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    Agence de santé publique du Canada
Relevé des maladies transmissibles au Canada

Volume 29-23
1er décembre 2003

[Table des matières]

 

ESTIMATIONS DE LA PRÉVALENCE ET DE L'INCIDENCE DU VIH AU CANADA, 2002


Introduction

La 16e Journée mondiale du sida sera célébrée le 1er décembre 2003. Le thème de cette année, Vivre et laisser vivre, souligne l'importance d'éliminer la stigmatisation et la discrimination, qui entravent grandement l'efficacité des activités de prévention et de traitement de l' infection à VIH/sida. La discrimination entraîne l'isolement et la marginalisation des personnes atteintes d'une infection à VIH et du sida et peut les empêcher de recevoir un traitement susceptible de réduire leurs souffrances et de sauver des vies. La stigmatisation et la discrimination peuvent également propager l'ignorance et la crainte qui, à leur tour, peuvent réduire l'efficacité des programmes de prévention et contribuer à la persistance des infections.

La Journée mondiale du sida est une bonne occasion de passer en revue les progrès réalisés dans la lutte contre cette épidémie et de mettre en lumière les défis qu'il reste à relever. Dans le cadre de son mandat de surveillance de l'épidémiologie et des tendances du VIH/sida au Canada, le Centre de prévention et de contrôle des maladies infectieuses (CPCMI), de Santé Canada, produit périodiquement des estimations de la prévalence (personnes qui vivent avec le VIH, y compris le sida) et de l'incidence (nombre de nouveaux cas) de l'infection à VIH. Nous présentons dans ce document les estimations pour 2002, résumons les difficultés liées à leur production et discutons des répercussions que ces données peuvent avoir sur la prévention et la lutte contre le VIH.

Renseignements de base

Depuis l'ajout récent de l'infection à VIH sur la liste des maladies à déclaration obligatoire dans la province de Québec en avril 2002 et dans celle de la Colombie-Britannique en mai 2003, l'infection à VIH et le sida doivent obligatoirement être déclarés dans toutes les provinces et tous les territoires du Canada. La surveillance de l'infection à VIH et du sida au Canada est exercée de façon continue grâce à la notification volontaire au CPCMI des cas de séropositivité pour le VIH et des cas diagnostiqués de sida dans toutes les provinces et tous les territoires.

Les données de surveillance du VIH et du sida sont présentées régulièrement dans un rapport semestriel intitulé Le VIH et le sida au Canada, publié en avril(1) et en novembre(2) de chaque année. Ces données brossent le portrait des cas diagnostiqués d'infection à VIH ou de sida au Canada; elles sous-estiment cependant l'ampleur de l'épidémie d'infection à VIH pour un certain nombre de raisons. Tout d'abord, la collecte de données de surveillance se heurte à certains problèmes : retards dans la déclaration, sous-déclaration et modification des comportements relatifs au dépistage du VIH (personnes qui se présentent à un test). De plus, les données de surveillance ne nous renseignent que sur les sujets qui ont subi un test et reçu un diagnostic d'infection à VIH ou de sida et non sur ceux qui n'ont jamais subi de tests et dont l'état n'est pas diagnostiqué. Comme l'infection à VIH est une infection chronique assortie d'une longue période de latence, une infection qui vient d'être contractée dans une année donnée peut n'être diagnostiquée que quelques années plus tard. Il s'ensuit que le nombre de nouveaux tests positifs pour le VIH qui font l'objet d'un rapport au CPCMI dans une année donnée ne fournit pas une estimation du nombre de nouvelles infections à VIH survenues cette année-là, car de nombreuses personnes auront été infectées au cours d'une année précédente.

Étant donné que les données de surveillance ne peuvent fournir une description que de la partie diagnostiquée de l'épidémie au Canada, il faut puiser à des sources additionnelles d'information, telles que la recherche et les études ciblées, pour dépeindre l'épidémie chez les Canadiens qui souffrent d'une infection à VIH ou d'un sida diagnostiqués et non diagnostiqués. Pour produire une estimation, il faut compiler tous ces types de données; les méthodes utilisées pour ce faire sont décrites plus en détail dans la section qui suit.

Méthodologie

Les méthodes servant à estimer la prévalence et l'incidence à l'échelle nationale sont complexes et peu certaines. Celles que nous décrivons dans les paragraphes qui suivent sont similaires aux méthodes utilisées aux É.-U.(3) et à l'échelle internationale(4).

