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Maladies chroniques au Canada


Volume 24
Numéro 2/3
2003

[Table des matières]

Agence de santé publique du Canada

Utilisation de thérapies complémentaires et parallèles par les personnes atteintes de sclérose en plaques

Stacy A Page, Marja J Verhoef, Robert A Stebbins, Luanne M Metz et J Christopher Levy


Résumé

La médecine complémentaire et parallèle (MCP) englobe les méthodes thérapeutiques qui ne sont pas considérées comme faisant partie intégrante de la médecine conventionnelle. Un questionnaire d'enquête a été envoyé par la poste à un échantillon de patients atteints de sclérose en plaques (SP). Le taux de réponse a été de 440/673 (65 %). L'âge moyen des sujets de l'échantillon était de 48 ans; 75 % étaient des femmes. Les répondants présentaient des incapacités légères à graves. Soixante-dix pour cent avaient recours à la MCP principalement pour améliorer leur santé et atténuer les symptômes de la SP. La plupart des utilisateurs signalaient des effets positifs. Le manque de connaissances constituait la principale raison invoquée pour ne pas faire appel à la MCP. L'éducation des patients, le dialogue médecin-patient, la recherche continue sur la MCP et la réglementation de cette dernière sont importants pour le bien-être des personnes qui recourent à la MCP.

Mots clés :     enquêtes sur la santé; médecine parallèle; sclérose en plaques; thérapies complémentaires


Introduction

La médecine complémentaire et parallèle (MCP) englobe une vaste gamme de produits et de pratiques de soins de santé qui ne font pas partie du modèle biomédical occidental. La popularité de la MCP est bien documentée et est motivée par des facteurs tels que le besoin de prendre sa vie en main, un intérêt accru pour l'holisme et l'augmentation de la prévalence des maladies chroniques1,2. Bien que l'usage des thérapies complémentaires et parallèles (TCP) soit très répandu et accepté, l'innocuité et l'efficacité de la plupart d'entre elles ne sont pas clairement établies. La pratique de la MCP n'est pas non plus réglementée de façon uniforme, ce qui a pour effet d'exposer les utilisateurs à des normes de soins divergentes3,4.

La sclérose en plaques (SP) est une inflammation récurrente de la substance blanche du système nerveux central qui provoque une destruction de la myéline et une atteinte neurologique progressive. Les traitements classiques de la SP visent à ralentir la progression de la maladie et à en atténuer les symptômes. Bien que de nombreux traitements pharmacologiques soient offerts, leur efficacité et leur tolérabilité varient selon les patients5.

Très peu d'études ont décrit le recours à la MCP chez les personnes atteintes de SP, et plusieurs de ces études sont limitées en raison de la taille restreinte de l'échantillon et des faibles taux de réponse6- 8. Une vaste gamme de thérapies ont été recensées : les vitamines, les plantes médicinales et les aliments spéciaux sont les produits les plus utilisés, et la chiropratique, l'acupuncture et les massages sont les pratiques les plus fréquentes6- 9.

La présente étude décrit le recours à la MCP dans un vaste échantillon d'adultes atteints de SP du Sud de l'Alberta, au Canada.

Méthodologie

Détermination de la taille de l'échantillon : Nous avons effectué les calculs en estimant la proportion des patients atteints de SP qui font appel aux thérapies complémentaires à +/- 5 % avec un intervalle de confiance à 95 %. En nous fondant sur les recherches antérieures, nous avons estimé de façon prudente que 50 % des patients souffrant de SP ont recours à la MCP7,8. Pour obtenir le niveau de précision voulu, nous devions disposer d'un échantillon d'environ 390 personnes. En calculant un taux de réponse de 50 %, nous devions donc faire appel à 780 personnes pour l'enquête.

Population étudiée. La clinique de SP de Calgary est la seule à offrir des soins neurologiques aux patients atteints de SP dans le Sud de l'Alberta (au sud de Red Deer). La base de données de la clinique de SP a été mise sur pied en 1993 et contient des données sur tous les patients orientés vers la clinique depuis. Ce sont les médecins qui orientent les patients chez qui une SP est soupçonnée ou confirmée. Lorsque nous avons sélectionné l'échantillon, la base de données de la clinique contenait des renseignements, y compris le score à l'échelle EDSS (Expanded Disability Status Scale)10, sur 2 600 personnes. Vu que la prévalence de la SP déclarée en Alberta est de 217 pour 100 00011 et que la population du Sud de l'Alberta s'élevait à environ 1,3 million en 199912, le nombre attendu de cas était de 2 821. La base de données contenait donc des données sur 93 % de tous les cas prévus.

