En 1995, Statistique Canada signalait que le taux de mortalité infantile du Canada avait augmenté en 1993 après une longue série de baisses annuelles successives pendant plus de trois décennies1 . L’augmentation du taux de mortalité infantile, qui est passé de 6,1 pour 1 000 naissances vivantes en 1992 à 6,3 en 1993, a provoqué la publication de manchettes sensationnelles. The Globe and Mail2 a couvert la question en détail :
« La montée des décès chez les nouveau-nés ahurit les scientifiques. »
« Le taux de mortalité élevé inattendu peut être un signal, préviennent les démographes. »
« Pourrait-il s’agir du premier signe qui indique que l’environnement devient de plus
en plus toxique? »
Cette crise a été l’un des premiers défis d’envergure qu’a abordés le nouveau Système canadien de surveillance périnatale (SCSP). Le SCSP a expliqué la montée inattendue de la mortalité infantile en affirmant qu’il s’agissait d’une conséquence de la modification des méthodes d’enregistrement des naissances, en particulier de celles qui sont à la limite de la viabilité3 . On a jugé que la montée de la mortalité infantile au Canada était attribuable à une tendance séculaire de l’enregistrement des naissances vivantes dont le poids à la naissance n’atteignait pas 500 g. Cette explication terre à terre d’une histoire porteuse d’un énorme potentiel de rhétorique politique a attiré peu d’attention dans les médias, ce qui n’est pas étonnant.
Presque une décennie plus tard, les taux de mortalité infantile au Canada ont augmenté de nouveau. Le taux de mortalité infantile est passé de 5,2 pour 1 000 naissances vivantes en 2001 à 5,4 en 20024,5 . La réaction des médias face à cette augmentation a été heureusement discrète à l’échelon national même si ce fut le cas en Alberta, où le taux de mortalité infantile de la province est passé de 5,6 pour 1 000 naissances vivantes en 2001 à 7,3 en 2002. Les groupes politiques et médiatiques de la province se sont servis du communiqué de Statistique Canada6 pour faire de l’augmentation du taux de mortalité un problème de soins de santé. Ce n’était pas étonnant, étant donné qu’une campagne électorale battait alors son plein en Alberta. La classe médicale n’était pas sans reproche non plus, car le Journal de l’Association médicale canadienne a publié un article où l’on attribuait le taux élevé de mortalité infantile de l’Alberta à des bébés provenant de provinces voisines, aux naissances multiples et à « une importante population des Premières nations où les taux d’alcoolisme et de tabagisme sont plus élevés7 ». Dans ce qui est devenu une plainte prévisible, le SCSP a prêché la prudence dans l’interprétation d’un indicateur de plus en plus complexe, compte tenu des variations régionales et temporelles au niveau de l’inscription des naissances8 . Sur un plan connexe, les spécialistes canadiens de la périnatalogie mis en cause dans ces controverses ont tiré un certain réconfort du fait que la mortalité infantile connaissait en même temps des soubresauts semblables aux États-Unis. Le taux de mortalité infantile aux États-Unis est passé de 6,8 pour 1 000 naissances vivantes en 2001 à 7,0 en 2002, ce qui constituait apparemment la première augmentation en plus de quatre décennies9–11 . Il faut étudier attentivement et froidement les phénomènes périnataux qui sous-tendent de telles augmentations de la mortalité infantile, car ils deviendront probablement une caractéristique régulière des statistiques sur la mortalité infantile dans les pays industrialisés.
Fréquence des naissances vivantes et des mortinaissances à la limite de la viabilité
La fréquence des naissances vivantes de moins de 500 g a augmenté au cours des dernières années3 . La figure 1.A montre la fréquence des naissances vivantes de moins de 500 g en pourcentage du total des naissances vivantes au Canada (exception faite de l’Ontario et de Terre-Neuve-et-Labrador). Cette proportion est passée de 4,1 pour 10 000 naissances vivantes en 1985 à 12,4 en 2003. La hausse du taux des naissances vivantes de moins de 500 g a un effet important sur les tendances temporelles des taux de mortalité infantile, car les taux de mortalité chez ces nouveau-nés sont très élevés (944 pour 1 000 naissances vivantes au Canada en 2000–2003). La montée de l’enregistrement des naissances à la limite de la viabilité n’était pas attribuable à une détérioration de la santé du foetus, du nouveau-né ou de la mère parce que la fréquence d’autres catégories de faible poids à la naissance n’a pas changé considérablement au cours de la même période. Ainsi, les taux de faible poids à la naissance (<2 500 g) au Canada (exception faite de l’Ontario et de Terre-Neuveet- Labrador) se sont donc établis à 5,6 % en 1985 et 5,7 % en 2003.
D’importants changements sont survenus aussi au niveau des mortinaissances de moins de 500 g depuis le milieu des années 198012 . En 1985, 12,8 % de toutes les mortinaissances avaient un poids à la naissance de moins de 500 g et ce pourcentage est passé à 29,2 % en 2003 (figure 1.A). Là encore, cette augmentation relative de l’enregistrement des mortinaissances de moins de 500 g n’avait aucun lien avec une détérioration de la santé du foetus ou de la mère parce qu’on n’a pas enregistré d’augmentation semblable dans les autres catégories de faible poids à la naissance. Le pourcentage des mortinaissances dont le poids à la naissance s’établissait entre 500 et 2 499 g a atteint 56,5 % en 1985 et 48,6 % en 2003.
