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    Agence de santé publique du Canada
Relevé des maladies transmissibles au Canada

Volume 24-05
1er mars 1998

[Table des matières]

 

 

Surveillance de la rougeole : lignes directrices pour le soutien des laboratoires

Pour donner suite à l'engagement de toutes les provinces et territoires à éliminer la rougeole d'ici l'an 2005, un schéma d'immunisation prévoyant deux doses de vaccin antirougeoleux a été adopté dans l'ensemble du pays, complété par des programmes de vaccination de «rattrapage» de masse dans pratiquement toutes les provinces. À mesure que le nombre de cas de rougeole diminuera, la surveillance deviendra de plus en plus importante. Il sera essentiel que tous les cas de rougeole suspects soient déclarés et que des échantillons prélevés chez des cas sporadiques soient présentés en vue d'une recherche complète en laboratoire.

Pour encadrer et documenter le processus d'éradication de la rougeole, le Laboratoire de lutte contre la maladie (LLCM) a réuni le Groupe de travail sur l'éradication de la rougeole au Canada (GTERC). Ce groupe examinera les efforts d'éradication de la rougeole dans l'ensemble du pays, surveillera l'incidence des cas et présentera des recommandations concernant la surveillance nationale.

L'importance d'un ensemble uniforme de procédures de laboratoire qui seraient utilisées dans tout le pays est évidente dans toute évaluation des méthodes de surveillance de la rougeole. Le GTERC a donc élaboré ces lignes directrices pour garantir une surveillance de laboratoire optimale de la rougeole à un moment où, avec un nombre restreint de cas, on observera vraisemblablement plus de résultats sérologiques faussement positifs et il deviendra de plus en plus important de détecter toute importation du virus dans une collectivité.

Un soutien de laboratoire efficace pour la surveillance nécessite que :

  • les professionnels de la santé connaissent le système et ses exigences;
  • des prélèvements appropriés soient recueillis et envoyés à un laboratoire capable de réaliser les tests nécessaires;
  • du matériel fiable soit utilisé et que les tests soient effectués correctement;
  • la rétroaction soit dirigée vers les autorités compétentes dans les plus brefs délais; et
  • l'intégrité du système de surveillance soit constamment contrôlée.

Le service de santé publique et le laboratoire ont tous deux un rôle à jouer dans l'optimisation de la capacité du laboratoire de soutenir la surveillance de la rougeole dans une juridiction. Ces lignes directrices ont été structurées pour refléter ces rôles. Le rôle de la santé publique consiste à sensibiliser les pourvoyeurs de soins de santé à l'importance des tests en laboratoire et à veiller à ce que les ressources du laboratoire soient accessibles. Le rôle des laboratoires consiste à développer et à maintenir les ressources nécessaires pour effectuer les tests, des procédures uniformes et l'assurance de la qualité et à analyser les données et rendre compte des résultats aux services de santé publique. Les lignes directrices proposent un ensemble uniforme de responsabilités devant être adoptées dans chaque province ou territoire afin de permettre aux laboratoires de soutenir efficacement la surveillance de la rougeole.

Questions relatives aux laboratoires

Méthodes de laboratoire pour le diagnostic de la rougeole

  • Le diagnostic de la rougeole en laboratoire est effectué au moyen de tests sérologiques et/ou de cultures.
  • La sérologie IgM spécifique à la rougeole est le test standard pour le diagnostic courant de la rougeole.
  • La démonstration d'une augmentation importante* des IgG spécifiques est une méthode sérologique de rechange fiable pour le diagnostic de la rougeole.
  • Les isolats de virus de la rougeole sont importants pour la surveillance, c'est pourquoi la collecte des prélèvements appropriés pour la culture est recommandée pour tous les cas sporadiques et pour un échantillon lors d'une éclosion.

Tous les cas cliniques et soupçonnés de rougeole devraient être confirmés par un laboratoire. Si un lien épidémiologique avec un cas confirmé par un laboratoire a été établi, une confirmation par un laboratoire n'est pas nécessaire pour que le cas réponde à la définition de «confirmé» (voir annexe B). Il est important d'utiliser un protocole de tests en laboratoire pour rechercher les éruptions rouges courantes de façon systématique afin de pouvoir détecter les cas de rougeole et d'éviter un diagnostic erroné de l'éruption.

