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Relevé des maladies transmissibles au Canada
 
Relevé des maladies transmissibles au Canada
Volume 29 • DCC-3
le 1er avril 2003

Une déclaration d'un comité consultatif (DCC)
Comité consultatif de la médecine tropicale et de la médecine des voyages (CCMTMV)
*

SYNDROME DU DÉCALAGE HORAIRE

Document Adobe télédéchargeable
8 pages - 163 KB PDF


Définition 

Le terme «syndrome du décalage horaire» désigne un éventail de symptômes physiques et psychologiques associés à la traversée rapide de multiples fuseaux horaires (méridiens). Ces symptômes sont principalement attribuables à la perturbation du rythme circadien et du cycle du sommeil. 

Une grande diversité de mesures et de fonctions biologiques telles que la température corporelle, la pression artérielle et la sécrétion d'hormones sont régulés par des rythmes circadiens. La mélatonine sécrétée par la glande pinéale intervient dans la régulation physiologique de ce rythme(1). L'exposition à la lumière inhibe la sécrétion de mélatonine, aussi les niveaux de mélatonine sont-ils plus faibles durant le jour et plus élevés la nuit, pendant le sommeil(2). Le rythme circadien est rarement d'une durée exacte de 24 heures : le plus souvent, il s'étale sur près de 25 heures et varie énormément d'une personne à l'autre(2). En général, l'«horloge interne» d'une personne est réglée quotidiennement en fonction de signaux exogènes et environnementaux appelés zeitgebers (mot allemand signifiant «synchroniseurs»). Le signal environnemental le plus influent est la lumière(3), mais les signaux sociaux et l'activité physique ont aussi un rôle à jouer. 

Symptômes associés au décalage horaire 

Les symptômes du décalage horaire se traduisent habituellement par de la fatigue, des troubles du sommeil et un manque de concentration. Les troubles de l'humeur, l'anorexie et les malaises gastro-intestinaux sont aussi monnaie courante(4). Le décalage horaire peut causer une baisse des facultés cognitives et des performances motrices, notamment athlétiques(5). Même si presque tous les voyageurs qui traversent une large plage de fuseaux horaires éprouveront certains symptômes, la gravité de ceux-ci et le temps de récupération varient considérablement d'une personne à l'autre. Les effets du décalage horaire sont généralement plus marqués lors de voyages vers l'est et ils augmentent avec l'âge(6)

En plus de la perturbation du rythme circadien, les facteurs de stress associés au voyage (p. ex., manque de sommeil et déshydratation) ont une incidence sur les symptômes du décalage horaire(7)

Recommandations pour prévenir et atténuer les effets du décalage horaire 

À ce jour, seul un petit nombre d'essais comparatifs randomisés (ECR) ont porté sur les mesures de prévention et de réduction des effets du décalage horaire. Aucun de ces ECR ne mesurait la gravité des symptômes selon une échelle de valeurs uniforme et spécifique du syndrome du décalage horaire. Il est donc difficile d'interpréter les résultats de ces études et de les comparer entre eux. 

Un grand nombre des recommandations qui suivent ne sont pas validées par des ECR ni par des études de cohortes bien conçues et, par conséquent, elles entrent dans la catégorie C, classe III (voir le tableau 1). Les recommandations axées sur la prévention et l'atténuation des symptômes du décalage horaire peuvent être regroupées en fonction de trois grandes catégories : les recommandations applicables avant le départ, pendant le vol et à l'arrivée dans un pays situé dans un autre fuseau horaire.


Tableau 1.    Fermeté et qualité des preuves relatives aux recommandations (8)

Catégories relatives à la fermeté de chaque recommandation 

Catégorie

Définition

Preuves suffisantes pour recommander l'utilisation 

Preuves acceptables pour recommander l'utilisation 

Preuves insuffisantes pour recommander l'utilisation
 

Preuves acceptables pour déconseiller l'utilisation
 

Preuves suffisantes pour déconseiller l'utilisation
 

Catégories relatives à la qualité des preuves sur lesquelles reposent
les recommandations

Données obtenues dans le cadre d'au moins un essai comparatif convenablement randomisé 

II 

Données obtenues dans le cadre d'au moins un essai clinique bien conçu, sans randomisation, d'études de cohortes ou d'études cas-témoins, réalisées de préférence dans plus d'un centre, à partir de plusieurs séries chronologiques, ou résultats spectaculaires d'expériences non contrôlées 

III 

Opinions exprimées par des sommités dans le domaine et reposant sur l'expérience clinique, des études descriptives ou des rapports de comités d'experts 


Avant le départ 

  • Les voyageurs qui traversent de multiples fuseaux horaires devraient être informés de la survenue probable d'un syndrome du décalage horaire et de ses effets(9) (C III).

