Points saillants
L’hépatite C est causée par une infection au virus de l’hépatite C (VHC) qui a été identifié en 1989. Le VHC est transmis par contact direct avec le sang de personnes infectées ou de produits sanguins infectés. Le VHC est l’une des plus grandes causes d’insuffisance hépatique et de la transplantation du foie dans les pays développés1.
L’infection initiale (aiguë) au VHC est souvent asymptomatique, et moins de 25 % des personnes infectées sont légèrement malades2. Certaines personnes infectées s’en remettent, mais de 75 à 85 % des personnes infectées progressent vers un état chronique (porteur)3. Parmi ces personnes, 20 % développeront une cirrhose du foie, souvent après dix ou vingt ans sans symptôme. Étant donnée la nature « silencieuse » de cette infection, environ un tiers des personnes ayant une infection chronique ne sont pas conscientes de cette infection, ce qui augmente le risque qu’elles transmettent le virus à d’autres4. Il n’existe actuellement aucun vaccin pour le VHC.
Actuellement, l’utilisation de drogues injectables (UDI) est le principal facteur de risque pour la transmission du VHC au Canada (en raison du partage des aiguilles, des seringues et d’autre matériel d’injection). Elle est responsable de 70 à 80 % des cas récents d’infection au VHC au Canada. Le partage de matériel d’inhalation de drogues (p. ex. les pipes pour la cocaïne épurée et les pailles, etc) a aussi été associé à la transmission du VHC. Le fait de vivre ou de voyager dans de grandes villes canadiennes où l’infection au VHC est endémique constitue aussi un facteur de risque courant, en raison du taux plus élevé de transmission de cette infection dans les établissements de santé de ces régions. La transmission sexuelle ou périnatale (de la mère à l’enfant) du VHC est inefficace et plus rare. Les risques d’infection sont élevés pour le tatouage et le perçage corporel, en raison de la contamination du matériel, ou pour le partage d’articles d’hygiène personnelle (p. ex. des rasoirs ou des brosses à dents) avec une personne infectée au VHC. Bien qu’il y ait eu des cas de transmission du VHC par des transfusions sanguines, des procédures améliorées de test et de contrôle des réserves de sang mises en place au Canada depuis 1990 ont presque totalement éliminé ce risque4.
Le présent document a pour but d’examiner les facteurs de prévalence et de risque de l’infection au VHC parmi les utilisateurs de drogues injectables (UDI) au Canada. Les renseignements présentés sont fondés sur les données recueillies pendant la phase I de l’étude I-Track. I‑Track est un système de surveillance accru multicentrique qui décrit l’évolution des tendances pour les pratiques d’injection de drogues, les comportements sexuels à risque, la prévalence du VIH et du VHC, et les comportements de dépistage parmi les UDI au Canada5. La phase 1 de l’étude I-Track s’est étalée d’octobre 2003 à mai 2005. Pendant cette phase, 3 031 participants ont été recrutés dans sept sites (Victoria, Edmonton, Regina, Winnipeg, Sudbury, Toronto et des sites de SurvUDI, soit en Abitibi-Témiscamingue, en Estrie, en Mauricie et au Centre du Québec, en Montérégie, à Montréal, à Ottawa, en Outaouais, à Québec, et au Saguenay-Lac St‑Jean). Pour de plus amples renseignements sur la phase 1 de l’étude I-Track, voir le rapport Surveillance améliorée des comportements à risque chez les utilisateurs de drogues injectables au Canada, à l’adresse http://www.phac-aspc.gc.ca/i-track/sr-re-1/index-fra.php.
À moins d’indication contraire, les analyses présentées ici ne portent que sur les UDI qui ont participé à l’étude I-Track, ont consenti à fournir des échantillons de sang pour des tests de dépistage du VHC et ont obtenu des résultats définitifs à ces tests (n = 2 842).
Prévalence du VHC : Près des deux tiers des UDI étaient séropositifs au VHC.
Caractéristiques démographiques du VHC : Les UDI plus âgés étaient plus à risque d’être séropositifs au VHC.
