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Volume 16, No 1-supplément 1995

 

  Agence de santé publique du Canada


Épidémiologie des aspects psychologiques liés à l'incidence et aux pronostics du cancer
Bernard H. Fox

Introduction

La possibilité que certains traits de personnalité ou certains facteurs de stress puissent provoquer le cancer, être des facteurs de prédisposition ou influer sur le pronostic du cancer suscite beaucoup d'intérêt. Une recension critique de la littérature relative à l'association entre les facteurs psychologiques et le cancer révèle que, parmi les premières conclusions optimistes qui ont été tirées, un bon nombre pourraient être attribuables à la présence de biais. Je vous propose donc un examen des conclusions concernant les associations les plus étudiées entre les facteurs psychologiques et l'incidence et les pronostics du cancer.

Les «facteurs psychologiques» (FP) désignent à la fois les caractéristiques de la structure intime de l'être comme la personnalité, l'attitude et les réactions, et les facteurs extérieurs autres que physiques qui influent sur les caractéristiques intérieures (par exemple, les événements stressants, le soutien social). Ce sont des variables indépendantes, à une restriction près : si le facteur psychologique est associé à un carcinogène physique, il ne sera pas considéré comme une variable indépendante, mais pourrait être assimilé à une variable de confusion. Ainsi, on soutient que certains traits de caractère peuvent prédisposer à fumer. Ces traits n'auront pas d'intérêt du point de vue de leur lien avec le tabagisme et ses conséquences carcinogènes, mais seulement du point de vue de leur lien avec le cancer, indépendamment du tabac.

Les variables dépendantes seront l'incidence du cancer et la mortalité attribuable au cancer, et, dans le cas du pronostic des personnes atteintes de cancer, les périodes sans récidive et le temps de survie. Les facteurs de risque connus ou présumés du cancer (exposition aux rayonnements, bagage génétique, virus, tabagisme, produits chimiques, etc.) seront considérés comme des facteurs de confusion possible, des cofacteurs ou des agents étiologiques primaires, avec lesquels les facteurs psychologiques peuvent agir conjointement.Pour bien cerner le sujet, nous devons tenir compte du lent développement des tumeurs malignes. L'incidence du cancer est établi à l'aide des diagnostics ou des autopsies. Dans les deux cas, la tumeur s'est développée au point d'être décelable. S'il s'agit d'une leucémie ou d'un cancer du système lymphatique, il faut qu'un nombre suffisant de cellules soient transformées pour que la maladie soit décelable, et s'il s'agit d'une tumeur, elle doit avoir atteint une taille assez importante pour être décelée par radiographie, palpation, sonogramme, visualisation, etc.

Quoiqu'il en soit, la première véritable mutation maligne d'une cellule s'est produite plusieurs mois ou plusieurs années auparavant 1,2 . À titre d'exemple, il a fallu un temps médian de six à sept ans avant que la leucémie soit décelable, après Hiroshima 3 . Le temps médian estimé de croissance tumorale permettant la détection du cancer du sein est de sept à onze ans, selon les chercheurs 1,4 . D'après Steel 1 , dans un ensemble de cancers dont le cancer du poumon représentait une forte proportion, la médiane était de 5,5 ans.

Les auteurs de bon nombre d'études relatives aux FP ne tiennent pas compte de l'existence des facteurs psychologiques avant la transformation maligne. De plus, très peu nombreux sont ceux qui mentionnent la possibilité que le facteur même puisse être engendré par les effets biologiques du cancer 5,6 ou par la connaissance qu'a le patient de son état.

Il faut également prendre en considération le plan ou le protocole d'étude. Dans les études cas-témoins, on constitue un groupe de patients atteints de cancer, de survivants ou de patients qui font une rechute, ainsi qu'un groupe témoin de personnes qui ne souffrent pas de cancer, ne sont pas décédées ou n'ont pas eu de rechute. Le chercheur mesure des attributs présumément discriminatoires dans les deux groupes pour déterminer les différences par rapport à ces attributs.

Dans les études de cohorte, le chercheur mesure le même attribut chez tous les membres de la cohorte avant la maladie, le décès ou la rechute, puis il suit la cohorte pour déterminer combien d'entre eux présentent un cancer, survivent ou ont des rechutes. Le chercheur compare ensuite la proportion de personnes qui deviennent cancéreuses durant la période de suivi et qui sont exposées au facteur de risque (par exemple, un événement) avec la proportion de personnes qui deviennent cancéreuses durant la même période sans avoir été exposées à ce facteur de risque. Les études de cohorte sont généralement moins biaisées que les études cas-témoins et leurs conclusions sont habituellement plus fiables; c'est le modèle qui devrait être adopté pour les études relatives aux FP.

Diversité des facteurs psychologiques

Les facteurs psychologiques utilisés comme variables indépendantes englobaient non seulement les variables directement mesurables, mais aussi les variables dont le chercheur a déduit la présence à partir des résultats obtenus à l'aide d'un instrument qui n'évalue pas directement ces facteurs (par exemple, le test de Rorschach). Une grande diversité de facteurs d'ordre psychologique et social ont été étudiés en tant que facteurs de risque de cancer. La plupart de ces facteurs sont décrits dans les études citées dans la bibliographie d'un de mes articles (Fox 4 ). Voici les conclusions tirées au sujet des facteurs les plus étudiés.