FIGURE 1.A Taux de naissances vivantes de moins de 500 g et de mortinaissances de moins de 500 g
Canada (à l’exclusion de l’Ontario et de Terre-Neuve-et-Labrador)*, 1985–2003
Naissances vivantes de moins de 500 g pour 10 000 naissances (axe Y principal)
Mortinaissances de moins de 500 g pour 100 mortinaissances (axe Y secondaire)
Raisons de l’augmentation du nombre des naissances vivantes et des mortinaissances à la limite de la viabilité
Les règles relatives à l’enregistrement des naissances vivantes et des mortinaissances au Canada n’ont pas changé considérablement au cours des dernières années. La définition de naissance vivante utilisée pour les fins de l’enregistrement des naissances vivantes est la définition normalisée de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) qui inclut tous les produits de la conception montrant des signes de vie après la naissance13 . Cette définition de naissance vivante n’inclut pas les critères que sont le poids à la naissance et l’âge gestationnel. Pendant cette période, la définition de mortinaissance au Canada incluait tous les décès de foetus qui avaient un poids à la naissance de 500 g ou plus ou un âge gestationnel de 20 semaines ou plus (ou une variation de ces critères). Même si ces définitions ont peu changé au cours des dernières décennies, l’enregistrement des naissances vivantes et des mortinaissances à la limite de la viabilité a augmenté en partie parce qu’on reconnaît davantage les exigences relatives à l’enregistrement. Ces augmentations de l’enregistrement des naissances ont été propulsées aussi par d’autres facteurs comme l’amélioration de la survie des nouveau-nés de poids extrêmement faible à la naissance et les changements sociaux des attitudes à l’égard du phénomène de deuil qu’entraîne la perte de tels bébés.
Contribution du diagnostic prénatal et de l’arrêt de la grossesse aux tendances de la mortalité infantile
L’introduction et l’utilisation répandue du diagnostic prénatal et de l’interruption de grossesse en raison d’anomalies congénitales graves14–17 a constitué un changement technologique majeur qui a eu de profondes répercussions sur la fréquence des mortinaissances et des naissances vivantes de moins de 500 g, ainsi que sur les tendances de la mortalité foetale et infantile dans l’ensemble. Les mortinaissances de moins de 500 g attribuables à des anomalies congénitales ou à une interruption de grossesse ont constitué 11,6 % du total des mortinaissances en 1985 (figure 1.B). Ce pourcentage est passé à 40,4 % en 2003. Le pourcentage des décès néonataux de moins 500 g attribuables à des anomalies congénitales ou à une interruption de grossesse est passé de 3,6 % en 1985 à 19,7 % en 2003 (figure 1.B). Il convient de signaler le changement du codage de la cause de décès découlant (vraisemblablement) de l’interruption de grossesse à la suite d’un diagnostic prénatal—depuis le milieu des années 1990, on attribue de plus en plus ces décès à l’interruption de grossesse plutôt qu’à une anomalie congénitale.
FIGURE 1.B Taux de mortinatalité de moins de 500 g et de décès néonataux (DN) de moins de 500 g,
selon la cause et le poids à la naissance
Canada (à l’exclusion de l’Ontario et de Terre-Neuve-et-Labrador)*, 1985–2003
Mortinaissances (MN) de moins de 500 g attribuables à AC ou AC + IG (axe Y principal)
Décès néonataux moins de 500 g attribuables à AC ou AC+ IG (axe Y secondaire)
La figure 1.C présente le taux de décès néonataux attribuables à des anomalies congénitales ou à une interruption de grossesse exprimé en pourcentage du total des naissances vivantes. Les décès néonataux de moins de 500 g attribuables à des anomalies congénitales ou à une interruption de grossesse chez les nouveau-nés sont passés de 1,3 pour 100 000 naissances vivantes en 1985 à 22,5 en 2003. Pendant la même période, la proportion des décès néonataux de 500 g ou plus attribuables à des anomalies congénitales ou à une interruption de grossesse a chuté de 170,7 pour 100 000 naissances vivantes à 72,6 en 2003.
Ces tendances reflètent l’évolution du diagnostic prénatal et de l’interruption de grossesse depuis 15 ans. Il se produit à l’occasion des naissances vivantes à la suite d’un diagnostic prénatal et d’une interruption de grossesse18 et l’augmentation du nombre des décès néonataux de moins de 500 g attribuables à des anomalies congénitales reflète simplement l’occurrence de cet événement peu commun comme toile de fond d’augmentations séculaires du diagnostic prénatal (figure 1.C). Les effets bénéfiques de la technologie sont évidents dans le recul du taux de morts foetales tardives attribuables à des anomalies congénitales et de morts infantiles attribuables à des anomalies congénitales parmi les naissances vivantes de 500 g ou plus de poids à la naissance15–17 . La fortification des aliments en acide folique au Canada19 depuis 1998 et les améliorations du traitement chirurgical des malformations congénitales sont d’autres facteurs qui ont contribué au recul de ces morts foetales tardives et infantiles.