Les patients dont l'adresse était inconnue, ceux qui étaient décédés et ceux qui n'avaient pas donné leur consentement général pour être contactés en vue de projets de recherche ont été éliminés. Les critères d'exclusion définis par les chercheurs étaient les suivants : personnes de moins de 18 ans et diagnostic de SP possible ou probable (par rapport à une SP établie en clinique et confirmée en laboratoire). Après ces exclusions, nous avons obtenu un cadre d'échantillonnage de 1 335 personnes. Nous avons ensuite stratifié les données selon la gravité de l'incapacité établie d'après le score à l'échelle EDSS, ce qui s'est traduit par la distribution présentée au tableau 1. Toutes les personnes décrites comme étant frappées d'une très grave incapacité ont été incluses dans l'échantillon final, tout comme les neuf personnes dont le score n'avait pas été enregistré. Les 742 autres sujets nécessaires ont été choisis systématiquement et également dans les trois degrés d'incapacité restants, pour un total de 780 personnes. La distribution de l'échantillon est aussi illustrée au tableau 1.

Technique. Une lettre d'accompagnement, un questionnaire et une enveloppe-réponse préaffranchie ont été mis à la poste en juin 2000. Une carte postale de rappel a été envoyée quatre semaines plus tard.

Questionnaire. La lettre d'accompagnement et le questionnaire contenaient tous deux une définition des thérapies complémentaires, soit «les thérapies ou remèdes qui ne font pas partie du traitement médical conventionnel ou ordinaire». Les données concernant le recours à la MCP ont été recueillies grâce à un questionnaire à remplir soi-même conçu aux fins de l'étude.

Pour élaborer le questionnaire, nous nous sommes inspirés d'autres enquêtes ayant porté sur le recours à la MCP en général13- 15 et sur le recours à la MCP chez les personnes atteintes de SP7,9. L'échelle EDSS était intégrée au questionnaire10.

Des experts dans les domaines respectifs de la conception de questionnaires, de la MCP et de la SP ont examiné le questionnaire à différents stades de son élaboration. De plus, cinq malades externes de la clinique de SP se sont portés volontaires pour revoir le questionnaire en réponse à une demande d'aide présentée par voie d'affiche. Nous avons demandé à ces personnes si elles trouvaient les questions claires et faciles à répondre. Nous leur avons aussi demandé leur opinion sur la structure et le contenu du questionnaire. Les commentaires fournis par ces personnes étaient tous différents et n'ont donc révélé aucun problème systématique dans le questionnaire. Leurs suggestions se sont révélées utiles et nous ont permis d'améliorer certains choix de réponse et de clarifier le libellé de certaines questions. Finalement, nous avons mis à l'essai le questionnaire révisé sur un petit échantillon de personnes choisies dans la base de données de la clinique (n = 20). Nous avons demandé à ces personnes de remplir le questionnaire et un formulaire d'évaluation d'une page portant sur le questionnaire lui-même. Huit personnes ont rempli le formulaire d'évaluation du questionnaire. Aucun problème n'a été signalé concernant le temps nécessaire pour remplir le questionnaire et la clarté des questions. Les répondants n'ont fait mention d'aucun élément de réponse qui serait source de difficultés.

Le questionnaire final contenait 70 questions fermées et à réponse courte. Ces questions portaient sur les facteurs démographiques, les facteurs de morbidité et le recours à la MCP. Pour évaluer l'utilisation des TCP, nous avons demandé aux sujets d'étudier une liste contenant le nom de thérapies et de cocher celles auxquels ils avaient eu recours pour leur SP au cours des deux années précédentes. La liste, établie au moyen de la littérature et de questions posées au personnel de la clinique de SP, renfermait un grand éventail de TCP. En plus, nous avons demandé aux sujets de décrire les thérapies dont ils faisaient usage et qui n'étaient pas contenues dans la liste. Les personnes avaient l'occasion de faire des commentaires généraux concernant la MCP. Une sous-section du questionnaire portait précisément sur l'usage du cannabis. Ces résultats figurent dans un autre rapport16.

