Le vendredi 9 mai 2008
Hôtel Westin Harbour Castle, Toronto (Ontario)
David Butler-Jones,
administrateur en chef de la santé publique du Canada
VERSION NON DÉFINITIVE
Bonsoir, il me fait grand plaisir d’être ici parmi vous.
Croyez-le ou non mais, durant quelques années, j’ai eu une chronique sur des questions de santé dans treize journaux quotidiens et hebdomadaires de la région du centre de l’Ontario. J’animais aussi une chronique hebdomadaire à la radio, habitude que j’ai conservée lorsque je suis déménagé en Saskatchewan en qualité de premier médecin hygiéniste en chef de cette province.
À mon sens, c’est un mode de communication très important qui vise essentiellement à aider les gens à comprendre et discerner quelles sont les mesures qui leur conviennent. C’est une tâche qu’il me tarde d’assumer de nouveau cette année.
Je tiens à féliciter tous les finalistes et gagnants. Félicitations à vous et à vos collègues qui œuvrez dans le domaine du journalisme communautaire.
Outre qu’ils m’ont procuré un grand réconfort à l’époque, les propos d’un de mes entraîneurs de volley-ball à l’école secondaire m’ont toujours paru empreints d’une grande sagesse. Son message, que je prends à cœur, est le suivant : même si vous ne gagnez pas, vous êtes meilleurs que tous ceux qui n’ont pas fait d’effort… comme vous pouvez l’imaginer, je n’étais pas le joueur le plus talentueux de l’équipe.
Ce n’est pas une confession personnelle que je vous fais en vous racontant cette histoire. Et je ne veux surtout pas non plus mettre en doute le talent exceptionnel des finalistes et des gagnants. Je tiens tout bonnement à souligner l’importance de s’engager, de voir ce que nous faisons et accomplissons non seulement comme une réalisation personnelle mais également comme un sport d’équipe.
Si l’on en croît Woody Allen, 80 % du succès consiste à faire acte de présence. Mais ce n’est pas si simple. Il est important de s’engager activement dans une tâche dont nous tirons un enseignement ou à laquelle nous apportons notre contribution. Il est important d’exceller sur le plan individuel mais la majorité de nos actes et notre réussite dépendent d’une action collective sur le plan de la famille, de la collectivité ou du groupe de travail. Les journaux des collectivités s’inspirent de la vie, des célébrations et des défis de celles-ci. Rien n’est plus fondamental à mon avis.
On trouve désormais plusieurs définitions de la santé publique mais celle que j’utilise est la suivante : « les efforts concertés de la société pour améliorer la santé et le bien-être et réduire les inégalités en matière de santé ». La politique, non partisane s’entend, entre en ligne de compte en l’occurrence. À l’instar de la politique, la santé publique relève du domaine pratique et n’est donc pas parfaite. Il s’agit de viser juste dans 90 % des cas et non pas de viser 100 % dans un très petit nombre de cas. Il s’agit de l’intérêt public qui est ciblé en premier lieu dans le domaine de la santé et, en tant que tel, de la principale préoccupation des gouvernements, en dépit du fait qu’ils ont récemment assumé la tâche importante de gérer un régime d’assurance des soins médicaux.
Alors, quand je vous parle de santé publique, quelle image vous vient à l’esprit?
Celle du système de soins de santé publique?
La peste et la pestilence? Pensez-vous à une possible pandémie, ou encore à l’épidémie de SARS qui a eu de multiples conséquences, entre autres la création de l’Agence de santé publique du Canada et du poste que j’ai le privilège d’occuper?
La salubrité de l’eau et le traitement des eaux usées qui ont permis d’éradiquer bon nombre de maladies autrefois répandues?
La vaccination qui a relégué aux oubliettes, du moins dans notre pays, des maladies dévastatrices comme la variole qui fauchaient autrefois les enfants?
Les règlements et inspections sanitaires en vertu desquels les aliments consommés au restaurant ont moins de chances d’être contaminés que ceux servis dans nos foyers? Car même si nous entendons parler des personnes tombées malades après avoir consommé des aliments toxiques servis dans des restaurants ou par des traiteurs puisque ces cas sont largement diffusés et touchent plusieurs personnes, il n’en reste pas moins qu’environ le tiers des membres de la population souffrent d’intoxication alimentaire chaque année après avoir pris un repas à la maison ou chez des amis – mais seules une, deux ou trois personnes sont touchées dans ces cas et non pas des dizaines ou des centaines.
