hickman motors ltd. c. canada
T-1582-89
Hickman Motors Limited (demanderesse)
c.
Sa Majesté la Reine
(défenderesse)
Répertorié: Hickman Motors Ltd. c. Canada
(1re
inst.)
Section de première instance, juge Joyal"Ottawa, 15
juillet 1992 et 6 janvier 1993.
Impôt sur le revenu
"
Calcul du revenu
"
Allocation du coût en capital
" Réorganisation de l'entreprise pour montrer son
appui financier à la filiale " Filiale volontairement
liquidée au profit de la compagnie mère "
Quatre jours plus tard, la demanderesse vend l'actif de la
compagnie liquidée " Fraction non amortie du
coût en capital de la filiale déduite du revenu,
ce qui a pour effet de réduire à néant
les revenus de 1985 et 1986 " Vu la condition imposée
à l'art. 20 de la Loi de l'impôt sur le revenu
quant à la source de revenu et la condition de l'objet
commercial imposée à l'art. 1102(1)c) du
Règlement, pour pouvoir demander une déduction
pour amortissement, le contribuable doit établir qu'il
a acquis cet actif pour réaliser un
bénéfice d'une entreprise qu'il exploite " La
rapidité avec laquelle l'actif a été
revendu indique l'absence d'intention de gagner un revenu de
l'actif " L'art. 88(1.1) préserve le principe selon
lequel l'entreprise continue d'être exploitée
par la compagnie mère.
Il s'agit d'un appel de nouvelles cotisations qui
modifiaient l'impôt sur le revenu payable par la
demanderesse pour 1985 et 1986. La demanderesse exploitait
une concession d'automobiles et de camions de General Motors.
Elle était liée à quatre autres
compagnies. Une filiale de l'une de ces entreprises
associées était un concessionnaire de
machinerie lourde. À la suite de pressions faites par
un des principaux fournisseurs de cette filiale, une
réorganisation a été entreprise pour
témoigner un appui financier à la filiale. Deux
semaines après l'achat par la demanderesse de toutes
les actions de la filiale, l'entreprise a été
liquidée et son actif acquis par sa compagnie
mère, la demanderesse. Quatre jours plus tard, la
demanderesse a vendu tout l'actif, net du passif, de la
filiale liquidée, à une compagnie nouvellement
constituée. La demanderesse a déduit la
fraction non amortie du coût en capital de la filiale
sur son bénéfice, ce qui a eu pour effet de
réduire à néant son revenu imposable
pour 1985 et 1986. La défenderesse a refusé la
déduction pour amortissement réclamée en
1984, et modifié l'impôt sur le revenu payable
pour 1985 et 1986, au motif que la demanderesse n'avait pas
acheté l'actif afin de gagner ou de retirer un revenu.
La demanderesse s'est opposée au motif qu'elle
n'était pas tenue de prouver que l'actif avait
été acheté afin de gagner ou de produire
un revenu, comme l'actif était transféré
dans le cadre de la réorganisation commerciale,
conformément aux paragraphes 88(1) et 88(1.1) et,
à titre subsidiaire, que la demanderesse avait
effectivement acheté et utilisé l'actif pour
gagner ou produire un revenu. La demanderesse a soutenu qu'en
tout état de cause, l'article 88 prévoit un
roulement automatique en vertu duquel, à la
liquidation d'une filiale en propriété
exclusive pour sa compagnie mère, tous les droits et
obligations, y compris les pertes de la filiale, sont
transférés à la compagnie mère.
La défenderesse a confirmé les nouvelles
cotisations.
Le paragraphe 20(1) de la Loi de l'impôt sur le
revenu, prévoit que, dans le calcul du revenu
d'une entreprise ou d'un bien, il est possible de
déduire la partie du coût en capital ou le
montant du coût en capital que le règlement
autorise. D'après l'alinéa 1102(1)c) du
Règlement de l'impôt sur le revenu, les
catégories de biens amortissables à l'annexe II
n'incluent pas des biens qui n'ont pas été
acquis pour gagner ou produire un revenu.
Jugement: l'appel est rejeté.
La condition imposée à l'article 20
relativement à la source de revenu, et la condition
imposée à l'alinéa 1102(1)c)
relativement à l'objet commercial indiquent que la
demanderesse doit établir qu'elle a acquis l'actif
pour faire un profit d'une entreprise qu'elle exploite afin
d'imputer la déduction pour amortissement à
l'égard de l'actif. La présence d'un objet
commercial doit être établie, compte tenu de
tous les faits et de toutes les circonstances qui entourent
l'acquisition. La courte période de rotation de quatre
jours a clairement montré qu'il n'y avait pas
d'intention et encore moins de tentative visant à
gagner un revenu de l'actif acquis à la liquidation.
Le coût en capital de l'actif d'un concessionnaire de
machinerie lourde ne s'applique pas au revenu de l'entreprise
de ventes d'automobiles et de services qu'il a
exploitée dans son année d'imposition 1984.
Le principe voulant qu'une entreprise continue
d'être exploitée par une compagnie mère
est préservé à l'article 88(1.1). Il
renforce la proposition selon laquelle les dispositions de
roulement ne sont mises en oeuvre que lorsque les biens en
immobilisation, transférés d'une filiale
à une compagnie mère, sont utilisés dans
l'entreprise de cette dernière, condition qui n'est
pas remplie en l'espèce. Une telle
interprétation est aussi en harmonie avec le principe
plus général qui sous-tend les
déductions pour amortissement, savoir que les biens en
immobilisation ne peuvent être amortis que s'ils sont
utilisés dans l'entreprise. Vu la conclusion que
l'actif en cause ne pouvait vraisemblablement pas être
utilisé dans l'exploitation de l'entreprise de la
demanderesse, la condition prévue par la Loi n'a pas
été remplie.
lois et règlements
Loi de l'impôt sur le revenu, S.C.