  • Il faudrait inciter les voyageurs à bien se reposer et à ne pas se priver de sommeil avant de s'envoler pour un long voyage(7) (C III).

Pendant le vol 

  • Les voyageurs devraient tenter de maintenir une bonne hydratation en buvant beaucoup de liquides, surtout de l'eau (7) (C III).

  • Les voyageurs devraient réduire au minimum leur consommation de boissons alcoolisées ou caféinées, car elles peuvent exacerber la déshydratation(7) (C III).

  • La prise de repas légers peut être bénéfique, mais bien que certains types d'aliments (p. ex., des hydrates de carbone plutôt que des protéines) aient été suggérés, rien ne prouve qu'ils atténuent les symptômes associés au décalage horaire(9) (C III).

  • La modification de l'horaire des repas peut faciliter l'adaptation à un nouveau fuseau horaire (voir les recommandations figurant sous le titre «À l'arrivée»)(7) (C III).

  • Des hypnotiques (somnifères) à action brève peuvent être utilisés pendant le vol ou au cours des toutes premières nuits qui suivent l'arrivée(10); cependant, rien ne prouve que ces médicaments aident à rétablir le rythme circadien(11). Par ailleurs, les hypnotiques à action brève peuvent affaiblir les capacités cognitives et motrices et devraient donc être utilisés uniquement sur recommandation d'un médecin(7) (C III).

À l'arrivée 

  • Le voyageur qui compte s'absenter de la maison pour une période n'excédant pas 48 à 72 heures peut, dans la mesure du possible, essayer de maintenir ses horaires «réguliers» de sommeil et d'activité(7) (C III). 

  • Les personnes qui prévoient séjourner à un endroit au-delà de 72 heures devraient, dès l'arrivée, tenter d'adapter leur cycle de sommeil, leurs heures de repas et d'activité à celles du lieu de destination(12). Cette adaptation peut commencer pendant le vol ou même avant le départ, lorsque c'est possible(9) (C III).

  • Les voyageurs ont tout intérêt à ne pas planifier d'activités telles qu'une réunion d'affaires ou des compétitions sportives moins de 48 heures après l'arrivée, si possible(9) (C III).

  • Les hypnotiques à action brève (somnifères) peuvent être utilisés pour faciliter le sommeil au cours des toutes premières nuits qui suivent l'arrivée(10); toutefois, ces médicaments peuvent affaiblir les capacités cognitives et motrices et devraient donc être utilisés uniquement sur recommandation d'un médecin(7) (C III).

  • La caféine est parfois utilisée comme stimulant pour retarder le sommeil une fois arrivé à destination. Il est probable que cette pratique ait peu d'influence sur le sommeil, si elle en a une. Les voyageurs devraient éviter de consommer de la caféine plusieurs heures avant le coucher(9) (C III).

  • Lorsque le contexte s'y prête, les voyageurs devraient envisager de passer du temps à l'extérieur; l'exposition à la lumière du jour facilite l'adaptation au nouveau fuseau horaire. À ce jour, aucune étude bien conçue portant sur les effets de la lumière chez les voyageurs n'a été menée(7) (C III).

Mélatonine 

Au cours des dernières années, on a accordé beaucoup d'intérêt au rôle possible de la mélatonine dans la réduction des symptômes du décalage horaire. Tel que mentionné précédemment, la mélatonine sécrétée par la glande pinéale intervient dans la régulation physiologique du rythme circadien(1)

Seul un petit nombre d'études randomisées et à double insu ont examiné les différents schémas d'administration de mélatonine exogène dans le traitement des effets liés au décalage horaire; toutefois, les résultats de ces études se sont avérés contradictoires(13-15). Cela peut s'expliquer, en partie, par le fait qu'aucune de ces études ne mesurait la gravité des symptômes selon une échelle de valeurs uniformes spécifiques du syndrome du décalage horaire. 