L'Ontario, le Québec, la Colombie-Britannique et l'Alberta regroupent plus de 85 % de la population canadienne et plus de 95 % des cas signalés d'infection à VIH et de sida. Des estimations distinctes de la prévalence et de l'incidence du VIH ont été calculées pour chacune de ces quatre provinces et pour chaque catégorie d'exposition : les hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes (HRSH), les utilisateurs de drogues par injection (UDI), les HRSH-UDI, les hétérosexuels (contacts hétérosexuels avec une personne qui est infectée par le VIH ou à risque pour le VIH, personnes pour qui les contacts hétérosexuels constituent le seul facteur de risque identifié, ou personnes qui proviennent d'un pays où le VIH est endémique) et les autres (personnes ayant reçu des transfusions sanguines ou des facteurs de coagulation, cas de transmission périnatale et professionnelle). La prévalence et l'incidence sont estimées à l'aide d'une combinaison de méthodes différentes, qui intègrent les données provenant de sources très variées, telles que les rapports de cas de sida, les bases de données provinciales sur les tests de dépistage du VIH, les enquêtes en population, les études épidémiologiques ciblées et les données du recensement. Après avoir calculé des estimations provisoires au moyen de ces méthodes, nous avons consulté des experts dans chacune des quatre provinces, y compris des autorités sanitaires, des chercheurs et des représentants communautaires. À la lumière des précieux commentaires et renseignements reçus, nous avons ensuite raffiné nos estimations provisoires.

La prévalence du VIH a été estimée à l'aide des trois méthodes décrites dans l'encadré 1 pour chacune des quatre provinces et pour chaque catégorie d'exposition. Au moyen de la Méthode 1 (méthode directe), nous avons calculé le nombre d'infections existantes en multipliant le taux de prévalence par la taille estimative de la population (population totale pour ce groupe). Les Méthodes 2 et 3 (méthodes indirectes) ont été combinées pour estimer la prévalence du VIH; elles sont toutes les deux fondées sur le nombre de diagnostics d'infection à VIH et sur l'information concernant le comportement en matière de dépistage du VIH. Dans la Méthode 2, le nombre cumulatif de diagnostics d'infection à VIH moins le nombre cumulatif de décès dus au sida a été divisé par la proportion de la population qui avait déjà subi un test de dépistage du VIH. Dans la Méthode 3, le nombre de diagnostics d'infection à VIH en 2002 a été divisé par la proportion de la population qui avait subi un test de dépistage du VIH au cours de l'année précédente. Le résultat a ensuite été ajouté au nombre cumulatif de cas diagnostiqués d'infection à VIH jusqu'à la fin de 2001, moins le nombre cumulatif de décès dus au sida, plus une estimation de l'incidence du VIH en 2002.

L'encadré 2 brosse les grandes lignes de la méthode utilisée pour estimer l'incidence du VIH. Pour calculer le nombre d'infections nouvelles, nous avons multiplié le taux d'incidence par le nombre estimatif de personnes à risque (population totale de ce groupe moins ceux qui sont déjà infectés par le VIH). Les sources de données utilisées dans ces méthodes sont mentionnées dans l'encadré 3.


Encadré 1.    Nombre d'infections à VIH existantes à la fin de 2002, selon la catégorie d'exposition

Méthode 1

taux de prévalence du VIHa X taille estimative de la populationa,b

   

Méthode 2

  (nombre cumulatif d'infections à VIH+ tests à la fin de 2002)c -
(nombre cumulatif de décès dus au sida à la fin de 2002)c
=


Proportion de personnes qui ont déjà subi un test de dépistage du VIHd

   

Méthode 3

 

(nombre d'infections à VIH+ tests en 2002)c

(nombre cumulatif d'infections à VIH+ tests 1985-2001)c - (nombre cumulatif de décès dus au sida jusqu'en 2002)c + (estimation de l'incidence en 2002)e


 

proportion de personnes testées par annéed

       

Nombre total d'infections à VIH existantes

  (Méthode 1 + (Méthode 2 + Méthode 3)/2)
=
                             2 

Remarque :  

  1. Pour la province de Québec, seule la Méthode 1 a été utilisée, parce qu'on disposait de données limitées sur les infections à VIH diagnostiquées pour chaque catégorie d'exposition.

