. Headache, 27, 310–314.

25 Felitti, V. J. (1991). Long-term medical consequences of incest, rape, and molestation. Southern Medical Journal, 84, 328–331.

26 Golding, J. M. (1996). Sexual assault history and limitations in physical functioning in two general population samples. Research in Nursing and Health, 19, 33–44.

27 Bloom, S. L. (1997). Creating Sanctuary: Toward the Evolution of Sane Societies. New York: Routledge.

28 Allen, J. G. (1993). Dissociative processes: Theoretical underpinnings of a working model for clinician and patient. Bulletin of the Menninger Clinic, 57, 287–308.

29 College of Chiropractors of Ontario, College of Massage Therapists of Ontario, and College of Physiotherapists of Ontario. (1998).

Where's my line.

30 American Psychiatric Association (1994). Manuel diagnostique et statis-tique des troubles mentaux. (version française de la 4e édition du DSM). Paris, Masson, 1996.

44


Références

31 Putnam, F. (1995). Dissociation as a response to extreme trauma. In R. Kluft (Ed.), Childhood Antecedents of Multiple Personality (pp. 66–97). Washington: American Psychiatric Press.

32 van der Kolk, B., van der Hart, O., & Marmar, C. R. (1996). Dissociation and information processing in Posttraumatic Stress Disorder. In B. A. van der Kolk, A. C. McFarlane, & L.

Weisaith (Eds.), Traumatic Stress. The Effects of Overwhelming Experience on Mind, Body, and Society (pp. 303–327). New York: The Guildford Press.

33 Fromm, E. (1962). L’art d’aimer. Paris, Éditions universitaires.

34 Lott, D. A. (1999). Drawing boundaries.

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35 National Institutes of Health. The SMOG Readability Formula. 1982. NIH Publication.

36 Davis, C. M. (1998). Patient Practitioner Interaction: An Experimental Manual for Developing the Art of Health Care. (3rd ed.) Thorofare, NJ: SLACK Incorporated.

37 Roy, R. (1998). Childhood Abuse and Chronic Pain: A Curious Relationship?

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38 Frankel, F. H. (1990). Hypnotizability and dissociation. American Journal of Psychiatry, 147, 823–829.

39 Seltzer, A. (1994). Multiple personality: A psychiatric misadventure. Canadian Journal of Psychiatry, 39, 442–445.

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Annexe A : Critères diagnostiques de l’état de stress post-traumatique

Source : Manuel diagnostique et statis-tique des troubles mentaux (4e éd.)30, pages 498-504.

Le Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux (4e éd.)30 regroupent les critères diagnostiques de l’état de stress post-traumatique en six catégories. La première catégorie comprend l’exposi-tion du sujet à un événement dans lequel il a été gravement blessé ou menacé de mort ou de grave blessure, ou dans lequel d’autres personnes ont été gravement blessées, sont mortes ou ont été me-nacées de mort ou de grave blessure, ou dans lequel son intégrité physique ou celle d’autrui a pu être menacée.30, p. 503 De plus, la réaction du sujet à l’événement s’est traduite par une peur intense ou un sentiment d’impuissance ou d’horreur.

La deuxième catégorie de critères exige que la personne revive constamment l’événement traumatique d’au moins une des façons suivantes : 1) souvenirs répéti-tifs et envahissants de l’événement provoquant un sentiment de détresse et comprenant des images, des pensées ou des perceptions; 2) rêves répétitifs de l’événement provoquant un sentiment de détresse; 3) impression ou agissements soudains « comme si » l’événement traumatique se reproduisait, comme dans les épisodes dissociatifs de flashbacks ou d’hallucinations; 4) sentiment intense de détresse psychique lors de l’exposition à des indices internes ou externes évoquant ou ressemblant à un aspect de l’événement traumatique; 5) réactivité physiologique lors de

l’exposition à des indices internes ou externes pouvant évoquer ou ressembler à un aspect de l’événement traumatique.

