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Relevé des maladies transmissibles
au Canada
Vol. 23 (DCC-5)
1er novembre 1997
Une déclaration d'un comité consultatif (DCC)
Comité consultatif de la médecine tropicale et de la médecine des voyages
(CCMTMV)*
RISQUE DE TUBERCULOSE CHEZ LES VOYAGEURS ET PRÉVENTION
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Introduction
Le risque annuel d'infection à Mycobacterium tuberculosis peut
être 300 fois plus élevé dans certains pays tropicaux et en développement
qu'en Europe de l'Ouest et en Amérique du Nord(1,2). Une personne
peut être infectée par le bacille tuberculeux et souffrir d'une tuberculose
active à la suite d'un voyage, mais il est impossible d'estimer exactement
l'ampleur de ce risque à cause de la pénurie de données. À la lumière
de l'information dont on dispose, il semble que les personnes qui voyagent
ou qui résident outre-mer ont peut-être un risque d'exposition similaire
à celui de la population locale si elles pratiquent certaines activités
et ont des contacts avec les gens du pays(3,4).
1. DÉTERMINANTS DU RISQUE D'EXPOSITION À LA TUBERCULOSE CHEZ LES VOYAGEURS
Le risque d'exposition est probablement tributaire des taux locaux de
prévalence de la tuberculose. L'Organisation mondiale de la Santé (OMS)
a fourni les estimations suivantes concernant les taux de tuberculose
pour 100 000 habitants en 1995 : Asie du Sud-Est 241;
Pacifique occidental 140; Afrique 242; est de la Méditerranée 168;
Amériques (sauf États-Unis et Canada) 123; Europe de l'Est 47;
et pays occidentaux industrialisés et Japon 23(5). L'incidence
de la tuberculose chez les non-Autochtones nés au Canada s'établissait
par contre à 1,9 pour 100 000 habitants en 1992(6).
Il est probable que le risque d'exposition dépend de la durée du séjour
ou du voyage dans les zones où la maladie est très répandue. Le
type de contacts avec la population locale ainsi que les circonstances
dans lesquelles ils ont lieu influent sans doute grandement sur le risque
d'exposition. Le fait de travailler dans un établissement de soins dans
un pays où la prévalence de la tuberculose est élevée peut être
associé à un risque particulièrement élevé d'exposition à cette maladie.
2. RISQUE DE DÉVELOPPER UNE TUBERCULOSE ACTIVE APRÈS UNE INFECTION
À M. TUBERCULOSIS
Après avoir contracté une infection à M. tuberculosis, objectivée
par un virage au test de Mantoux, un sujet immunocompétent court un risque
de présenter au cours de sa vie une tuberculose active, qui oscille entre
5 % et 15 %. Le risque annuel est le plus élevé dans les 2 premières
années qui suivent l'infection(7). Un certain nombre de facteurs,
dont le diabète sucré, un traitement prolongé aux corticostéroïdes,
une insuffisance rénale chronique et un lymphome malin, peuvent accroître
ce risque. C'est dans les cas de co-infection par le bacille tuberculeux
et le VIH que le risque de développer une tuberculose active est le plus
élevé, soit d'environ 7 % à 10 % par année(8,9).
3. MESURES VISANT À RÉDUIRE LE RISQUE DE TUBERCULOSE
3.1 Test tuberculinique et chimioprophylaxie
Une des stratégies de prévention de la tuberculose consiste à subir régulièrement
un test de Mantoux et, en cas d'infection, d'envisager un traitement chimioprophylactique.
Un traitement à l'isoniazide peut en effet réduire le risque de tuberculose
active par un facteur pouvant atteindre 90 % chez les personnes positives
lorsque l'organisme infectant est sensible à l'isoniazide et que le taux
d'observance est élevé(10,11). Il existe un faible risque d'hépatotoxicité
associé à l'isoniazide, qui croît avec l'âge, la consommation d'alcool
ou une hépatopathie sous-jacente(12).