Stress

Le stress désigne, dans ce qui suit, le déséquilibre psychique et physiologique causé par un événement appelé agent de stress.

Stress chez les animaux
Les premières études sur les effets des FP sur le cancer ont principalement été réalisées auprès de sujets humains, mais on s'est rapidement intéressé au lien entre le stress et le cancer chez les animaux. Parmi les premières recherches importantes, mentionnons celles de Riley 7 et de Seifter 8 . Comme d'autres, ils ont découvert que, chez les rongeurs, le stress engendrait une croissance plus rapide des tumeurs d'origine virale et des tumeurs transplantées. De plus, le temps de survie était plus court chez les rongeurs exposés au stress. Néanmoins, certains chercheurs, notamment Newberry et Sengbusch 9 , ont observé que le stress inhibe l'apparition et la croissance d'une tumeur dans certaines circonstances. Justice 10 , dans le cadre d'un examen approfondi de la question, a proposé une liste de variables favorisant ou inhibant l'apparition d'une tumeur. Son hypothèse la plus importante, maintenant vérifiée, voulait que, chez les animaux, le stress ait une influence défavorable sur les tumeurs virales et une influence favorable sur les tumeurs provoquées par des carcinogènes chimiques.Compte tenu du rôle protecteur du système immunitaire à l'égard de l'évolution du cancer et peut-être même de sa survenue, on pourrait être tenté de tirer les mêmes conclusions dans le cas des sujets humains. Toutefois, certaines mises en garde s'imposent :

  • Les humains, les cochons d'Inde et certains autres animaux sont beaucoup moins sensibles à des taux élevés de corticostéroïdes que la majorité des espèces de rongeurs utilisés en laboratoire 11 . Même chez les rongeurs, certaines souches présentent des degrés de sensibilité différents aux glucocorticoïdes. Par conséquent, les conclusions tirées par Riley 7 , Seifter 8 et d'autres chercheurs selon lesquelles des taux élevés de glucocorticoïdes, provoqués par le stress, chez les rongeurs, ont favorisé la croissance tumorale ne sont pas nécessairement applicables aux sujets humains, même si les taux de cortisol augmentent sous l'influence du stress, chez l'homme.
  • Les humains sont exogames et ont ainsi des réactions diverses à bien des stimuli physiologiques, alors que les souris et les rats utilisés en laboratoire sont reproduits par accouplement endogame, ce qui a pour but de créer des lignées prédisposées au cancer.
  • Les transplantations de tumeurs ou les doses élevées de carcinogènes font intervenir des antigènes puissants, c'est-à-dire des stimuli à la reconnaissance et à la réaction immunitaires, ce qui accroît la protection contre la tumeur; les tumeurs spontanées chez l'être humain prennent beaucoup de temps à se développer et suscitent vraisemblablement une reconnaissance et une réaction immunitaires limitées ou nulles.
  • Chez les animaux immunodéprimés, on observe des tumeurs en nombre excessif dans de nombreux sièges, et chaque souche est vulnérable à une concentration des tumeurs au siège particulier de cette souche (foie, poumons, testicules, par exemple); les humains immunodéprimés présentent également plus de tumeurs mais, la plupart du temps, il s'agit de tumeurs lymphoréticulaires. La cible du stimulus immunodépresseur est le système immunitaire même.
  • Dans de nombreux cas, les expériences auprès d'animaux concernent des tumeurs d'origine virale, avec stimulation de la croissance tumorale. Chez les sujets humains, la proportion de tumeurs virales est de 3-4 % de l'ensemble des tumeurs. Par conséquent, si par extrapolation directe on appliquait aux sujets humains les conclusions visant les animaux, on pourrait soutenir que le stress inhibe l'apparition et la croissance des tumeurs, comme Newberry 9 et d'autres l'ont constaté chez les animaux, et n'est pas un promoteur de la croissance tumorale comme l'affirment certaines études psychologiques. Une telle déduction n'aurait pas de valeur et ce, pour plusieurs raisons.
Les observations relatives aux animaux sont importantes, mais devraient servir à la formulation d'hypothèses et non pas de conclusions concernant les humains.

Stress chez les humains
Nous examinerons quelques études cas-témoins, mais surtout des études de cohorte. Plusieurs motifs nous incitent à accorder une importance moindre aux études cas-témoins en ce qui a trait aux FP. D'abord, le cancer provoque des changements physiques, psychologiques et comportementaux, défavorables pour la plupart, qui peuvent biaiser les conclusions 12 . Ensuite, il appert que ces changements incitent les patients à signaler un plus grand nombre d'événements stressants que les membres des groupes témoins 13 . De plus, on ne peut jamais être certain qu'il n'y a pas un biais d'échantillonnage des groupes de patients. Finalement, et c'est peut-être l'aspect le plus important, on ne peut jamais être sûr que le groupe témoin n'a pas été apparié en fonction de variables qui peuvent mener à des conclusions erronées.

Dans les premières études cas-témoins, les groupes de personnes atteintes de cancer signalaient un plus grand nombre d'événements stressants plus tôt dans la vie que les membres des groupes témoins 14,15 . Cependant, dans la plupart des études récentes, le nombre d'événements traumatiques signalés par les patients n'est pas plus élevé 16,17 . Il est intéressant de noter que Priestman et coll.18 ont obtenu des résultats opposés : les membres des groupes témoins ont signalé un plus grand nombre d'événements stressants que les membres des groupes de patients atteints de tumeurs bénignes, qui, à leur tour, en ont signalé plus que les patients atteints de cancer.