1970-71-72, ch. 63, art. 20(1)a), 88(1) (mod. par S.C.
1973-74, ch. 14, art. 27; 1980-81-82-83, ch. 48, art. 48),
(1.1) (édicté par S.C. 1977-78, ch. 1, art. 43;
mod. par S.C. 1984, ch. 1, art. 39), 111, 172(2) (mod. par
S.C. 1980-81-82-83, ch. 158, art. 58), 245 (mod. par S.C.
1986, ch. 6, art. 124), 248(1).
Loi de l'impôt sur le revenu, S.R.C. 1952,
ch. 148, art. 11.
Règlement de l'impôt sur le revenu,
C.R.C., ch. 945, art. 1100(15), 1102(1)c).
jurisprudence
distinction faite avec:
Stubart Investments Ltd c. la Reine, [1984] 1
R.C.S. 536; [1984] CTC 294; (1984), 84 DTC 6305; 53 N.R.
241.
décisions examinées:
Bolus-Revelas-Bolus Ltd v. M.N.R., [1971] C.T.C.
230; 71 D.T.C. 5153 (C. de l'É.); Holiday Luggage
Mfg. Co. c. Canada, [1987] 2 C.F. 249; [1987] 1 C.T.C.
23; (1986), 86 D.T.C. 6601; 8 F.T.R. 94 (1re
inst.); Oceanspan Carriers Ltd c. Canada, [1987] 2
C.F. 171; [1987] 1 C.T.C. 210; (1987), 87 D.T.C. 5102; 73
N.R. 91 (C.A.); Lea-Don Canada Limited c. Ministre du
Revenu National, [1971] R.C.S. 95; (1970), 13 D.L.R. (3d)
117; [1970] C.T.C. 346; 70 D.T.C. 6271; Greenberg v.
Commissioners of Inland Revenue (1971), 47 T.C. 240
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APPELS de nouvelles cotisations refusant la
déclaration pour amortissement demandée par une
compagnie mère, sur son revenu, d'après la
fraction non amortie du coût en capital d'une filiale
liquidée dans la compagnie mère. Appel
rejeté.
avocats:
James R. Chalker pour la demanderesse.
Roger Taylor et André LeBlanc pour la
défenderesse.
procureurs:
Chalker, Green & Rowe, St John's, Terre-Neuve,
pour la demanderesse.
Le sous-procureur général du Canada
pour la défenderesse.
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
Le juge Joyal: Il s'agit d'un appel par voie de
déclaration, interjeté conformément au
paragraphe 172(2) de la Loi de l'impôt sur le
revenu [S.C. 1970-71-72, ch. 63 (mod. par S.C.
1980-81-82-83, ch. 158, art. 58)] de deux avis de nouvelles
cotisations, en date du 26 septembre 1988, portant
modification de l'impôt sur le revenu payable par la
demanderesse pour les années d'imposition 1985 et
1986.
HISTORIQUE
La demanderesse, Hickman Motors Limited (ci-après
appelée Hickman), et des compagnies associées,
savoir Hickman Holdings Limited (ci-après
appelée Holdings), Trio Holdings Limited
(ci-après appelée Trio), A.E. Hickman Company
Limited (ci-après appelée A.E.) et Hickman
Equipment (1985) Limited (ci-après appelée
Equipment 85), font affaire dans la province de Terre-Neuve
et ont leur principal établissement à St.
John's.
À une certaine époque, Hickman Equipment
Limited (ci-après appelée Equipment), à
ne pas confondre avec Equipment 85, était une filiale
possédée en propriété exclusive
par A.E. Cette compagnie faisait principalement la location
de machinerie lourde. Ses pertes et ses dettes figuraient
dans les états financiers consolidés de sa
compagnie mère. La direction de Hickman a jugé
nécessaire de corriger cette situation en dissociant
les deux compagnies pour faire en sorte que la situation
financière d'A.E. soit plus attrayante pour les
fournisseurs et les groupes d'acheteurs.
Il est déclaré que John Deere Limited, qui
était le principal fournisseur de matériel
d'Equipment, pressait le groupe Hickman de montrer son appui
financier pour Equipment. Pour arriver à cette fin, la
demanderesse et le groupe associé ont entrepris une
réorganisation comprenant les opérations
suivantes:
1. Le 14 décembre 1983, Holdings a fait constituer
la compagnie Trio comme sa filiale possédée en
propriété exclusive;
2. Le 15 décembre 1983, A.E. a investi 860 000 $
pour acquérir les actions privilégiées
rachetables de Trio;
3. Le 15 décembre 1983, Trio a acquis de A.E.
toutes les actions en circulation d'Equipment pour un
dollar;
4. Le 16 décembre 1983, Trio a investi 860 000 $
pour acquérir des actions rachetables d'Equipment;
5. Le 14 décembre 1984, Trio a vendu à la
demanderesse toutes les actions d'Equipment pour 860 000
$;
6. Le 28 décembre 1984, Equipment a
été volontairement liquidée et son actif
a été acquis par sa compagnie mère,
c'est-à-dire la demanderesse;
7. Le 2 janvier 1985, Trio a fait constituer la compagnie
Equipment 85 et a investi 860 000 $ pour en acquérir
des actions ordinaires;
8. Le 2 janvier 1985, la demanderesse a vendu à
Equipment 85, pour une contrepartie de 860 000 $, tout
l'actif d'Equipment, net de dettes.
À la suite de la liquidation d'Equipment, la
demanderesse a assumé les pertes d'Equipment autres
qu'en capital, soit 876 859 $, et la fraction non amortie du
coût en capital de 5 196 442 $, pour laquelle la
demanderesse a demandé une déduction pour
amortissement de 2 029 942 $ à l'égard de
l'année d'imposition 1984.