Analyses. Nous avons saisi les données dans STATA 617. Nous avons eu recours à des données statistiques descriptives pour résumer les réponses. Nous avons ensuite procédé à une analyse de régression logistique multiple pour déterminer les facteurs associés à l'utilisation de TCP (alpha = 0,05). Les variables prises en compte dans le modèle étaient les caractéristiques démographiques habituelles (âge, état matrimonial, niveau de scolarité, revenu) ainsi que des caractéristiques liées à la SP (forme de SP, degré d'incapacité, temps écoulé depuis le diagnostic, usage de médicaments classiques, maladies concomitantes). Comme le sexe peut jouer le rôle d'un modificateur de l'effet, nous avons créé des variables d'interaction entre cette variable et l'âge, le revenu, le niveau de scolarité, l'incapacité, l'usage de médicaments, les maladies concomitantes et la forme de SP. Toutes les variables et les variables d'interaction ont été intégrées dans le modèle. Nous avons par la suite procédé à une analyse de régression multiple descendante avec les modèles obtenus évalués au moyen du chi carré du rapport de vraisemblance. Nous avons d'abord évalué les variables d'interaction, puis les variables prédictives de façon à diminuer la valeur p.

Le comité conjoint d'éthique de la recherche en santé de l'Université de Calgary a approuvé l'étude.


TABLEAU 1
Distribution du cadre d'échantillonnage et des sujets de l'étude

Degré d'incapacité
(score à l'EDSS)

Cadre
d'échantillonnage (
n)

Sujets de
l'étude (
n)

Aucun score enregistré

   9

 9

Aucune incapacité - incapacité légère
(EDSS 0- 2,5)


  545


240

Incapacité modérée
(EDSS 3,0- 5,5)

 367

241

Incapacité grave
(EDSS 6,0- 8,0)

 365

241

Incapacité très grave
(EDSS 8,5- 9,5)

  49

49

Total

1 335

780


   

Résultats

Échantillon : Sur les 780 questionnaires mis à la poste, 107 n'ont pu être livrés (sujets déménagés, décédés, etc.). Nous avons reçu 440 questionnaires remplis (taux de réponse de 440/673 = 65 %). Parmi les répondants, 75 % étaient des femmes, proportion légèrement supérieure à celle de la population générale des personnes atteintes de SP. La moyenne d'âge était de 48 ans (écart-type [ET] = 10,9). La plupart des sujets étaient mariés ou vivaient en union de fait (73 %). La majorité avaient au moins terminé leurs études secondaires (94 %). Près du tiers travaillaient soit à temps plein (22 %), soit à temps partiel (8 %). Le revenu familial médian variait entre 40 000 $ et 49 000 $.

Caractéristiques de la maladie: L'âge moyen auquel la maladie avait débuté était de 31 ans (ET = 9,5), et la moyenne d'âge au moment du diagnostic était de 36 ans (ET = 9,4). Quarante-quatre des sujets ont décrit la forme de leur maladie comme une SP à périodes progressives et rémittentes, 23 %, comme une SP progressive secondaire, 10 %, comme une SP progressive primaire et 4 %, comme une SP progressive récurrente (19 % ne savaient pas). En ce qui concerne le degré d'incapacité, 8 % des sujets la qualifiaient de légère, 47 %, de modérée, 38 %, de grave, et 7 %, de très grave. Le tiers des sujets ont signalé être atteints d'une maladie concomitante et 60 % prennent des médicaments conventionnels pour le traitement des symptômes de la SP.

Recours à la MCP: Soixante-dix pour cent des répondants avaient eu recours à la MCP au cours des deux années précédentes (n = 309/440 : IC à 95 % = 66- 75 %). Plus de 100 pratiques et produits différents étaient décrits. Un peu plus du tiers des répondants (n = 110, 37 %) ont déclaré consulter un praticien en médecine complémentaire, et 11 types différents de praticiens ont été consultés.

Au moins 10 % des sujets avaient eu recours à 20 thérapies et à trois types de praticiens (tableau 2). Le nombre médian de thérapies que chaque sujet a dit avoir utilisé est de sept (intervalle interquartile = 5- 12).