Selon les premières études de cohorte, il n'y avait pas plus de cas de cancer chez les sujets ayant subi un stress que les autres sujets. Keehn et coll.19 , par exemple, ont constaté que le taux de mortalité attribuable au cancer n'était pas supérieur chez 9 813 soldats de la Deuxième Guerre mondiale démobilisés pour psychonévrose que chez 9 942 témoins, entre janvier 1946 et décembre 1969. Keehn 20 a étudié la mortalité attribuable au cancer chez les prisonniers de la Deuxième Guerre mondiale, de 1946 à 1975, et du conflit coréen, de 1954 à 1978. Il n'a pas constaté de taux de mortalité en excès chez les anciens combattants de la Deuxième Guerre mondiale dans le Pacifique ou en Europe (n = 6 023) ni chez les anciens combattants de la Corée (n = 3 959), comparativement aux groupes témoins respectifs (n = 5 223 et n = 3 953). Joffres et coll.21 ont étudié 4 581 Japonais à Hawaï et n'ont découvert aucune association entre des événements stressants et l'incidence du cancer.

Peu d'études de cohorte ont récemment été menées. Grossarth-Maticek et coll.22 , dans une série de recherches fréquemment citées, ont constaté un lien entre des événements stressants et l'apparition ultérieure d'un cancer. Leur travail a été sévèrement critiqué 23 ; par conséquent, nous ne nous y intéresserons pas davantage.Certaines études cas-témoins ont été menées sur le stress et la survie ou les périodes sans récidive. Ramirez et coll.24 ont notamment découvert un nombre en excès d'événements traumatiques antérieurs chez les femmes atteintes d'un cancer du sein récidivant. Par ailleurs, Funch et Marshall 25 ont obtenu des résultats mixtes; la survie après le cancer du sein était associée au stress chez les patientes les plus âgées et les plus jeunes, mais non chez les patientes d'âge mûr.

Seulement deux études de cohorte relatives au lien entre les événements stressants et la survie ou les périodes sans récidive ont été réalisées. Hislop et coll.26 n'ont constaté aucun lien entre les événements stressants récents et la survie ou les périodes sans récidive, chez 133 patientes atteintes de cancer du sein, suivies pendant quatre ans. De même, Barraclough et coll.27 n'ont pas observé de lien entre les événements traumatiques et des périodes sans récidive, chez 204 patientes atteintes de cancer du sein, suivies pendant 42 mois.

Il est vraisemblable que les personnes atteintes de cancer se rappellent davantage les événements stressants que les membres des groupes témoins qui ne présentent pas de cancer, bien que certaines études soutiennent le contraire 28 . Seules quelques études déterminantes ont été faites pour démontrer que de tels récits ne correspondent pas à des événements réels. Un examen approfondi de l'influence de l'affect sur la mémoire a été effectué par Blaney 29 , qui a notamment conclu que les gens ayant un affect négatif ont tendance à signaler plus d'incidents négatifs que les gens ayant un affect positif ou ni carrément positif ou négatif. Les mêmes conclusions sont tirées par Brett et coll.13 et Cohen et coll.30 .

Presque toutes les personnes qui sont atteintes de cancer et le savent ont un affect négatif, à divers degrés. Même si cette observation n'est pas valable pour toutes les personnes atteintes de cancer, elle est vrai pour beaucoup d'entre elles, et leur rappel en excès d'événements négatifs suffit à biaiser le rappel moyen de l'ensemble des sujets cancéreux. En bref :

  • Les études cas-témoins sur cette question ont donné des résultats mixtes, mais sont souvent biaisées.
  • Dans presque toutes les études de cohorte, on n'a pas constaté un nombre en excès d'événements stressants associés à la survenue ultérieure du cancer, à la mortalité attribuable au cancer ou à la survie au cancer.
  • Les personnes ayant un affect négatif signalent un plus grand nombre d'événements stressants que les personnes ayant un affect positif ou celles qui se situent entre les deux, alors que, dans les faits, le nombre est le même.

Cette observation explique une bonne partie, sinon la totalité des résultats des études cas-témoins. Elle permet également de supposer qu'en l'absence d'un tel biais, il n'y aurait pas plus d'événements stressants dans les groupes de personnes atteintes de cancer. Cette hypothèse est confirmée par les résultats des études de cohorte, qui ne comportent pas ce même biais. On peut donc conclure qu'il est presque certain que les personnes qui présentent ultérieurement un cancer, meurent ou survivent moins longtemps n'ont pas été exposées à un plus grand nombre d'événements stressants que les témoins.

Deuil

Holmes et Rahe estiment que la perte d'un conjoint est le plus stressant des 43 événements traumatiques dont ils dressent la liste 31 . Cependant, de nombreux auteurs ont observé que le deuil ne s'accompagne pas toujours de tristesse, de détresse ou de regrets, en particulier si le décès représente un soulagement de la douleur et de la souffrance. Une mesure globale du deuil établit une moyenne entre la détresse et le soulagement. L'étude des effets du deuil sur la survenue du cancer risque de ne pas révéler l'effet réel de la détresse, puisque tous ne ressentent pas le même désarroi face au même événement.