Qu’en est-il des épidémies de maladies chroniques et des facteurs de risque comme le tabagisme et l’obésité, et de la constatation que si les tendances persistent, il est possible que les enfants de la présente génération soient les premiers à mourir à un plus jeune âge, ou à être plus malades, que leurs parents?
Je veux attirer votre attention sur l’une des inventions les plus importantes de tous les temps, d’une importance cruciale en fait, pour la santé des humains : le savon. Le lavage de mains est l’une des manières les plus simples et les plus efficaces de prévenir la propagation de bon nombre de vilaines maladies fort répandues.
Fait intéressant à noter au sujet du lavage des mains, lorsque la grippe aviaire faisait la manchette des médias, il était rare de voir dans les toilettes, du moins celles réservées aux hommes puisque je n’en fréquente pas d’autres, il était rare donc de voir en ces lieux des gens qui omettaient de se laver les mains. Mais nous avons baissé notre garde et il est de plus en plus fréquent de voir des gens négliger de prendre cette précaution élémentaire.
Est-ce la constellation des déterminants sociaux qui est en cause, à savoir l’économie, la position sociale, l’éducation, les connexions ou autres facteurs importants qui sous-tendent le risque fondamental de maladie ou de décès prématurés?
Donc, qu’est-ce que la santé publique?
Plus simplement, il s'agit de la promotion de la santé, de la prévention des maladies, de la protection de la population et du prolongement de la durée de vie. Posons-nous les questions suivantes : quels facteurs nuisent à notre santé et que pouvons-nous faire à ce sujet?
Les soins de santé sont, en grande partie, centrés sur la personne et, même s’ils comportent certains éléments de prévention, ils sont fondamentalement axés sur le traitement des maladies et des blessures et sur les soins de soutien.
Par contre, la santé publique vise l’ensemble de la population et, bien qu’elle comprenne des traitements et des soins, elle est principalement axée sur la prévention et la réduction du besoin de traitement. Pris ensemble, ces deux éléments assurent la complétude du système de la santé.
La santé publique regroupe diverses questions comme l’assainissement de l’eau, les installations sanitaires, l’étiquetage nutritionnel, les vaccins, les ceintures de sécurité, les interventions en cas de catastrophe ou de maladie, la sécurité dans le milieu de travail, les inspections des aliments et des restaurants, sans parler de toutes les mesures prises pour prévenir les maladies chroniques comme le cancer et le diabète, les maladies pulmonaires, les maladies cardiaques. Même les programmes de bien-être social, l’assurance-emploi, le logement abordable entrent en ligne de compte dans la santé de la population.
Bref, la santé publique telle que nous la connaissons est la somme des politiques, règlements, programmes et personnes se rattachant à ce qui précède et bien plus encore. Elle est le fruit de la collaboration de tous les ordres de gouvernement et de tous les secteurs de la société, depuis la santé jusqu’à la justice en passant par les transports ou autres.
Elle touche également la collectivité. Qu’est-ce qui fait qu’une collectivité est en santé, fonctionnelle et prospère?
Comment pouvons-nous expliquer que, parmi les hameaux ou villages qui sont comparables du point de vue de l’économie, de l’héritage génétique et de la géographie, certains sont en santé alors que d’autres ne le sont pas?
Lorsque vous parcourez les rues d’une collectivité de la Saskatchewan ou d’ailleurs, vous pouvez vous faire une idée de son état de santé d’après l’allure des maisons et des jardins, la façon dont les habitants interagissent et vous souhaitent, ou non, la bienvenue. Où se situe la différence et comment pouvons-nous transformer une collectivité plus ou moins dysfonctionnelle en une collectivité fonctionnelle?
Tout est relié. Notre santé et notre prospérité dépendent, non seulement des ressources ou services en santé publique ou des services de santé, mais également des interactions de ces éléments.
Donc, qu’en est-il de la santé?
La plupart d’entre nous préfèrent éviter un pontage coronarien plutôt que d’avoir à se rétablir d’une telle intervention. Cela n’est toutefois pas évident lorsqu’on écoute ou lit les nouvelles.