Dans sa déclaration de revenus de 1984, la
demanderesse a déclaré une perte de 1 251 682 $
et des pertes autres qu'en capital reportées
prospectivement des années 1981, 1982, 1983 et 1984,
soit un total de pertes autres qu'en capital reportées
prospectivement à 1985 de 2 131 912 $.
Dans sa déclaration de revenus de 1985, la
demanderesse a déclaré un revenu net de 985 527
$, une somme à laquelle elle a imputé le
même montant au titre de pertes autres qu'en capital,
réduisant ainsi à néant son revenu
imposable.
Dans sa déclaration de revenus de 1986, la
demanderesse a déclaré un revenu net de 989 460
$, une somme à laquelle elle a imputé le
même montant au titre de pertes autres qu'en capital,
réduisant ainsi à néant son revenu
imposable.
Dans des avis de nouvelles cotisations en date du 26
septembre 1988, la défenderesse a refusé la
déduction pour amortissement demandée par la
demanderesse en 1984 et a, par conséquent,
modifié l'impôt sur le revenu payable par la
demanderesse pour les années d'imposition 1985 et
1986, au motif que la demanderesse n'avait pas acquis l'actif
en cause aux fins de gagner ou de produire un revenu.
Dans un avis d'opposition en date du 21 décembre
1988, la demanderesse s'est opposée aux nouvelles
cotisations établies par la défenderesse, au
motif qu'elle n'était pas tenue de démontrer
que l'actif avait été acquis aux fins de gagner
ou de produire un revenu puisque l'actif avait
été transféré dans le cadre d'une
réorganisation d'entreprise, conformément aux
paragraphes 88(1) [mod. par S.C. 1973-74, ch. 14, art. 27;
1980-81-82-83, ch. 48, art. 48] et 88(1.1)
[édicté par S.C. 1977-78, ch. 1, art. 43; mod.
par S.C. 1984, ch. 1, art. 39] de la Loi; à titre
subsidiaire, la demanderesse a fait valoir que si l'actif
devait être acquis dans le but de gagner ou de produire
un revenu, elle l'a effectivement acquis et utilisé
à ces fins.
Dans un avis de ratification en date du 27 avril 1989, la
défenderesse a ratifié les nouvelles
cotisations, au motif qu'aucune perte autre qu'en capital
subie dans l'année d'imposition 1984 ne pouvait
être déduite dans le calcul du revenu imposable
des années d'imposition 1985 et 1986.
LA THÈSE DE LA DÉFENDERESSE
La défenderesse allègue que la
déduction pour amortissement réclamée
par la demanderesse a été refusée
à bon droit pour les motifs suivants:
1. Aucune fraction du coût en capital des biens
acquis à la suite de la liquidation ne se rapportait
entièrement au revenu tiré de l'entreprise de
la demanderesse dans son année d'imposition 1984, ou
ne pouvait raisonnablement être
considérée comme s'y rapportant, au sens de
l'alinéa 20(1)a) de la Loi;
2. Les biens acquis à la suite de la liquidation
n'ont pas été acquis par la demanderesse aux
fins de gagner ou de produire un revenu de son entreprise, de
sorte qu'ils sont censés ne pas être des biens
amortissables, en vertu de l'alinéa 1102(1)c)
du Règlement [Règlement de l'impôt sur
le revenu, C.R.C., ch. 945];
3. De toute manière, dans la mesure où une
fraction quelconque de la déduction pour amortissement
dont s'est prévalue la demanderesse avait trait
à des biens utilisés aux fins de gagner un
revenu de location, cette fraction devait être
réduite pratiquement à néant, en vertu
du paragraphe 1100(15) du Règlement, puisque la
demanderesse avait tiré un revenu insignifiant de la
location des biens pendant l'année.
LA THÈSE DE LA DEMANDERESSE
La demanderesse prétend que l'opération
conclue à la fin de décembre 1984 est tout
à fait conforme aux dispositions expresses des
paragraphes 88(1) et 88(1.1) de la Loi de l'impôt
sur le revenu. L'actif en cause a été
transféré dans le cadre d'une
réorganisation d'entreprise de la nature de celle
visée par cet article. Il a été
transféré aux fins de gagner un revenu et il a
été effectivement utilisé à cette
fin.
De toute manière, prétend la demanderesse,
l'article 88 de la Loi prévoit que lorsqu'une filiale
possédée en propriété exclusive
est liquidée, tous ses droits et obligations, y
compris, bien sûr, les pertes de la filiale, sont
automatiquement transférés à la
compagnie mère en franchise d'impôt. C'est tout
ce que prévoit l'article 88, si bien qu'il ne devrait
pas être nécessaire d'établir que l'actif
acquis a produit un revenu.
La demanderesse ajoute qu'elle n'a nullement abusé
des droits prévus dans la Loi en agissant comme elle
l'a fait. Elle allègue avoir scrupuleusement suivi la
méthode et la procédure énoncées
dans la Loi, si bien qu'elle a le droit de se
prévaloir de tous les avantages qui y sont
prévus.
LE DROIT APPLICABLE
Les avocats des parties m'ont cité les dispositions
suivantes de la Loi et du Règlement:
Paragraphe 88(1.1) de la Loi:
88. . . .