Certaines des premières études cas-témoins ont révélé que l'incidence du cancer est plus élevée chez les veufs et les veuves. Elles ont été analysées en détail, tout comme les études prospectives jusqu'à 1986, et les problèmes qu'elles posent ont été cernés 32 .

Dans d'importantes études de cohorte sur des veufs et des veuves, menées sur de longues périodes, on n'a pas constaté de décès en excès attribuables au cancer, comparativement aux personnes dont le conjoint n'était pas décédé. Dans les cas d'exception, cet excès s'étendait sur six mois à deux ans. Comme on sait qu'entre le moment du diagnostic et le moment où la plupart des cancers commencent, il peut s'écouler jusqu'à 15 ans, ces résultats ne peuvent être associés à un cancer qui serait survenu à ce moment. Selon une vaste étude de cohorte réalisée en Finlande, en 1987, auprès de 95 647 personnes ayant perdu leur conjoint en 1972, le nombre de décès n'est pas plus élevé durant les quatre années suivant le décès, dans 7 600 cas de cancer 33 . Dans une autre étude effectuée dans le comté de Washington au Maryland, au cours de laquelle on a suivi pendant environ 12 ans 4 032 personnes de race blanche dont le conjoint était décédé entre 1963 et 1974, on n'a pas relevé de décès en excès attribuables au cancer 34 . Une troisième étude de cohorte de grande envergure, menée sur une période de dix ans auprès de veufs et de veuves, a mené à la même conclusion : il n'y avait pas de décès en excès attribuables au cancer chez les veufs des deux sexes 32 . Enfin, dans le cadre d'une étude visant 1 782 femmes présentant un cancer du sein et 1 738 témoins, Ewertz 35 n'a découvert aucune différence des taux de mortalité chez les veufs et les veuves et chez les personnes mariées.

Pour résumer, bien que certaines études aient signalé des cas du cancer en excès à court terme après le deuil, les grandes études de cohorte n'ont généralement pas révélé de l'incidence en excès du cancer ou de la mortalité attribuable au cancer, à long terme. Cette conclusion correspond à l'autre tirée antérieurement selon laquelle le stress autre que le deuil ne peut être considéré comme un facteur d'augmentation de l'incidence du cancer ou de la mortalité due au cancer.

Un petit nombre d'études (Neale 36 , par exemple) ont porté sur la survie ou les périodes sans récidive, chez les veufs et les veuves. Les résultats obtenus sont mixtes; certaines concluent que la survie est réduite chez les personnes dont le conjoint est décédé, d'autres n'arrivent pas à une telle conclusion. On ne peut utiliser la question du deuil comme FP, car aucune des études sur la survie n'indique la durée du deuil en fonction de l'apparition du cancer. Seul l'état civil au moment du diagnostic a été pris en compte; le cancer peut avoir été décelé un jour après le décès ou 20 ans plus tard. On ne peut donc tirer aucune conclusion des études basées sur l'état civil en ce qui a trait au deuil comme FP.

Psychose, en particulier la schizophrénie Bien des études ont révélé une nette diminution de l'incidence du cancer ou de la mortalité attribuable au cancer chez les psychotiques, surtout les schizophrènes. Elles ont été examinées par de nombreux chercheurs 37-39 , qui ont découvert une erreur fondamentale de calcul. Les décès dus au cancer ont été évalués par mortalité proportionnelle; la proportion de tous les décès attribuables au cancer dans une cohorte de patients atteints de troubles mentaux a été comparée à la proportion de personnes mortes de cancer dans une population d'âge équivalent. Le taux de décès attribuables à l'alcoolisme, à des maladies neurologiques, à des accidents, au suicide, etc., dans un échantillon de patients hospitalisés, était supérieur à celui de l'ensemble de la population. La proportion de décès attribuables à d'autres causes, en particulier le cancer, dans le reste de l'échantillon, ne pouvait être qu'inférieure à celle de la population.

Il aurait fallu comparer le taux absolu de décès dus au cancer dans la cohorte des patients atteints de troubles mentaux, et le taux absolu de décès attribuables au cancer dans la population d'âge équivalent. Huit des études analysées qui faisaient appel à la méthode de la mortalité proportionnelle ont fourni suffisamment de données pour que l'on puisse déterminer le taux de mortalité absolu. Les nouvelles données analysées ont révélé un nombre inférieur de décès imputables au cancer qui n'était pas inférieur ou qui n'était que légèrement supérieur, quoique de façon non significative, dans l'échantillon des patients hospitalisés 37,38 . Par conséquent, il faut écarter l'hypothèse souvent mentionnée selon laquelle les psychotiques, surtout les schizophrènes, sont moins nombreux à mourir de cancer que l'ensemble de la population.

Humeur dépressive

Certaines études cas-témoins ont révélé des cas de cancer plus nombreux chez les personnes ayant une humeur dépressive, comparativement à des groupes témoins, mais certaines ne sont pas arrivées au même constat. Les chercheurs n'ont pas vraiment tenu compte de la possibilité que certaines personnes aient eu une humeur dépressive parce qu'elles savaient qu'elles étaient atteintes de cancer 40 ou que des syndromes paranéoplasiques peuvent avoir causé, dans certains cas, l'humeur dépressive 41 , dans une mesure suffisante pour donner lieu à une moyenne en excès de cas de cancer. Cette possibilité a été supprimée dans les études de cohorte.

