A-462-04
2005 CAF 377
Sumas Energy 2, Inc. (appelante)
c.
L'Office national de l'énergie et autres
(intimés)
Répertorié : Sumas Energy 2, Inc. c. Canada
(Office national de l'énergie) (C.A.F.)
Cour d'appel fédérale, juges
Létourneau, Noël et Sharlow, J.C.A.--Vancouver,
7, 8 et 9 novembre 2005.
Énergie
-- Appel interjeté d'une décision de l'Office
national de l'énergie qui avait rejeté une
demande présentée en vertu des art. 58.16 et
58.23 de la Loi sur l'Office national de l'énergie en
vue de la délivrance d'un certificat d'utilité
publique pour la construction d'une ligne internationale (la
ligne) reliant l'État de Washington à la
Colombie-Britannique -- Selon les art. 58.16(1) et (2) de la
Loi, l'Office devait être persuadé, compte tenu
de tous les facteurs qu'il estimait pertinents, que la ligne
présentait un caractère d'utilité
publique, tant pour le présent que pour le futur --
L'Office n'a pas outrepassé sa compétence
lorsqu'il a tenu compte des effets environnementaux
potentiels, au Canada, de la centrale électrique, en
arguant du lien étroit entre la centrale
électrique et la ligne -- Le pouvoir
conféré à l'Office par l'art. 58.16(2)
de la Loi l'autorisait à prendre en compte des aspects
qui n'étaient pas expressément
mentionnés dans la Loi -- Le bon critère a
été appliqué, celui du caractère
d'utilité publique, c'est-à-dire que l'Office a
recensé et apprécié les facteurs
pertinents -- La preuve autorisait la conclusion selon
laquelle les inconvénients de la ligne l'emportaient
sur ses avantages, et le critère du caractère
d'utilité publique n'était donc pas
respecté -- Appel rejeté.
Droit administratif
--
Appels prévus par la loi
-- Appel interjeté conformément à
l'art. 22(1) de la Loi sur l'Office national de
l'énergie -- L'Office a rejeté une demande de
certificat d'utilité publique au motif que les
inconvénients de la ligne internationale (la ligne)
l'emportaient sur ses avantages, et que la ligne
n'était pas conforme à l'intérêt
public canadien et ne présentait pas un
caractère d'utilité publique, tant pour le
présent que pour le futur -- L'Office a tenu compte de
tous les facteurs pertinents, notamment les effets
environnementaux potentiels, au Canada, de la centrale
électrique -- L'Office n'a pas outrepassé sa
compétence et n'a commis aucune erreur sujette
à révision.
Droit administratif
--
Contrôle judiciaire
-- Motifs -- Équité procédurale -- La
décision de l'Office national de l'énergie
rejetant la demande de certificat d'utilité publique
n'était ni arbitraire ni discriminatoire -- La
spécialisation de l'Office autorisait l'Office
à donner son interprétation de la politique de
libre accès et de réciprocité suivie par
la Federal Energy Regulatory Commission des États-Unis
-- Son approche était fondée sur des principes
bien établis.
Commerce extérieur
-- L'Office national de l'énergie n'a pas
manqué de donner effet à l'Accord de
libre-échange nord-américain (ALÉNA) --
L'ALÉNA ne contraint nullement l'Office à
exercer le pouvoir que lui confère l'art. 58.16 de la
Loi sur l'Office national de l'énergie pour permettre
à un producteur d'énergie des États-Unis
de construire au Canada une ligne internationale.
Il s'agissait d'un appel formé, conformément
au paragraphe 22(1) de la Loi sur l'Office national de
l'énergie, contre une décision de l'Office
national de l'énergie rejetant la demande qu'avait
déposée l'appelante, en vertu des articles
58.16 et 58.23 de la Loi, en vue d'obtenir un certificat
d'utilité publique pour la construction d'une ligne
internationale (la ligne) reliant sa future centrale
électrique, qui serait située dans
l'État de Washington, à une sous-station
située en Colombie-Britannique. La centrale
électrique, qui devait être installée
à un kilomètre au sud de la frontière
internationale, allait brûler du gaz naturel canadien
et transporter l'électricité, via la ligne
projetée, jusqu'au réseau électrique
principal qui dessert l'Ouest canadien et les États de
l'Ouest des États-Unis.