(1.1) Lorsqu'une corporation canadienne (appelée
dans le présent paragraphe la "filiale") a
été liquidée et qu'au moins 90 % des
actions émises de chaque catégorie du
capital-actions de la filiale appartenaient,
immédiatement avant la liquidation, à une autre
corporation canadienne (appelée dans le présent
paragraphe la "corporation mère") et que toutes les
actions de la filiale qui n'appartenaient pas à la
corporation mère immédiatement avant la
liquidation appartenaient à cette date à une ou
à plusieurs personnes avec lesquelles la corporation
mère n'avait aucun lien de dépendance, aux fins
du calcul du revenu imposable de la corporation mère
et de l'impôt qu'elle doit payer en vertu de la Partie
IV pour toute année d'imposition commençant
après le début de la liquidation, toute
fraction d'une perte autre qu'une perte en capital, d'une
perte agricole restreinte ou d'une perte agricole de la
filiale qui peut raisonnablement être
considérée comme résultant de
l'exploitation d'une entreprise donnée (appelée
dans le présent paragraphe l'"entreprise
déficitaire de la filiale") et toute autre fraction
d'une perte autre qu'une perte en capital de la filiale
résultant d'une autre source pour une année
d'imposition donnée de celle-ci (appelée dans
le présent paragraphe "année de la perte subie
par la filiale") dans la mesure où elle
a) n'a pas été déduite dans le
calcul du revenu imposable de la filiale pour une
année d'imposition de celle-ci, et
b) aurait été déductible dans
le calcul du revenu imposable de la filiale pour sa
première année d'imposition qui commence
après le début de la liquidation, en supposant
qu'elle avait une telle année d'imposition et un
montant suffisant de revenu pour cette année,
est, aux fins des alinéas 111(1)a),
c) et d) du paragraphe 111(3) et de la Partie
IV,
c) dans le cas de la fraction d'une perte autre
qu'une perte en capital, d'une perte agricole restreinte ou
d'une perte agricole subie par la filiale qui peut
raisonnablement être considérée comme la
perte qu'elle a subie dans l'exploitation de l'entreprise
déficitaire de la filiale, réputée
être, pour l'année d'imposition de la
corporation mère dans laquelle a pris fin
l'année de la perte subie par la filiale, une perte
autre qu'une perte en capital, une perte agricole restreinte
ou une perte agricole, respectivement, de la corporation
mère résultant de l'exploitation de
l'entreprise déficitaire de la filiale, laquelle
n'était pas déductible par la corporation
mère dans le calcul de son revenu imposable pour toute
année d'imposition qui a commencé avant le
début de la liquidation, et
d) dans le cas de toute autre fraction de toute
perte autre qu'une perte en capital subie par la filiale,
résultant d'une autre source, réputée
être, pour l'année d'imposition de la
corporation mère dans laquelle a pris fin
l'année de la perte subie par la filiale, une perte
autre qu'une perte en capital subie par la corporation
mère résultant de la source de laquelle la
filiale a subi la perte, laquelle n'était pas
déductible par la corporation mère dans le
calcul de son revenu imposable pour toute année
d'imposition qui a commencé avant le début de
la liquidation,
sauf que
e) lorsque, à une date quelconque, le
contrôle de la corporation mère ou de la filiale
a été acquis par une ou plusieurs personnes
(chacune d'elles étant appelée au
présent article l'"acheteur") la partie de la perte
autre qu'une perte en capital ou une perte agricole subie par
la filiale pour une année d'imposition se terminant
avant cette date, qui peut raisonnablement être
considérée comme étant la perte qu'elle
a subie en raison de l'exploitation d'une entreprise
donnée, est déductible par la corporation
mère pour une année d'imposition se terminant
après cette date seulement
(i) si, tout au long de l'année donnée et
après cette date, cette entreprise a été
exploitée par la filiale ou la corporation mère
en vue d'en tirer un profit ou dans une expectative
raisonnable de profit, et
(ii) jusqu'à concurrence du total
(A) du revenu que la corporation mère a tiré
pour l'année donnée de cette entreprise et,
lorsque des biens sont vendus, loués ou
aménagés ou des services sont rendus dans le
cadre de l'exploitation de cette entreprise avant cette date,
de toute autre entreprise dont la presque totalité des
revenus découlent de la vente, la location ou
l'aménagement de biens ou de la prestation de services
qui sont semblables, et
(B) de l'excédent éventuel
(I) du total des gains en capital imposables de la
corporation mère pour l'année donnée
résultant de la disposition de biens dont la filiale
était propriétaire au plus tard à cette
date, à l'exception de biens acquis de l'acheteur ou
d'une personne qui avait un lien de dépendance avec
l'acheteur,
sur
(II) l'excédent éventuel du total des pertes
en capital admissibles subies par la corporation mère
pour l'année donnée résultant de la
disposition de biens visés à la
sous-disposition (I) sur le total des pertes admissibles
à titre de placement d'entreprise pour l'année
donnée résultant de la disposition de ces
biens.
Paragraphe 20(1) de la Loi:
20. (1) Nonobstant les dispositions des
alinéas 18(1)a), b) et h), lors
du calcul du revenu tiré par un contribuable d'une
entreprise ou d'un bien pour une année d'imposition,
peuvent être déduites celles des sommes
suivantes qui se rapportent entièrement à cette
source de revenus ou la partie des sommes suivantes qui peut
raisonnablement être considérée comme s'y
rapportant:
a) la partie, si partie il y a, du coût en
capital des biens supporté par le contribuable ou le
montant, si montant il y a, du coût en capital des
biens, supporté par le contribuable, que le
règlement autorise;
Paragraphe 1100(15) du Règlement:
1100. . . .