Information concernant les tests sérologiques de la rougeole

  • Les anticorps IgM spécifiques à la rougeole apparaissent à peu près au moment de l'apparition de l'éruption et persistent pendant au moins 28 jours.
  • Les anticorps IgG spécifiques à la rougeole apparaissent à peu près en même temps que les anticorps IgM.
  • Un seul prélèvement sanguin recueilli entre 3 et 28 jours après l'apparition de l'éruption est généralement satisfaisant en ce qui concerne la sérologie IgM.
  • La sérologie IgG utilisant des prélèvements appariés effectués aux stades «aigu» et «convalescent» est un test fiable pour le diagnostic de la rougeole à condition que les prélèvements soient recueillis aux moments appropriés.
  • Pour la sérologie IgG, le premier échantillon (aigu) devrait être obtenu aussitôt que possible après l'apparition de l'éruption, et de toute façon, dans les 7 jours suivants. Le second échantillon (convalescent) devrait être recueilli de 10 à 20 jours après le premier. Ces deux échantillons de sérum appariés doivent être testés simultanément.

Afin de maximiser la probabilité d'obtenir une confirmation en laboratoire, l'épidémiologiste provincial ou territorial peut recommander que l'échantillon de sang soit prélevé entre 3 et 7 jours après l'apparition de l'éruption. Cet échantillon serait adéquat pour la sérologie IgM et pourrait servir d'échantillon du stade aigu pour la sérologie IgG. Si c'est indiqué, un second échantillon devrait être prélevé entre 10 et 20 jours après le premier pour faciliter le nouveau test de recherche des IgM ainsi que le test de vérification de l'augmentation du titre d'IgG.

Les échantillons du début de la phase aiguë (c.-à-d. ceux qui ont été prélevés dans les 3 jours suivant l'apparition de l'éruption) ont plus de chances de donner un résultat faux négatif pour les IgM que ceux prélevés entre 3 et 28 jours après l'apparition de l'éruption. Un second échantillon de sang est donc recommandé si la sérologie IgM effectuée sur un échantillon du début de la phase aiguë donne un résultat non concluant ou négatif pour la rougeole, la rubéole ou le parvovirus B19 et que la personne satisfait à la définition de cas clinique de la rougeole.

Il est possible d'obtenir des résultats aussi bien faux positifs et faux négatifs de la sérologie IgM avec des trousses commerciales. C'est pourquoi il est important de confirmer les résultats de la sérologie IgM en utilisant l'épreuve d'immunocapture de l'IgM, le test de référence par excellence disponible au LLCM. Les échantillons envoyés au LLCM doivent être accompagnés des renseignements cliniques nécessaires et des informations sur le patient (voir annexe A).

Information sur l'isolement et/ou la culture du virus

Le virus de la rougeole est présent dans les sécrétions de la gorge et du rhinopharynx pendant la phase aiguë et il est excrété dans l'urine pendant au moins 7 jours après l'apparition de l'éruption. L'isolement du virus devrait être tenté pour tous les cas sporadiques de rougeole et pour les premiers cas d'une épidémie. Avec l'identification d'un cas soupçonné de rougeole, le médecin traitant devrait recueillir au moins un prélèvement pour l'isolement du virus ainsi que du sang pour la sérologie. Si le sang n'est pas prélevé et que le prélèvement obtenu pour l'isolement du virus est requis pour la confirmation du cas en laboratoire, le laboratoire devrait en être informé par téléphone. Cela devrait être précisé sur la demande.

Il n'est pas toujours possible d'isoler le virus de la rougeole dans tous les cas. Lors d'une éclosion, quand l'objectif est de recueillir des isolats pour la détermination du génotype, des prélèvements devraient être recueillis chez plusieurs individus afin d'augmenter les chances d'atteindre cet objectif.

Le rôle de la santé publique

L'épidémiologiste provincial ou territorial devrait s'assurer que les politiques et les procédures suivantes sont en place à l'échelon local.

Une méthode pour informer et tenir tous les médecins et les services de santé publique locaux au courant des questions liées à la surveillance de la rougeole, notamment :

