Points saillants
La Surveillance accrue des jeunes de la rue au Canada (SAJR) est un système national de surveillance sentinelle multicentrique qui observe les taux d’infections transmises sexuellement et par le sang (ITSS), les comportements à risque et les déterminants de la santé au sein de la population des jeunes de la rue au Canada.
Les jeunes de la rue et les jeunes qui deviennent des sans-abris, même temporairement, sont souvent marginalisés par le système scolaire et composent avec des conditions de vie instables. Ces jeunes connaissent plus souvent des problèmes de santé mentale, sont davantage exposés à la violence et ont un taux de mortalité plus élevé que les autres jeunes de leur âge1. Ces circonstances, ainsi que leurs comportements sexuels et leur consommation de drogues, augmentent pour eux les risques de contracter des infections transmissibles sexuellement et par le sang, et de les transmettre2 .
Des études effectuées auprès des jeunes de la rue au Canada ont permis d’évaluer que la prévalence du virus de l’hépatite C (VHC) allait de 4 à 17 %3 . La plupart des personnes infectées par le VHC n’ont aucun symptôme au début de l’infection, mais de 70 à 80 % des personnes séropositives souffriront d’hépatite chronique4, et jusqu’à 25 % de ces dernières en arriveront à souffrir de maladies hépatiques graves, y compris le cancer du foie, dans les 20 à 30 années après l’infection initiale5. Actuellement, il n’existe aucun vaccin pour le VHC.
Au Canada, le plus grand facteur de risque d’infection au VHC est le partage de matériel d’injection de drogues6. Dans la littérature, les facteurs associés à l’infection au VHC chez les jeunes de la rue, inclus l’utilisation de drogues injectables, le fait d’avoir plus de 18 ans et la consommation de cocaïne épurée (crack)3. Près de la moitié des jeunes de la rue à Montréal ayant participé à une étude de cohorte continue ont déclaré avoir consommé des drogues injectables2, tout comme l’ont fait une proportion semblable de jeunes de la rue ayant participé à une étude de cohorte prospective à Vancouver7.
Le but du présent rapport consiste à examiner les facteurs de risque d’infection au VHC chez les jeunes de la rue au Canada. Les renseignements présentés sont fondés sur les données recueillies de 1999 à 2005 dans le cadre du programme de Surveillance accrue des jeunes de la rue au Canada. De 1999 à 2005, 6 053 jeunes ont été recrutés dans sept sites (Vancouver, Edmonton, Saskatoon, Winnipeg, Toronto, Ottawa et Halifax); les résultats peuvent être généralisés à l’ensemble des jeunes de la rue de ces centres urbains. Ces sept sites n’ont pas participé à toutes les années. Pour de plus amples renseignements sur le projet Surveillance accrue des jeunes de la rue au Canada, consulter le site http://www.phac-aspc.gc.ca/sti-its-surv-epi/youth-jeunes-fra.php.
Sauf indication contraire, les analyses présentées ci-après portent seulement sur les jeunes de la rue qui ont consenti à fournir un échantillon de sang pour le dépistage du virus de l’hépatite C et qui ont obtenu un résultat définitif pour le VHC (n = 4 334).
Infection au VHC parmi les jeunes de la rue : La prévalence de l’infection au VHC est élevée chez les jeunes de la rue. Pour la période de 1999 à 2005, la prévalence générale était de 4,4 %.
Figure 1 : Prévalence de l’infection au VHC parmi les jeunes de la rue
Caractéristiques démographiques du VHC : Les jeunes de la rue infectés au VHC se retrouvaient surtout dans les groupes des jeunes plus âgés, nés au Canada et Autochtones. L’infection était légèrement plus fréquente chez les hommes que chez les femmes. Les jeunes qui avaient quitté l’école plus tôt risquaient aussi davantage d’être infectés au VHC.