(15) Par dérogation au paragraphe (1), en aucun cas
le total des déductions dont chacune est une
déduction à l'égard de biens d'une
catégorie prescrite qui comprend les biens locatifs
possédés par un contribuable, que celui-ci peut
déduire en vertu du paragraphe (1) dans le calcul de
son revenu pour une année d'imposition, ne doit
dépasser la fraction, si fraction il y a,
a) du total des sommes dont chacune
représente
(i) son revenu pour l'année tiré de la
location, à bail ou non, ou de redevances d'un bien
donné en location à bail, ou d'un bien qui
serait un bien donné en location à bail, si ce
n'était du paragraphe (18), (19) ou (20), lorsqu'il
possède un tel bien, calculé en faisant
abstraction de l'alinéa 20(1)a) de la Loi,
ou
(ii) le revenu d'une société pour
l'année tiré de la location, à bail ou
non, ou de redevances d'un bien donné en location
à bail, ou d'un bien qui serait un bien donné
en location à bail, si ce n'était du paragraphe
(18), (19) ou (20), lorsqu'elle possède un tel bien,
dans la mesure de la contribution du contribuable à un
tel revenu,
qui est en sus
b) du total des sommes dont chacune
représente
(i) sa perte de location, à bail ou non, ou de
redevances pour l'année, relative à un bien
visé au sous-alinéa a)(i),
calculée en faisant abstraction de l'alinéa
20(1)a) de la Loi, ou
(ii) la perte de location, à bail ou non, ou de
redevances subies par une société pour
l'année, relative à un bien visé au
sous-alinéa a)(ii), dans la mesure de la
participation du contribuable à une telle perte.
Alinéa 1102(1)c) du Règlement:
1102. (1) Les catégories de biens décrits
dans la présente partie et dans l'annexe II sont
censées ne pas comprendre les biens
. . .
c) qui n'ont pas été acquis par le
contribuable aux fins de gagner ou de produire un revenu;
CONCLUSIONS
Il est tout à fait évident que, pour pouvoir
examiner tous les aspects de la question qui a
été soumise à la Cour, nous devons
d'abord mentionner l'objectif visé par les compagnies
du groupe Hickman lorsqu'elles ont effectué les
nombreuses opérations en cause, lesquelles ont
finalement permis à la demanderesse d'acquérir
l'actif et le passif d'Equipment et de les transmettre
à Equipment 85 environ quatre jours plus tard.
Comme nous l'avons déjà mentionné, la
réorganisation de la demanderesse a été
entreprise dans le but de convaincre John Deere Limited que
la demanderesse accordait son appui financier à l'une
des compagnies avec lesquelles elle était
associée, savoir Equipment. À cette fin, on a
fait en sorte que la demanderesse, qui jouissait d'une bonne
situation financière, détienne l'actif et le
passif d'Equipment. Je note ici que si la série
d'opérations avait pris fin à cette
étape, la Cour n'aurait peut-être pas
été saisie du présent litige.
Cependant, Equipment 85 a alors été
constituée pour acheter cet actif et ce passif de la
demanderesse. D'après la preuve, la demanderesse, un
concessionnaire d'automobiles et de camions General Motors,
n'avait nullement l'intention d'agir comme concessionnaire de
machinerie lourde, la principale entreprise qu'avait
exploitée Equipment et celle qu'Equipment 85 devait
acquérir.
La Cour note également que les déductions
pour amortissement dont pouvait se prévaloir
Equipment, par ailleurs, n'étaient pas permises.
Nous pourrions donc conclure que cette série
d'opérations avait été faite uniquement
pour des raisons fiscales, sans objet commercial
légitime. Cette conclusion pourrait entraîner
l'application des dispositions en matière
d'évitement fiscal, prévues à l'article
245 [mod. par S.C. 1986, ch. 6, art. 124] de la Loi.
Cependant, les parties n'ont plaidé ni pour, ni contre
l'application de cette disposition de la Loi. Il est donc
inutile de s'étendre davantage sur cette question.
Néanmoins, il faut faire une analyse plus
approfondie de la notion plus fondamentale de
déduction pour amortissement. Une telle
déduction est prévue au paragraphe 20(1) de la
Loi. Une déduction au titre d'une entreprise ou d'un
bien est admise en vertu de ce paragraphe si elle se rapporte
entièrement, ou en partie, à "cette source de
revenus"; un contribuable peut déduire la partie du
coût en capital ou le montant du coût en capital
que le règlement autorise.
L'alinéa 1102(1)c) du Règlement
paraît s'accorder avec la disposition de l'article 20
relative à la source de revenu. En effet, les
catégories de biens amortissables mentionnées
dans l'annexe II sont censées "ne pas comprendre les
biens . . . qui n'ont pas été acquis par le
contribuable aux fins de gagner ou de produire un
revenu".
Vu la condition imposée à l'article 20,
relativement à la source de revenu, et la condition
imposée à l'alinéa 1102(1)c),
relativement à l'objet commercial, j'estime que la
demanderesse, pour pouvoir demander une déduction pour
amortissement à l'égard de l'actif, doit
établir qu'elle a acquis cet actif pour
réaliser un bénéfice d'une entreprise
qu'elle exploite.
Selon une règle de droit bien établie, la
question de savoir s'il y a ou non un objet commercial doit
être décidée objectivement, à la
lumière de tous les faits et circonstances qui
entourent l'acquisition. Dans le jugement
Bolus-Revelas-Bolus Ltd. v. M.N.R., [1971] C.T.C. 230,
le juge Gibson de la Cour de l'Échiquier fait une
étude assez exhaustive de la jurisprudence de
l'époque sur cette question. Il mentionne l'article 11
de la Loi [S.R.C. 1952, ch. 148], en vigueur alors,
c'est-à-dire la disposition qui régit les
déductions pour amortissement, et les conditions
attachées à cette disposition en vertu de
l'alinéa 1102(1)c) du Règlement.