  1. Tout cas d'éruption répondant à la définition d'un cas «suspect» de rougeole doit être déclaré immédiatement au service local de santé publique.
  • La confirmation par un laboratoire est essentielle pour tous les cas sporadiques de rougeole et tous les cas épidémiques n'ayant aucun lien épidémiologique avec un cas confirmé. Un échantillon de sang d'au moins 3 mL (par ex., un plein tube pédiatrique) devrait être prélevé pour être soumis au laboratoire.
  • L'échantillon de sang devrait être prélevé au début de la maladie, idéalement entre 3 et 7 jours après l'apparition de l'éruption (au plus 28 jours après l'apparition de l'éruption). Si le sang prélevé moins de 3 jours après l'apparition de l'éruption est négatif pour la rougeole, la rubéole et les anticorps IgM spécifiques au parvovirus chez une personne qui répond à la définition de cas clinique de la rougeole, il est recommandé d'effectuer un second prélèvement.
  • Le sang provenant de cas suspects de rougeole sera également contrôlé pour les IgM spécifiques au parvovirus B19 et à la rubéole. Bien que le diagnostic différentiel de l'éruption ne soit pas limité à ces maladies virales, ce sont celles qui ont le plus de chances d'être confondues avec la rougeole et donc les plus importantes à écarter au Canada.
  • En plus de l'échantillon de sang, un prélèvement d'urine et/ou un écouvillonnage du nasopharynx ou un prélèvement de gorge devraient être obtenus en vue de l'isolement du virus. Un écouvillonnage du nasopharynx ou un prélèvement de gorge devrait être obtenu dans les 4 jours suivant l'apparition de l'éruption et/ou un échantillon d'environ 50 mL d'urine stérile devrait être obtenu dans les 7 jours suivant l'apparition de l'éruption.
  • Afin de maximiser les chances d'isoler le virus de la rougeole, le prélèvement doit être recueilli de la manière décrite dans l'annexe C et transporté sur de la glace (4 °C) au laboratoire aussitôt que possible. Les prélèvements doivent être traités par le laboratoire dans les 48 heures de la collecte. Le LLCM peut effectuer le traitement de l'échantillon et l'isolement du virus si nécessaire.
  • Si aucun échantillon de sang n'est prélevé lors d'un cas soupçonné de rougeole et qu'un prélèvement est disponible pour l'isolement du virus, le laboratoire devrait être informé par téléphone que l'isolement du virus sera nécessaire pour la confirmation du cas en laboratoire. Cette information devrait apparaître sur la demande.
  • Il est indispensable pour l'analyse épidémiologique que les renseignements énumérés ci-dessous soient fournis avec tous les prélèvements soumis au laboratoire (voir annexe A) :
    • nom de l'établissement qui envoie le prélèvement
    • code d'identification du patient
    • nom du patient
    • date de naissance
    • sexe
    • ville, comté (municipalité)
    • date de l'apparition de la fièvre
    • date de l'apparition de l'éruption.
  • De plus, le service de santé publique devra avoir les renseignements suivants :
    • si le cas correspond à la définition de cas ou à la définition de cas suspect (voir annexe B)
    • nombre de doses de vaccin antirougeoleux reçues
    • date de la dernière vaccination antirougeoleuse
    • date de collecte.
  1. Un moyen pour transporter et traiter les échantillons de sang en vue du dépistage sérologique de l'éruption.

  2. Un moyen pour transporter et traiter les échantillons recueillis en vue de l'isolement du virus.

  3. Une politique exigeant que le laboratoire informe le service local de santé publique de tous les résultats positifs obtenus en laboratoire concernant la rougeole et la rubéole dans les 24 heures suivant l'obtention des résultats en question.

  4. Une politique exigeant que le service de santé publique informe le service provincial ou territorial de santé publique de tous les résultats positifs obtenus en laboratoire concernant la rougeole et la rubéole dans un délai de 1 jour ouvrable suivant l'obtention des résultats en question.

Le rôle du laboratoire

Le laboratoire provincial ou territorial doit s'assurer que les conditions suivantes sont respectées en ce qui concerne les tests sérologiques.

  1. Tous les échantillons de sérum provenant de cas soupçonnés de rougeole sont également contrôlés pour les anticorps IgM spécifiques au parvovirus B19 et à la rubéole, ce qui constitue un «dépistage des éruptions rouges», dans un délai d'exécution maximum de 72 heures. Dans l'idéal, ces tests devraient tous être effectués dans le même laboratoire.

  2. Les professionnels de la santé connaissent les délais à respecter pour la collecte des prélèvements en vue des tests sérologiques et savent qu'ils doivent recueillir au moins 3 mL de sang (p. ex., un plein tube pédiatrique).

  3. Seules les trousses recommandées par le LLCM sont utilisées pour tester les IgM spécifiques à la rougeole (voir annexe D).

  4. Tous les prélèvements de sérum qui ont donné des résultats sérologiques IgM positifs ou indéterminés ainsi que de 5 % à 10 % des prélèvements de sérum qui ont donné des résultats négatifs devraient être envoyés au LLCM pour confirmation par l'épreuve d'immuno-capture de l'IgM. Les prélèvements dont la sérologie IgM a été négative mais qui proviennent de personnes qui satisfont à la définition du cas clinique de la rougeole devraient également être envoyés au LLCM. Il est crucial que tous les échantillons envoyés au LLCM soient accompagnés des renseignements cliniques (voir annexe A) afin de permettre l'analyse sérologique et/ou génétique.

  5. Le laboratoire qui effectue les tests sérologiques communique tous les résultats au médecin qui a demandé le test le jour où ils sont disponibles, et tous les tests positifs pour la rougeole et la rubéole sont déclarés au service local de santé publique dans les 24 heures suivant l'obtention des résultats en question.

Le laboratoire provincial ou territorial doit s'assurer que les conditions suivantes sont respectées en ce qui concerne l'isolement et/ou la culture du virus.