Par exemple, combien d’entre vous savent qu’on a découvert, à l’issue de l’examen des résultats des chirurgies pour cataracte dans une grande ville canadienne, qu’un quart des patients avaient constaté une détérioration de leur vision? Ces personnes avaient-elle vraiment besoin de cette chirurgie? Par ailleurs, d’autres personnes, qui ne peuvent plus lire ni conduire, demeurent inscrites sur une liste d’attente. Le problème en l’occurrence c’est la gestion et non pas le besoin.
Quelle a été l’incidence sur la santé de la fermeture de petits hôpitaux ruraux en Saskatchewan? Une fois pris en compte l’âge et d’autres facteurs importants, nous avons constaté une amélioration de la santé, en général, dans toutes les régions de la Saskatchewan, en particulier dans les collectivités où des hôpitaux avaient été fermés. Les pires résultats ont été enregistrés dans les collectivités dont la taille et la situation étaient comparables qui avaient conservé leurs hôpitaux.
Comportement contre-intuitif? Pas vraiment.
Par exemple, lorsque nous avons réellement besoin de soins, il est préférable de parcourir une plus grande distance pour se rendre à un bon hôpital plutôt que de s’attarder dans un endroit ne pouvant offrir que peu de soins intensifs. Qui plus est, en mettant l’accent sur l’efficacité des soins primaires et la prévention, nous obtenons de meilleurs résultats que si nous attendons que les problèmes se manifestent avant de passer à l’action.
Portons-nous attention aux résultats d’études successives qui ont démontré que les personnes qui ne sont pas susceptibles de mourir rapidement et sont inscrites sur une liste d’attente et reçoivent une greffe du cœur ne vivent pas plus longtemps en moyenne à la suite d’une telle intervention qu’une autre personne au même stade qui n’a pas subi de greffe du cœur? Intéressant.
Plus n’est pas toujours mieux.
Ici au Canada, les maladies chroniques coûtent à elles seules plus de 100 milliards de dollars chaque jour – les pertes de productivité et le coût direct réel étant pris en compte dans ce calcul. Même si nous ne pouvons pas prévenir toutes les maladies chroniques, nous pouvons prévenir bon nombre d’entre elles.
L’essentiel n’est pas de prolonger d’un ou deux ans la vie des patients. En toute honnêteté, là n’est pas la question. Il s’agit plutôt d’éviter que des personnes mènent une vie d’invalide pendant cinq ou dix ans et perdent leur qualité de vie. Ou, comme l’a si bien dit Aldous Huxley : « J’aimerais mourir jeune, mais le plus tard possible. »
Ou prenons l’exemple d’une maladie infectieuse comme la polio. Nous ne nous préoccupons pas beaucoup de la polio de nos jours mais bien plutôt des temps d’attente, par exemple, pour les chirurgies de remplacement de la hanche ou du genou.
Voyons le problème sous un angle différent : si nous n’avions pas éradiqué la polio au Canada, les chirurgies de remplacement de la hanche et du genou ne retiendraient pas l’attention car tous les chirurgiens orthopédistes que nous formerions seraient trop occupés à composer avec les effets de la polio pour avoir le temps de pratiquer de telles interventions.
Fait intéressant à noter, le coût des vaccins contre la polio est d’environ 60 millions de dollars par année. Toutefois, si nous ne procédions pas à cette vaccination, nous devrions dépenser approximativement 45 fois plus d’argent pour des poumons d’acier – et ce n’est que l’une des formes de traitement offertes à une très faible minorité des personnes atteintes.
Et n’eût-ce été de la guerre et des troubles sociaux, nous aurions réussi à éliminer la polio comme la variole. Franchement, sans les vaccins, les salles des hôpitaux seraient encore pleines à craquer de jeunes gens souffrant des complications de la rougeole, de la coqueluche et d’autres maladies épidémiques qui étaient fréquentes autrefois et il y aurait beaucoup plus de décès parmi ceux-ci. Plutôt que de n’avoir à traiter que quelques cas de ces maladies chaque année, nous serions encore aux prises avec des épidémies qui toucheraient des milliers et des dizaines de milliers de personnes.
La question d’en arriver à un équilibre entre la prévention et le traitement fait en ce moment, ou devrais-je dire constamment, l’objet d’un débat. Les deux sont des éléments essentiels et tous deux sont importants. Le débat a également de l’importance car, d’une manière plus générale, ce dont nous discutons c’est du genre de société que nous voulons construire. Certes, nous le reconnaissons. Il est prouvé qu’une société qui comprend l’importance d’en arriver à un équilibre entre la prévention et le traitement des maladies et de consolider les assises qui sont des éléments majeurs de notre santé est, d’ordinaire, plus prospère. Et si la santé est le résultat ciblé, nous devons nous concentrer sur les mesures assurant une santé optimale quelle que soit la manière dont on s’y prend pour les mettre en application.
