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Allocution du
Dr David Butler-Jones, Administrateur en chef de la santé publique du Canada

à l’occasion de

la 19e Conférence mondiale de l’UIPES
sur la promotion de la santé et l’éducation pour la santé

« Un autre pas en avant? »

Vancouver
le 15 juin 2007

Thank you, bonjour, buenas tardes.

Ma participation à cette conférence, parmi vous tous, a été une expérience des plus inspirantes.

Et ce fut, pour moi, un privilège de vous accueillir à titre d’hôte conjoint honoraire. Je souligne le qualificatif honoraire, car vous êtes tous au courant du travail énorme accompli par Marcia et par le Consortium canadien ainsi que par les nombreux bénévoles qui ont contribué à la tenue de cette conférence. Cette conférence a abordé un large éventail de questions et a traduit un enthousiasme et un intérêt dont nous avons grand besoin pour continuer d’avancer.  J’aimerais donc remercier tous les organisateurs qui nous ont réunis et qui ont rendu cet événement possible.

Maintenant, Disraeli a fait la déclaration suivante : « La santé du public est le fondement sur lequel reposent le bonheur du peuple et le bien-être de l’État. »

Puis, un siècle plus tard, la Charte d’Ottawa constituait une réalisation charnière en matière de santé publique qui témoigne du pouvoir de l’unification de la pensée, du but et du geste.

Ce qui me saute aux yeux, c’est que les principes énoncés dans la Charte sont  tout aussi pertinents aujourd’hui qu’ils ne l’étaient en 1986. Mais le monde que nous partageons a changé énormément depuis vingt ans, ce qui rend la prise de mesures efficaces en santé publique encore plus cruciale que jamais auparavant.

Maintenant, Jean-Jacques Rousseau a pu déclarer, au XVIIIe siècle, sans aucune contestation : «  La moitié des enfants meurent avant l’âge de huit ans. C’est la loi de la nature; il ne faut pas s’y opposer. »

Eh bien, c’est ce que nous nous efforçons de prévenir depuis les deux derniers siècles, mais les changements climatiques, l’urbanisation, l’industrialisation de l’agriculture, la libéralisation des politiques commerciales sont autant de problèmes qui altèrent les paysages, les modes de vie et les résultats en matière de santé dans le monde entier.

Les enfants qui grandissent dans des pays déchirés par la guerre ont maintenant la même espérance de vie qu’au XVIIIe siècle.

Comme si ce n’était pas assez, la tragédie est encore plus grande en Afrique sub-saharienne où, comme Mary l’a signalé, l’espérance de vie a régressé à l’âge du bronze.

Alors, lorsque nous affirmons que la promotion de la santé fait son chemin, que disons-nous réellement?

Pour moi, faire son chemin, c’est reconnaître son rôle, son but, et surtout, c’est poser des gestes pour qu’il se concrétise.

La Charte d’Ottawa nous montre que la santé s’acquiert dans le quotidien, là où les gens vivent, travaillent et se divertissent. Et la promotion de la santé est décrite dans ce même document comme le processus qui confère aux populations les moyens d’assurer un plus grand contrôle sur leur propre santé, et d’améliorer celle-ci.

Vous remarquerez qu’il n’est pas question d’une personne ou d’une population, mais de populations.  Pour moi, cette nuance est très significative, car la santé concerne autant les personnes que les collectivités.

J’avais l’impression, il n’y a pas si longtemps, que les intervenants en santé publique étaient tellement occupés à se tirer dessus que personne d’autre n’avait besoin de le faire.

Bien que les débats soient importants, je crois, qu’en tant que société, nous avons parfois tendance à trop nous laisser prendre par la pensée dichotomique.

Les résultats sont-ils déterminés par la nature ou par les soins qui les entourent?

Qu’est-ce qui compte le plus? Les approches des populations ou des personnes?

Devons-nous œuvrer dans les cuisines communautaires et acquérir des coopératives ou exercer des pressions afin de modifier la politique nationale en matière d’alimentation?

Est-ce une question de déterminants sociaux ou de choix individuels?

Travaillons-nous dans le secteur public ou privé?

Pour moi, la réponse à toutes ces questions est oui. Ce n’est pas une question de noir ou de blanc, c’est l’équilibre des approches complémentaires qui a le plus de chances de réussir.