La troisième catégorie exige l’évitement persistant des stimulus associés au traumatisme et l’émoussement de la réactivité générale ne préexistant pas au traumatisme. Exemples : efforts pour éviter les pensées, les sentiments ou les conversations associés au traumatisme; efforts pour éviter les activités, les endroits ou les gens qui éveillent des souvenirs du traumatisme; incapacité de se rappeler d’un aspect important du traumatisme; réduction nette de l’intérêt pour des activités importantes ou de la participation à ces activités; sentiment de détachement; restriction des affects; ou sentiment d’avoir un avenir anormal.

La quatrième catégorie de critères requiert la présence d’au moins deux symptômes d’activation neurovégétative, comme la difficulté de dormir, l’irritabi-lité ou les accès de colère, la difficulté de se concentrer, l’hypervigilance ou des réactions de sursaut exagérées.

De plus, les symptômes doivent durer plus d’un mois (cinquième catégorie), et entraîner une altération du fonction-nement social, professionnel ou dans d’autres domaines importants (sixième catégorie).

Pour plus de détails, veuillez consulter le

Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux (4e éd.).30

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Annexe B: La dissociation

On constate une certaine confusion dans la littérature en ce qui concerne le concept de la dissociation17. Selon le DSM-IV, « La caractéristique essentielle des Troubles dissociatifs est la survenue d’une perturbation touchant des fonctions qui sont normalement intégrées, comme la conscience, la mémoire, l’identité ou la perception de l’environnement. »2, p. 559 Le DSM-IV souligne plus loin qu’il ne faut pas considérer la dissociation comme pathologique en soi, et qu’une perspective transculturelle est importante dans l’étude des troubles dissociatifs « dans la mesure où, dans de nombreuses sociétés, il est courant et admis que certaines activités d’ordre culturel ou certaines expériences religieuses s’expriment par des états dissociatifs. » 2, p. 559

Il existerait un continuum de formes de dissociation7, dont les moins marquées comprennent des expériences relativement communes comme celles de l’hyp-nose de la route, dans laquelle après avoir conduit un certain temps, le chauffeur réalise soudainement qu’il ne se souvient plus de ce qui s’est passé durant la totalité ou une partie de voyage. À l’autre bout du continuum, on peut trouver des formes extrêmes de dissociation comme le Trouble dissociatif de l’identité (aupa-ravant appelé Personnalité multiple).

L’idée selon laquelle il existerait un continuum de formes de dissociation est controversée. Des auteurs allèguent effectivement que certaines expériences qualifiées de dissociatives sont qualita-tivement distinctes, ce qui milite contre l’idée d’un continuum. Ils recomman-dent de faire preuve de prudence lorsqu’on répond aux demandes qui ne tiennent pas compte des limites de notre connaissance de ce phénomène.17

On diagnostique un Trouble dissociatif de l’identité chez une proportion relativement faible de survivants d’un abus subi dans l’enfance. Comme adultes, ils manifestent, entre autres critères diagnostiques, des « identités » ou « états de personnalité » distincts qui dictent le comportement de façon récurrente, et ces personnes présentent « une incapacité à évoquer des mémoire. » 2, p. 559 Selon les chercheurs, le trouble dissociatif de l’identité est presque toujours associé à des antécédents de violence grave subie dans l’enfance26. L’établissement du diagnostic du Trouble dissociatif de l’identité soulève également la contro-verse. Certains psychiatres soutiennent en effet que des facteurs socio-culturels et l’iatrogenèse ont contribué à la fréquence de ce diagnostic des dernières années.33

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Annexe C : Suggestions aux clients des cliniques externes de physiothérapie

Bienvenue en physiothérapie! Nous sommes heureux de vous avoir pour cliente. Avant d’entreprendre votre traite-ment, votre physiothérapeute procédera à une évaluation. Il est important que s’instaure une communication directe et ouverte entre vous et votre physio-thérapeute. Vous trouverez ci-dessous une liste de suggestions qui pourra vous aider pour votre physiothérapie.

Vous pouvez choisir d’être traité par un homme ou par une femme.


  
Si vous estimez que le sexe de votre physiothérapeute est important, veuillez nous le faire savoir au moment de fixer votre premier rendez-vous.

  
Si en cours de traitement vous souhaitiez poursuivre avec un physio-thérapeute de l’autre sexe, faites-le nous savoir.

  
Si nous ne pouvons vous offrir un phy-siothérapeute du sexe de votre choix, nous pourrions vous orienter vers un
  é
  
tablissement qui pourra le faire.