Quoi qu’on en dise, nous avons un préjugé contre la prévention, pour quelque raison que ce soit. J’ai pris part à une multitude de discussions où j’ai été sommé d’expliquer : « Pour quelles raisons devrions-nous investir dans la prévention? Les gens vivent plus vieux, ils continuent d’être suivis par un médecin et de toucher leur pension. Nous n’épargnons pas d’argent de la sorte. »
À mon avis, voilà bien le nœud de toute l’affaire. Sinon, pourquoi aurais-je si souvent été soigné pour une pneumonie attribuable à l’asthme lorsque j’étais enfant, à l’hôpital pour enfants qui se trouve tout près d’ici en fait? Pour le meilleur ou pour le pire, je suis encore vivant. Par conséquent, je continue d’avoir recours au système de santé et peut-être, du moins je l’espère, pourrais-je vivre assez longtemps pour toucher une quelconque pension.
Est-ce que le fait que nous vivons plus vieux et en santé pose un problème? Devons-nous aspirer à tomber malade et à suivre des traitements? Ce serait étrange et pourtant il semble que nous nous trouvions dans cette impasse.
Notre bonheur, notre économie, notre réussite, notre environnement, la manière dont nous assurons les besoins vitaux, la façon dont nous prenons soin les uns des autres – tous ces éléments sont liés à notre santé et à notre prospérité en tant que population.
Fait intéressant à noter, les personnes qui ont tissé de solides liens avec les membres de leur famille, des amis, des collègues, etc., ont deux fois moins de chances de mourir, à n’importe quel âge, que les personnes privées de tels liens, et ce, quel que soit l’âge ou le sexe. Il est important de nouer des liens, d’être l’objet d’attentions, d’aimer et d’être aimé.
Benjamin Disraeli a fait bon nombre de discours et de déclarations mémorables. L’une de mes citations préférées est celle-ci : « Il y a les mensonges, les grossiers mensonges et les statistiques. » Autrement dit, attachez-vous aux faits scientifiques et aux données pour éviter de confondre corrélation et causalité. C’est comme si on disait, par exemple, que les parapluies sont la cause de la pluie parce qu’on voit plus de parapluies quand il pleut. Je ne compte plus le nombre d’études qui présentent ce travers.
La deuxième citation de Disraeli, encore plus pertinente, date de l’époque où la Grande‑Bretagne, dont il était premier ministre, tentait de mettre sur pied des services de santé publique afin de contrer les épidémies de choléra, de variole et de typhoïde : « La santé publique est le socle sur lequel repose le bonheur des gens et le mieux-être de l’État ».
Par conséquent, nous nous efforçons de créer les conditions indispensables à la santé, ou plus précisément, dont nous avons besoin pour avoir la possibilité d’être en santé, et, lorsqu’il y a matière à choix, pour faire en sorte qu’il soit plus facile de faire les choix plus sains.
Fait intéressant à souligner, peu importe où vous habitez en Ontario, que ce soit au nord de la province ou à Toronto, le prix de l’alcool est partout le même. Il est cependant possible que le prix du lait soit de trois à quatre fois plus élevé selon la région où vous habitez. Qu’est-ce que cela signifie? Quelles sont les conséquences de cette situation? Voilà le genre de questions que nous devrions poser à mon sens. Et cela ne vaut pas seulement pour l’Ontario mais bien pour l’ensemble des provinces et territoires.
Pour trouver réponse à ces questions, nous devons examiner les causes des maladies et poursuivre notre investigation en analysant les causes sous-jacentes des causes, comme le dirait Sir Michael Marmot, et procéder de la sorte pour tous les segments de la société en vue d’apporter les changements nécessaires.
La création de l’Agence de la santé publique et du poste que j’ai le privilège d’occuper découle donc de l’épidémie de SARS. Cette épidémie est à l’origine de bon nombre d’examens et de leçons mais elle n’a pas été l’unique facteur en cause. De plus en plus de gens ont pris conscience du concept d’interconnectivité. Et cela vaut, non pas seulement pour North Battleford ou Walkerton, mais également pour le fardeau de plus en plus lourd des maladies chroniques, de l’obésité et des maladies évitables. Nous nous sommes rendu compte que nous devions améliorer nos sources d’approvisionnement, notre domaine d’intervention et notre coordination pour pouvoir lutter contre des maladies émergentes comme le SARS ou une éventuelle pandémie de grippe.