  1. Que les laboratoires sont préparés à informer les clients du moment optimal pour la collecte des prélèvements et à leur fournir des instructions relatives à la manipulation, particulièrement :

    • Un écouvillonnage du nasopharynx ou un prélèvement de gorge doivent être obtenus dans les 4 jours suivant l'apparition de l'éruption et un prélèvement d'urine stérile (environ 50 mL) devrait être obtenu dans les 7 jours suivant l'apparition de l'éruption afin d'augmenter les chances d'isolement du virus.
    • Tous les prélèvements devraient être placés sur de la glace et transportés immédiatement au laboratoire pour subir les analyses appropriées (voir annexe C).
    • Les prélèvements devraient être traités dans les 48 heures ou congelés à -70 °C dans un milieu de transport des virus (voir annexe C).

  2. Il existe une procédure pour le transfert des prélèvements vers un laboratoire qui peut isoler le virus, et les clients ainsi que les services locaux de santé publique connaissent cette procédure. (Pour les laboratoires qui ne sont pas en mesure d'isoler le virus, le Laboratoire national des exanthèmes viraux du LLCM peut fournir des services de traitement des prélèvements et d'isolement des virus. Les arrangements devraient être effectués à l'avance avec le LLCM.)

  3. Il existe des procédures pour envoyer les isolats de virus du laboratoire d'essais au LLCM où des mesures seront prises en vue de l'analyse génotypique des isolats. Le LLCM devrait s'assurer que les résultats de l'analyse génotypique sont envoyés au laboratoire d'isolement dans la journée ouvrable suivant la réception des résultats. Le laboratoire d'isolement devrait fournir les résultats au service local de santé publique et au service provincial ou territorial de santé publique dans la journée ouvrable suivant la réception du résultat du LLCM.

  4. Si l'isolement viral a été exigé pour la confirmation d'un cas en laboratoire (c-à-d. si aucune sérologie n'a été réalisée) :

    • le résultat de la tentative d'isolement du virus est communiqué au médecin qui a demandé le test le jour même où ce résultat devient disponible, et
    • les résultats positifs sont déclarés par le laboratoire au service local de santé publique dans les 24 heures suivant leur obtention.

Le laboratoire provincial ou territorial doit s'assurer que les conditions suivantes sont respectées en ce qui concerne les épreuves de compétence.

Puisqu'il est important de conserver un haut niveau de compétence dans la fourniture des services de diagnostic de la rougeole au Canada, le LLCM offrira des programmes de vérification de la compétence.Tous les laboratoires fournissant des services de diagnostic de la rougeole doivent participer à ces programmes.

Annexe A DEMANDE RELATIVE AUX EXANTHÈMES VIRAUX

Annexe B DÉFINITIONS DE CAS DE LA ROUGEOLE

Les définitions de cas de rougeole ont été élaborées à l'occasion de la Conférence de concertation sur la rougeole (1992) et revues par le Comité consultatif de l'épidémiologie. Elles ont été publiées dans les Directives pour la lutte contre les épidémies de rougeole au Canada (1995)(1). Les définitions de cas ci-dessous ont été examinées et approuvées par la GTERC.

Cas confirmé

L'une des définitions suivantes :

  • une augmentation importante du titre des anticorps sériques dans des prélèvements de sérum entre la phase aiguë et la phase de convalescence ou la présence d'IgM spécifiques à la rougeole dans les cas présentant un tableau clinique ou épidémiologique évocateur
  • un cas de rougeole clinique chez une personne qui est un contact connu d'un cas confirmé en laboratoire
  • la détection du virus de la rougeole dans des prélèvements appropriés.

Cas clinique

Tous les symptômes suivants :

  • une fièvre de >=38,3 oC
  • une toux, un coryza ou une conjonctivite suivi(e) de
  • une éruption maculo-papuleuse généralisée pendant au moins 3 jours.

Cas suspect

Tous les symptômes suivants : une fièvre de >= 38,3 oC une toux, un coryza ou une conjonctivite suivi(e) de l'apparition d'une éruption maculo-papuleuse généralisée.

Annexe C ISOLEMENT DU VIRUS DE LA ROUGEOLE

Historique

L'isolement du virus de la rougeole est un moyen d'établir un diagnostic définitif de la rougeole. La culture du virus de la rougeole est maintenant un moyen plus fiable grâce à l'utilisation de la lignée de cellules B95-8, soit une lignée de cellules lymphoblastoïdes du virus Epstein-Barr transformées reconnues comme étant très sensibles pour isoler le virus de la rougeole de prélèvements cliniques. Étant donné le progrès accompli pour l'éradication de la rougeole dans les Amériques, il sera très important d'examiner les isolats de virus provenant d'autant d'épidémies et de cas sporadiques possible pour la surveillance des lignées et d'identifier la source du virus. De ce point de vue, l'isolement du virus est important. Les techniques automatisées du séquençage de l'ADN sont maintenant disponibles pour effectuer la caractérisation génétique des isolats viraux. Ces techniques, en plus de l'existence d'une base de données renfermant de l'information sur les séquences nucléotidiques, permettent maintenant d'identifier la source de virus sauvages et de faire rapidement la distinction entre les souches de type sauvage et les souches vaccinales.