FIGURE 1.C Taux de décès néonataux (DN), selon la cause et le poids à la naissance*
Canada (à l’exclusion de l’Ontario et de Terre-Neuve-et-Labrador)**, 1985–2003
DN de moins de 500 g attribuables à AC et AC + IG/100 000 naissances vivantes (axe Y principal)
DN de 500 g et plus attribuables à AC et AC + IG/100 000 naissances vivantes (axe Y secondaire)
Le manque de normalisation de l’enregistrement des naissances vivantes et des mortinaissances mine les comparaisons internationales des taux de mortalité foetale et infantile20–23 . Certains pays ont des systèmes d’enregistrement des naissances qui sont pratiques plutôt que fondés sur des définitions; ils tendent donc à n’enregistrer les naissances vivantes que si elles ont une chance raisonnable de survie. Il en découle de plus faibles taux de mortalité comparativement aux pays qui suivent de près les définitions de naissance vivante et de mort foetale comme celles de l’OMS. Divers exemples mettent en évidence l’erreur inhérente aux comparaisons internationales des taux de mortalité infantile :
Mortinaissances et décès néonataux au Canada, en Angleterre, au Pays de Galles et en Irlande du Nord
Une comparaison des indices de mortalité périnatale en Angleterre, au Pays de Galles et en Irlande du Nord tirée d’une récente publication de l’enquête confidentielle sur la santé de la mère et de l’enfant26 (CEMACH) à ceux du Canada illustre certaines des différences susmentionnées au niveau de l’enregistrement des naissances et l’effet de ces différences sur les comparaisons internationales. Le taux de mortinatalité s’établissait à 5,5 (IC à 95 % : 5,5–5,6) pour 1 000 naissances totales en Angleterre, au Pays de Galles et en Irlande du Nord en 2005 et à 5,8 (IC à 95 % : 5,5–6,2) pour 1 000 naissances totales au Canada (excluant l’Ontario) en 2003. Le taux de morts néonatales en Angleterre, au Pays de Galles et en Irlande du Nord en 2005 atteignait 3,5 (IC à 95 % : 3,4–3,7) pour 1 000 naissances vivantes, comparativement à 3,6 (IC à 95 % : 3,4–3,9) pour 1 000 naissances vivantes au Canada en 2003. Même si les taux de mortinatalité et de mortalité néonatale étaient légèrement plus élevés au Canada, ils correspondent aux classements des taux de mortalité périnatale, néonatale et infantile publiés par l’UNICEF et l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), qui placent le Canada et le Royaume-Uni très près l’un de l’autre. Dans son rapport de 200727 par exemple, l’UNICEF indique que les taux de mortalité néonatale et infantile dans les deux pays s’établissaient à 4 et 5 pour 1 000 naissances vivantes respectivement en 2005.
FIGURE 2.A Taux de mortinatalité, selon l’âge gestationnel*
au Canada (à l’exclusion de l’Ontario)**, 2003, et en Angleterre,
au Pays de Galles et en Irlande du Nord, 200526
Mortinatalité pour 1 000 foetus à risque
Les taux de mortinatalité selon l’âge gestationnel, calculés en fonction de la méthode des foetus à risque28–30 , montrent des taux moins élevés de mort foetale au Canada, sauf aux points extrêmes de la gestation (figure 2.A). À moins de 24 semaines de gestation, il n’y avait pas de mortinaissances en Angleterre, au Pays de Galles et en Irlande du Nord (conformément à la pratique d’enregistrement des mortinaissances). Le faible taux de mortinatalité après terme en Angleterre, au Pays de Galles et en Irlande du Nord peut refléter le fait que l’on s’en remet aux dates des menstruations pour estimer l’âge gestationnel31 , ou à des pratiques différentes en ce qui a trait à l’approche clinique de la grossesse à 41 semaines et plus de gestation (la fréquence des naissances après terme, c.-à-d. après 42 semaines ou plus de gestation, s’établissait à 4,4 % en Angleterre, au Pays de Galles et en Irlande du Nord comparativement à 0,9 % au Canada). De même, l’incidence des décès néonataux a révélé une tendance semblable à la comparaison des mortinaissances : les taux de mortalité néonatale étaient plus faibles au Canada à presque tous les âges gestationnels (figure 2.B).
FIGURE 2.B Taux de décès néonataux, selon l’âge gestationnel*
au Canada (à l’exclusion de l’Ontario)**, 2003, et en Angleterre,
au Pays de Galles et en Irlande du Nord, 200526
Décès néonataux pour 1 000 foetus à risque
Si l’on affiche des corrections en fonction des différences au niveau de l’enregistrement des naissances en analysant les taux de mortalité parmi les naissances dont le poids à la naissance est de 1 000 g ou plus ou dont l’âge gestationnel est de 28 semaines ou plus, il en découle des changements importants des statistiques sur la mortalité : les taux au Canada sont beaucoup plus bas qu’en Angleterre, au Pays de Galles et en Irlande du Nord (figure 2.C)*. Cette comparaison ne vise toutefois pas à conclure que l’état de santé périnatale au Canada est meilleur qu’en Angleterre, au Pays de Galles et en Irlande du Nord, ni à poser des hypothèses au sujet de différences possibles au niveau de la prestation de services de soins. Ces analyses mettent plutôt en évidence le manque de validité des classements modernes des pays en fonction d’indices de la mortalité infantile et d’indices connexes à cause de différences au niveau de l’enregistrement des naissances. Des différences à celui de la mesure de l’âge gestationnel constituent un autre problème important qui pourrait expliquer une partie des différences entre les taux de mortalité mentionnés ci-dessus31 . Nous espérons que des publications comme le rapport CEMACH26 et le présent Rapport sur la santé périnatale au Canada seront les forces motrices du mouvement vers une comparaison plus rationnelle et constructive des indices de la santé à l’échelon international.