C’est dans cette optique que furent créés, en 2004, l’Agence de la santé publique du Canada et le poste d’administrateur en chef de la santé publique du Canada – ce dernier se trouvant être, en fait, le médecin principal du gouvernement fédéral. Celui que certains premiers ministres ou ministres se plaisent à appeler « Dr Canada ». La cape et les accessoires sont vendus séparément.
Personnellement, je préfère me considérer comme le médecin de famille de la nation.
Essentiellement, l’administrateur en chef de la santé publique cumule deux fonctions : premièrement, celle de sous-ministre traditionnel et, deuxièmement, de directeur de l’Agence et de conseiller du ministre de la Santé.
Entre autres tâches, je dois rendre compte chaque année au Parlement de l’état de la santé publique au Canada. Le premier de ces rapports doit être soumis un peu plus tard au cours de l’année et portera essentiellement sur les variations de l’état de santé des divers groupes de population au Canada, les raisons pour lesquelles cette question doit retenir notre attention et les mesures que nous pouvons prendre, en tant que société, pour corriger la situation.
L’indépendance est l’aspect qui différencie ce poste de celui des autres sous-ministres puisque les textes de loi confèrent à son titulaire le pouvoir de s’adresser aux gouvernements et à la population en toute liberté en ce qui a trait aux questions de santé publique. Comme je le souligne parfois, cela équivaut à avoir de multiples occasions de mettre un terme à sa carrière.
En toute honnêteté, voilà en quoi consiste le rôle de l’administrateur en chef à l’échelon local, provincial ou national. Si nous ne prenons pas ce rôle au sérieux, avec tout le respect qu’il mérite, nous n’accomplissons pas notre travail.
Essentiellement, la santé publique est une activité locale. C’est à l’échelon local que les gens vivent et sont, ou non, en santé. C’est à l’échelon de la collectivité que surviennent les catastrophes et les éclosions; même si cela peut se produire dans bon nombre de localités ou de pays à la fois, par exemple, dans le cas d’une pandémie ou d’un ouragan, mais il n’en reste pas moins qu’il s’agit d’une série d’événements locaux.
Il doit toutefois y avoir une connexion entre les divers échelons, local, régional, provincial, national et international. Chacun doit avoir une valeur ajoutée, qu’il s’agisse de services d’experts, de services de laboratoire, de ressources ou d’équipes.
Par exemple, la mise en quarantaine des passagers d’un train dans le nord de l’Ontario a suscité passablement d’intérêt aujourd’hui. Lorsque le problème potentiel a été cerné, les services de santé locaux, les services d’urgence et les responsables provinciaux ont été mobilisés. Nous avons confié à notre centre des opérations d’urgence le soin d’assurer la coordination de tous les intervenants, tant les effectifs locaux ou provinciaux, que les sociétés de transport, les compagnies ferroviaires, les services d’urgence, les agences de voyage, d’autres ministères fédéraux, et des collègues d’autres gouvernements. Et même si l’incident demeure tragique pour la personne en cause et ses proches, il n’a pas eu d’incidence sur le plan de la santé publique.
Cet incident, qui a malheureusement défrayé les manchettes internationales, a toutefois fait la preuve de l’efficacité de l’intervention des systèmes d’urgence en santé publique. Cela n’est pas le fruit du hasard puisque nous avions élaboré des plans, noué des liens et adopté une approche tous risques qui nous ont été fort utiles.
Et cent fois sur le métier nous remettons notre ouvrage.
Par exemple, il y a à peine quelques semaines, nous avons organisé une simulation en salle de conférences à laquelle un certain nombre de médias nationaux ont pris part. Le scénario prévoyait le déclenchement potentiel d’une pandémie de grippe dans le monde entier. Tout d’abord, seules de plus petites poussées laissaient entrevoir que quelque chose ne tournait pas rond. Par la suite, la véritable pandémie a très rapidement fait rage, balayant le Canada et toute la planète.
Grâce à ces simulations, nous pouvons mettre à l’essai nos plans d’intervention et de communications afin de relever et d’aplanir, avant que la pandémie ne se déclare, toute difficulté pouvant survenir. Chaque urgence est une affaire délicate et comporte toujours des surprises mais l’essentiel est d’éliminer le plus possible les problèmes afin de pouvoir s’adapter aux imprévus.