La première a été celle de Shekelle et coll.42 , visant une cohorte de 2 018 hommes employés dans une usine de matériel électrique de Chicago. Selon le MMPI (Minnesota Multiphasic Personality Inventory), ces travailleurs avaient une humeur dépressive et leur taux de décès attribuable au cancer était, sur une période de 17 ans, 2,3 fois supérieur au reste de la cohorte. Après cette étude menée en 1981, il a fallu attendre 1988 et 1989 pour que d'autres études soient réalisées. Persky et coll.43 ont suivi la cohorte de Shekelle et coll. pendant trois autres années et ont observé une baisse substantielle du risque relatif de décès par cancer, bien que le risque global de cancer chez ceux qui avaient une humeur dépressive était encore supérieur au reste de la cohorte. Toutefois, dans le cadre de quatre autres études, pour lesquelles la taille de la cohorte était plus importante, on n'a pas constaté de taux en excès de décès par cancer chez les personnes ayant une humeur dépressive.

Un éditorial du Journal of the American Medical Association conclut que les données combinées démontrent un lien nul ou faible, le risque relatif étant d'environ 1,0 ou un peu plus, ce qui ne va pas dans le sens d'un puissant lien entre les symptômes de dépression et le cancer dans de grands segments de la population 44 . Des circonstances particulières à la centrale où les membres de la cohorte de Shekelle et coll. travaillaient ont pu biaiser les résultats : l'omniprésence des champs électriques et les importantes émanations de vapeurs de PCB provenant de la fabrication de condensateurs et de transformateurs, dont on sait qu'ils provoquent des symptômes neurologiques et favorisent le cancer chez les animaux.

Répression des émotions, en particulier la colère

Un certain nombre d'études ont indiqué que les personnes cancéreuses sont gentilles, accommodantes et, surtout, n'ont pas tendance à exprimer leur colère. On a conclu qu'il s'agissait de répression de la colère, plutôt que refoulement inconscient, bien que ce point de vue ne soit pas accepté par tous. C'est à Greer et Morris 45 qu'on doit le travail le plus important sur le sujet, mais d'autres chercheurs sont arrivés à des résultats similaires (Jansen et Muenz, par exemple 46 ). Dans certaines études, les membres du groupe de patients étaient plus âgés que les membres du groupe témoin. Dans des études ultérieures, on a relevé très peu de différence du point de vue de la répression de la colère chez les femmes âgées; par conséquent, il faudrait entreprendre d'autres études ou analyses pour faire le point sur ces conclusions divergentes.

Temoshok a réalisé quelques expériences sur des patients présentant un mélanome et a noté que les personnes de type C (l'opposé des personnes de type A) sont défavorisées sur le plan de la survie comparativement aux autres 47 . La désignation «type C» nous vient de Morris et Greer qui l'ont utilisée pour la première fois en 1980 48 pour décrire les personnes qui contiennent leurs émotions, en particulier lorsqu'elles sont exposées au stress. D'après Temoshok, les personnes faisant partie de cette catégorie sont coopératives, calmes, réservées, patientes, n'expriment pas leurs émotions négatives (surtout la colère) et se soumettent à l'autorité 47 . Par ailleurs, d'autres études mettent en doute la notion même selon laquelle la personnalité de base des personnes cancéreuses, avant et après le diagnostic, comporte une tendance à réprimer leurs émotions, principalement la colère, que cette tendance soit d'origine héréditaire ou environnementale. Diverses études ont souligné deux conditions importantes :

  • La ferme conviction de la part du patient concernant la bénignité ou la malignité des résultats de la biopsie, avec les conséquences correspondantes au niveau de la répression des émotions
  • Un changement d'attitude chez les personnes trouvées cancéreuses lorsqu'elles apprennent le diagnostic; c'est-à-dire une répression plus forte des émotions et une attitude défensive renforcée

La première condition a été signalée par Schwarz dans un document publié en 1993 49 . La deuxième a été observée par Kreitler et coll. dans une étude visant des patients, avant et après une chirurgie 50 . Ils ont suivi trois groupes de femmes : deux groupes dont la chirurgie était liée à un cancer possible du sein et un groupe dont la chirurgie n'avait aucun rapport avec le cancer. Les femmes des trois groupes ont été soumises à des tests sur l'anxiété et la répression des émotions, avant et après la chirurgie. On a appris aux femmes des deux premiers groupes, après l'intervention, si leur tumeur était maligne. Les résultats des tests des trois groupes, avant la chirurgie, étaient analogues. Après la chirurgie, le degré d'anxiété ne différait toujours pas d'un groupe à l'autre. Cependant, dans le groupe des femmes ayant reçu un diagnostic de cancer, l'attitude défensive et la répression des émotions ont considérablement augmenté.

Kreitler et coll. ont conclu ce qui suit : [traduction] «Les résultats que nous avons obtenus révèlent que les personnes cancéreuses n'ont probablement pas fondamentalement tendance à réprimer leurs émotions, à tout le moins selon la définition et l'évaluation de la répression correspondant au nouveau concept fondé sur une attitude défensive face à l'anxiété 50 ». Certaines études corroborent les conclusions de Schwarz, mais il faudrait que celles de Kreitler et coll. soient confirmées avant qu'on puisse affirmer qu'elles sont fiables.