FIGURE 2.C Taux de mortinaissances et de décès néonataux, selon l’âge gestationnel*
au Canada (à l’exclusion de l’Ontario)**, 2003, et en Angleterre,
au Pays de Galles et en Irlande du Nord, 200526
Mortinaissances (MN) ou décès néonataux (DN) (IC à 95 %) pour 1 000 naissances totales/vivantes
Tendances temporelles
La figure 3.A présente les taux de mortalité infantile au Canada parmi toutes les naissances vivantes, les naissances vivantes dont le poids à la naissance atteignait ou dépassait 500 g et les naissances vivantes dont le poids à la naissance atteignait ou dépassait 1 000 g. Comme le taux brut de mortalité infantile au Canada (excluant l’Ontario) a reculé de 6,4 pour 1 000 naissances vivantes en 1991 à 4,9 en 2003 (diminution de 23 %), le taux de mortalité infantile parmi les naissances vivantes de 500 g ou plus est passé de 5,8 pour 1 000 naissances vivantes à 3,7 (diminution de 36 %) et le taux de mortalité infantile parmi les naissances vivantes de 1 000 g ou plus est tombé de 4,4 à 2,5 pour 1 000 naissances vivantes de 1991 à 2003 (diminution de 44 %). Ces estimations de la mortalité infantile selon le poids à la naissance permettent d’établir une évaluation plus valide des tendances temporelles des taux de mortalité infantile au Canada puisqu’on n’y trouve pas de facteur confusionnel causé par les changements simultanés de l’enregistrement des naissances vivantes à la limite de la viabilité.
Variations entre les provinces et les territoires
La figure 3.B montre les taux de mortalité infantile bruts et normalisés selon le poids à la naissance dans les provinces et les territoires du Canada pour les trois années de 2001 à 2003 combinées. Là encore, les autres indices montrent comment les classements fondés sur des taux bruts de mortalité infantile peuvent produire des résultats qui s’écartent de ceux qu’on obtient à partir d’estimations fondées sur le poids à la naissance. Par exemple, la Saskatchewan présentait un taux brut de mortalité infantile moins élevé que l’Alberta (6,0 contre 6,3 pour 1 000 naissances vivantes). Par ailleurs, le taux de mortalité infantile pour un poids de 500 g ou plus était plus élevé en Saskatchewan qu’en Alberta (5,5 contre 4,9 pour 1 000 naissances vivantes) tout comme il l’était parmi les naissances vivantes de 1 000 g ou plus (3,7 contre 3,3 pour 1 000 naissances vivantes).
FIGURE 3.A Tendances temporelles des taux de mortalité infantile (TMI)
Canada (à l’exclusion de l’Ontario)*, 1991–2003
Décès de nouveau-nés (IC à 95 %) pour 1 000 naissances vivantes**
FIGURE 3.B Taux de mortalité infantile (TMI), selon la province/le territoire
Canada (à l’exclusion de l’Ontario)*, 2001–2003
Décès de nouveau-nés (IC à 95 %) pour 1 000 naissances vivantes**
Il convient de mentionner la situation qui règne en Alberta, spécialement à cause des reportages injustifiés dont la province a fait l’objet au sujet de son taux de mortalité infantile en 2002. En 2004, le taux de mortalité infantile en Alberta s’établissait à 5,8 pour 1 000 naissances vivantes, ce qui était moins élevé qu’au Manitoba, en Saskatchewan, au Yukon et au Nunavut (page 155). Il y a deux caractéristiques des résultats de la périnatalité en Alberta qu’il vaut la peine de signaler. Premièrement, le taux de naissances prématurées en Alberta était plus élevé que dans toute autre province en 2004 (les taux des trois territoires étaient plus élevés, page 134), tandis que le taux des naissances vivantes de faible poids compte tenu de l’âge gestationnel en Alberta était le plus élevé au Canada (page 140). Une deuxième caractéristique de l’Alberta qui a un effet important sur son taux de mortalité infantile, c’est la diligence avec laquelle on enregistre les naissances vivantes à la limite de la viabilité. La figure 4.A illustre la fréquence plus élevée à laquelle on enregistre les naissances vivantes de moins de 500 g en Alberta comparativement au reste du Canada. La figure 4.B montre le taux de décès néonataux attribuables à des anomalies congénitales ou à des interruptions de grossesse parmi les naissances vivantes de moins de 500 g. Le taux le plus élevé de ces naissances en Alberta est probablement le reflet d’une documentation plus exacte et complète des naissances à la limite de la viabilité, particulièrement celles qui suivent un diagnostic prénatal et une interruption de grossesse dans le cas de malformations congénitales majeures. Il est clair que les différences au niveau des méthodes d’enregistrement ne font pas que rendre non valides les comparaisons internationales de la mortalité infantile : elles minent aussi les comparaisons interprovinciales/territoriales au Canada. Les taux de mortalité infantile selon le poids à la naissance présentés à la figure 3.B permettent une interprétation plus constructive tandis que des comparaisons semblables des taux de mortinatalité de 500 g ou plus présentées ailleurs dans ce Rapport permettent d’établir des comparaisons interprovinciales et interterritoriales normalisées de la mortalité foetale.