En cas de véritable urgence, les médias ont un rôle essentiel à jouer pour diffuser le bon message : ce que nous savons, ce que nous ne savons pas mais tentons de découvrir, ce que nous faisons et ce que la population peut faire pour se protéger et protéger les autres.
Quand je repense à ce qui s’est passé lors de l’épidémie de SARS, je trouve que certains rapports avaient beaucoup d’affinités avec les romans gothiques ou les œuvres de fiction de Robin Cooke : des virus suintaient de chaque pore, les organes cessaient tour à tour de fonctionner, l’envahisseur mystérieux était à nos portes... vous voyez ce que je veux dire.
Je me rappelle avoir eu une petite conversation avec un rédacteur qui disait : « Il n’y a rien d’effrayant dans tout ça. » Quoi qu’il en soit, fort heureusement, nous avons pu diffuser rapidement le genre de renseignements dont la population avait besoin et les médias ont pu poser des questions comme il se doit.
Prenons également comme exemple le rapport de la vérificatrice générale dont certains d’entre vous ont pris connaissance. Les nouvelles sont bonnes pour ce qui est de la surveillance puisque la vérificatrice reconnaît que d’immenses progrès ont été faits au cours des quelques années d’existence de l’Agence et que, même s’il serait avantageux de conclure d’autres ententes plus formelles avec les provinces et territoires, nous obtenons l’information et avons mis en place les mécanismes nécessaires. En fait, nous avons conclu une entente dont on parle rarement, approuvée en principe par les ministres de toutes les régions du pays, en vertu de laquelle tous les gouvernements doivent communiquer l’information nécessaire en cas d’urgence. En outre, nous sommes en voie d’élaborer des ententes bipartites concernant la diffusion des renseignements de caractère courant.
Nos systèmes de surveillance fonctionnent. À preuve, les nombreux incidents que nous avons déjà gérés, y compris celui survenu aujourd’hui, et le fait que l’Organisation mondiale de la Santé nous a fait savoir que, dans au moins 40 % de toutes les éclosions déclarées à l’échelle internationale, nous avons été les premiers à lui signaler le problème. Qui plus est, les autres pays s’inspirent de notre modèle de collaboration et d’efficacité. Assez parlé!
Je pense que vous serez d’accord avec Stephen Leacock, qui était à la fois un grand philosophe, un économiste et un humoriste, lorsqu’il disait que « la réussite, c’est 10 % d’inspiration et 90 % de transpiration ».
Je sais que nos cousins américains prétendent que c’est Thomas Edison qui a dit ça, mais nous savons bien que cela n’est pas le cas. Après tout, cette citation figure sur une murale à Orillia, alors elle doit être de Leacock. Du moins pouvons-nous dire que les grands esprits se rencontrent ou que ce n’est pas la première fois que nos cousins du sud s’approprient un talent ou une découverte du Canada. Quoi qu’il en soit, il ne suffit pas d’avoir de bonnes idées; il faut aussi travailler fort pour réussir. Comme je l’ai dit au tout début, c’est un sport d’équipe.
J’ai donc très hâte de travailler à l’avenir en étroite collaboration avec la CCNA. Nous aimerions que l’Agence de la santé publique du Canada soit un partenaire actif du travail que vous effectuez, et vice-versa.
Nous voulons que vos membres sachent qu’ils peuvent s’adresser à nous pour obtenir de l’information sur les questions de santé publique. Nous accueillons favorablement leurs demandes de renseignements et pouvons prendre des arrangements afin que les journalistes puissent s’entretenir avec l’un de nos experts sur une gamme de sujets, par exemple, la grippe, les pandémies, le cancer, les grossesses saines, le virus du Nil occidental, les mesures d’urgence et leur planification, etc.
Évidemment, vous tiendrez compte, et devez tenir compte, des connaissances spécialisées des services et des agents de santé publique de votre localité, mais, pour avoir un point de vue national, vous pouvez communiquer avec nous.
Nous faisons en sorte d’éviter ce que George Bernard Shaw qualifiait de plus grand problème de la communication, soit « l’illusion qu’elle a eu lieu ».
Félicitations à tous, en particulier aux finalistes et aux gagnants. Merci de m’avoir invité.