Volume 21-22
30 novembre 1995
|
|
Comité consultatif national de l'immunisation (CCNI)
ANAPHYLAXIE: DÉCLARATION SUR LE TRAITEMENT INITIAL EN MILIEU
NON HOSPITALIER
La présente déclaration est une mise à jour de celle
qui est publiée dans le Guide canadien d'immunisation (4e
édition, 1993). Nous avons modifié les lignes directrices concernant
la posologie de l'adrénaline afin de mieux adapter celle-ci aux besoins
des pré-adolescents.
Cette déclaration se veut un guide pour le traitement initial
des patients dans une clinique de santé publique ou tout autre établissement
non hospitalier. En cas de réaction anaphylactique sévère
menaçant la survie du patient, il faut installer un cathéter
intraveineux pour l'administration de médicaments et de liquides; il
pourrait également être nécessaire de pratiquer une intubation
endotrachéale ou d'effectuer d'autres manoeuvres. Il est habituellement
préférable de pratiquer ce genre d'intervention dans la salle
d'urgence d'un hôpital.
L'anaphylaxie est une complication rare et potentiellement fatale de la
vaccination à laquelle il faut s'attendre chez chaque vacciné.
La prévention représente l'approche la plus sûre. Avant
de procéder à la vaccination, il importe de poser des questions
au sujet d'une allergie éventuelle à l'une des composantes du
ou des produits que l'on envisage d'administrer afin de déterminer
s'il existe des contre-indications. Comme il n'est pas toujours possible d'éviter
l'anaphylaxie, la personne qui donne le vaccin doit pouvoir reconnaître
les symptômes de cette réaction et être en mesure de prodiguer
le traitement nécessaire. Il est recommandé de garder les vaccinés
sous observation pendant au moins 15 minutes après l'administration
du vaccin.
L'anaphylaxie est l'une des manifestations les plus rares à être
signalées dans le système de surveillance des effets secondaires
des vaccins. Si l'on examine les 5 dernières années pour lesquelles
on dispose de données nationales complètes, on peut voir que
le taux annuel de réactions anaphylactiques varie de 0,11 à
0,31 cas par 100 000 doses de vaccin distribuées.
Il y a lieu de distinguer l'anaphylaxie du simple évanouissement
(syncope vasovagale), qui est une réaction bénigne plus fréquente
et à laquelle on peut remédier en couchant le patient sur le
dos. La rapidité d'apparition des symptômes est le principal
facteur qui nous permet de reconnaître cette réaction. En effet,
le sujet qui s'évanouit passe d'un état normal à l'inconscience
en quelques secondes. Parfois, l'évanouissement s'accompagne de spasmes
cloniques, mais ces troubles sont de courte durée et ne requièrent
habituellement ni traitement ni investigation. En revanche, dans le cas de
l'anaphylaxie, les changements se produisent sur une période de quelques
minutes, intéressent souvent plusieurs systèmes ou appareils
(peau, respiration, circulation) et n'évoluent vers l'inconscience
que tardivement et uniquement dans les cas sévères. Il est rare
que la perte de conscience soit l'unique manifestation de l'anaphylaxie.
L'anaphylaxie débute habituellement quelques minutes après
l'injection de la substance allergène et est habituellement manifeste
dans les 15 minutes qui suivent. Au nombre des symptômes figurent les
éternuements, la toux, le prurit, les picotements de la peau, la rougeur
du visage, l'oedème facial, l'urticaire, l'anxiété, la
gêne respiratoire et l'hypotension, qui peut évoluer jusqu'à
l'état de choc et au collapsus. Le collapsus cardio-vasculaire peut
survenir même en l'absence de symptômes respiratoires. Il est
capital de reconnaître rapidement les premiers signes de l'anaphylaxie
afin de mettre en route le traitement sans délai. Les mesures énumérées
ici sont recommandées pour le traitement initial en milieu non hospitalier.
1. Étendre le patient sur le dos (et lui soulever les jambes,
si possible).
2. Rétablir la perméabilité des voies respiratoires
supérieures, au besoin.
3. Placer un tourniquet (si possible) au-dessus du point d'injection.
Desserrer le tourniquet pendant 1 minute toutes les 3 minutes.
4. Administrer sans tarder 0,01 mL/kg (maximum 0,5 mL) d'une solution
aqueuse d'adrénaline 1:1 000 par voie sous-cutanée ou intramusculaire
dans le membre opposé de celui dans lequel le vaccin a été
injecté.