FIGURE 4.A Taux de naissances vivantes de moins de 500 g*
Alberta et le reste du Canada (à l’exclusion de l’Ontario)**, 2000–2003
Naissances vivantes de moins de 500 g (IC à 95 %) pour 10 000 naissances vivantes
FIGURE 4.B Taux de décès néonataux de moins de 500 g attribuables à des anomalies congénitales (AC) ou à une interruption de grossesse (IG)
Alberta et le reste du Canada (à l’exclusion de l’Ontario)*, 2000–2003
Décès néonataux <500 g AC + IG (IC à 95 %) pour 100 000 naissances vivantes
Le manque de normalisation qui mine les comparaisons internationales et interprovinciales portant sur la mortalité foetale et infantile brouille aussi notre compréhension de l’état de santé périnatale chez les Premières nations, les Inuits et les Métis. En fait, la question a probablement plus d’importance pour le Canada que le classement international des pays en fonction de la mortalité infantile, car elle a un effet direct sur les politiques et sur la prestation des services de santé.
Il y a plus d’une décennie, la Commission royale sur les peuples autochtones32 a démontré que le taux de mortalité infantile chez les Autochtones du Canada était deux fois plus élevé que dans la population non autochtone depuis plus d’un siècle. La Direction générale de la santé des Premières nations et des Inuits a toutefois publié récemment une fiche d’information33 où elle indiquait que le taux de mortalité infantile chez les Premières nations était tombé à 6,4 pour 1 000 naissances vivantes en 2000 (ce qui équivalait presque au taux de mortalité infantile de 5,3 pour 1 000 naissances vivantes dans le cas du Canada en 2000). D’autres publications fédérales ont repris cette constatation en affirmant que le taux de mortalité infantile chez les Premières nations s’établissait à 6,2 pour 1 000 naissances vivantes34 en 2000. Actuellement, il y a consensus suffisant sur le fait que ces taux sont sous-estimés.
L’argument selon lequel les Premières nations, les Inuits et les Métis ont un état de santé périnatale sous-optimal qui exige une attention sérieuse sur le plan de la santé publique est difficile à défendre en partie parce que l’information sur la surveillance est inadéquate et de mauvaise qualité. On l’a démontré dans une étude de recherche publiée récemment sur les naissances simples du Québec35 qui a montré que les taux de mortinatalité dans les populations française, anglaise, inuite et indienne de l’Amérique du Nord (définies en fonction de la langue parlée par la mère) pendant la période de 1995 à 1997 s’établissaient à 3,9, 3,4, 2,7 et 9,3 pour 1 000 naissances vivantes au total, respectivement, tandis que les taux de mortalité infantile atteignaient 4,4, 4,2, 23,1 et 7,5 pour 1 000 naissances vivantes respectivement. Il convient de signaler les taux élevés de mortinatalité chez les Indiens de l’Amérique du Nord (environ deux à trois fois plus élevés que dans les populations française et anglaise) et les taux élevés de mortalité infantile chez les Inuits (de cinq à six fois plus élevés que dans les populations française et anglaise). Un taux aussi excessif de mortalité dans les populations autochtones concorde avec la tendance centenaire des taux de mortalité infantile deux fois plus élevés documentés par la Commission royale32 . Des données probantes indiquent néanmoins que ces statistiques sur la mortalité chez les Premières nations, les Inuits et les Métis sous-estiment les taux réels parce qu’il y a sous-enregistrement des naissances à la limite de la viabilité.
FIGURE 5.A Taux de natalité selon l’âge gestationnel*, selon le groupe démographique
Québec, 1995–1997
Naissances pour 1 000 foetus à risque
La figure 5.A illustre l’incidence des naissances28 chez les femmes françaises, indiennes de l’Amérique du Nord et inuites du Québec en 1995–1997. À un âge gestationnel de moins de 32 semaines, les femmes indiennes de l’Amérique du Nord ont connu des taux de natalité moins élevés comparativement aux femmes françaises, tandis que les femmes inuites ont connu des taux plus élevés. Lorsqu’on a analysé les taux de mortalité foetale et infantile en utilisant un calcul semblable, le taux de mortalité après 24 semaines de gestation était beaucoup plus élevé chez les femmes indiennes de l’Amérique du Nord et inuites (figure 5.B). Un tableau semblable s’est dégagé lorsqu’on a analysé séparément les taux de mortalité foetale et infantile. La plupart des tendances révélées par ces courbes correspondent à ce à quoi on s’attendait, mais la faible fréquence des naissances entre 20 et 23 semaines dans la population des Indiens de l’Amérique du Nord justifie un commentaire. Même si un faible taux de natalité pourrait indiquer que les foetus et les mères de la population des Indiens de l’Amérique du Nord sont en meilleure santé (par rapport aux foetus et aux mères de la population française), les tendances de la natalité et de la mortalité foetale/infantile à des âge gestationnels subséquents indiquent le contraire. Le faible taux de natalité entre 20 et 23 semaines dans la population des Indiens de l’Amérique du Nord est probablement attribuable au fait qu’il y a sous-enregistrement des naissances à la limite de la viabilité.