En l'espèce, il est difficile de voir comment
l'actif d'une franchise John Deere, appartenant à
Equipment et exploitée par elle, ait pu être
utilisé dans l'entreprise de la demanderesse pour
produire un revenu. La preuve révèle que le
chiffre d'affaires de la demanderesse en 1984
dépassait 75 millions de dollars et, de ce chiffre,
seulement 1,9 p. 100 était attribuable à la
location à bail. Le simple fait que cet actif
pût être donné en location à bail
n'a pas d'incidence, à mon avis, sur le
véritable objet de l'acquisition. À mon sens,
la rapidité avec laquelle l'actif a été
revendu, soit environ quatre jours après son
acquisition, indique assez clairement que la demanderesse
n'avait pas l'intention de gagner un revenu de l'actif acquis
à la suite de la liquidation et qu'elle n'avait fait
aucune démarche en ce sens. Dans une telle situation,
les arguments de la demanderesse me paraissent irrecevables
en vertu de l'alinéa 1102(1)c) du
Règlement.
Il y a également lieu de mentionner l'alinéa
20(1)a) de la Loi. Là encore, il est
prévu que la déductibilité dépend
de la source de revenu. Il me paraît évident que
le coût en capital de l'actif ne se rapporte pas au
revenu que la demanderesse a tiré de la vente
d'automobiles et de services rendus aux automobilistes,
c'est-à-dire l'entreprise qu'elle exploitait pendant
son année d'imposition 1984.
Il nous reste à examiner l'argument de la
demanderesse fondé sur l'article 88 de la Loi. Il
s'agit de son argument le plus fort. La demanderesse souligne
qu'en vertu de ce paragraphe, lorsqu'une compagnie
mère liquide une filiale, l'actif de celle-ci lui est
automatiquement transféré libre d'impôt.
Selon la demanderesse, cette disposition législative
permet le transfert de tous les droits et obligations et,
à sa lecture, elle ne prévoit pas que l'actif
doive produire un revenu.
En toute déférence pour l'imagination et la
compétence de tous ceux qui ont pris part aux
nombreuses opérations effectuées, une analyse
plus approfondie des dispositions les plus pertinentes de ce
paragraphe m'amène à conclure
différemment. Voici ces dispositions:
88 (1.1)
. . .
c) dans le cas de la fraction d'une perte autre
qu'une perte en capital . . . subie par la filiale qui peut
raisonnablement être considérée comme la
perte qu'elle a subie dans l'exploitation de l'entreprise
déficitaire de la filiale, réputée
être, pour l'année d'imposition de la
corporation mère . . . une perte autre qu'une perte en
capital . . . de la corporation mère résultant
de l'exploitation de l'entreprise déficitaire de la
filiale.
. . .
sauf que
e) lorsque, à une date quelconque, le
contrôle de la corporation mère ou de la filiale
a été acquis par une ou plusieurs personnes . .
. la partie de la perte autre qu'une perte en capital . . .
subie par la filiale pour une année d'imposition se
terminant avant cette date, qui peut raisonnablement
être considérée comme étant la
perte qu'elle a subie en raison de l'exploitation d'une
entreprise donnée, est déductible par la
corporation mère dans une année d'imposition se
terminant après cette date seulement
(i) si, tout au long de l'année donnée et
après cette date, cette entreprise a été
exploitée par la filiale ou la corporation mère
en vue d'en tirer un profit ou dans une expectative
raisonnable de profit
L'alinéa 88(1.1)e) limite clairement la
déductibilité des pertes autres qu'en capital
lorsqu'il y a changement de contrôle, soit de la
filiale, soit de la compagnie mère. Dans ce cas, cette
dernière doit démontrer qu'elle a
continué à exploiter l'entreprise
déficitaire en vue d'en tirer un profit. En outre, une
telle déduction peut seulement être
imputée au revenu tiré de la même
entreprise qui lui a donné lieu ou de toute autre
entreprise qui lui est semblable en grande partie. (Voir
Arnold, McNair et Young, Materials on Canadian Income
Tax (1989), Richard De Boo Publishers, à la page
817). À mon sens, cette disposition maintient le
critère de l'objet commercial, sans doute pour exclure
les opérations qui seraient purement artificielles par
ailleurs.
Les autres dispositions du paragraphe 88(1.1) ne
prévoient pas expressément que la compagnie
mère doive avoir acquis l'actif dans le but de
produire un revenu. Cependant, les mots " . . .
réputée être . . . une perte autre qu'une
perte en capital . . . de la corporation mère
résultant de l'exploitation de l'entreprise
déficitaire de la filiale . . . ", qui figurent
à l'alinéa 88(1)c ), peuvent être
interprétés comme ajoutant une autre
restriction à la déductibilité de ces
pertes. L'article 111 de la Loi prévoit la même
restriction quant à la déductibilité des
pertes autres qu'en capital. En l'espèce, la preuve
montre que la demanderesse ne pouvait pas exploiter
l'entreprise d'Equipment pendant la courte période
où l'actif de cette dernière lui
appartenait.
Par conséquent, à mon sens, cette
disposition particulière maintient le principe selon
lequel la corporation mère doit continuer à
exploiter l'entreprise. À tout le moins, elle donne du
poids à l'argument voulant que les dispositions en
matière de transfert libre d'impôt s'appliquent
seulement lorsque les biens en immobilisation
transférés d'une filiale à une
corporation mère sont utilisés dans
l'entreprise de cette dernière, une condition qui n'a
pas été remplie en l'espèce,
d'après mon appréciation des faits.
Une telle interprétation est également
compatible avec le principe plus fondamental qui régit
les déductions pour amortissement autorisées
par la Loi de l'impôt sur le revenu, selon
lequel les biens en immobilisation ne peuvent être
amortis que s'ils sont utilisés pour l'exploitation de
l'entreprise.