Total (n) | VHC+ (%) | RC (IC à 95%) | Valeur p | |
Sexe | ||||
Hommes | 1982 | 1292 (65,2) | Ref | |
Femmes | 843 | 549 (65,1) | 1 (0,8-1,2) | 0,97 |
Groupe d'age | ||||
<20 ans | 101 | 12 (11,9) | Ref | |
20-29 ans* | 747 | 362 (48,5) | 6,9 (3,8-13,0) | <0,0001 |
30-39 ans* | 942 | 641 (68,1) | 15,8 (8,5-29,3) | <0,0001 |
40-49 ans* | 824 | 658 (79,9) | 29,4 (15,7-55,0) | <0,0001 |
50+ ans* | 206 | 165 (80,1) | 29,8 (14,9-59,7) | <0,0001 |
Niveau d'instruction | ||||
Études secondaires non complétées | 2111 | 1363 (64,6) | 0,92 (0,8-1,1) | 0,37 |
Études secondaires complétées ou plus | 703 | 467 (66,4) | Ref | |
Origine ethnique | ||||
Autochtone | 746 | 490 (65,7) | 1,03 (0,9-1,2) | 0,73 |
Non-autochtone | 2059 | 1338 (65,0) | Ref |
Consommation de drogues et pratiques d’injection : Les UDI qui s’étaient injectés de la cocaïne ou de la cocaïne épurée (crack) et de la cocaïne au cours des six mois précédant l’étude, s’étaient injectés dans un lieu public au cours des six mois précédant l’étude et s’étaient injectés plus d’une ou deux fois par semaine dans le mois précédant l’étude étaient plus susceptibles d’être infectés au VHC (tableau 2).
Total (n) | VHC+ (%) | RC (IC à 95%) | Valeur p | |
Se sont injectés de la cocaïne au cours des 6 derniers mois* | ||||
Oui | 2346 | 1590 (67,8) | 1,9 (1,5-2,3) | <0,0001 |
Non | 492 | 260 (52,9) | Réf | |
Se sont injectés du crack et de la cocaïne au cours des 6 derniers mois* | ||||
Oui | 2432 | 1640 (67,4) | 1,9 (1,6-2,4) | <0,0001 |
Non | 406 | 210 (51,7) | Réf | |
Fréquence d'injections au cours du mois précédent* | ||||
Régulièrement, plus d'une ou deux fois par semaine | 2021 | 1362 (67,3) | 1,4 (1,2-1,7) | <0,0001 |
Parfois ou pas du tout | 821 | 490 (59,7) | Réf | |
Se sont injectés dans un lieu public au cours des 6 derniers mois* | ||||
Oui | 2591 | 1709 (66,0) | 1,5 (1,2-2,0) | 0.0024 |
Non | 222 | 124 (55,9) | Réf | |
Lieu d'injection le plus fréquent | ||||
Public | 684 | 448 (65,6) | 1,02 (0,9-1,2) | 0.81 |
Autres | 2097 | 1363 (65,0) | Réf |
Partage d’aiguilles et de matériel d’injection : Les utilisateurs d’un programme d’échange de seringues (PES) et les personnes qui avaient emprunté des seringues au cours des six mois précédant l’étude étaient plus à risque d’être infectés au VHC (tableau 3).
Total (n) | VHC+ (%) | RC (IC à 95%) | Valeur p | |
Toute utilisation d'un PES* | ||||
Oui | 2530 | 1722 (68,1) | 3,13 (2,4-4,0) | <0,0001 |
Non | 301 | 122 (40,5) | Réf | |
Ont emprunté des seringues au cours des 6 derniers mois* | ||||
Oui | 578 | 418 (72,3) | 1,51 (1,2-1,8) | <0,0001 |
Non | 2223 | 1409 (63,4) | Réf | |
Ont emprunté du matériel au cours des 6 derniers mois | ||||
Oui | 856 | 551 (64,4) | 0,95 (0,8-1,1) | 0.52 |
Non | 1947 | 1278 (65,6) | Réf | |
Ont emprunté des seringues au cours du mois précédent* | ||||
Oui | 1501 | 974 (64,9) | 1,01 (0,9-1,2) | 0.87 |
Non | 1180 | 762 (64,6) | Réf | |
Ont emprunté du matériel au cours du mois précédent | ||||
Oui | 1479 | 962 (65,0) | 1,01 (0,9-1,2) | 0.93 |
Non | 1170 | 759 (64,9) | Réf |
Comportements sexuels : Les femmes UDI qui travaillaient dans l’industrie du sexe au cours des six mois précédant l’étude étaient 1,7 fois plus à risque d’être séropositives au VHC que les autres (tableau 4).