Si je peux me permettre de citer le président Kennedy : « Les problèmes du monde ne peuvent être résolus par des sceptiques ou des cyniques dont les horizons se limitent aux réalités évidentes. Nous avons besoin d’hommes et de femmes capables d’imaginer ce qui n’a jamais existé. »

Et il a ajouté : « Peu de gens marqueront l’histoire, mais chacun d’entre nous peut faire sa petite part et, ultimement, ces gestes s’inscriront dans l’histoire de notre génération. »

Si ma carrière m’a permis d’apprendre quelque chose jusqu’ici, c’est que, premièrement, le peu de sagesse que nous pouvons posséder est rarement quelque chose qui n’appartient qu’à nous ou qu’à notre époque.  Et, deuxièmement, tout est relié.

Ce n’est pas une coïncidence si les régions les plus durement touchées par le tsunami et l’ouragan Katrina étaient également les plus pauvres. Il ne devrait pas non plus être étonnant que les collectivités saines et résilientes aient moins de problèmes et qu’elles récupèrent plus rapidement lorsqu’elles sont effectivement confrontées à des difficultés.

C’est la même chose pour les catastrophes naturelles ou causées par l’homme, les éclosions de maladies contagieuses, le fardeau des maladies chroniques et des blessures ou les problèmes de santé mentale.

Permettez-moi de vous donner un exemple simple : sans le vaccin contre la polio, personne dans cette partie du monde ne se préoccuperait des arthroplasties de la hanche et du genou, car tous les chirurgiens orthopédiques que nous pourrions former s’évertueraient à composer avec les répercussions de la polio.  Et sans notre gain de poids collectif – que certains qualifient de pandémie d’obésité –  nous pourrions vraisemblablement éliminer les longues listes d’attente pour ces arthroplasties de la hanche et du genou.  Enfin, sans la pauvreté dans les régions du monde qui sont déchirées par la guerre, nous aurions déjà éradiqué la polio, comme nous l’avons fait avec la variole.

La santé publique est, par définition, les efforts concertés de la société pour améliorer la santé et le bien-être et réduire les inégalités en matière de santé.

Ce n’est pas qu’un ensemble de programmes et de services, mais une façon de voir les problèmes. Il ne s’agit pas simplement de résoudre les problèmes actuels, mais de comprendre et d’aborder, comme dirait Sir Michael, « les causes des causes ».

De s’investir dans l’ensemble des secteurs et des perspectives afin d’apporter le nécessaire pour affronter les menaces présentes et pour prévenir les problèmes futurs.  La santé publique repose sur notre compréhension et notre expérience de pratiquement toutes les disciplines et tous les domaines de la science que vous puissiez imaginer. En fait, je n’ai pas encore trouvé un secteur ou une perspective qu’il n’est pas important d’envisager.

C’est une approche qui met à contribution l’ensemble de la société pour s’attaquer aux déterminants, pour créer des milieux favorables et pour faire en sorte que chaque personne – chaque personne – ait la possibilité d’être en santé et de prospérer.

La santé publique concerne également les personnes qui forment cette société. Elle ne doit pas être une compétition entre la promotion, la prévention, le traitement et les soins, mais plutôt l’équilibre qui donne les meilleurs résultats.

Ce n’est pas qu’une question d’espérance de vie, mais également de qualité de vie acquise et préservée. Quelles sont les raisons qui nous poussent à faire ce que nous faisons? Est-ce un emploi ou une vocation, peu importe l’endroit où nous travaillons ou les tâches que nous accomplissons?  Dans quelle démarche nous inscrivons-nous et pour qui le faisons-nous?

Remarquez que, dès que la démarche ne concerne plus que notre propre personne, que nos besoins ou que nos intérêts, je crois que nous devenons moins efficaces et que nous sommes moins susceptibles d’être invités à cheminer avec les autres et que, par conséquent, nous sommes tenus à l’écart de l’endroit même où nous pouvons être les plus efficaces.

Je parle parfois de l’art de la santé publique. Il y a des choses et des circonstances qui nous amènent à dire « vous ne ferez pas ceci » ou « vous ne mettrez pas cela dans l’eau », mais la plupart du temps il s’agit d’apporter ce que nous avons à offrir et d’accepter que c’est la collectivité ou le patient qui doit vivre avec les conséquences et que nous devons en respecter les décisions.

L’art consiste à savoir faire la différence entre le moment où chaque élément s’applique.