La voie sous-cutanée est indiquée pour l'injection
d'adrénaline dans les cas de réactions bénignes ou si
l'on peut intervenir précocement. Lorsqu'on est en présence
de réactions graves, il faut préférer la voie intramusculaire,
car celle-ci permet une distribution plus rapide du médicament dans
l'organisme. Une seule injection sous-cutanée est habituellement suffisante
lorsque la réaction est bénigne ou qu'on peut intervenir à
un stade précoce.
On peut répéter la dose deux fois à intervalles de
20 minutes, au besoin. En cas de réaction sévère, il
peut être nécessaire de rapprocher les doses (10 à 15
minute).
Il importe au plus haut point d'intervenir sans délai, car il
est plus dangereux de ne pas administrer l'adrénaline rapidement que
de l'utiliser indûment.
Il faut déterminer soigneusement la dose d'adrénaline à
administrer. Les calculs fondés sur le poids corporel sont préférables
lorsque le poids est connu. Il est recommandé de peser les enfants
avant d'administrer les vaccins courants. L'administration de trop fortes
doses d'adrénaline peut exacerber la détresse du patient en
induisant des palpitations, de la tachycardie, des bouffées vasomotrices
et des céphalées. Bien qu'ils soient désagréables,
ces effets secondaires sont relativement bénins. Les dysrythmies cardiaques
peuvent survenir chez les personnes âgées, mais sont rares chez
les enfants qui sont par ailleurs en bonne santé.
Lorsqu'on ne connaît pas le poids corporel, on peut calculer la dose
d'adrénaline 1:1 000 à partir de l'âge du sujet de la
façon suivante :
2 à 6 mois* |
0,07 mL |
(0,07 mg) |
12 mois* |
0,1 mL |
(0,l mg) |
18 mois* à 4 ans |
0,15 mL |
(0,15 mg) |
5 ans |
0,2 mL |
(0,2 mg) |
6 à 9 ans |
0,3 mL |
(0,3 mg) |
10 à 13 ans |
0,4 mL |
(0,4 mg) |
>= 14 ans |
0,5 mL |
(0,5 mg) |
* Dans le cas des enfants dont l'âge se situe entre
les âges indiqués ci-dessus, il faut choisir une dose intermédiaire
ou la dose indiquée pour le groupe d'âge suivant, selon ce
qui est pratiquement possible. |
Chez les patients qui prennent des B-bloquants (pour l'hypertension), l'état
anaphylactique sera plus résistant au traitement à l'adrénaline.
Étant donné que l'anaphylaxie est une réaction rare,
les fioles d'adrénaline et les autres fournitures d'urgence doivent
être vérifiées régulièrement et remplacées
si elles sont périmées.
5. Si le vaccin a été administré par voie sous-cutanée,
on peut injecter une dose supplémentaire de 0,005 mL/kg (maximum de
0,3 mL) d'une solution aqueuse d'adrénaline à 1:1 000 au point
d'injection pour ralentir l'absorption. L'injection locale d'adrénaline
dans un point d'injection intramusculaire est contre-indiquée parce
qu'elle a pour effet de dilater les vaisseaux et d'accélérer
l'absorption du vaccin.
6. Une dose de chlorhydrate de diphénhydramine (Benadryl ®
) peut être administrée en guise de complément à
l'adrénaline. Ce produit ne devrait être donné qu'aux
patients qui ne répondent pas bien à l'adrénaline ou
pour maintenir la suppression des symptômes chez les patients qui ont
répondu (l'adrénaline ayant une action brève), en particulier
si l'on ne peut pas transférer le patient à un établissement
de soins actifs dans les 30 minutes. On administrera le traitement par voie
orale aux patients conscients qui ne sont pas gravement atteints parce que
l'administration de Benadryl® par voie intramusculaire est douloureuse.
Ce médicament offre une marge de sécurité importante,
c'est pourquoi il est moins important de respecter une posologie précise.
La posologie approximative du chlorhydrate de diphénhydramine (Benadryl
® injectable, solution de 50 mg/mL) est indiquée dans le tableau
qui suit :
< 2 ans |
0,25 mL |
(12,5 mg) |
2 à 4 ans |
0,5 mL |
(25 mg) |
5 à 11 ans |
1,0 mL |
(50 mg) |
>= 12 ans |
2,0 mL |
(100 mg) |
7. Faire transporter rapidement le patient vers la salle d'urgence.
Sauf dans les cas les plus bénins, les patients présentant une
anaphylaxie doivent passer la nuit à l'hôpital ou être
gardés sous observation pendant au moins 12 heures.
Référence
1. Thibodeau JL. Office management of childhood vaccine-related anaphylaxis.
Can Fam Phys 1993;40:1602-10.
[Table des matières]
|