Vous pouvez demander que quelqu’un vous accompagne durant vos traite-ments de physiothérapie.

Cette personne peut être :

  • un membre de votre famille ou un ami, ou
  • un membre du personnel de la clinique.

La physiothérapie donne les meilleurs résultats quand le client et son thérapeute travaillent en équipe.

Votre physiothérapeute commencera par vous expliquez votre traitement. N’hésitez pas à faire savoir à votre physio-thérapeute si :

  • certains éléments du traitement vous rendent mal à l’aise,
  • vous ne comprenez pas le traitement ou le langage qu’utilise votre thérapeute, ou
  • vous n’êtes pas d’accord avec le traite-ment.

Aussi, pour que votre traitement soit le plus efficace possible, tenez votre physio-thérapeute au courant des effets (bons, mauvais ou nuls!) du traitement sur vous. Plus vous en direz à votre physio-thérapeute, plus il ou elle sera en mesure de vous aider.

Nous nous efforcerons de préserver votre intimité.

  • Votre physiothérapeute pourrait avoir besoin que vous portiez une chemise d’hôpital pour certains traitements. Si vous préférez apportez des vête-ments amples personnels, veuillez l’en informer.
  • Il se pourrait que vous ayez à vous changer durant certaines séances; vous pourrez le faire dans l’intimité.

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  • Veuillez nous dire si vous souhaitez que les rideaux soient tirés autour de la table de traitement à quelque moment que ce soit.

Le/la physiothérapeute fait appel au toucher et exige que vous exécutiez des mouvements.

Dites à votre physiothérapeute si :

  • certaines parties de votre corps sont sensibles au toucher ou au mouve-ment,
  • le toucher vous rend mal à l’aise,
  • il y a quelque chose qu’il peut faire pour vous rendre plus à l’aise.

Vous pouvez arrêter le traitement en tout temps, durant ou après une séance.

Au nombre des raisons pour lesquelles certaines personnes peuvent décider d’arrêter le traitement, on compte :

  • un inconfort durant le traitement,
  • la décision d’essayer un autre type de soins médicaux.

Si vous décidiez d’essayer un autre type de soins, votre physiothérapeute pourrait éventuellement vous donner le nom d’une personne qui selon lui ou elle serait en mesure de vous aider.

Par-dessus tout, nous voulons faire en sorte que vous vous sentiez en meilleure santé!

On encourage les lecteurs/lectrices à distribuer cette feuille à leurs clients/es, telle quelle ou modifiée.

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Annexe D : Exemple de formule de consentement

Je vais être bientôt examinée et traitée par un ou une physiothérapeute et/ou ses assistant(e)s.

Pour être correctement examinée et traitée, je devrai porter des culottes courtes et un T-shirt. Le physiothérapeute devra observer mon corps au repos et en mouvement. Il devra toucher et faire bouger mon corps lors de l’évaluation et du traitement. S’il m’arrivait de ressentir un inconfort à n’importe quel moment durant l’évaluation et le traitement, je pourrai en informer le/la physiothérapeute et demander l’arrêt de l’évaluation et/ou du traitement. Je pourrai être accompagnée d’une personne durant le traitement, soit d’un(e) ami(e) ou d’un membre de ma famille, ou encore d’un membre du personnel de la clinique, si possible. Dans ce dernier cas, je pourrai choisir une personne du sexe de mon choix.

Je devrai faire état au physiothérapeute de mes problèmes de santé passés et actuels. Le thérapeute devra demander ma permission avant de contacter mon médecin s’il/elle découvre tout nouveau problème. Je sais que toutes les informations que je divulguerai et toutes les informations qui seront versées à mon dossier sont confidentielles.

Le traitement physiothérapeutique peut comprendre :
__________________
(langage clair et simple, soyez précis). Il arrive souvent qu’on ressente des douleurs après le traitement parce que les articulations et les muscles ont été étirés. Si j’éprouve d’autres symptômes, j’en informerai mon physiothérapeute.

Ma signature (ci-dessous) indique que je comprends toutes les informations ci-dessus.