J’ai oublié le nom de la femme avisée qui l’a dit, mais je me souviens, quand j’étais petit – même si je ne suis pas certain d’avoir fini de grandir – de l’idée selon laquelle, si nous ne faisons pas partie de la solution, c’est que nous faisons partie du problème.  Nous avons tous notre rôle à jouer et, même si l’entreprise  peut sembler intimidante sur le plan individuel, il est assez remarquable de constater tout ce que nous pouvons accomplir et tout le chemin que nous pouvons parcourir ensemble et avec les autres.

Il est important que nous mettions toute notre énergie dans ce que nous pouvons faire. L’une de mes illustrations préférées de l’importance de ce point est la citation de Henry Van Dyke : « Sers-toi des talents que tu possèdes, car la forêt serait bien silencieuse si seuls les oiseaux qui chantent le mieux s’y faisaient entendre ».

La façon de voir la promotion de la santé doit être au cœur de la santé publique. En plus de transparaître dans la recherche et les programmes sur la promotion de la santé, elle devrait également se refléter dans l’ensemble des autres activités, car ce n’est pas seulement ce que nous faisons qui compte, mais ce sur quoi nous avons une influence.

Nous avons entendu, ces jours-ci, quelques-unes des nombreuses questions et approches abordées dans le monde. Nous avons encore beaucoup à apprendre les uns des autres.

Au Canada, les approches de la promotion de la santé de l’Agence de santé publique croisent tous les éléments de notre mandat, mais il est également essentiel qu’il y ait un siège organisationnel pour entretenir la flamme et pour exercer une influence sur les autres activités.

Nous avons une myriade d’événements au Canada qui nous aideront à faire progresser notre plan d’action.  Il y a l’établissement de l’Agence de santé publique avec une forte orientation vers la promotion de la santé.  Le poste d’administrateur en chef de la santé publique, que j’ai le privilège d’occuper, et qui a, non seulement un rôle, à titre de sous-ministre, au sein de la fonction publique fédérale, mais également le mandat législatif  de s’exprimer au besoin, indépendamment du gouvernement si nécessaire. Le travail de la Commission des déterminants sociaux de la santé de l’OMS, que nous sommes heureux d’appuyer.  Le sous-comité sénatorial canadien qui se penche sur la santé de la population. Et les Objectifs de santé pour le Canada, qui sont ambitieux et qui décrivent ce à quoi nous aspirons – et il y en a qui ont l’impression qu’ils n’ont pas beaucoup de traction – mais ce qu’ils nous apportent, c’est une référence que nous pouvons consulter afin d’évaluer les progrès et de déterminer si nous nous avançons.

L’objectif global est le suivant : En tant que nation, nous aspirons à un Canada dans lequel chaque personne est en aussi bonne santé que possible sur les plans physique, mental, affectif et spirituel.

Et nous avons des praticiens et des universitaires aux quatre coins du pays ainsi que les Centres nationaux de collaboration qui nous aident à traduire les connaissances en pratiques. Et, au début du printemps, mon premier rapport sur l’état de la santé publique au Canada sera publié sous le thème des inégalités en matière de santé, pour ne nommer que quelques événements.

Je ne pense pas que la collaboration internationale en santé publique ait jamais été aussi grande, et même les travaux sur la planification des pandémies dans l’ensemble des secteurs ont donné naissance à de nouvelles collaborations qui visent d’autres problèmes de santé.

Nous faisons des progrès, mais nous savons aussi que nous avons des défis redoutables à relever.

Steven Leacock, qui était un économiste et un humoriste canadien, dirait que le succès, c’est 10 p. 100 d’inspiration et 90 p. 100 de transpiration.

Dorothy Soelle, qui est une théologienne allemande, parle de la façon que nous avons, dans notre société occidentale, et de plus en plus ailleurs, à mon avis, d’hésiter à entreprendre des choses ou à nous investir dans des choses qui n’ont pas assez de chances de rapporter ou de réussir. Elle dirait, par contre, et j’abonderais dans le même sens, qu’il y a des choses que nous faisons, pas nécessairement parce que nous allons réussir – même si nous nous devons de réussir – mais simplement parce que c’est ce qu’il faut faire.

J’aimerais donc vous remercier de m’avoir permis de partager cette expérience. J’aimerais terminer avec un dernier rappel d’un philosophe américain – je le décris comme un philosophe, mais il y en a qui le qualifieraient d’humoriste. Mark Twain a une mise en garde qui s’adresse à nous tous : « Même quand nous sommes sur la bonne voie, nous nous ferons écraser si nous n’avançons pas. »

Merci, gracias, thank you very much.