Variable |
Total |
VHC + |
RC |
Valeur |
Âge | ||||
15-19 | 2 547 | 52 (2,0 %) | Réf. | |
20-24 |
1 787 |
140 (7,8 %) |
4,1 (2,9, 5,6) |
<0,001 |
Sexe | ||||
Femmes | 1 695 | 92 (3,8 %) | Réf. | |
Hommes |
2 638 |
100 (5,4 %) |
1,5 (1,1, 1,9) |
0,011 |
Origine ethnique | ||||
Autochtone | 1 522 | 113 (7,4 %) | 2,8 (2,1, 3,7) | <0,001 |
Autre |
2 811 |
79 (2,8 %) |
Réf. |
|
Pays de naissance | ||||
Canada | 3 959 | 186 (4,7 %) | 2,9 (1,3, 6,8) | 0,006 |
Autre |
371 |
6 (1,6 %) |
Réf. |
|
Plus haut niveau de scolarité (n’inclut pas les cas où cette donnée est manquante) | ||||
Primaire | 120 | 14 (11,7 %) | 3,1 (1,7, 5,4) | <0,001 |
Secondaire ou plus |
3 977 |
165 (4,1 %) |
Réf. |
|
Interaction avec les services sociaux et correctionnels, et la famille : La probabilité qu’ils aient eu un contact avec des organismes de services sociaux ou avec le système judiciaire par le passé était plus élevée chez les jeunes de la rue infectés au VHC. Ils avaient aussi davantage tendance à déclarer un passé d’abus sexuels. Par contre, l’étude n’a pas révélé de différence dans la prévalence du virus chez les jeunes récemment en contact ou vivant encore chez un parent et les jeunes qui n’étaient pas en rapport avec leurs familles. Bon nombre des jeunes recrutés par ce système de surveillance pouvaient être temporairement sans-abri ou vivre temporairement dans la rue, mais n’avaient pas complètement perdu le contact avec leurs parents.
Variable |
Total |
VHC + |
RC |
Valeur p* |
A été placé en famille d’accueil | ||||
Non | 2 599 | 75 (2,9 %) | Réf. | |
Oui |
1 735 |
117 (6,7 %) |
2,4 (1,8, 3,3) |
<0,001 |
A eu un travailleur social | ||||
Non | 1 317 | 34 (2,6 %) | Réf. | |
Oui |
3 012 |
158 (5,2 %) |
2,1 (1,4, 3,0) |
<0,001 |
A été dans un foyer de groupe | ||||
Non | 2 413 | 75 (3,1 %) | Réf. | |
Oui |
1 921 |
117 (6,1 %) |
2,0 (1,5, 2,7) |
<0,001 |
A été en prison/dans un établissement de détention | ||||
Non | 1 769 | 28 (1,6 %) | Réf. | |
Oui (pour une nuit ou plus) |
2 547 |
163 (6,4 %) |
4,3 (2,8, 6,4) |
<0,001 |
A eu un agent de probation | ||||
Non | 2 033 | 40 (2,0 %) | Réf. | |
Oui |
2 298 |
151 (6,6 %) |
3,5 (2,5, 5,0) |
<0,001 |
Vit actuellement avec un parent | ||||
Non | 3 703 | 165 (4,5 %) | 0,7 (0,4, 1,1) | 0,099 |
Oui |
546 |
16 (2,9 %) |
Réf. |
|
A eu des contacts avec un parent/parent-substitut depuis les 3 derniers mois | ||||
Non | 640 | 36 (5,6 %) | 0,7 (0,5, 1,1) | 0,095 |
Oui |
3 584 |
149 (4,2 %) |
Réf. |
|
A quitté la maison en raison d’abus sexuels | ||||
Non | 1 718 | 70 (4,1 %) | Réf. | |
Oui |
255 |
20 (7,8 %) |
2,0 (1,2, 3,4) |
0,007 |
Sources de revenus : Les jeunes de la rue qui ont déclaré que leur source principale de revenus provenait d’activités illicites étaient plus susceptibles d’être infectés au VHC.