FIGURE 5.B Taux de mortalité foetale et infantile selon l’âge gestationnel*, selon le groupe
démographique
Québec, 1995–1997
Morts foetales et infantiles pour 1 000 foetus à risque
La figure 5.C montre les taux de mortinatalité et mortalité infantile dans les populations française, des Indiens de l’Amérique du Nord et inuite dans des catégories établies selon le poids à la naissance et l’âge gestationnel où l’enregistrement des naissances a des chances d’être complet. La plupart des taux de mortalité foetale et infantile selon le poids à la naissance et l’âge gestationnel étaient plus que deux fois plus élevés dans les populations des Indiens de l’Amérique du Nord et chez les Inuits que dans la population française. Les différences réelles au niveau des taux de mortalité foetale et infantile entre les populations des Premières nations, inuite, métisse et le reste de la population canadienne sont probablement plus élevées que le double mis enévidence par la Commission royale32 .
FIGURE 5.C Taux de mortalité foetale et infantile, selon le groupe démographique*
Québec, 1995–1997
On reconnaît en général que pour les 15 dernières années, de nombreux problèmes sérieux affligent les données des statistiques de l’état civil de notre province la plus peuplée. La qualité médiocre des données sur le poids à la naissance a déclenché une crise en santé publique au milieu des années 1990 lorsqu’il a semblé que l’Ontario et, par conséquent, le Canada, faisaient face à une épidémie de naissances de faible poids36 . De même, des erreurs au niveau de l’âge gestationnel ont entraîné une augmentation du taux des naissances prématurées en 1994 et 1995 et les données portant sur ces années ne sont toujours pas corrigées (page 315). Les frais à payer pour obtenir un certificat de naissance de l’Ontario (imposés dans les municipalités de l’Ontario au milieu de 1996 et en 1997, et qui n’existent dans aucune autre région du Canada) ont entraîné un sous-enregistrement documenté des naissances vivantes, en particulier dans les sous-populations vulnérables comme celles des mères célibataires et des nourrissons de faible poids à la naissance37,38 . La question, qui a suscité une vaste publicité dans les médias au début de 2007, a poussé le gouvernement provincial à s’engager à révoquer ces frais. Ils demeurent toutefois en vigueur et ont en fait augmenté dans certaines administrations. Ces problèmes non résolus d’enregistrement des naissances constituent une faiblesse malheureuse en surveillance nationale de la santé périnatale.
Question des enregistrements manquants
Le plus énigmatique peut-être des problèmes qui entachent les données de l’Ontario, c’est la question des enregistrements de naissances manquants pour un pourcentage important de morts infantiles. Statistique Canada (dans le cadre d’un contrat conclu avec le SCSP et l’Agence de la santé publique du Canada) établit chaque année un couplage entre les enregistrements des naissances vivantes et des morts infantiles. Ce projet produit de l’information utile sur la santé publique et clinique (y compris des taux de mortalité infantile selon l’âge gestationnel, ainsi que de l’information sur les antécédents de mort infantile). Dans toutes les provinces du Canada sauf l’Ontario, ce couplage a été presque entièrement fructueux et les enregistrements des naissances de tous les nourrissons qui sont morts ont été repérés dans tous les cas sauf une poignée (10 morts infantiles sur 969 (1,1 %) sont demeurées non couplées dans la cohorte des naissances de 2003). En Ontario, toutefois, on n’a habituellement pas réussi à établir de lien dans un important pourcentage de morts infantiles (295 sur 697 morts infantiles (42,3 %) n’étaient pas reliées en 2003). Nous présentons ici une brève description des morts infantiles non couplées mentionnées ci-dessus en Ontario (celles dont l’enregistrement à la naissance manque) en espérant qu’elle éclairera un peu le problème qui semble irréductible.
Tendances temporelles des morts infantiles non reliées
Sur les 15 799 morts infantiles survenues en Ontario entre 1985 et 2003, il ne semble pas y avoir eu d’enregistrement au moment de la naissance dans 3 987 cas. L’anomalie que constituent les naissances vivantes non reliées en Ontario n’est pas un phénomène nouveau et on l’a constaté dans les enregistrements des naissances vivantes et des morts infantiles à compter du milieu de la décennie 1980 (figure 6). La fréquence des morts infantiles non reliées a diminué au Canada (sauf en Ontario) au cours des dernières années (figure 6), mais le taux de ces morts infantiles a augmenté en Ontario. En 1985, on n’avait pu relier 43 morts infantiles à l’enregistrement de leur naissance (0,18 pour 1 000 naissances vivantes) au Canada (sauf en Ontario), nombre qui est tombé à 10 en 2003 (0,05 pour 1 000 naissances vivantes). En Ontario, la fréquence des morts infantiles non reliées est passée de 122 (0,92 pour 1 000 naissances vivantes) en 1985 à 295 (2,25 pour 1 000 naissances vivantes) morts non reliées en 2003. Au cours de la même période, le taux de mortalité infantile parmi les morts infantiles reliées en Ontario est passé de 6,3 pour 1 000 naissances vivantes en 1985 à 3,1 en 2003.