Étant donné que l'isolement du virus peut prendre des jours, voire même des semaines, on doit alors toujours accorder la priorité à la sérologie des IgM pour effectuer le diagnostic en laboratoire de la rougeole. On doit prendre des prélèvements aux fins de l'isolement du virus en même temps que les prélèvements sanguins, car un retard dans la collecte réduira les chances d'isoler le virus. On ne doit pas prendre des écouvillonnages du nasopharynx ou des prélèvements de gorge ou des échantillons d'urine au lieu d'un prélèvement sanguin, car celui-ci est requis pour le diagnostic sérologique.

Protocoles pour l'isolement du virus de la rougeole+

On devrait obtenir des prélèvements en vue de l'isolement du virus aussitôt que possible après l'apparition d'une éruption. Il faut toujours obtenir un échantillon d'urine et, si possible, essayer d'obtenir un écouvillonnage du rhinopharynx ou de la gorge.

Prélèvement et traitement des échantillons

Échantillons respiratoires (écouvillonnages du nasopharynx ou prélèvements de gorge)

  • Obtenir un échantillon aussitôt que possible après l'apparition de l'éruption, au plus tard 4 jours après.

  • Utiliser des écouvillons stériles pour obtenir des prélèvements du rhinopharynx ou de la gorge. Comme le virus s'associe aux cellules, il faut essayer d'écouvillonner la gorge et les voies nasales pour prélever des cellules épithéliales. Placer les écouvillons dans un tube contenant de 2 mL à 3 mL de milieu de transport des virus (soit : le soluté tampon de phosphate ou une solution isotonique appropriée comme le milieu de culture «Hank's BBS» contenant des antibiotiques [100 unités/mL de pénicilline, 100 µg/mL de streptomycine] et soit du sérum de foetus de bovin à 2 % ou de la gélatine à 0,5 %).

  • Conserver tous les prélèvements au réfrigérateur (approximativement 4 oC) et les expédier au laboratoire aussitôt que possible pour analyse, en prenant soin de les mettre sur de la glace humide.

  • Au laboratoire, retirer les écouvillons du milieu de transport des virus après avoir attendu au moins une heure pour permettre l'élution du virus. Centrifuger ensuite l'éluant 15 minutes à 2 500 x g, à 4 oC. Remettre en suspension le culot dans 1 mL de milieu de culture de tissus. Si possible, conserver le surnageant séparément dans une autre éprouvette. Procéder ensuite à l'isolement du virus (les prélèvements peuvent être conservés à 4 oC pendant 24 heures) ou congeler les échantillons à -70 oC et les expédier sur de la glace sèche au laboratoire approprié en vue de l'isolement du virus.

Prélèvements d'urine

  • Obtenir un échantillon d'urine (de 50 mL à 100 mL) dans les 7 jours qui suivent l'apparition de l'éruption.

  • Conserver l'échantillon d'urine à 4 oC et procéder à l'analyse dans les 48 heures.

  • Au laboratoire, centrifuger 50 mL d'urine 15 minutes à 2 500 x g, à 4 oC pour obtenir un culot. Remettre le sédiment en suspension dans 2 mL de milieu de transport des virus ou tout autre milieu de culture (soit les milieux DMEM, EMEM ou RPMI et des antibiotiques). Effectuer immédiatement l'isolement du virus ou congeler les échantillons à -70 oC et les expédier sur de la glace sèche, au laboratoire approprié en vue de l'isolement du virus.

    S'il n'est pas possible de centrifuger les prélèvements d'urine, il ne faut pas les congeler. On doit alors conserver l'échantillon entier d'urine au réfrigérateur et l'expédier, sur de la glace humide, au laboratoire approprié. Il faut prendre soin de sceller le contenant de transport utilisé pour éviter les fuites.

Isolement du virus

Lignée de cellules B95-8 (B95-a)

La lignée de cellules B95-8 est la lignée de premier choix pour effectuer l'isolement primaire du virus de la rougeole(2), et on peut obtenir cette lignée de cellules de la American Type Culture Collection (no CRL 1612). Veuillez noter qu'on doit manipuler cette lignée de cellules comme une lignée de cellules infectieuses pouvant transmettre le virus d'Epstein-Barr.