  • L'influence de la prise de mélatonine sur la prévention ou la modulation des symptômes associés au décalage horaire, si tant est qu'elle en ait une, est probablement négligeable, aussi, à l'heure actuelle, ce médicament ne peut être recommandé à de telles fins(16) (C I).

  • Des études bien conçues et d'une puissance suffisante sont nécessaires pour clarifier le rôle potentiel de la mélatonine dans la réduction des effets liés au décalage horaire.

La mélatonine n'est pas homologuée au Canada et, par ailleurs, son innocuité n'a pas été établie. Aux États-Unis, la mélatonine est vendue dans les magasins d'aliments diététiques sous forme de supplément alimentaire. La FDA (Food and Drug Administration) ne réglemente pas les suppléments alimentaires, aussi la pureté et la concentration des produits contenant de la mélatonine achetés aux États-Unis ne sont-elles pas garanties. 

Références 

  1. Minors DS, Waterhouse JM. Circadian rhythms in general. Occup Med 1990;5:165-82. 

  2. Disorders of chronobiology. Dans : Kryger MH, Roth T, Dement WC (éds). Principles and practice of sleep medicine. 3e éd. Philadelphie : WB Saunders, 2000:589-614.  

  3. Czeisler CA, Kronauer RE, Allan JS et coll. Bright light induction of strong (type 0) resetting of the human circadian pacemaker. Science 1989;244:1328-33.  

  4. Moore-Ede MC. Jet lag, shift work, and maladaption. News Physiol Sci 1986;1:156-60. 

  5. Comperatore CA, Krueger GP. Circadian rhythm desynchronosis, jet lag, shift lag, and coping strategies. Occup Med 1990;5:323-41. 

  6. Monk TH, Buysse DJ, Reynolds CF et coll. Inducing jet lag in older people: adjusting to a 6-hour phase advance in routine. Exp Gerontol 1993;28:119-33.  

  7. Tasman A. Psychiatry. 1re éd. WB Saunders Company, 1997:1233-34. 

  8. MacPherson DW. Une approche de la médecine fondée sur les preuves. RMTC 1994;20:145-47. 

  9. Comité consultatif de la médecine tropicale et de la médecine des voyages. Le décalage horaire. RMTC 1995;21:148-51. 

  10. OMS. International travel and health. Genève : OMS, 2002 

  11. Turek FW, Van Reeth O. Use of benzodiazepines to manipulate the circadian clock regulating behavioural and endocrine rhythm. Horm Res 1989;31:59-65.  

  12. Rakel RE. Conn's current therapy 2002. 54e éd. W.B. Saunders, 2002:155 

  13. Petrie K, Dawson AG, Thompson L et coll. A double-blind trial of melatonin as a treatment for jet lag in international cabin crew. Biol Psychiatry 1993;33:526-30.  

  14. Spitzer RL, Terman M, Williams JBW et coll. Jet lag: clinical features, validation of a new syndrome-specific scale, and lack of response to melatonin in a randomized, double-blind trial. Am J Psychiatry 1999;156:1392-96. 

  15. Caldwell JL. The use of melatonin: an information paper. Aviat Space Environ Med 2000;71:238-44. 

  16. Goroll AH. Primary care medicine. 4e éd. Lippincott Williams & Wilkins, 2000:1192


* Membres : Dr B. Ward (président)); H. Birk; M. Bodie-Collins (secrétaire générale); Dr H.O. Davies; Dre M-H Favreau; Dr K. Gamble; Dre S. Kuhn; Dre A. McCarthy; Dr P.J. Plourde; Dr J.R. Salzman.
  Représentants de liaison : Dr R. Birnbaum (SCSI); L. Cobb (CUSO); Dr V. Marchessault (CCNI); Dre H. Onyette (SCMI); Dr R. Saginur (ACSP).
  Représentants d'office : Dre E. Callary (SC); Dr N. Gibson (DDN); Dre P. Kozarsky (CDC); L. Lannin (AECI); Dr M. Lapointe (CIC); Dr V. Lentini (DDN); Dre P. MacDonald (SC); Dre M. Parise (CDC).
   
Ce document a été préparé par le Dr J.R. Salzman et approuvé par le CCMTMV.

 

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Dernière mise à jour : 2003-04-01 début