Moment du décès
L’établissement du moment du décès dans le cas des morts infantiles non reliées en Ontario était très différent de ce qui se passe dans le cas des morts infantiles reliées. Entre 1985 et 2003, le taux de mortalité néonatale dans le cas des morts infantiles reliées s’est établi à 2,9 pour 1 000 naissances vivantes et le taux de mortalité postnéonatale, à 1,6 pour 1 000 naissances vivantes. Le ratio des taux de mortalité néonatale sur les taux de mortalité postnéonatale s’est établi à 1,9 dans le cas de ces morts infantiles reliées en Ontario (c.-à-d. qu’environ 65 % de ces morts infantiles sont survenues pendant la période néonatale). Ce ratio était identique à celui des morts infantiles reliées au Canada (sauf en Ontario). Parmi les morts infantiles non reliées en Ontario, le taux de mortalité néonatale s’est toutefois établi à 1,3 pour 1 000 naissances vivantes et le taux de mortalité postnéonatale, à 0,18 pour 1 000 naissances vivantes, ce qui donne un ratio de 7,6 (c.-à-d. qu’environ 88 % des morts infantiles non reliées se sont produites pendant la période néonatale). Comparativement au nombre peu élevé de morts infantiles non reliées dans l’est du Canada, ce même ratio s’est établi à 3,2.
FIGURE 6 Fréquence des morts infantiles non reliées*
Ontario et le reste du Canada (à l’exclusion de Terre-Neuve-et-Labrador)**, 1985–2003
Morts infantiles non reliées pour 1 000 naissances vivantes
Région de résidence
L’analyse des morts infantiles reliées et non reliées selon la région de résidence n’a pas produit de tendances inattendues. Le classement géographique arbitraire de l’Ontario en huit régions (fondées sur les subdivisions de recensement) a montré que le taux de mortalité infantile reliée était de trois à six fois plus élevé environ que le taux de mortalité non reliée dans chacune des régions analysées.
Cause du décès
L’analyse des causes de décès parmi les morts infantiles reliées et non reliées a montré que des causes de décès étaient surreprésentées parmi les morts infantiles non reliées tandis que d’autres étaient sous-représentées. La tendance globale a semblé concorder avec le fait que les morts néonatales étaient plus susceptibles de demeurer non reliées et que les morts postnéonatales étaient moins susceptibles de le demeurer. Ainsi, le ratio des morts reliées par rapport aux morts non reliées (selon la cause de la mort infantile) s’est établi à 3,2 dans le cas des anomalies congénitales et à 8,2 dans celui du syndrome de la mort subite du nourrisson (SMSN). Les causes de mort néonatale comme la brève durée de la gestation et le faible poids à la naissance, les complications de la grossesse chez la mère, le syndrome de détresse respiratoire, les complications liées au cordon et aux membranes du placenta, l’infection périnatale, l’hypoxie et l’asphyxie à la naissance, ainsi que l’hémorragie néonatale, présentaient des ratios (de taux de mortalité infantile reliée et non reliée) de moins de 3. Par ailleurs, les causes de mort postnéonatale comme les accidents, la pneumonie et l’influenza présentaient des ratios de mortalité (sur les mort infantiles reliées et non reliées) qui dépassaient 3.
Autres caractéristiques des morts non reliées
Les morts infantiles non reliées ont montré une prépondérance de sujets de sexe masculin, même si elle est moindre que dans le cas des morts infantiles reliées. D’autres analyses en fonction du mois du décès n’ont pas produit d’information, tandis que les analyses fondées sur le lieu du décès ont montré que 93 % des morts infantiles non reliées se sont produites à l’hôpital (comparativement à 89 % des décès survenus à l’hôpital dans le cas des morts infantiles).
« Le coupable »
Il est possible de tirer quelques perspectives provisoires de cette analyse sur la cause des enregistrements de naissances manquants en Ontario :
Dans l’ensemble, ce tableau indique qu’il existe un problème centralisé en Ontario, peut-être au niveau de la collecte des données. On ne peut tirer de l’enregistrement du décès des détails comme la pluralité, le poids à la naissance et l’âge gestationnel, etc., des morts infantiles non reliées, car ces détails sont disponibles seulement dans l’enregistrement de la naissance (à laquelle il est impossible de relier l’enregistrement du décès). Seule une enquête minutieuse pourrait expliquer davantage cet obstacle malheureux à la surveillance périnatale au Canada.