  2. Pour la catégorie d'exposition HRSH-UDI, seule la Méthode 1 a été utilisée à cause du petit nombre d'enquêtes en population sur le risque et les comportements en matière de dépistage dans ce groupe particulier.

  3. Une autre méthode a servi à estimer la prévalence chez les hétérosexuels à partir des données sur la prévalence du VIH chez les fœtus et la distribution selon le sexe et l'âge des cas signalés d'infection à VIH.


Encadré 2.    Nombre de nouvelles infections à VIH en 2002, selon la catégorie d'exposition

=

taux d'incidence du VIHa X (taille estimative de la populationa,b - infections à VIH existantes jusqu'en 2001e)


Encadré 3.    Sources de données pour les méthodes d'estimation de la prévalence et de l'incidence

a.

Études épidémiologiques et en population, opinion d'experts

b.

Données du recensement et données d'enquêtes, projections démographiques (2002), saisie-resaisie (UDI), opinion d'experts

c.

Système de surveillance pour la déclaration des cas d'infection à VIH/sida, données provinciales sur le diagnostic de l'infection à VIH, statistiques de l'état civil

d.

Enquêtes en population sur le risque et les comportements en matière de dépistage

e.

Estimations de la prévalence et de l'incidence du VIH en 1999 et 2002



La prévalence et l'incidence du VIH pour les autres régions du Canada ont été extrapolées à partir des données nationales de surveillance du VIH et du sida. Plus précisément, nous avons combiné les estimations pour les quatre provinces avec la distribution provinciale et territoriale des cas signalés d'infection à VIH et de sida afin de calculer les estimations pour les autres régions du Canada. 

Les estimations de la prévalence et de l'incidence de l'infection à VIH chez les femmes, les Autochtones et les hétérosexuels issus de pays où le VIH est endémique ont été établies à partir des estimations générales conformément aux distributions selon le sexe, le groupe ethnique et la catégorie d'exposition obtenues dans les données nationales de surveillance du VIH et du sida. Nous avons également tenu compte des résultats des études de modélisation de l'Ontario dans le cas des personnes issues de pays où le VIH est endémique(5)

La présentation des estimations de 2002 diffère de celle des années précédentes; en effet, l'accent est davantage mis sur les intervalles de variation, calculés à l'aide de techniques de simulation statistique, plutôt que sur des estimations ponctuelles. Cela tient aux difficultés associées au petit nombre de données disponibles pour ce type d'estimation (voir section Limites). 

Résultats 

Prévalence du VIH 

À la fin de 2002, environ 56 000 (de 46 000 à 66 000) personnes au Canada vivaient avec l'infection à VIH (y compris le sida), ce qui représente une augmentation d'environ 12 % par rapport à l'estimation ponctuelle de 49 800 à la fin de 1999 (tableau 1). Parmi ces infections existantes en 2002, 32 500 ont été signalées chez des HRSH (58 % du total), 11 000 chez des UDI (20 % du total), 10 000 chez des hétérosexuels (18 % du total), 2 200 chez des HRSH-UDI (4 % du total) et 300 chez des personnes autrement exposées (< 1 % du total) (tableau 1, figure 1). L'augmentation absolue la plus importante a été relevée dans la catégorie des HRSH, où l'on retrouve 2 900 infections existantes de plus qu'en 1999 (augmentation relative de 10 %). Environ 2 000 infections existantes de plus ont été recensées chez les hétérosexuels (hausse de 25 %) et 1 300 de plus chez les UDI (hausse de 13 %).

Incidence du VIH  

Le nombre estimatif des nouvelles infections (incidence) au Canada demeure environ au même niveau qu'il y a 3 ans. Quelque 2 800 à 5 200 nouvelles infections à VIH sont survenues en 2002, comparativement à un nombre estimatif de 3 310 à 5 150 en 1999 (tableau 2). Il ressort de l'examen des estimations de 2002 pour chaque catégorie d'exposition que les HRSH continuent d'être le groupe où le nombre de nouvelles infections est le plus élevé : de 1 000 à 2 000. Ce groupe comptait donc environ 40 % de toutes les infections nouvelles au pays en 2002 (figure 1), ce qui est un peu plus que les 38 % estimées en 1999. La proportion de nouvelles infections chez les UDI a diminué légèrement, passant de 34 % du total en 1999 à 30 % en 2002 (800-1 600 nouvelles infections en 2002). La proportion attribuée à la transmission hétérosexuelle a crû légèrement, passant de 21 % à 24 % entre 1999 et 2002 (600-1 300 nouvelles infections en 2002).