Plusieurs facteurs peuvent limiter l'efficacité de cette stratégie. La
population en général et les travailleurs de la santé ont un taux d'observance
très faible en ce qui concerne le test de Mantoux et(ou) la chimioprophylaxie(13-17).
On ignore quelle est la fréquence optimale du test de Mantoux; certaines
infections peuvent progresser vers une tuberculose active dans l'intervalle
entre les tests. La prophylaxie à l'isoniazide risque d'être inefficace
si la souche infectante de M. tuberculosis est résistante
ou si la personne ne peut tolérer le médicament; les autres schémas chimio-
prophylactiques ont été peu utilisés.
3.2 Vaccination par le bacille de Calmette-Guérin
Le bacille de Calmette-Guérin (BCG) est un vaccin vivant qui a été mis
au point en 1921 et qui a été obtenu par passage répété de M. bovis
en culture. Plusieurs milliards de doses destinées aux humains ont été
administrées. Deux vaccins BCG sont autorisés au Canada pour l'utilisation
par voie intradermique/intracutanée(18). On recommande l'administration
de la moitié de la dose prévue pour les adultes dans le cas des enfants
de < 1 ou < 2 ans, selon le produit utilisé. Dans les
instructions des fabricants, un grand nombre de maladies de la peau et
de troubles cutanés associés à un déficit immunitaire à médiation cellulaire
sont cités comme contre-indications. On déconseille également l'administration
concomitante d'autres vaccins et on prône la prudence dans le cas des
femmes enceintes bien qu'aucun effet indésirable sur le foetus n'ait été
démontré.
3.2.1 L'efficacité du vaccin de Calmette-Guérin (BCG)
L'efficacité du vaccin BCG a été évaluée dans un grand nombre d'études
et les résultats varient considérablement, allant de l'absence de protection
démontrable à une efficacité de plus de 80 %. L'interprétation de
ces résultats demeure controversée. Une réévaluation des études sur le
BCG laisse entendre que celles qui ont une méthodologie plus rigoureuse
et dont l'intervalle de confiance pour l'estimation de l'efficacité est
moins grand, font état en général d'une protection plus importante(19).
Une méta-analyse portant sur 16 essais cliniques et 11 études
cas-témoins a mis en évidence une efficacité globale de 50 % à 51 %(20),
ainsi qu'une association positive entre la distance par rapport à l'équateur
et l'efficacité du vaccin(21). De nombreuses études sur le
BCG n'ont porté que sur des enfants. L'efficacité du BCG est mieux établie
chez les enfants(22), et le vaccin peut conférer une protection
plus grande contre les formes sévères de tuberculose telles que la tuberculose
miliaire et la méningite(23). Certaines données limitées donnent
à penser que le BCG confère une protection contre la tuberculose chez
les travailleurs de la santé(24). Plusieurs études ont montré
que le vaccin assure une protection contre la lèpre(25,26).
Un certain nombre d'hypothèses ont été avancées pour expliquer la variation
considérable de l'efficacité du BCG mesurée d'une étude à l'autre. L'explication
la plus communément acceptée est que l'exposition aux mycobactéries présentes
dans l'environnement semble réduire ou occulter la protection conférée
par le BCG. Une telle exposition est plus probable dans les climats plus
chauds, ce qui correspond à l'observation des auteurs de la méta-analyse
touchant l'efficacité réduite dans les populations vivant près de l'équateur(20,2l).
3.2.2 Innocuité du vaccin de Calmette-Guérin (BCG) et effets secondaires
Certains incidents indésirables tels que la dissémination de la mycobactérie
ou le décès sont très rares(27). On observe très fréquemment
une ulcération locale laissant une cicatrice; une lymphadénopathie régionale
est également possible. Le risque de dissémination semble être plus élevé
chez les vaccinés immunodéprimés.