Même si l’on reconnaît que la naissance prématurée constitue le défi périnatal le plus important que doivent relever les pays industrialisés, deux décennies d’efforts cliniques et communautaires consacrés à la prévention des naissances prématurées n’ont pas réussi à faire baisser les taux. Les taux de naissances prématurées au Canada ont en fait augmenté pour passer de 6,4 % en 198139 à 8,2 % en 2004 (et à 7,9 % au Canada (exclant l’Ontario) en 200540 ). Les principaux facteurs mentionnés dans le contexte de cette augmentation comprennent l’augmentation des taux d’interventions obstétriques (c.-à-d. induction du travail et césarienne médicalement indiquées), les augmentations du nombre de mères plus âgées et de celui des naissances multiples. Même si l’on a tendance à considérer séparément la contribution des interventions obstétriques, de l’âge plus avancé de la mère et des naissances multiples, il y a beaucoup de chevauchements entre les effets de ces facteurs de risque. Les femmes plus âgées sont plus susceptibles de produire de multiples naissances à la fois spontanément et parce qu’elles sont plus susceptibles d’avoir besoin d’assistance à la procréation. Les femmes plus âgées et celles qui portent de multiples foetus sont aussi plus susceptibles d’accoucher à la suite d’une induction du travail ou d’une césarienne avant terme indiquées médicalement.
Les augmentations du nombre d’inductions et de césariennes avant terme ont été concentrées à un âge stationnel qui a varié de 34 à 36 semaines et se sont produites principalement dans les cas de grossesses à risque41 . Les augmentations du nombre de naissances prématurées parmi les naissances multiples, groupe à risque élevé où les taux de mortalité périnatale et de morbidité néonatale sérieuse sont beaucoup plus élevés, illustrent bien ce dernier point. La fréquence des naissances prématurées parmi les naissances multiples est passée d’environ 30 % au cours des années 197042 à 40 % au début des années 1980, 50 % au cours des années 199043 , pour atteindre 58,4 % en 2004 (page 286). L’efficacité thérapeutique des naissances prématurées iatrogènes médicalement indiquées pour éviter la mort est évidente dans la relation inverse qui existe entre les augmentations de population dans le cas des naissances prématurées et les baisses simultanées des taux de mortinatalité et de mortalité périnatale41,43–47 . Comme on considère les augmentations récentes du nombre des naissances prématurées comme le produit d’efforts obstétriques visant à réduire la mortalité périnatale, l’indicateur du taux de naissances prématurées, qui a déjà été un baromètre fiable de la santé périnatale de la population, est devenu un marqueur plus complexe et hétérogène à la fois de l’état de santé périnatale de la population et des services de soins de santé périnatale. Comme dans le cas de l’augmentation de la tendance à l’accouchement prématuré iatrogène (lorsque le foetus est compromis), d’autres recherches, en particulier par le suivi à long terme des bébés nés à 34–36 semaines, s’imposent pour circonscrire entièrement l’équation coût-avantage48 . Même si une intervention obstétrique médicalement indiquée qui évite une mort périnatale est louable, il faut que les effets à long terme comme le déficit neurodéveloppemental, le handicap et l’incapacité fassent partie de l’équation qui détermine des indices thérapeutiques comme le nombre de sujets à traiter.
Une deuxième grande question reliée aux naissances prématurées que le présent rapport met en évidence porte sur les tendances temporelles des naissances prématurées par rapport aux naissances vivantes présentant une hypotrophie au Canada. Les taux de naissances prématurées au Canada sont passés de 7,0 % en 1995 à 8,2 % en 2004, tandis que les taux d’hypotrophie diminuaient considérablement pour passer de 10,1 % en 1995 à 7,8 % en 2004 (pages 133 et 140). Ces changements spectaculaires du panorama périnatal sont toutefois masqués pour la plupart lorsqu’on analyse l’état de santé périnatale en fonction de l’indice de faible poids à la naissance. Comme le montre la figure 7, le taux de faible poids à la naissance au Canada est demeuré généralement stable en dépit des changements susmentionnés des naissances prématurées et du retard de croissance intrautérin. Ce sont en fait les augmentations simultanées du taux des naissances prématurées et le recul du taux d’hypotrophie qui ont stabilisé le taux de faible poids à la naissance au Canada. Ce masquage de phénomènes périnataux importants est l’une des raisons pour lesquelles on concentre l’attention sur les taux de naissances prématurées et d’hypotrophie plutôt que sur le faible poids à la naissance, qui est aussi une entité hétérogène dont les composantes, soit la naissance prématurée et l’hypotrophie, sont différentes des points de vue étiologique et pronostique49,50 . C’est pourquoi les éditions antérieures et actuelle du Rapport sur la santé périnatale au Canada ont fourni de l’information sur les taux de naissances prématurées et d’hypotrophie au Canada, mais non sur les taux de faible poids à la naissance. Il est préférable de comprendre, dans le contexte de la montée des taux de naissances prématurées, la faible augmentation des taux de faible poids à la naissance qui est évidente au cours des dernières années (c.-à-d. qui sont passés de 5,5 % en 2001 à 5,9 % en 2004) comme on l’a signalé dans une publication récente de l’Institut canadien d’information sur la santé (ICIS)51 .
FIGURE 7 Taux de naissances vivantes hypotrophiques, de naissances prématurées et
de faible poids à la naissance*
Canada (à l’exclusion de l’Ontario)**, 1995–2004
Fréquence (%)