J'admets que la question dont je suis saisi est loin
d'être facile à trancher. Selon l'avocat de la
demanderesse, les dispositions de l'article 88 de la Loi ont
été édictées dans un but
précis, savoir de permettre la consolidation
d'états financiers qui ne pourraient pas l'être
par ailleurs. On pourrait interpréter
littéralement le paragraphe 88(1.1) de manière
à permettre à la demanderesse de déduire
les pertes en capital demandées. Comme nous l'avons
mentionné précédemment, le groupe de
compagnies a conclu une série d'opérations
complexes à des fins qualifiées de commerciales
et, ce faisant, la demanderesse s'est trouvée dans la
position enviable de pouvoir déduire de son revenu la
fraction non amortie des coûts en capital de sa
filiale, réduisant ainsi son revenu à
néant. Selon l'avocat de la demanderesse, l'affaire
devrait en rester là.
Jusqu'à maintenant, les tribunaux n'ont pas
examiné l'application du paragraphe 88(1.1) de la Loi
dans un cas comme celui dont je suis saisi. Le paragraphe
88(1.1) lui-même, ainsi que l'ensemble des dispositions
de la Loi qui se rapporte à la réorganisation
des corporations ne sont pas faciles à lire. Certains
disent, à bon escient sans doute, que ces dispositions
traduisent en termes légaux des formules comptables
essentiellement abstraites pour conférer de la
cohérence et de l'uniformité à des
calculs complexes que d'aucuns qualifieraient
d'ésotériques.
Les commentaires de fiscalistes dans diverses publications
ne fournissent pas non plus de réponse toute faite.
J'ai eu l'occasion d'en consulter plusieurs. J'ai parcouru
l'article sur la liquidation publié dans le Report
of Proceedings of the Thirty-Second Tax Conference
(1980), aux pages 102 et s.; l'analyse de Vern Krishna sur la
déduction pour amortissement dans The Fundamentals
of Canadian Income Tax: an Introduction, Troisième
édition, 1989, Carswell, à la page 355;
l'article de Howard J. Alper sur la liquidation dans le
Canadian Tax Journal, Volume XXII, 1974, à la
page 98; le Income Tax Handbook 1978-79, de Gilmour,
27e édition, à la page 341;
Introduction to Federal Income Taxation in Canada:
Commentary and Problems, de Beam et Laiken,
édition de 1990[ib]-91, C.C.H. Canadian
Limitée, à la page 133; [ho]Materials on
Canadian Income Tax, de [ho]Arnold, [ho]McNair et Young,
8e édition, à la page 815; le
Bulletin d'interprétation IT-302R2, du 23 mai
1986.
Bien que la plupart des ouvrages susmentionnés
portent sur les pertes autres qu'en capital
transférées en franchise d'impôt par une
filiale à sa corporation mère, une question qui
n'est pas en litige en l'espèce et que la
défenderesse ne conteste nullement de toute
manière, aucune de ces sources ne m'éclaire sur
la question précise des déductions pour
amortissement, sauf en ce qui concerne une corporation
mère qui a utilisé des biens en immobilisations
aux fins d'exploiter son entreprise, ou pour continuer
à exploiter l'entreprise de sa filiale.
DÉCISION
Ce n'est pas la première fois qu'un tribunal a de
la difficulté à appliquer les diverses
dispositions de la Loi de l'impôt sur le revenu.
Généralement, on peut dire que lorsqu'il s'agit
d'examiner une disposition particulière de la Loi
de l'impôt sur le revenu, elle doit être
interprétée d'une manière qui soit non
seulement compatible avec les autres dispositions
particulières à laquelle elle s'applique, mais
aussi avec les dispositions plus générales de
la Loi. Cette règle a maintenant été
fixée en droit contemporain et elle a
été clairement exprimée par E. A.
Driedger, dans son ouvrage Construction of Statutes,
2e édition, à la page 87:
[traduction] Aujourd'hui il n'y a qu'un seul principe ou
solution: il faut lire les termes d'une Loi dans leur
contexte global en suivant le sens ordinaire et grammatical
qui s'harmonise avec l'esprit de la Loi, l'objet de la Loi et
l'intention du législateur.
Bien qu'il soit manifestement difficile d'appliquer cette
règle à la phraséologie abstruse et
ésotérique de l'article 88, il me semble
néanmoins que l'approche technique prônée
par la demanderesse doive être compatible avec les
dispositions plus générales de la Loi. Je
conclus que les règles particulières
énoncées au paragraphe 88(1.1), relativement au
transfert, libre d'impôt, de l'actif et du passif,
peuvent seulement être appliquées à la
lumière des autres dispositions de la Loi que j'ai
citées. Toute autre solution engendrerait simplement
un résultat factice et créerait un
déséquilibre ou un manque de cohérence
dans l'application des dispositions plus
générales de la Loi, ce qui serait contraire
à l'intention du législateur. Je note
également que, contrairement au paragraphe 88(1), le
paragraphe (1.1) ne prévoit pas qu'il s'applique,
"nonobstant toutes autres dispositions de la présente
loi".
La Cour devait résoudre un problème
semblable dans l'affaire Holiday Luggage Mfg. Co. c.
Canada, [1987] 2 C.F. 249 (1re inst.),
où l'on avait limité le sens du mot
"corporation" au plan géographique, alors que cette
interprétation n'était nullement
justifiée par la définition légale de ce
terme au paragraphe 248(1) de la Loi de l'impôt sur
le revenu .
La Cour d'appel fédérale devait
résoudre une question semblable dans l'affaire
Oceanspan Carriers Ltd. c. Canada, [1987] 2 C.F. 171,
où la Cour a jugé qu'un non-résident qui
n'avait touché aucun revenu de source canadienne
n'était pas un "contribuable", malgré la
définition large donnée à ce mot au
paragraphe 248(1) de la Loi de l'impôt sur le
revenu . La Cour suprême du Canada est
arrivée à une conclusion analogue dans
l'affaire Lea-Don Canada Limited. c. Ministre du Revenu
National, [1971] R.C.S. 95, où la Cour a
jugé qu'un non-résident qui n'exerçait
pas d'entreprise au Canada n'était pas une "personne"
ayant droit à une déduction pour
amortissement.