Total (n) | VHC+ (%) | RC (IC à 95%) | Valeur p | |
Travailleuse de l'industrie du sexe au cours des 6 derniers mois* | ||||
Oui | 250 | 182 (72,8) | 1,7 (1,2-2,3) | 0.0022 |
Non | 589 | 364 (64,8) | Réf | |
Relations sexuelles avec des partenaires masculins au cours des 6 derniers mois (hommes) | ||||
Oui | 186 | 119 (64,0) | 0,9 (0,7-1,3) | 0.7 |
Non | 1776 | 1161 (65,4) | Réf |
Pratiques de dépistage : La grande majorité des UDI ont déclaré avoir des antécédents de dépistage du VHC (tableau 5).
Dernier test de dépistage du VHC | Total (%) N=2374 |
Au cours des 6 derniers mois | 883 (37,4) |
Entre 6 et 12 mois | 361 (15,2) |
Entre un et deux ans | 344 (14,5) |
Plus de deux ans | 786 (33,1) |
Accès aux soins : Plus de la moitié des UDI qui se savaient infectés au VHC ont déclaré qu’ils avaient consulté un médecin.
Les résultats de la phase I d’I-Track indiquent que la prévalence du VHC, soit 65,7 %, demeure beaucoup trop élevée chez les UDI qui ont fait l’objet de l’étude par rapport à la prévalence du VHC estimée à 0,8 % dans l’ensemble de la population canadienne. Environ un UDI sur sept (14 %) était co-infecté par le VHC et le VIH. Les UDI plus âgés (et probablement ceux qui utilisent des drogues injectables depuis plus longtemps) risquaient davantage d’être séropositifs au VHC que les UDI plus jeunes. Comme l’ont montré d’autres études, les facteurs de risque comme l’utilisation de la cocaïne et de la cocaïne épurée (crack), l’emprunt de seringues et la fréquence des injections ont été associés de manière indépendante à la prévalence du VHC (données non présentées). Même si la participation à un programme d’échange de seringues (PES) révèle un lien positif avec l’infection au VHC, les études publiées suggèrent que ces programmes attirent en fait les UDI au risque plus élevé6, 7, 8. Cette observation offre une explication possible du pourcentage plus élevé de participants séropositifs au VHC parmi les utilisateurs de PES et suggère aussi que ces programmes constituent une bonne occasion de sensibiliser ces utilisateurs au risque plus élevé et de leur fournir des services de prévention et de soins. Un tiers des UDI séropositifs au VHC avaient subi un test de dépistage du VHC dans les six mois précédant l’étude, et parmi ceux qui avaient eu des résultats positifs à ces tests, près de la moitié avaient consulté un médecin dans cette même période. Compte tenu des changements rapides qui surviennent dans la culture des consommateurs de drogues dans les centres urbains et semi-urbains au Canada, il importe que la prévention, les traitements et les soins de santé soient adaptés aux besoins locaux. Il importe également de ne pas sous-estimer les facteurs sociaux et contextuels qui peuvent être associés à la transmission du VHC.
I-Track est le fruit d’une collaboration entre l’Agence de la santé publique du Canada et des chercheurs, des régies de la santé provinciales et locales, et des organismes communautaires des sites participants de partout au Canada; la coordination est fournie par la Division de Surveillance et d'Évaluation de Risques, et l’évaluation de VHC et du VIH est réalisé par le Laboratoire National du VIH et de Rétrovirologie. Nous souhaitons remercier spécialement les participants à l’étude I-Track. Pour de plus amples renseignements sur I-Track, veuillez consulter le site à l’adresse http://www.phac-aspc.gc.ca/aids-sida/about/itrack-fra.php.
Pour de plus amples renseignements sur l’hépatite C, veuillez communiquer avec :
Section de la surveillance de la santé et de l’épidémiologie
Division des infections acquises dans la collectivité
Centre de la lutte contre les maladies transmissibles et les infections
Pré Tunney
Indice de l’adresse : 0603B
Ottawa (Ontario) K1A 0K9
Télécopieur : 613-941-9813