La figure 2 illustre les changements dans la distribution selon la catégorie d'exposition des nouvelles infections à VIH depuis le début de l'épidémie d'infection à VIH au Canada. Jusqu'en 1996, la proportion de nouvelles infections chez les UDI a progressé régulièrement, puis a diminué. Inversement, la proportion d'HRSH nouvellement infectés a décliné régulièrement jusqu'en 1996, puis a augmenté par la suite. La proportion de nouvelles infections chez les hétérosexuels n'a cessé de croître depuis le début de l'épidémie.

Même si l'on constate que l'incidence estimative du VIH en 2002 est restée à peu près la même qu'en 1999, le nombre de nouveaux cas d'infection à VIH diagnostiqués (rapports de tests positifs) a augmenté récemment(2). En 2001, 2 185 nouveaux cas d'infection à VIH ont été signalés au CPCMI, et 2 499 en 2002, ce qui représente une hausse de 14,4 %. Cette hausse peut être due à une augmentation du nombre de rapports soumis, du nombre de tests effectués ou des taux d'infection (incidence). Si l'on compare les estimations de l'incidence en 2002 avec celles de 1999, on remarque qu'il n'y a pas eu de progression de l'incidence de l'infection à VIH, à tout le moins qui soit détectable à l'aide des données et des méthodes d'estimation disponibles (bien qu'on ne puisse écarter de légères variations de l'incidence en raison du vaste intervalle d'incertitude). De toute évidence, une partie de la hausse du nombre d'infections à VIH signalées est due à la nouvelle politique de dépistage du VIH chez les immigrants et les réfugiés qui a été appliquée par Citoyenneté et Immigration Canada(6) à partir du 15 janvier 2002. Pour cette portion des nouveaux tests effectués au Canada, des résultats positifs non nominatifs seront communiqués aux autorités nationales par le biais des systèmes provinciaux/territoriaux de surveillance. 

L'Ontario a également enregistré une hausse du nombre de nouveaux cas diagnostiqués d'infection à VIH en 2002, par rapport à 2001(7), et c'est dans le groupe des HRSH et des demandeurs de visas d'immigration que la hausse était le plus marquée. L'augmentation chez les demandeurs de visas était entièrement attribuable au nombre plus élevé de tests de dépistage du VIH effectués. Seule une partie de l'accroissement du nombre de cas diagnostiqués chez les HRSH était cependant due à une augmentation du nombre de tests, le reste étant imputable à une combinaison de facteurs. Il se peut que l'incidence croisse légèrement dans ce groupe et qu'un sous-groupe d'HRSH à risque élevé pour le VIH ait augmenté sélectivement sa participation aux tests. Une recherche plus approfondie doit être effectuée pour éclaircir cette question.

 


Tableau 1.    Nombre estimatif d'infections à VIH existantes au Canada et intervalles d'incertitude correspondants à la fin de 2002 comparativement à 1999 (les estimations ponctuelles et les intervalles sont arrondis)

 

HRSH

HRSH-UDI

UDI

Hétérosexuels

Autres

Total

2002

32 500
(26 000-39 000)

2200
(1500-3000)

11 000
(8500-13 500)

10 000
(7000-13 000)

300
(200-400)

56 000
(46 000-66 000)

1999

29 600
(26 000-33 400)

2100
(1700-2600)

9700
(8100-11 800)

8000
(6300-10 100)

400
(330-470)

49 800
(45 000-54 600)

HRSH : hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes; UDI : utilisateurs de drogues par injection; hétérosexuels : contacts hétérosexuels avec une personne qui est soit infectée par le VIH ou à risque pour le VIH, personnes pour qui les contacts hétérosexuels constituent le seul risque identifié, ou personnes issues de pays où le VIH est endémique; autres : receveurs de transfusions sanguines ou de facteurs de coagulation, cas de transmission périnatale et professionnelle.