Arrêt : l'appel doit être
rejeté.
L'Office n'a pas outrepassé sa compétence
quand il a tenu compte des effets environnementaux
potentiels, au Canada, de la centrale électrique.
Selon les paragraphes 58.16(1) et (2) de la Loi, l'Office
devait être persuadé du « caractère
d'utilité publique » de la ligne internationale,
« tant pour le présent que pour le futur
», et devait pour cela tenir compte « de tous les
facteurs qu'il estimait pertinents ». L'Office a
considéré comme un facteur pertinent les effets
environnementaux négatifs, au Canada, produits par la
centrale aux États-Unis. La décision rendue par
l'Office dans l'affaire CanStates Marketing, où
l'Office avait jugé qu'il n'avait pas le pouvoir selon
la Loi de tenir compte des effets environnementaux
entraînés au Canada par des installations
situées aux États-Unis, a été
distinguée de la présente affaire. Ici, le lien
étroit entre la centrale électrique et la
ligne, ce à quoi s'ajoutait la région au Canada
sur laquelle le projet aurait des répercussions, une
région circonscrite et sensible sur le plan
environnemental, donnait lieu à une situation avec
laquelle l'Office n'avait pas été amené
à composer dans l'affaire CanStates. En mettant
l'accent sur ce lien, l'Office ne prétendait pas
énoncer un critère juridique. L'Office
exerçait simplement le pouvoir qui lui était
conféré par le paragraphe 58.16(2) de la Loi,
c'est-à-dire le pouvoir de tenir compte de tous les
facteurs qu'il estimait pertinents, notamment le fait que
tout inconvénient que la centrale électrique
risquait de présenter au Canada était
directement lié à la ligne. Ce pouvoir
habilitait l'Office à tenir compte d'aspects qui
n'étaient pas expressément mentionnés
dans la Loi. Finalement, l'Office n'était pas tenu de
s'en rapporter à la décision du Energy Facility
Site Evaluation Council (EFSEC) de l'État de
Washington de recommander au gouverneur de cet État
d'approuver la construction de la centrale électrique.
L'EFSEC s'était penché sur les effets du projet
selon une perspective américaine, tandis que l'Office
devait considérer la perspective canadienne. Leurs
intérêts publics respectifs ne coïncidaient
pas nécessairement.
L'Office n'a pas appliqué le mauvais critère
pour statuer sur la question du caractère
d'utilité publique. Il a défini les facteurs
dont il allait tenir compte pour dire si un certificat serait
ou non délivré, puis il a attribué une
valeur à chacun des facteurs. La preuve autorisait
l'Office à dire que « tout bien pesé, les
inconvénients de la LIT [la ligne] l'emportent sur ses
avantages » et qu'il était « incapable de
conclure que la LIT est conforme à
l'intérêt public canadien et qu'elle serait
d'utilité publique tant pour le présent que
pour le futur ».
L'Office n'a pas rendu une décision arbitraire. Sa
spécialisation l'autorisait à donner son
interprétation de la politique de libre accès
et de réciprocité suivie par la Federal Energy
Commission des États-Unis. L'Office n'a pas non plus
exercé une discrimination à l'encontre de
l'appelante. Aucun fondement n'autorisait l'argument selon
lequel l'Office avait appliqué des normes
différentes ou inédites à la
requête de l'appelante. L'approche adoptée par
l'Office était fondée sur des principes bien
établis.
Finalement, il n'y avait nul bien-fondé dans
l'argument de l'appelante selon lequel l'Office n'avait pas
donné effet à l'Accord de
libre-échange nord-américain
(ALÉNA). L'ALÉNA ne contraint nullement
l'Office à exercer le pouvoir que lui confère
l'article 58.16 pour permettre à un producteur
d'énergie des États-Unis de construire au
Canada une ligne internationale que l'Office estime non
justifiée.
lois et règlements cités
Accord de libre-échange nord-américain
entre le gouvernement du Canada, le gouvernement des
États-Unis d'Amérique et le gouvernement des
États-Unis du Mexique, le 17 décembre 1992,
[1994] R.T. Can. no 2.