La croissance des cellules B95-8 se fait légèrement attachée à la surface du milieu de culture, s'il s'agit du milieu de culture DMEM auquel on a ajouté 100 unités/mL de pénicilline, 100 mg/mL de streptomycine, 0,25 mg/mL d'amphotéricine (fungizone) et du sérum de foetus de bovin. Dans ces conditions, lorsque les cellules B95-8 croissent en monocouche attachée, on parle de cellules B95-a. La croissance des cellules est maintenue par l'ajout de sérum de foetus de bovin à une concentration de 5 % à 10 %. On utilise le sérum de foetus de bovin d'une concentration de 2 % pour maintenir les cellules pendant l'isolement du virus. Cultiver les cellules dans un incubateur humide au gaz carbonique à 37 oC. On peut conserver les stocks de cellules à -70 oC à l'aide d'un milieu de cryoprotection standard (sérum de foetus de bovin à 50 %, DMSO à 10 % et milieu de culture DMEM à 40 %).

On peut repiquer les cellules B95-a en traitant brièvement les couches simples de cellules en ajoutant de la trypsine d'EDTA à 0,05 % pour libérer les cellules de la surface de la culture de tissus. Prendre garde de ne pas trop trypsiniser. Neutraliser la trypsine en ajoutant le milieu de culture DMEM contenant du sérum de foetus de bovin à 10 %. Le rapport de séparation des cellules d'une culture d'une couche simple est habituellement 1:3. Les cellules ont tendance à «flotter» et croissent en amas en suspension dans le milieu au fur et à mesure que la densité des cellules augmente. Ces cellules sont viables et peuvent être repiquées par un léger pipetage pour briser les amas, qui pourront ensuite être réensemencées à une plus faible densité.

On peut transporter les cellules B95-a à la température ambiante dans une fiole de culture de tissus de 75 cm2 ou 25 cm2 dans laquelle on a ajouté du milieu de culture pour aider à conserver les cellules en amas. Lors de la réception, il faut examiner la couche de cellules. Si vous remarquez qu'un grand nombre de cellules flottent librement, faites légèrement tournoyer le milieu pour récupérer les cellules qui pourront alors être ajoutées à la fiole ou à une autre fiole en vue du repiquage. Ajoutez de 30 mL à 50 mL de milieu de culture DMEM et du sérum de foetus de bovin à 2 % à une fiole de 75 cm2 en vue de la conservation.

Des cellules B95-a infectées par le virus de la rougeole peuvent entraîner la formation d'un syncytium et avoir un effet cytopathologique de cellules géantes seulement 48 heures suivant l'inoculation. Cependant, on devrait tenter ensuite d'isoler des cultures pendant 7 à 8 jours et d'effectuer deux à trois repiquages aveugles avant d'écarter la possibilité d'isoler le virus de la rougeole.

Inoculation de prélèvements en vue de l'isolement du virus de la rougeole (méthode de la fiole - CDC)

  1. Repiquer les cellules, les séparer dans des fioles de 25 cm2 dans un rapport de 1:3 ou de 1:4, et les incuber pendant 24 à 48 heures. Lors de l'inoculation du prélèvement, le taux de confluence devrait se situer entre 75 % et 85 %.

  2. Pour l'inoculation, décanter le milieu de culture, ajouter de 1,0 mL à 1,5 mL de milieu de culture DMEM et des 2 x antibiotiques, puis ajouter de 0,1 mL à 1,0 mL du prélèvement, selon la concentration. Conserver le reste du prélèvement, car il peut encore être utile pour l'analyse par l'amplification en chaîne par polymèrase (PCR).

  3. Incuber à 37 oC pendant 1 heure.

  4. Décanter le milieu de culture dans de l'eau de javel et le remplacer par de 5 mL à 10 mL de milieu de culture DMEM contenant du sérum de foetus de bovin à 2 % et des 2 x antibiotiques.

  5. Changer le milieu de culture tous les 3 ou 4 jours et repiquer les cellules en les séparant dans un rapport de 1:3 aux 7 à 9 jours. Vérifier la présence de l'effet cytopathologique tous les jours.

  6. Faire au moins trois repiquages aveugles avant de mettre fin à l'essai d'isolement du virus.

  7. En présence de l'effet cytopathologique, continuer à alimenter les cellules jusqu'à ce que l'effet cytopathologique soit complet. Il peut être nécessaire de repiquer les cellules une autre fois pour permettre à l'effet cytopathologique de prendre l'ampleur désirée. Lorsqu'il atteint son maximum, obtenir un culot de cellules, le remettre en suspension dans 1 mL de milieu de culture DMEM et le congeler à -70 oC.

  8. En cas de contamination d'un milieu de culture, on peut diluer le prélèvement original dans du milieu de culture DMEM et le passer dans un filtre de nitrocellulose de 0,45 mm et ensuite l'utiliser pour inoculer des cellules fraîches de B95-a.