Variable |
Total |
VHC + |
RC |
Valeur |
Revenu provenant principalement d’activités illicites durant les 3 derniers mois (industrie du sexe, vol, trafic de drogues) | ||||
Non | 3 778 | 128 (3,4) | Réf. | |
Oui |
556 |
64 (11,5 %) |
3,7 (2,7, 5,1) |
<0,001 |
Prévalence des infections à pathogènes transmissibles par le sang ou sexuellement : Les jeunes de la rue infectés au VHC étaient plus susceptibles d’avoir été exposés à des pathogènes transmissibles par le sang ou sexuellement, dont le virus de l’hépatite B. Même si la prévalence du VIH parmi les participants qui ont consenti à faire un test était relativement faible (0,8 %), le risque d’une co-infection au VIH était extrêmement élevé chez les personnes infectées au VHC.
Variable |
Total |
VHC +1 |
RC |
Valeur |
VHS-1* | ||||
Oui | 1 836 | 113 (6,2 %) | 2,7 (1,8, 4,0) | <0,001 |
Non |
1 297 |
31 (2,4 %) |
Réf. |
|
VHS-2* | ||||
Oui | 502 | 64 (12,7 %) | 4,7 (3,3, 6,7) | <0,001 |
Non |
2 634 |
79 (3,0 %) |
Réf. |
|
Anticorps anti-HBc* | ||||
Oui (réactif) | 101 | 17 (16,8 %) | 4,7 (2,8, 8,2) | <0,001 |
Non (non réactif) |
3 860 |
157 (4,1 %) |
Réf. |
|
VIH* | ||||
Oui | 33 | 13 (39,4 %) | 15,3 (7,5, 31,3) | <0,001 |
Non |
4 220 |
172 (4,1 %) |
Réf. |
|
N’a jamais été informé de son ITS | ||||
Oui | 1 054 | 122 (11,6 %) | 6,0 (4,4, 8,1) | <0,001 |
Non |
3 273 |
70 (2,1 %) |
Réf. |
|
Comportement sexuel : Les jeunes de la rue infectés au VHC étaient plus susceptibles de déclarer avoir eu des comportements sexuels à risque élevé au cours de leur vie et de se percevoir à haut risque pour les maladies transmissibles sexuellement et par le sang.
Variable |
Total |
VHC + |
RC |
Valeur |
Même partenaire sexuel* (Hommes seulement, n = 2 496) | ||||
Oui | 360 | 26 (7,2 %) | 2,2 (1,4, 3,5) | 0,001 |
Non |
2 136 |
73 (3,4 %) |
Réf. |
|
Travailleurs ou travailleuses du sexe* | ||||
Oui | 874 | 98 (11,2 %) | 4,4 (3,3, 5,9) | <0,001 |
Non |
3 298 |
92 (2,8 %) |
Réf. |
|
Risque auto-évalué d’acquérir une ITSS, le VIH ou le VHB* | ||||
Élevé | 372 | 40 (10,8 %) | 3,0 (2,1, 4,4) | <0,001 |
De nul à moyen |
3 767 |
144 (3,8 %) |
Réf. |
|
Consommation de drogue : Les jeunes de la rue infectés au VHC étaient plus susceptibles d’avoir consommé des drogues par injection ou autrement et de déclarer une consommation d’alcool quotidienne récente. Environ 18 % des jeunes de la rue, entre 1999 et 2005, ont déclaré avoir consommé des drogues par injection. Ce comportement est la seule variable explicative indépendante de l’infection au VHC dans les analyses univariées. Parmi les répondants qui avaient consommé de la drogue par injection et répondu à la question sur le partage des aiguilles ou de l’équipement, environ 30 % ont indiqué qu’ils n’utilisaient pas toujours des aiguilles ou de l’équipement neufs ou propres pour s’injecter la drogue.