Les vitamines et les minéraux constituaient la catégorie de produits le plus souvent mentionnée, 79 % des utilisateurs de TCP employant certains d'entre eux. On pourrait faire valoir que ces produits ne sont pas nécessairement complémentaires ou parallèles. Cependant, si nous excluions les personnes qui utilisaient uniquement des vitamines et des minéraux, la proportion des utilisateurs de TCP ne diminuait que très peu, passant de 70 % à 68 %. Cette différence n'était pas statistiquement significative. De même, le recours à des médecines traditionnelles peut recouvrir des pratiques et des produits individuels (p. ex., la médecine traditionnelle chinoise et l'acupuncture, les remèdes à base de plantes médicinales) et faire gonfler les estimations concernant l'utilisation de TCP. Si nous excluions les personnes qui faisaient appel aux médecines traditionnelles seulement, le nombre de personnes ayant déclaré faire appel à la MCP passait de 309 à 308. Cette différence n'était pas statistiquement significative. Nous avons donc conservé pour les analyses ultérieures le recours aux vitamines/minéraux et aux médecines traditionnelles.


TABLEAU 2
Produits, pratiques et praticiens utilisés par ³ 10 % des consommateurs de TCP

Produit/pratique de MCP

n (%)

Vitamines/minéraux

 

Multivitamines

187 (61 %)

Vitamine C

148 (48 %)

Vitamine E

122 (40 %)

Vitamines B

118 (38 %)

Magnésium

73 (24 %)

Sélénium

57 (19 %)

Zinc

55 (18 %)

Vitamine A

49 (16 %)

Thérapies corporelles

 

Massage

133 (43 %)

Chiropratique

92 (30 %)

Réflexologie

44 (14 %)

Thérapies naturelles/à base
de plantes médicinales

Ail

51 (17 %)

Ginkgo biloba

47 (15 %)

Ginseng

46 (15 %)

Cannabis

45 (15 %)

Aromathérapie

30 (10 %)

Thérapies mentales/corporelles

Relaxation/méditation

74 (24 %)

Yoga

51 (17 %)

Musicothérapie

30 (10 %)

Imagerie/visualisation

31 (10 %)

Thérapies spirituelles

 

Prière

112 (36 %)

Thérapies nutritionnelles

 

Huile d'onagre

130 (42 %)

Suppléments alimentaires (Matol®, Shaklee®, Mannatech®, etc.)

56 (18 %)

Thérapies énergétiques

 

Acupuncture

68 (22 %)

Magnétothérapie

37 (12 %)

Autres thérapies

 

Retrait des amalgames de mercure

43 (14 %)

Médecines traditionnelles

Médecine traditionnelle chinoise

37 (12 %)

Praticiens

 

Chiropraticien

61 (20 %)

Massothérapeute

59 (19 %)

Acupuncteur

36 (12 %)


   

Bien qu'un petit nombre de sujets aient déclaré avoir éprouvé des effets négatifs de la MCP (5 %), la grande majorité ont ressenti des effets positifs (72 %). Les thérapies le plus souvent citées comme étant bénéfiques étaient la massothérapie, l'acupuncture et l'usage de cannabis. Les principales raisons invoquées pour faire appel à la MCP étaient d'améliorer la santé (68 %), d'atténuer les symptômes de la SP (61 %) et une croyance que la MCP ne pouvait pas nuire (55 %). Les raisons le plus souvent mentionnées pour ne pas recourir à la MCP étaient le manque de connaissances à ce sujet (42 %) et la satisfaction à l'égard des soins dispensés par la médecine conventionnelle (20 %).

L'information sur la MCP provenait le plus souvent des médias (50 %) ou de la famille et des amis (50 %). La somme médiane dépensée pour la MCP dans les trois mois précédents était de 100 $ (intervalle interquartile = 45 $ à 300 $).

La majorité des personnes ont indiqué que leur médecin généraliste et leur neurologue savaient qu'elles faisaient appel à la MCP (77 % et 62 %, respectivement). La plupart ont déclaré avoir fait part de cette information à leurs médecins sans que ceux-ci l'aient demandée.

Les utilisateurs de TCP n'ont pas été répartis selon l'âge, l'état matrimonial, le niveau de scolarité, le revenu, le degré d'incapacité, la forme de SP, le temps écoulé depuis le diagnostic ni la prise de médicaments classiques. Cependant, l'interaction entre le sexe et le revenu permettait de prévoir le recours à la MCP. Plus précisément, les hommes dont le revenu était élevé faisaient moins souvent appel aux TCP (RC = 0,19; IC = 0,065- 0,54 : p = 0,002). Chez les femmes, le revenu n'avait aucun lien avec le recours aux TCP (RC = 0,69; IC = 0,39- 1,21 : p = 0,20).