3.2.3 Effet du vaccin de Calmette-Guérin (BCG) sur la réaction au
test tuberculinique
Un des problèmes potentiels associés à l'utilisation du BCG est son
effet sur les résultats aux tests tuberculiniques subséquents. On observe
de grandes variations dans la fréquence avec laquelle les personnes ayant
reçu le vaccin BCG obtiennent des résultats positifs au test de Mantoux(28);
certains facteurs peuvent faire varier les estimations, notamment la souche
vaccinale, l'âge au moment de la vaccination, ou autres facteurs. L'administration
du BCG dans la petite enfance explique rarement la présence d'une forte
réaction tuberculinique des années plus tard(29,30). D'après
les recommandations actuelles, le diamètre d'induration, le temps écoulé
depuis l'administration du BCG et la probabilité d'exposition à la tuberculose
doivent être pris en compte lorsqu'on interprète un test de Mantoux chez
un sujet qui a déjà reçu le vaccin BCG(31,32). Il n'existe
pas de lien entre le type de réaction tuberculinique chez le vacciné et
le degré de protection(33,34).
3.3 Choix de la stratégie à adopter dans le cas d'un voyageur
Dans chaque cas, il faut soupeser les avantages et les inconvénients
associés aux deux stratégies de prévention de la tuberculose. Une analyse
des décisions comparant le BCG avec un test de Mantoux ou une chimioprophylaxie
à l'intention du personnel d'un hôpital américain ou la « prévalence de
la tuberculose était élevée » penchait en faveur du BCG pour la plupart
des hypothèses(35).
Recommandations
Le tableau 1 présente les catégories établies dans
le cadre d'une approche de la médecine fondée sur les preuves(36)
pour la fermeté et la qualité des preuves fournies à l'appui de chacune
des recommandations suivantes.
-
Toutes les personnes qui voyagent dans des pays où la prévalence
de la tuberculose est élevée, en particulier celles qui voyagent ou
vivent à l'étranger avec des enfants, devraient être informées du
risque de tuberculose (B III).
-
Il faut informer les voyageurs qui présentent un déficit immunitaire
grave, comme une infection à VIH, du risque élevé associé à une exposition
à la tuberculose et, en cas de conversion, aux limites importantes
du vaccin BCG, d'un test cutané périodique avec de la chimioprophylaxie
(A III).
Tableau 1 Fermeté et qualité des preuves - tableau
récapitulatif
Catégories relatives à la fermeté de chaque recommandation
|
CATÉGORIE
|
DÉFINITION
|
A
|
Preuves suffisantes pour recommander l'utilisation.
|
B
|
Preuves acceptables pour recommander l'utilisation.
|
C
|
Preuves insuffisantes pour recommander ou déconseiller l'utilisation.
|
D
|
Preuves acceptables pour déconseiller l'utilisation.
|
E
|
Preuves suffisantes pour déconseiller l'utilisation.
|
Catégories relatives à la qualité des preuves sur lesquelles
reposent les recommandations
|
CLASSE
|
DÉFINITION
|
I
|
Données obtenues dans le cadre d'au moins un essai comparatif convenablement
randomisé.
|
II
|
Données obtenues dans le cadre d'au moins un essai clinique bien
conçu, sans randomisation, d'études de cohortes ou d'études analytiques
cas-témoins, réalisées de préférence dans plus d'un centre, à partir
de plusieurs séries chronologiques, ou résultats spectaculaires
d'expériences non comparatives.
|
III
|
Opinions exprimées par des sommités dans le domaine et reposant
sur l'expérience clinique, des études descriptives ou des rapports
de comités d'experts.
|
-
Il importe de recommander aux voyageurs d'éviter de consommer du
lait non pasteurisé, car il peut contenir M. bovis ou d'autres
agents pathogènes (A III).
-
L'évaluation médicale des travailleurs domestiques ou d'autres ressortissants
du pays d'accueil qui ont des contacts étroits avec le voyageur ou
la famille du voyageur, peut contribuer à réduire le risque d'exposition
à la tuberculose, notamment en présence d'une toux chronique, et peut
rendre éventuellement service aux habitants de l'endroit concernés
(C III).