Figure 1. Infections et nouvelles infections à VIH, selon la catégorie d’exposition, Canada, 2002


Figure 2. Distributions estimatives (%) des nouvelles infections à VIH dans les différentes catégories d'exposition au Canada, selon la période


Tableau 2.    Intervalles d'incertitude estimatifs pour le nombre de nouvelles infections à VIH au Canada en 2002, comparativement à 1999 (les intervalles sont arrondis)

 

HRSH 

HRSH-UDI 

UDI 

Hétérosexuels 

Autres* 

Total 

2002 

1000-2000 

150-350 

800-1600 

600-1300 

< 20 

2800-5200 

1999 

1190-2060 

190-360 

1030-1860 

610-1170 

< 20 

3310-5150 

*    Les nouvelles infections dans la catégorie Autres sont très rares et sont principalement dues à une transmission périnatale.


   


Tendances chez les femmes

À la fin de 2002, environ 7 700 (6 500 - 9 000) femmes vivaient avec le VIH au Canada (sida y compris), soit environ 14 % du total national. Il s'agit donc d'une augmentation de 13 % par rapport au nombre estimatif de 6 800 femmes en 1999. De 600 à 1 200 nouvelles infections à VIH ont été enregistrées chez les femmes en 2002, soit 23 % de toutes les nouvelles infections, ce résultat étant similaire à celui obtenu en 1999. Pour ce qui est de la distribution selon la catégorie d'exposition chez les nouvelles femmes infectées, une proportion légèrement supérieure de cas a été relevée chez les hétérosexuelles en 2002 par rapport à 1999 (53 % contre 46 %). Le reste des nouveaux cas d'infection chez les femmes était associé à l'injection de drogues.

Tendances chez les Autochtones

Les Autochtones continuent d'être surreprésentés parmi les victimes de l'épidémie d'infection à VIH au Canada. Même s'ils ne forment que 3,3 % de la population canadienne(8), environ 3 000 à 4 000 d'entre eux vivaient avec le VIH au Canada en 2002, ce qui représente environ 5 % à 8 % de tous les cas existants d'infection à VIH. Cela dépasse l'estimation de 2 500 à 3 000 en 1999 (ou environ 6 % du total). Environ 250 à 450 des nouvelles infections à VIH au Canada en 2002 ont été recensées chez les Autochtones, soit 6 % à 12 % du total, comparativement à 9 % en 1999. La distribution des Autochtones nouvellement infectés en 2002 selon la catégorie d'exposition était similaire à celle relevée en 1999 : 63 % d'UDI, 18 % d'hétérosexuels, 12 % d'HRSH et 7 % d'HRSH-UDI.

Il importe de noter que la proportion d'Autochtones UDI nouvellement infectés au Canada (63 %) est beaucoup plus élevée que dans l'ensemble de la population canadienne (30 %), ce qui témoigne des caractéristiques différentes de l'épidémie d'infection à VIH chez les Autochtones et fait ressortir la complexité de l'épidémie au Canada.

Hétérosexuels issus de pays où le VIH est endémique

La catégorie «Hétérosexuels» est très hétérogène, regroupant les sujets qui ont eu des contacts sexuels avec une personne infectée par le VIH ou à risque pour le VIH (telle qu'un UDI ou un homme bisexuel), les personnes qui ne présentent pas de risques reconnaissables à part les contacts sexuels avec des membres du sexe opposé et les personnes qui sont nées dans un pays où le VIH est endémique. Le terme «endémique» se dit d'un pays où les rapports hétérosexuels constituent le mode prédominant de transmission du VIH et où la prévalence du VIH est élevée (surtout les pays de l'Afrique subsaharienne et les Antilles).

D'après les proportions de rapports de tests positifs pour le VIH et de cas de sida signalés, il y aurait en 2002 quelque 3 700 à 5 700 infections à VIH existantes et de 250 à 450 nouvelles infections chez les hétérosexuels nés dans un pays où le VIH est endémique, soit de 7 % à 10 % environ des infections existantes et de 6 % à 12 % des infections nouvelles au Canada. Comme les Autochtones, les personnes issues de pays où le VIH est endémique sont surreprésentées parmi les victimes de l'épidémie d'infection à VIH au Canada. Suivant le recensement de 2001, environ 1,5 % des Canadiens sont nés dans un pays où le VIH est endémique(9). Malheureusement, il n'est pas possible à l'aide des méthodes actuelles et des données disponibles de distinguer les infections contractées à l'étranger de celles qui ont été contractées au Canada. Le CPCMI collabore actuellement avec des partenaires provinciaux et territoriaux, des chercheurs et des groupes communautaires afin d'élaborer des méthodes et d'obtenir des données permettant de mieux comprendre la situation actuelle et les tendances de l'infection à VIH dans ce groupe.