Signature de la cliente Date

Signature d’un témoin Date

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Annexe E : Lectures recommandées

Bloom, S. L. (1997). Creating Sanctuary: Toward the Evolution of Sane Societies. New York: Routledge.

Blume, E. S. (1990). Secret Survivors. New York: Ballantine Books.

College of Chiropractors of Ontario, College of Massage Therapists of Ontario, and College of Physiotherapists of Ontario. Where’s My Line. L’adresse de l’Ordre des physio-thérapeutes de l’Ontario est : 230 Richmond Street West, 10th Floor, Toronto, ON M5V 1V6. Tél: (416) 591-3828. Fax: (416) 591-3834.

Courriel : collegpt@worldchat.com. http://www.worldchat.com/public/ collegpt

Davis, C. M. (1998). Patient Practitioner Interaction: An Experimental Manual for Developing the Art of Health Care

(3rd ed.). Thorofare, NJ: SLACK Incorporated.

Herman, J. (1992). Trauma and Recovery.

New York: Basic Books.

Oksana, C. (1994). Safe Passage to Healing: Guide for Survivors of Ritual Abuse. New York: Harper Perennial.

Peterson, M. R. (1992). At Personal Risk: Boundary Violations in Professional–Client Relationships. New York: W.W.

Norton & Company.

Radomsky, N. A. (1995). Lost Voices: Women, Chronic Pain and Abuse.

New York: Harrington Park Press.

Rush, F. (1980). Le secret le mieux gardé : l’exploitation sexuelle des enfants.

Paris : Denoël/Gonthier.

Smith, M. (1993). Ritual Abuse. What It Is, Why It Happens, How to Help. San Francisco: Harper.

van der Kolk, B. A. (1996). The body keeps the score: Approaches to the psychobiology of posttraumatic stress disorder. In B.A. van der Kolk, A. C.

McFarlane, & L. Weisaith (Eds.),

Traumatic Stress. The Effects of Overwhelming Experiences on Mind, Body, and Society (pp. 214–241). New York: The Guilford Press.

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Index

Abus rituel, 5

Abus sexuel dans l’enfance : définition, 5; dynamique, 6; effets à long terme, 7; prévalence, 6; abus rituel, 5 Aider la cliente à se préparer au traitement, 18 Changements d’attitude, 16 Confidentialité des dossiers, 51 Congé, 38 Consentement, 20; formule de consentement, 51 Considérations relatives à l’environnement, 23 Consultation d’autres professionnels de la santé, 40 Continuité des soins, 28 Contrôle, 10, 26; et adhésion au traite-ment, 26; partage du contrôle, 14 Déclencheurs, 11, 29-30 Démonstration d’ouverture aux problèmes de violence et d’abus sexuel, 16 Dissociation, 11, 29, 30, 48 Divulgation de l’abus sexuel dans l’enfance, 32 Dossiers médicaux, 36 Douleur, 10, 24 Encourager la reprise de contact avec le corps, 27 Encourager l’auto-prise en charge et en proposer les modalités, 27

  • tat de stress post-traumatique, 47
  • valuation initiale, 18

Facteurs temporels, 25

Faire face à une cliente bouleversée, 28 Flashback (abus passé), 11, 28 Habillement, 21 Intimité, 22

Langage et communication, 21 Libre choix de son clinicien et de son établissement de santé, 18 Lien de confiance, 13 Lignes directrices pour la pratique sensible, 2, 17-39 Limites, 3, 14 Mémoire corporelle, 8, 24 Partage de l’information, 14 Prendre soin de vous, 39 Principes de la pratique sensible, 13-16 Processus d’apprentissage, 15 Résolution de problèmes, 28 Respect, 13 Ressources et counselling, 38 Sécurité, 9, 13 Sentiments, expériences et comportements pouvant interférer avec le traitement : ambivalence par rapport à son corps, 9; condition-nement à la passivité, 11; malaise avec les hommes, 10; dissociation, 11; peur et méfiance, 10; besoin de contrôler la situation, 10; douleur physique, 10; auto-mutilation, 12; déclencheurs, 11, 29-30 Terminologie, 2 Toucher, 22 Transfert et contre-transfert, 9 Trouble dissociatif de l’identité, 32

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début

Dernière mise à jour : 2003-11-10