Nouvelles de la Bibliothèque nationale |
par Denise Leclerc,
conservatrice adjointe, art canadien récent, Musée des beaux-arts du Canada
(Adaptation d’une présentation intitulée « Le sens des mots » donnée à la Bibliothèque nationale le 15 septembre 1998 dans le cadre de la série de séminaires Savoir Faire.)
Le mouvement automatiste montréalais est fort probablement le mouvement artistique qui a le plus puisé, au Québec et au Canada, à des sources littéraires, non pas en ce qui a trait à la source directe d’inspiration du contenu de l’art, mais plutôt comme une adaptation d’une technique de création en écriture, l’automatisme, qui avait été élaborée par l’écrivain surréaliste français André Breton. Nous avons donc tenté, au cours de cette présentation, de tisser des liens entre un mouvement très important en peinture, ici, dans les années 1940, et le monde du livre.
Par exemple, l’histoire des rééditions du Refus global, le manifeste du groupe, publié en août 1948, ainsi que les lieux de publication, sont significatifs quant à leur impact sur le milieu. Les commémorations qui s’ensuivent à chaque décennie offrent l’occasion aux revues spécialisées d’élargir le débat et de faire circuler les idées dans une aire de rayonnement sociologique plus large. Les travaux d’érudition, comme les ouvrages de François-Marc Gagnon ou l’édition critique des textes de Paul-Émile Borduas, par Gilles Lapointe, ont contribué à son rayonnement en y rajoutant le poids de l’autorité savante. Pour reprendre Jacques Godbout, ce sont tous là des jalons qui marquent le processus de ritualisation d’un mythe.
Cet exposé nous a également permis d’expliciter comment le concept de « rupture » ou encore le vocable de peintres « indépendants » avait évolué, depuis 1936, jusqu’à dépasser la sphère artistique. En conclusion, le paradoxe du groupe automatiste, qui est considéré comme un moteur de la modernité de la société québécoise, est le suivant : il se trouvait en fait à contester le rationalisme moderne en privilégiant la libération de l’inconscient par les méthodes automatistes et en se faisant davantage porteur de valeurs « anarchiques ». Nous pouvons toujours nous y rafraîchir pour y puiser un sens nouveau. Voilà pour l’évolution du « sens des mots ».