Infections à VIH non diagnostiquées : l'épidémie cachée

Depuis que les tests ont débuté en novembre 1985 et jusqu'au 31 décembre 2002, 52 680 rapports de tests positifs pour le VIH ont été transmis au CPCMI. Après avoir rajusté les données pour tenir compte de la sous-déclaration, nous avons estimé que 57 000 Canadiens avaient reçu un diagnostic d'infection à VIH, dont environ 18 000 sont décédés. Ainsi, environ 39 000 Canadiens vivant avec l'infection à VIH en 2002 faisaient partie des cas diagnostiqués. Lorsque les méthodes décrites précédemment sont appliquées, environ 17 000 (13 000-21 000) des quelque 56 000 cas existants d'infection en 2002 ou 30 % ne savaient pas qu'ils étaient infectés.

Il est particulièrement difficile d'estimer le nombre de personnes dans ce groupe parce qu'elles échappent à la vigilance des systèmes de santé et de surveillance des maladies, n'ayant pas encore subi de tests ni reçu de diagnostic d'infection à VIH. Ce groupe est particulièrement important, car tant qu'un diagnostic n'a pas été établi, ses membres ne peuvent se prévaloir des stratégies de traitement disponibles ou des services de counseling visant à prévenir la propagation du VIH. À l'heure actuelle, il est impossible de répartir plus précisément ce groupe «caché» selon la catégorie d'exposition ou le sexe, mais le CPCMI travaille à régler cette question. Par exemple, ces personnes peuvent être plus nombreuses à subir un test tardivement et, partant, à recevoir un diagnostic de sida peu après leur diagnostic d'infection à VIH. Une analyse récente des caractéristiques associées au diagnostic tardif de l'infection à VIH chez des cas de sida au Canada a révélé que les personnes qui attendent longtemps avant de subir des tests de détection du VIH étaient plus nombreuses à appartenir à un groupe ethnique autre que les Blancs et d'avoir été infectées autrement que par des relations sexuelles entre hommes ou l'injection de drogues (notamment par des relations hétérosexuelles)(10). Une telle information aiderait à cibler les programmes de sensibilisation au risque de transmission du VIH et à accroître l'accès aux tests de dépistage et leur utilisation.

Limites

Comme nous l'avons indiqué dans la section Méthodologie, la présentation des estimations de 2002 diffère de celles des années précédentes, car l'accent est davantage mis sur les intervalles de variation plutôt que sur les estimations ponctuelles. Nous voulions ainsi rendre compte des difficultés associées au nombre limité de données disponibles pour effectuer des estimations. Nous disposions notamment de données nouvelles limitées sur l'incidence, la prévalence du VIH et la taille des groupes à risque dans chacune des quatre provinces. En outre, le calcul des sous-catégories, telles que les Autochtones et les personnes issues de pays où le VIH est endémique, était fondé sur des variables dans les données de surveillance de l'infection à VIH et du sida qui ne sont pas souvent signalées de façon satisfaisante à l'échelle nationale. L'information sur les facteurs de risque dans les données de surveillance du VIH/sida est également incomplète, ce qui peut entraîner la classification de cas dans la mauvaise catégorie d'exposition. Ce problème est particulièrement aigu en ce qui a trait aux cas classés parmi les hétérosexuels. Dans la Laboratory Enhancement Study effectuée en Ontario, une proportion substantielle de cas classés initialement dans la catégorie de transmission hétérosexuelle d'après les données figurant dans les demandes d'analyses avait en fait été infectée autrement; tel était notamment le cas chez les hommes ayant reçu un diagnostic d'infection à VIH(11). L'estimation du nombre d'infections à VIH chez les hétérosexuels est compliquée à cause de ce biais et nous travaillons actuellement avec nos partenaires dans les ministères provinciaux et les services locaux de santé afin d'améliorer la qualité de ces données et la précision de nos estimations.

Le fait que les données proviennent principalement des grandes villes des quatre provinces constitue également une limite, et ces estimations ne brossent donc pas un tableau fidèle des tendances locales de l'incidence et de la prévalence du VIH au Canada.