Désarroi et désespoir

Certains chercheurs estiment que les personnes cancéreuses dont la réaction d'adaptation est le désarroi et le désespoir ont une survie plus courte que celles qui ont d'autres réactions face au diagnostic de cancer. Dès les premières études, on a observé que les cancéreux avaient généralement ce genre de réaction. C'est à Greer et Morris 45 qu'on doit le premier essai clinique valable portant sur les statistiques relatives à la survie et la récidive chez les personnes ayant divers types de mécanismes d'adaptation. Ils ont constaté une survie plus longue chez les personnes atteintes de cancer du sein dont la réaction est le déni de la réalité ou la combativité, et une survie plus courte chez celles dont la réaction est le désarroi et le désespoir ou l'acceptation stoïque de la réalité. Des chercheurs avaient déjà montré antérieurement que bien des cancéreux adoptaient une attitude désemparée et désespérée, mais sans en évaluer le pronostic dans le cadre d'une étude comparative.

Des études ultérieures ont mené à des résultats mixtes. Cassileth et coll. ont mesuré le désarroi et le désespoir dans deux groupes. Aucun lien n'a été établi entre le degré de désarroi et de désespoir et soit la survie dans le groupe I (100 personnes ayant des cancers de types différents) ou les périodes sans récidive dans le groupe II (60 personnes atteintes de cancer du sein, stade II, et 40 personnes à risque moyen ou élevé pour des mélanomes). Dans une étude de suivi effectuée trois à huit ans après le diagnostic, Cassileth et coll. concluent qu'aucun facteur psychologique ne peut-être associé uniformément à la durée de survie ou à la rémission 51 .

Cependant, ils ont observé que les personnes qui se sont classées dans le tiers moyen de l'échelle de désespoir ont vécu plus longtemps sans récidive que celles qui se sont classées plus haut ou plus bas dans l'échelle. Les résultats ne nous éclairent pas. Ils ne confirment pas la conclusion tirée par Greer et Morris, mais ils vont dans le sens de celle de Cassileth et coll. Leur hypothèse suivant laquelle le lien entre la survie et le désespoir correspond à une courbe en U inversé est certainement plausible. En revanche, une étude longitudinale récente 52 n'a révélé aucun lien entre le genre de réaction d'adaptation (dépression,auto-stimulation et diversion, et résolution des problèmes) et l'évolution de la maladie (métastases ou décès) sur trois ans.

Soutien social

Bien que certaines études démontrent que la mortalité globale est inversement proportionnelle au degré de soutien social, les maladies mortelles qui y sont le plus souvent associées sont les accidents vasculaires cérébraux et les maladies cardio-vasculaires; la mortalité par cancer n'est mentionnée qu'occasionnellement. Les études portant spécifiquement sur l'incidence du cancer et la mortalité due au cancer ont donné des résultats qui variaient en ce qui a trait au lien entre un soutien social faible et une survie écourtée. Lorsque la conclusion était significative, un faible soutien social s'accompagnait d'une survie plus courte. La mesure du soutien social diffère considérablement, et c'est ce qui explique en partie les conclusions contradictoires.

Les éléments de mesure utilisés sont le nombre de contacts sociaux, le nombre d'amis qui fournissent de l'aide, la situation sur le plan de l'emploi, la taille du réseau social, la fréquence des contacts avec les parents et les amis, l'importance des besoins en matière de soutien social et le degré de soutien reçu. Les autres facteurs contrôlés en regard de la survie différaient d'une étude à l'autre. Selon Ell et coll., leur étude a permis de déceler des facteurs différents liés à la survie dans le cas des personnes atteintes de cancer du sein, comparativement aux personnes atteintes de cancer du poumon ou de cancer colorectal, et dans le cas des personnes atteintes d'un cancer localisé, comparativement aux personnes atteintes d'un cancer non localisé. Ces résultats démontrent que les relations sociales et le soutien peuvent avoir une incidence différente selon le siège du cancer et l'étendue de la maladie 53 .

Reynolds et Kaplan 54 ont étudié la survie de 154 hommes et 185 femmes atteints de cancer parmi une cohorte de 6 848 adultes, en mesurant onze éléments du soutien social : l'importance du réseau social (quatre niveaux, de «très isolé» à «très entouré»), le nombre de contacts, le sentiment d'isolement, l'état civil, les amis et les parents, l'appartenance à une Église, l'appartenance à d'autres groupes et la dévotion. Le contrôle a été fait pour l'âge au moment du diagnostic et le stade de la maladie au moment du diagnostic. L'étude a révélé que les hommes les moins entourés survivaient significativement moins longtemps que les autres, mais ce lien n'a pas été établi chez les femmes. Aucune des autres variables liées au soutien social n'a été associée à la survie.

Funch et Marshall 25 ont suivi 20 femmes blanches atteintes de cancer du sein et ont mesuré leur soutien social dans le cadre d'une entrevue réalisée au moment du diagnostic et portant sur les cinq années précédentes. Aucun lien n'a été découvert entre le soutien social (sauf l'appartenance à une organisation) et la survie après 20 ans pour l'ensemble du groupe. Les plus jeunes et les plus vieilles (âgées de 15 à 45 ans et de 61 à 90 ans) dont l'activité sociale était forte ont survécu plus longtemps. Aucune différence n'a été observée sur le plan de la survie chez celles qui étaient en période de périménopause (âgées de 46 à 60 ans). Les résultats des études sont donc bien différents les uns des autres; des huit études qui nous intéressent, trois établissent un lien clair, quatre montrent un lien mixte ou incertain, et une 51 conclut qu'il n'y a aucun lien.