Analyse

La proportion des répondants atteints de SP ayant indiqué avoir fait appel aux TCP au cours des deux années précédentes (70 %) était plus forte que celle obtenue dans deux enquêtes antérieures (64 % et 55 %) sur le recours à la MCP dans ce groupe7,8. Cette variation pourrait être attribuable à un certain nombre de facteurs, dont la popularité croissante de la MCP, des différences concernant la définition et la mesure de la MCP ou des différences dans les populations ayant fait l'objet de l'enquête.

Le recours à la MCP par la population en général a augmenté de façon constante depuis les années 50, et les données laissent croire que cette tendance se maintiendra dans un avenir prévisible18. Cette tendance a été illustrée par un certain nombre d'enquêtes menées au Canada. Selon des études effectuées au début des années 90, de 20 % à 22 % de la population canadienne avait fait appel à la MCP19,20. Dans un sondage mené par le groupe Angus Reid en 1997, 42 % des répondants avaient recouru à des médecines et à des pratiques parallèles. En 1999, l'Institut Fraser indiquait que 50 % des personnes interrogées avait eu recours à la MCP21. Les données tirées de l'Enquête nationale sur la santé de la population menée en 1994/1995, 1996/1997 et 1998/1999 portant précisément sur la consultation de praticiens de la MCP ont montré que la proportion de Canadiens qui consultent ce type de praticiens est en hausse constante (respectivement 15 %, 16 % et 17 %)2.

En plus du passage du temps, la prévalence relativement élevée du recours à la MCP dans l'échantillon étudié est probablement liée au fait que les participants souffrent d'une maladie chronique. En effet, l'usage de la MCP chez les malades chroniques semble plus élevé que dans la population générale22,23.

Certains problèmes se sont posés au moment de la comparaison des résultats des enquêtes sur l'utilisation. Plus particulièrement, les différences en ce qui concerne les définitions de la MCP (p. ex., thérapies nommées par opposition à questions ouvertes) et les périodes d'utilisation visées (p. ex., utilisation dans les six mois précédents par rapport à la vie durant) se sont traduites par une variation considérable dans le taux d'utilisation signalé24.

Le cadre d'échantillonnage de la présente étude était constitué des patients qui avaient déjà donné leur consentement général pour être contactés pour des recherches. Ce groupe pourrait donc être plus ouvert aux nouvelles thérapies ou chercher davantage de nouvelles options thérapeutiques, ce qui pourrait avoir entraîné une surestimation du recours à la MCP chez ce groupe de patients.

Bien qu'une proportion substantielle des participants à notre enquête aient déclaré que leurs médecins savaient qu'ils recouraient à la MCP, il semble en être ainsi parce que les patients l'avaient eux-mêmes avoué sans avoir été questionnés à ce sujet. Les praticiens de la médecine conventionnelle devraient savoir que de nombreuses personnes atteintes de SP font appel à la MCP et amorcer un dialogue avec leurs patients à ce sujet. Lorsque c'est possible, les professionnels de la santé devraient connaître les thérapies couramment utilisées par les patients de ce groupe afin de les aider à faire des choix éclairés, sûrs et appropriés et à surveiller ceux qui font usage de TCP. Par exemple, la pratique courante à la clinique de SP du Foothills Hospital est d'inciter les personnes qui reçoivent un traitement à l'interféron bêta (Bétaséron®) à ne pas consommer de produits de la MCP qui pourraient avoir un effet sur le foie, étant donné que ce traitement est associé à un grave dysfonctionnement du foie. Bien qu'il soit irréaliste de s'attendre à ce que les professionnels de la santé soient au fait de toutes les formes de MCP, les principes de la médecine fondée sur les preuves peuvent s'appliquer à la MCP comme à tout autre domaine de pratique.