  9. La confirmation du milieu de culture peut se faire à l'aide de la méthode d'immunofluorescence des anticorps ou de la PCR.

N'oubliez pas de conserver une petite quantité du prélèvement clinique original, car on pourrait s'en servir pour effectuer un deuxième essai d'isolement si des problèmes surviennent lors du premier essai. On pourrait également l'utiliser pour effectuer une analyse par PCR.

Inoculation de prélèvements aux fins d'isolement du virus (méthode du flacon cylindrique)

Certains laboratoires au Canada considèrent que la méthode du flacon cylindrique est très pratique et donne d'excellents résultats. Cette méthode comprend les étapes suivantes.

Conservation des cellules B95-8

  1. Les cellules B95-8 sont habituellement conservées dans un flacon de 25 cm2 à la verticale. Conservées dans 10 mL de milieu de culture RPMI, les cellules se déposent au fond du flacon.

  2. Sans remuer les cellules, enlever soigneusement 9 mL de milieu de croissance chaque semaine et le jeter, en laissant 1 mL de cellules en suspension. Ajouter 9 mL de milieu de croissance frais (se reporter à la formule ci-dessous). Si on a besoin de cellules supplémentaires, on peut séparer chaque flacon dans un rapport de 1:3.

  3. Il n'est pas nécessaire d'effectuer une trypsinisation parce que les cellules ne s'attachent pas.

  4. On peut réduire la densité des cellules en les soumettant à la centrifugation et en les remettant en suspension dans un milieu de croissance frais à la densité requise. On peut conserver ces cellules à -70 oC dans un cryoprotecteur approprié et les reprendre plus tard au besoin.

Milieu de croissance pour les cellules B95-8

  • 500 mL de milieu de culture RPMI 1640 (Gibco, no de cat. 21870-076, sans glutamine).
  • Effectuer un prélèvement aseptique de 56 mL du milieu de croissance et le conserver pour usage ultérieur.
  • Ajouter 50 mL de sérum de foetus de bovin (inactivé par la chaleur) au milieu de croissance qui reste, soit 444 mL.
  • Ajouter 1 mL d'une solution de pénicilline-gentamicine (concentration finale de la pénicilline 100 unités/mL; la gentamicine 10 mg/mL).
  • Ajouter 5 mL de glutamine de 300 mM.

Inoculation

  1. Inoculer deux flacons cylindriques à l'aide d'une lamelle par spécimen avec 106 de cellules dans 0,2 mL de milieu de croissance et 0,2 mL de spécimen.

  2. Centrifuger 45 minutes à 1 000 x g à la température ambiante.

  3. Après la centrifugation, enlever l'inoculum et ajouter 1 mL de milieu de conservation contenant du sérum de foetus de bovin à 2 %.

  4. Incuber à 37 oC et vérifier 48 heures plus tard la formation du syncytium et ensuite tous les jours, pendant jusqu'à 6 jours.

  5. Lorsque l'effet cytopathologique est remarqué (au moins 50 % des cellules), ou après 6 jours d'incubation, centrifuger un flacon 10 minutes à 900 x g.

Si l'on doit procéder à l'isolement du virus pour confirmer le cas, on doit suivre les étapes 6 et 7.

  1. Aspirer le milieu de conservation du flacon, le fixer en ajoutant 1 mL d'acétone et le laisser reposer pendant 15 minutes. Enlever l'acétone et laver avec du soluté tampon de phosphate pour le débarrasser de tout résidu d'acétone.

  2. Aspirer le soluté tampon de phosphate et appliquer un colorant immuno- fluorescent de la rougeole sur la lamelle (dans le flacon) en suivant le mode d'emploi du fabricant (Light Diagnostics - Chemicon; distribué au Canada par Bio/Can).

Sinon, inoculer des cellules B95-8 fraîches dans un flacon de 75 cm2 avec le virus jusqu'à ce que survienne l'effet cytopathologique; suivre ensuite les étapes 7 et 8 du protocole susmentionné.

  1. Si l'effet cytopathologique ne se produit pas après 6 jours, on prendra la couche simple du deuxième flacon pour la mettre dans un ou des flacons frais pour la faire incuber davantage.

Il ne faut pas oublier de conserver une petite quantité du prélèvement clinique original, car on pourrait s'en servir pour effectuer un deuxième essai d'isolement si des problèmes surviennent lors du premier essai. On pourrait également l'utiliser pour effectuer une analyse par PCR.