Analyse

Les méthodes employées pour estimer la prévalence et l'incidence du VIH exploitent au maximum une multitude de données. La production de ces estimations nationales devient de plus en plus difficile à cause des limites actuelles associées aux données de surveillance du VIH et à l'accès limité à des données de recherche portant précisément sur l'incidence et la prévalence du VIH ainsi que de la taille des groupes à risque. Nous essayons actuellement de réduire les limites inhérentes à la surveillance du VIH au Canada de concert avec nos partenaires provinciaux/territoriaux et les groupes communautaires. Il faut renforcer la recherche épidémiologique au Canada afin d'obtenir de l'information qui aidera à améliorer les estimations. Compte tenu des renseignements dont nous disposons, cependant, nous croyons avoir brossé un tableau plausible de l'épidémie au Canada.

En tout, 56 000 Canadiens vivent avec l'infection à VIH. Ce nombre continuera de croître par suite de la survenue de nouvelles infections et de l'amélioration de la survie grâce à de nouveaux traitements; autrement dit, les besoins en matière de soins croîtront dans l'avenir. Entre 2 800 et 5 200 nouvelles infections ont été contractées au Canada en 2002, soit à peu près le même nombre qu'en 1999. Les taux d'infection demeurent anormalement élevés dans toutes les catégories d'exposition, notamment chez les HRSH, qui restent le groupe le plus touché. Les Autochtones et les personnes issues de pays où le VIH est endémique sont surreprésentés parmi les victimes de l'épidémie d'infection à VIH au Canada. En outre, comme le montre cette étude, il est nécessaire d'adopter des mesures spécifiques pour lutter contre les aspects particuliers de cette épidémie dans certaines sous-populations : l'injection de drogues constitue le principal mode d'exposition au VIH chez les Autochtones, et l'activité hétérosexuelle représente la principale catégorie d'exposition chez les femmes et les personnes issues de pays où le VIH est endémique. Il y a encore un nombre appréciable de personnes qui vivent avec le VIH sans savoir qu'elles sont infectées. Tant que ces personnes n'auront pas subi de tests ni reçu un diagnostic, elles ne pourront se prévaloir des services de soins et de traitement offerts ni recevoir le counseling approprié pour éviter de propager le VIH.

Il faut exercer une plus grande vigilance si l'on veut contrer efficacement l'épidémie d'infection à VIH au Canada. Il faudra notamment disposer de stratégies plus efficaces pour prévenir les nouvelles infections dans tous les groupes à risque et offrir des services au nombre croissant de Canadiens qui vivent avec l'infection à VIH, en particulier les personnes vulnérables et défavorisées. Enfin, il est de plus en plus nécessaire de régler la question du petit nombre de données disponibles afin qu'on puisse mieux comprendre et surveiller toute l'ampleur de l'épidémie d'infection à VIH au Canada.

Remerciements

Les auteurs aimeraient remercier les autorités sanitaires, les chercheurs dans le domaine du VIH et les représentants communautaires dans les provinces de l'Ontario, du Québec, de la Colombie-Britannique et de l'Alberta qui ont collaboré à la publication de ces estimations. Nous tenons également à souligner le travail des coordonnateurs provinciaux et territoriaux de la lutte contre le VIH/sida, des laboratoires, des professionnels de la santé et des médecins qui signalent les cas, d'avoir fourni les données non nominatives de surveillance du VIH et du sida. Nous sommes également redevables à Dena Schanzer, CPCMI, Santé Canada, pour son aide et ses conseils.

Références

  1. Santé Canada. Le VIH et le sida au Canada : rapport de surveillance en date du 31 décembre 2002. Ottawa : Division de l'épidémiologie et de la surveillance du VIH/sida, Centre de prévention et de contrôle des maladies infectieuses, Santé Canada, avril 2003.

  2. Santé Canada. Le VIH et le sida au Canada : rapport de surveillance en date du 30 juin 2003. Ottawa : Division de l'épidémiologie et de la surveillance du VIH/sida, Centre de prévention et de contrôle des maladies infectieuses, Santé Canada, novembre 2003.

  3. Holmberg S. The estimated prevalence of HIV in 96 large US Metropolitan Areas. Am J Public Health 1996;86:642-54.

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Source :

J Geduld et M Gatali, Centre de prévention et de contrôle des maladies infectieuses, Santé Canada; Dr RS Remis, Département des sciences de la santé publique, Université de Toronto; Dr CPArchibald, Division de l'épidémiologie et de la surveillance du VIH/sida, Centre de prévention et de contrôle des maladies infectieuses, Santé Canada.

 

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Dernière mise à jour : 2003-12-01 début