Reynolds et Kaplan 54 ont également étudié les facteurs liés au soutien social en regard de la survenue du cancer sur une période de 17 ans. Chez les hommes, aucun lien n'a été observé entre l'importance du soutien social et l'apparition du cancer, mais, chez les femmes, l'incidence du cancer était plus élevée chez celles qui étaient seules que chez celles qui ne l'étaient pas. Celles qui ont indiqué qu'elles étaient seules et se sentaient isolées étaient à haut risque d'avoir ultérieurement un cancer, en particulier un cancer hormonodépendant.

Je suis porté à croire que le lien entre le soutien social et l'apparition du cancer ou la survie est faible, et que ces deux phénomènes sont probablement davantage liés à des variables plus fondamentales telles que l'alimentation, le travail du conjoint ou du malade, ainsi que le degré d'exposition à divers carcinogènes. Je suis d'avis que s'il existe un lien, le risque relatif dans l'ensemble de la population est peu élevé, probablement de l'ordre de 1,1 ou de 1,2. Cela expliquerait les résultats mixtes obtenus dans les échantillons étudiés.

Psychothérapie

Diverses études portent sur le succès de la psychothérapie pour ce qui est de prolonger la survie et les périodes sans récidive. Certaines d'entre elles ont été largement diffusées dans la communauté scientifique car leur méthodologie semblait valable. Cependant, les résultats ne sont pas les mêmes, ce qui est probablement dû à des différences méthodologiques. La plus connue de ces études est celle de Spiegel et coll.55 , menée auprès de 86 femmes atteintes de cancer du sein métastatique; 50 femmes se sont vu offrir une thérapie de groupe hebdomadaire pendant un an, et des soins oncologiques courants ont été donnés à ces 50 femmes, ainsi qu'aux 36 autres femmes constituant le groupe témoin.

Lors d'un suivi effectué 10 ans plus tard, une analyse a été faite selon le principe de «vouloir traiter»; la durée de survie a été évaluée chez les 86 femmes, malgré le fait que certaines soient décédées et que d'autres aient déménagé ou soient trop malades pour se soumettre à une psychothérapie. Des 50 femmes choisies pour le groupe devant suivre un traitement, seulement 36 avaient entrepris une psychothérapie, et des 36 qui formaient le groupe témoin de départ, 24 seulement sont restées. La survie moyenne à compter de la randomisation a été de 36,6 mois, dans le cas des patientes du groupe traité, et de 18,9 mois, dans le cas des patientes du groupe témoin. Les différences sur le plan de la survie ne sont apparues que durant le 20 e mois après l'échantillonnage, ou huit mois après la fin des séances de thérapie. À l'heure actuelle, Speigel mène une étude destinée à reproduire les mêmes résultats.

Fawzy et coll.56 ont soumis des patients présentant des mélanomes à des séances de thérapie de groupe pendant six semaines, plutôt qu'un an. Lors d'un suivi de cinq à six ans, ils ont constaté un taux de mortalité de 10 sur 34 dans le groupe témoin et de 3 sur 34 dans le groupe traité. Bien que la différence soit significative, le nombre de décès n'est pas élevé ni dans l'un ni dans l'autre des deux groupes.

Dans un essai randomisé relatif à des séances individuelles, effectué auprès de 120 hommes atteints de cancer en phase terminale, 62 personnes ont participé au traitement et 58 personnes ont été assignées au groupe témoin; on a observé chez les patients traités une amélioration des mesures liées à la qualité de vie, mais leur survie à un an était la même que celle du groupe témoin 57 .

Gellert et coll.58 , ont examiné l'efficacité des séances de thérapie de groupe de Bernie Spiegel auprès de patientes atteintes de cancer du sein, dans le cadre du suivi d'une étude antérieure qui n'avait révélé pratiquement aucune augmentation de la survie dans le groupe traité, comparativement au groupe témoin. Les premiers résultats avaient été obtenus après correction d'une différence d'intervalle entre le diagnostic et le traitement des deux groupes. Dans leur étude, Gellert et coll. ont amélioré la sélection des témoins par l'utilisation de témoins historiques appariés aux patientes traitées, pour diverses variables importantes, et ont prolongé le temps de survie observé de 10 ans. Trois témoins ont été appariés à chacune des 34 patientes traitées. Aucune différence de survie n'a été constatée après comparaison de la durée de la survie antérieure des deux groupes, au début de la thérapie. Sans cet appariement, la survie du groupe des personnes traitées était faussement plus longue.

Dans une étude récente d'Ilnyckyj et coll.59 , 96 patients cancéreux choisis au hasard ont formé un groupe de traitement et ont été soumis à des séances de psychothérapie hebdomadaires pendant six mois; 31 autres patients ont constitué le groupe témoin. Un groupe de traitement (n = 31) a été dirigé par un travailleur social pendant six mois; un deuxième (n = 30) a été dirigé pendant trois mois, puis le groupe a continué à se réunir pendant trois mois sans animateur. Le groupe témoin (n = 31) n'a reçu aucun traitement autre que les soins oncologiques courants fournis à tous les groupes. La survie moyenne à partir du moment de la randomisation s'est établie à 70,7 mois dans le groupe dirigé par le travailleur social, 62 mois dans le groupe sans animateur et 82,4 mois dans le groupe témoin. Il n'y a pas de différence significative entre ces moyennes.