Un peu plus du tiers des répondants avaient consulté un praticien de la médecine complémentaire, ce qui correspond aux résultats de recherches antérieures9. Il est intéressant de noter que bien que 30 % des utilisateurs de TCP aient indiqué avoir reçu un traitement chiropratique, 20 % seulement ont déclaré avoir consulté un chiropraticien. Des écarts semblables sont évidents en ce qui concerne les personnes déclarant avoir eu recours à la massothérapie (43 %, contre 19 % ayant vu un massothérapeute) et l'acupuncture (22 %, contre 12 % ayant consulté un acupuncteur). Ces écarts soulèvent deux problèmes. Premièrement, ils indiquent que les chercheurs doivent être clairs lorsqu'ils mesurent le recours à la MCP et communiquent leurs résultats. Deuxièmement, ils laissent entendre que les services de chiropratique, de massothérapie et d'acupuncture sont fournis par divers praticiens. Certains praticiens peuvent être formés dans diverses disciplines : par exemple, les docteurs en médecine traditionnelle chinoise pratiquent l'acupuncture, et les naturopathes peuvent effectuer des massages thérapeutiques. Les écarts soulèvent cependant la possibilité que les interventions soient effectuées par des personnes dont le champ de pratique n'inclut pas le traitement administré. Les chiropraticiens, par exemple, sont soumis à des lois dans l'ensemble du Canada, et l'exercice de cette discipline est limité en vertu de ces lois à ceux qui détiennent un permis d'exercice de la profession25. Les professionnels de la santé et les consommateurs doivent être au courant des normes de pratique, car ces dernières peuvent orienter le choix des praticiens de la MCP. L'intérêt public sera encore mieux sauvegardé par la poursuite des efforts en vue de mettre sur pied des organismes de réglementation des disciplines de la MCP dont l'efficacité est prouvée. Bien que certaines disciplines soient bien réglementées par des organisations professionnelles, que ce soit en vertu d'une loi ou de façon volontaire (p. ex., les chiropraticiens, les naturopathes, les massothérapeutes), il manque à certaines autres disciplines des formes de représentation coordonnées. La mise sur pied d'organismes de réglementation pour les praticiens de la MCP contribuera à l'uniformité de la formation et à l'adoption de normes d'exercice professionnelles.

De nombreuses personnes semblaient présumer que la MCP ne présente aucun danger, et la croyance «qu'elle ne peut pas nuire» était un facteur qui incitait une partie substantielle des répondants à y avoir recours. Par ailleurs, comme l'indiquaient les répondants, l'information sur la MCP provient principalement des médias ou de la famille et des amis. Des initiatives d'éducation populaire sur les risques et les bienfaits connus des thérapies et produits offerts aideront les consommateurs à prendre des décisions éclairées.

On a souvent critiqué la MCP pour le manque de données concernant son innocuité et son efficacité. La plupart des études d'utilisation des TCP concluent qu'il faudrait procéder à des recherches rigoureuses sur ces pratiques, et la présente étude ne fait pas exception. Très peu d'études ont tenté d'évaluer l'innocuité et l'efficacité de la MCP chez les patients atteints de SP26. Notre étude a déterminé les pratiques et les produits de MCP auxquels ont le plus souvent recours les répondants, et cette information pourrait servir à l'établissement de priorités pour la recherche relativement à l'évaluation de la MCP chez ce groupe de patients.

Les résultats de notre recherche montrent que les personnes atteintes de SP sont susceptibles d'avoir recours à certaines formes de MCP. Les intérêts des utilisateurs de TCP souffrant de SP seront bien servis par le dialogue entre les praticiens de la médecine conventionnelle et les patients, l'éducation populaire ainsi que l'étude et la réglementation continues des produits et des pratiques de la MCP.

Remerciements

Nous désirons remercier sincèrement tous les répondants pour le temps et les efforts qu'ils ont investis. La Société canadienne de la sclérose en plaques a accordé une aide financière pour la présente étude.

Références

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Coordonnées des auteurs

Stacey A Page, Office of Medical Bioethics, Université de Calgary, Calgary (Alberta) Canada

Marja J Verhoef, Department of Community Health Sciences, Université de Calgary, Calgary (Alberta) Canada

Robert A Stebbins, Department of Sociology, Université de Calgary, Calgary (Alberta) Canada

Luanne M Metz, Department of Clinical Neurosciences, Université de Calgary, Calgary (Alberta) Canada

J Christopher Levy, Faculty of Law, Université de Calgary, Calgary (Alberta) Canada

Correspondance : Stacey A Page, Room 93, HMRB, Office of Medical Bioethics, Université de Calgary, 3330 Hospital Drive NW, Calgary (Alberta) Canada T2N 4N1; télécopieur : (403) 283-8524; courriel : sapage@ucalgary.ca

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Dernière mise à jour : 2003-08-25 début