-
Les Canadiens qui travaillent dans des établissements de santé dans
les pays en développement devraient suivre le plus possible les recommandations
actuelles en matière de prévention des infections afin de réduire
au minimum le risque d'exposition à la tuberculose(37-39)
(B III).
-
Les voyageurs qui séjournent pendant une longue période (p. ex.,
3 mois; moins si le risque est probablement important) dans un
pays où la prévalence de la tuberculose est élevée ou qui travaillent
dans un établissement de santé dans un pays en développement, indépendamment
de la durée de leur séjour, devraient être invités à subir un test
de Mantoux comportant l'administration de cinq unités de dérivés protéiniques
purifiés (notamment l'épreuve tuberculinique en deux temps lorsque
c'est indiqué) à moins qu'ils n'aient des antécédents de tuberculose
ou une réaction tuberculique positive bien documentée(40)
(B III).
-
Si le test tuberculinique initial se révèle positif (induration
³ 10 mm chez un voyageur immunocompétent en santé), il convient
de suivre les lignes directrices actuelles concernant la prise en
charge des cas(32) (B III).
-
Si le test de Mantoux est négatif, la personne devrait être informée
des moyens pratiques d'éviter toute exposition à la tuberculose. Il
faut lui conseiller de choisir soit de recevoir le vaccin BCG ou de
subir un test de Mantoux au moins tous les 2 ans, mais de préférence
une fois par année, de même que 3 à 6 mois après avoir quitté la zone
de forte prévalence (B III). Si le voyageur obtient des
résultats positifs, il devrait être évalué par un spécialiste de la
tuberculose, qui déterminera s'il convient d'avoir recours à la chimioprophylaxie
et quel schéma chimioprophylactique utilisé (A I).
- Lorsque vient le temps de faire le choix entre le vaccin BCG et,
en cas de conversion, d'un test cutané périodique avec de la prophylaxie,
il faut prendre en considération les facteurs suivants :
- la possibilité de réaliser des tests tuberculiniques répétés et une
chimioprophylaxie ainsi que le degré d'observance prévu du sujet
- la probabilité d'une intolérance à l'isoniazide (âge, hépatopathie,
consommation excessive d'alcool)
- la probabilité qu'une souche infectante de M. tuberculosis
soit résistante à l'isoniazide (dépend des taux locaux de résistance
primaire)
- la préférence personnelle
- l'âge - le vaccin BCG peut jouer un rôle particulièrement important
chez les enfants, notamment chez ceux de < 1 an (B III).
-
Dans la mesure du possible, le BCG devrait être administré au 4 semaines
avant l'exposition prévue à la tuberculose (B III).
-
Une mesure « de référence » de la réaction tuberculinique
3 mois après le vaccin BCG est à envisager, afin de faciliter l'interprétation
de tout test tuberculinique subséquent(31) (C III).
-
Peu importe la durée du voyage ou les mesures de prévention utilisées,
la tuberculose doit être prise en compte dans le diagnostic différentiel
de la maladie chez les Canadiens qui reviennent de pays où
la prévalence de la tuberculose est élevée de même que chez les immigrants
en provenance de ces pays (A III).
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Membres : Dr K. Kain (président);H.
Birk; Ms. M. Bodie-Collins (secrétariat); Dr S.E. Boraston;
Dr W. Bowie; Dr H.O. Davies; Dr
J.S. Keystone; Dr D.W. MacPherson; Dr A. McCarthy
(secrétaire exécutif); Dr J.R. Salzman; Dr D. Tessier.
Membres d'office : Dr E. Callary (SC); LCdr. D.
Carpenter (MDN); R. Dewart (CDC); Dr E. Gadd (SC);
Dr C.W.L. Jeanes; Dr H. Lobel (CDC).
[Relevé des
maladies transmissibles au Canada]
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