Variable |
Total |
VHC + |
RC |
valeur de p* |
Consommation de drogue autrement que par injection | ||||
Oui | 4 083 | 191 (4,7 %) | 12,2 (1,7, 87,6) | 0,001 |
Non |
250 |
1 (0,4 %) |
Réf. |
|
Consommation de drogue par injection | ||||
Oui | 922 | 169 (18,3 %) | 32,8 (21,1, 51,1) | <0,001 |
Non |
3 385 |
23 (0,7 %) |
Réf. |
|
Âge à la première injection (médiane = 16) | ||||
Moins de 16 ans | 327 | 64 (19,6 %) | Réf. | |
16 ans ou plus |
436 |
94 (21,6 %) |
1,1 (0,8, 1,6) |
0,502 |
Injection de cocaïne essentiellement au cours des 3 derniers mois* | ||||
Oui | 208 | 74 (35,6 %) | 2,3 (1,6, 3,5) | <0,001 |
Non |
312 |
60 (19,2 %) |
Réf. |
|
Injection de morphine essentiellement au cours des 3 derniers mois* | ||||
Oui | 169 | 58 (34,3 %) | 1,9 (1,3, 2,8) | 0,002 |
Non |
351 |
76 (21,7 %) |
Réf. |
|
Injection d’héroïne essentiellement au cours des 3 derniers mois* | ||||
Oui | 131 | 36 (27,5 %) | 1,1 (0,7, 1,8) | 0,615 |
Non |
388 |
98 (25,3 %) |
Réf. |
|
Injection de Ritalin¹ essentiellement au cours des 3 derniers mois* | ||||
Oui | 85 | 44 (51,8 %) | 4,5 (2,7, 7,5) | <0,001 |
Non |
360 |
69 (19,2 %) |
Réf. |
|
Utilisation d’aiguilles et d’équipement d’injection toujours propre²* | ||||
Non | 127 | 54 (42,5 %) | 2,5 (1,6, 3,9) | <0,001 |
Oui |
287 |
66 (23,0 %) |
Réf. |
|
Consommation quotidienne d’alcool au cours des 3 derniers mois | ||||
Oui | 284 | 23 (8,1 %) | 2,0 (1,3, 3,2) | 0,002 |
Non |
4 040 |
168 (4,2 %) |
Réf. |
|
Le système de Surveillance accrue des jeunes de la rue au Canada a permis d’illustrer que la prévalence de l’hépatite C et d’autres infections à pathogènes transmissibles sexuellement et par le sang est plus élevée chez les jeunes de la rue dans divers centres urbains du Canada. Fait encore plus important, les raisons qui peuvent inciter les jeunes à quitter le domicile familial et à être en contact avec les services sociaux et correctionnels peuvent aussi les mener vers un mode de vie marginalisé et risqué. Le fait de quitter l’école, de gagner sa vie par des activités illicites ou de consommer des drogues non injectables et de l’alcool ne sont pas en soi des causes directes d’infection au VHC, mais suggèrent une concentration de facteurs de risque qui mettent le jeune en situation de risque élevé. Pour améliorer les résultats de santé chez les jeunes à risque, il faut donner à ceux qui vivent dans la rue ou deviennent sans-abri un soutien intersectoriel.
Le système de Surveillance accrue des jeunes de la rue (SAJR) au Canada est le fruit d’une collaboration entre l’Agence de la santé publique du Canada et des chercheurs, des régies de la santé provinciales et locales, et des organismes communautaires des sites participants de partout au Canada. Pour de plus amples renseignements sur les organismes et les personnes qui participent à la SAJR, veuillez consulter le site à l’adresse http://www.phac-aspc.gc.ca/sti-its-surv-epi/youth-jeunes-fra.php. Nous désirons remercier spécialement les jeunes de la rue qui ont consenti à participer au système SAJR.
Pour de plus amples renseignements, veuillez communiquer avec :
Section de la surveillance de la santé et de l’épidémiologie
Division des infections acquises dans la collectivité
Centre de la lutte contre les maladies transmissibles et les infections
Pré Tunney
Indice de l’adresse : 0603B
Ottawa (Ontario) K1A 0K9
Télécopieur : 613-941-9813