Un tribunal doit donc éviter d'entériner une
application astucieuse d'une disposition légale
particulière lorsqu'elle va à l'encontre des
principes généraux qui soutendent le
régime fiscal canadien. Cette retenue judiciaire a
été bien exprimée par lord Reid dans
l'arrêt Greenberg v. Commissioners of Inland
Revenue (1971), 47 T.C. 240 (H.L.), cité dans
l'arrêt Stubart Investments Ltd. c. La Reine,
[1984] 1 R.C.S. 536 [aux pages 560 et 561]:
[traduction] Il semble que nous avons beaucoup
évolué à partir de la règle
générale et salutaire qu'il ne peut y avoir
d'imposition du sujet sans un texte précis. Mais je
dois reconnaître qu'un texte précis suffit
rarement à prévoir et prévenir la
multiplicité de plans ingénieux constamment mis
sur pied pour éviter l'impôt. Le Parlement est,
à juste titre, déterminé à
empêcher cette sorte d'évasion fiscale et, si
les tribunaux jugent impossible de donner une
interprétation très large à des
dispositions générales, la seule autre solution
offerte au Parlement sera de faire comme dans certains autres
pays et d'adopter des dispositions de nature plus radicale
qui feront courir aux contribuables ordinaires qui n'ont pas
de mauvaises intentions un risque beaucoup plus grand que
celui que présente une interprétation large des
dispositions en cause en l'espèce.
Je ne veux pas dire par là que l'article 88 de la
Loi est un piège tendu pour les contribuables qui
décideraient de suivre cette voie. Par ailleurs, il
n'est pas question, en l'espèce, d'une accumulation de
pertes en capital, mais plutôt d'un transfert de biens
en immobilisation pour lesquels les déductions pour
amortissement sont limitées par la Loi aux biens en
immobilisation utilisés dans l'exploitation de
l'entreprise. À moins d'établir que ces biens
n'aient été utilisés à cette fin,
aucune déduction pour amortissement ne peut être
demandée. Puisque nous avons conclu que l'actif en
cause ne pouvait vraisemblablement pas être
utilisé dans l'exploitation de l'entreprise de la
demanderesse, la condition prévue par la Loi n'a pas
été remplie. À cet égard, je note
que l'alinéa 88(1.1)b) renferme des
dispositions déterminatives : d'une part, on suppose
que les pertes étaient déductibles du revenu de
la filiale dans son année d'imposition
réputée; d'autre part, on suppose que la
filiale avait un revenu suffisant au cours de cette
année. Cependant, j'estime que cet alinéa doit
être lu à la lumière de l'alinéa
88(1.1)c), où il est question de
"l'exploitation de l'entreprise déficitaire de la
filiale" par la corporation mère. De toute
manière, selon mon interprétation de la
disposition en matière de liquidation, il faut, avant
tout, que l'actif ait été utilisé dans
l'exploitation de l'entreprise avant de pouvoir demander une
déduction au titre de biens amortissables.
Je songe également aux commentaires du juge Wilson
dans l'arrêt Stubart, précité,
à la page 540, selon lesquels une opération
dont le seul objet commercial est de procurer un avantage
fiscal ne sera pas nécessairement assujettie à
une nouvelle cotisation. Cette remarque va dans le sens du
commentaire de lord Tomlin dans l'arrêt Inland
Revenue Commissioners v. Westminster (Duke of), [1936]
A.C. 1 (H.L.), à la page 19:
[traduction] Tout homme a le droit, s'il le peut, de
diriger ses affaires de façon que son assujetissement
aux impôts prescrits par les lois soit moindre qu'il ne
le serait autrement.
Les motifs du juge Estey, dans l'arrêt
Stubart, confirment aussi ce principe. Le juge Estey a
conclu que la Loi prévoyait le mécanisme par
lequel il était possible pour une compagnie de prendre
à son compte les pertes fiscales d'une "autre"
compagnie. À l'instar du cas dont je suis saisi, le
transfert de l'ensemble de l'actif et du passif était
évident. Contrairement au cas dont je suis saisi, la
compagnie qui avait assumé les pertes fiscales a
continué à exploiter l'entreprise acquise par
le biais d'un contrat de mandat intervenu entre les deux
compagnies liées. Le transfert des pertes fiscales se
rapportait à une période
indéterminée et la compagnie qui a acquis
l'actif et le passif a continué à exploiter
l'entreprise de l'auteur du transfert pendant environ trois
ans.
Il faut également se rappeler que, dans l'affaire
Stubart, il s'agissait de décider si, en
l'absence de toute manoeuvre factice, une opération
pouvait être annulée pour le motif plus
fondamental qu'il n'y avait aucun objet commercial
véritable. Tel n'est pas le cas en
l'espèce.
Si, en l'espèce, la demanderesse ne remplit pas le
critère de l'objet commercial, ce n'est pas dans le
sens où le juge Estey a employé cette
expression dans l'arrêt Stubart. Il s'agit
plutôt du sens employé dans la Loi
elle-même, où il est question de "source de
revenus", à l'article 20 de la Loi, ou de "gagner et
produire un revenu", à l'article 1102 du
Règlement.
Je conclus donc qu'essentiellement, en vertu de la Loi, la
demanderesse ne peut tout simplement pas déduire,
à titre de pertes en capital, les sommes attribuables
aux déductions pour amortissement de sa filiale, dans
les années où elle a voulu le faire. À
mon sens, cette conclusion est tout à fait conforme
aux opinions exprimées par la Cour suprême du
Canada dans l'arrêt Stubart et elle n'entre pas
en conflit avec cet arrêt.
Je rejetterais donc l'appel de la demanderesse avec
dépens et je ratifierais les nouvelles cotisations
établies par la défenderesse.