La question de la prolongation de la vie des personnes atteintes de cancer grâce à la psychothérapie n'est pas réglée. Les méthodes, les échantillons, le type de cancer, les stades de la maladie, les plans ou protocoles d'étude, les approches de la thérapie et la durée du traitement sont trop différents pour qu'une conclusion claire puisse être tirée.

Autres données importantes

Quelle certitude avons-nous à l'égard des FP mentionnés précédemment et des autres FP, encore plus nombreux, qui ont été associés au cancer dans certaines recherches? En ce qui a trait à la survenue du cancer, nous ne possédons que très peu d'information. Le stress chez les souris et les rats favorise l'apparition de tumeurs d'origine virale, mais a un effet contraire sur les tumeurs d'origine chimique. Chez les sujets humains, seulement quelques types de cancer, peut-être 3 à 4 %, semblent d'origine virale, les plus fréquents étant le cancer du col de l'utérus et du foie, le lymphome de Burkitt et le carcinome naso-pharyngien.

L'organisme réagit au stress en produisant des corticostéroïdes, qui semblent réduire la compétence immunitaire à différents degrés. Les souris et les rats réagissent fortement à leur corticostéroïde, la corticostérone, alors que les humains réagissent beaucoup moins à leur hormone, l'hydrocortisone. Il faut en conclure qu'on ne devrait pas extrapoler et appliquer aux sujets humains les conclusions relatives aux animaux concernant le rôle stimulateur du stress sur le développement des tumeurs.

Quant aux autres FP pouvant favoriser l'apparition du cancer, selon les résultats d'une étude russe 60 , confirmés par une étude américaine 61 , l'échange de chromatides soeurs augmente chez les souris soumises au stress. D'autres recherches ont conclu que l'échange accru de chromatides soeurs pouvait accroître la vulnérabilité au cancer. Une étude 62 a révélé que, chez les sujets humains, l'activité d'un des enzymes responsables de la réparation de l'ADN diminue sous l'effet du stress. Théoriquement, si l'ADN d'un gène inhibiteur de cancer a subi une mutation non corrigée, le risque de cancer peut augmenter; si la mutation produit sur un gène qui prédispose au cancer, le risque peut diminuer; mais dans la mesure où la mutation se produirait de façon aléatoire, le risque de cancer associé à l'ADN non réparé serait mince, étant donné que, d'après ce qu'on sait, le nombre de gènes prédisposant au cancer ou protégeant du cancer n'est qu'une infime fraction du nombre total de gènes.

Pour ce qui est du pronostic, la plupart des articles récents sur les FP présumément négatifs soutiennent que l'activité du système immunitaire peut être réduite chez les personnes qui sont exposées à de tels facteurs, et que, par conséquent, le cancer tend à se développer plus rapidement en eux. Les FP qui ont une influence favorable agiraient de façon contraire. C'est évidemment une sursimplification du phénomène. Les quelques études qui ont porté sur l'activité du système immunitaire et la survie ont révélé que, même si la réaction de certains éléments du système immunitaire (cellules T4, T8, rapport T4/T8, cellules tueuses naturelles, cellules mononucléaires réagissant aux mitogènes) est moins forte, on ne constate aucune diminution correspondante de la durée de survie 56 . Parmi les peu nombreuses études d'intervention qui ont été réalisées, à ma connaissance aucune des mesures des FP utilisées pour les groupes traités et les groupes témoins n'ont permis de déceler des différences sur le plan de la survie 55,56 .

Certains chercheurs ont soutenu 4 que les FP peuvent être un facteur concomitant intrinsèque de l'influence connue de différents carcinogènes qui causent le cancer chez certaines personnes parmi toutes celles qui ont été exposées au même facteur de risque (par exemple, quels sont les fumeurs chez lesquels un cancer du poumon se développera?). Une telle interaction est très difficile à démontrer étant donné le grand nombre de FP, le nombre aussi imposant de carcinogènes connus et inconnus, et la centaine de types de cancer, dont chacun est spécifique aux caractéristiques cytologiques et hormonales propres à la personne cancéreuse. Cette idée demeure du domaine de la spéculation, mais elle ne devrait pas pour autant être écartée.

Pour conclure, en ce qui a trait à l'influence possible des FP sur le cancer, il semble qu'un petit nombre de facteurs aient, au mieux, une très faible influence. Le rôle d'autres facteurs reste incertain. À mon avis, chez certaines personnes présentant un certain type de cancer, dans certaines situations, les FP auront une influence, c'est-à-dire que ces personnes seront plus susceptibles que d'autres d'être atteintes de cancer ou que le cancer se développera plus rapidement ou plus lentement chez elles. Cependant, j'estime que de tels cas sont probablement assez rares et il serait vraisemblablement impossible, à l'heure actuelle, de les déceler.

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Références des auteurs

Bernard H. Fox, Ph.D.
Division de psychiatrie École de médecine de l'Université de Boston
Boston (Massachusetts), États-Unis

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Dernière mise à jour : 2002-10-29 début