Expédition d'isolats de virus de la rougeole

Pour expédier des isolats de virus de la rougeole, il est préférable de les mettre dans un flacon de milieu de culture de tissus de 25 cm2. On devrait ensemencer et infecter les cellules juste avant leur expédition. Une fois les cellules infectées, remplir les flacons jusqu'au rebord avec du milieu de culture DMEM (et des antibiotiques et du sérum de foetus de bovin à 2 %). Visser solidement le bouchon et sceller le flacon avec du parafilm. Il est préférable de placer le flacon dans un contenant étanche comme un sac à fermeture par pression et glissière et de l'expédier à la température ambiante.

Autrement, on peut obtenir un culot des cellules infectées, les remettre en suspension dans un petit volume de milieu de culture DMEM et les faire congeler à -70 oC avant de les mettre sur de la glace sèche pour les expédier.

Pour obtenir des renseignements sur l'envoi de sérums, de prélèvements cliniques et d'isolats de virus de la rougeole, veuillez communiquer avec le LLCM.

Laboratoire national des exanthèmes viraux, Bureau 108, Laboratoires de virologie, LLCM, Édifice no 10, Indice à l'adresse 1001C, Pré Tunney, Ottawa (Ontario) K1A 0L2, Téléphone : (613) 957-9068, Télécopieur : (613) 954-0207. Chef, Laboratoire national des exanthèmes viraux, Dr Graham Tipples, Téléphone : (613) 946-1488, Cour. élec. :graham_tipples@hc-sc.gc.ca

Nota : Après le 1er juin 1998, l'adresse sera : Laboratoire national des exanthèmes viraux, Bureau de microbiologie; Laboratoires fédéraux, Bureau H5790, 1015 rue Arlington, Winnipeg (Manitoba) R3E 3R2.

Annexe D

RECOMMANDATION ACTUELLE SUR LES TROUSSES COMMERCIALES DE TESTS SÉROLOGIQUES POUR L'IgM ROUGEOLEUSE

Les trousses commerciales de tests sérologiques pour l'IgM rougeoleuse donnent des résultats faux positifs et faux négatifs. Vers la fin de 1996, on a évalué quelques trousses commerciales d'épreuves immunoenzymatiques (épreuves indirectes) de l'IgM rougeoleuse. On a évalué entre autres les produits des compagnies suivantes : Behring Enzygnost (Marburg, Allemagne), Chemicon International, Inc. (Temecula, Californie), Clark Laboratories, Inc. (Jamestown, New York), Gull Laboratories, Inc. (Salt Lake City, Utah) et Pan-Bio (East Brisbane, Australie). Parmi les produits de ces compagnies, le test de la compagnie Behring Enzygnost correspond le mieux à l'état clinique et à l'«étalon-or» de l'épreuve d'immunocapture de l'IgM du CDC. (L'épreuve d'immunocapture de l'IgM du CDC a l'avantage d'être plus sensible et précise et est moins influencée par des résultats faussement positifs que les épreuves d'immuno-essais enzymatiques, d'où la raison pour laquelle elle constitue l'étalon-or.) Chemicon possède une nouvelle génération de trousses fondées sur la technologie de la capture de l'IgM. Cette nouvelle trousse fait présentement l'objet d'une évaluation. Cependant, jusqu'à nouvel ordre, le GTERC recommande d'utiliser le test de sérologie pour l'IgM rougeoleuse de la compagnie Behring Enzygnost.

Références

  1. LLCM. Directives pour la lutte contre les épidémies de rougeole au Canada. RMTC 1995;21:189-95.

  2. Kobune, F, Sakata H, Sugiura A. Marmoset lymphoblastoid cells as a sensitive host for isolation of measles virus. J Virol 1990;64:700-05.

Source :Groupe de travail sur l'éradication de la rougeole au Canada, Sous-groupe de questions touchant les laboratoires (Drs J Carlson [président], H Artsob, M Douville-Fradet, P Duclos, M Fearon, S Ratnam, G Tipples, P Varughese, B Ward, and Ms J Sciberras).

* Une élévation importante (x4) du titre des IgG à des dosages tels que la fixation du complément ou l'hémagglutination a été utilisée dans le passé pour définir des augmentations importantes des titres d'anticorps. Ces tests ont principalement été remplacés par les dosages enzymo-immunologiques qui peuvent, ou non, permettre les mesures quantitatives. De nombreux dosages enzymo-immunologiques des IgG tels que le test Behring Enzygnost utilisent une technique légèrement modifiée pour mettre en évidence une élévation importante du titre des anticorps entre les prélèvements de sérum au stade aigu et pendant la convalescence. Sinon, des prélèvements appariés peuvent être envoyés à un centre de référence pour la fixation du complément, l'hémagglutination ou le test de séro-neutralisation par réduction des plages. + Les protocoles originaux, sauf la méthode du flacon cylindrique, sont fondés sur la méthode du Dr William Bellini, section de la rougeole, Centers for Disease Control and Prevention aux É.-U.

 

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Dernière mise à jour : 2002-11-08 début