Loi canadienne sur l'évaluation
environnementale, L.C. 1992, ch. 37. |
Loi sur l'Office national de
l'énergie, L.R.C. (1985), ch. N-7, art.
22(1) (mod. par L.C. 1990, ch. 7, art. 11), 58.16
(édicté, idem, art. 23), 58.23
(édicté, idem), 120.1
(édicté par L.C. 1993, ch. 44, art. 188;
2001, ch. 28, art. 56). |
jurisprudence citée
décisions appliquées :
Québec (Procureur général) c.
Canada (Office national de l'énergie), [1994] 1
R.C.S. 159; (1994), 112 D.L.R. (4th) 129; 20 Admin. L.R. (2d)
79; 14 C.E.L.R. (N.S.) 1; [1994] 3 C.N.L.R. 49; 163 N.R. 241;
Nakina (Canton) c. Cie des chemins de fer nationaux du
Canada (1986), 69 N.R. 124 (C.A.F.).
décision différenciée :
Relativement à CanStates Gas Marketing; Chevron
Canada Resources Limited; Renaissance Energy Ltd., Western
Gas Marketing Limited, GH-3-94, motifs de décision
datés de novembre 1994, O.N.É.
décisions citées :
Morguard Investments Ltd. c. De Savoye, [1990] 3
R.C.S. 1077; (1990), 76 D.L.R. (4th) 256; [1991] 2 W.W.R.
217; 52 B.C.L.R. (2d) 160; 46 C.P.C. (2d) 1; 122 N.R. 81; 15
R.P.R. (2d) 1; C.N.R. et al. v. Canada Steamship Ltd. et
al., [1945] 3 D.L.R. 417; [1945] 2 W.W.R. 100 (P.C.).
APPEL interjeté d'une décision de l'Office
national de l'énergie (Relativement à Sumas
Energy 2, Inc., EH-1-2000, motifs de décision
datés de mars 2004, O.N.É.) qui avait
rejeté la demande, déposée par
l'appelante en vertu des articles 58.16 et 58.23 de la Loi
sur l'Office national de l'énergie, en vue
d'obtenir un certificat d'utilité publique. Appel
rejeté.
ont comparu :
Russell W. Lusk, c.r., William K. McNaughton
et Robert J. C. Deane pour l'appelante.
George Copley, c.r. et James G. Yardley pour
les intimés la province de la Colombie-Britannique et
autres.
Thomas R. Berger, c.r., Howard Mann et
Timothy J. Howard pour les intimés la Society
Promoting Environmental Conservation et autres.
Patrick K. McMurchy pour l'intimée
l'Association des gens d'affaires du centre-ville
d'Abbotsford.
Andrew R. Hudson et Jody L. Saunders pour
l'intimé l'Office national de l'énergie.
avocats inscrits au dossier :
Borden Ladner Gervais s.r.l., Vancouver, pour
l'appelante.
Murdy & McAllister, Vancouver, pour les
intimés la province de la Colombie-Britannique et
autres.
Sierra Legal Defence Fund, Vancouver, pour les
intimés la Society Promoting Environmental
Conservation et autres.
Palmer, Gillen, Abbotsford (Colombie- Britannique),
pour l'intimée l'Association des gens d'affaires du
centre-ville d'Abbotsford.
L'Office national de l'énergie, Calgary,
pour l'intimé l'Office national de
l'énergie.
Ce qui suit est la version française des motifs du
jugement prononcés à l'audience par
[1]La Cour: La société Sumas Energy 2, Inc.
(SE2) a sollicité, en vertu des articles 58.16
[édicté par L.C. 1990, ch. 7, art. 23] et 58.23
[édicté, idem] de la Loi sur l'Office
national de l'énergie, L.R.C. (1985), ch. N-7 (la
Loi sur l'ONÉ), un certificat d'utilité
publique (le certificat) pour la construction d'une ligne
internationale (la ligne) reliant sa future centrale
électrique de Sumas (État de Washington)
à la sous-station Clayburn de la B.C. Hydro and Power
Authority, juste au nord de la frontière
internationale. Ces dispositions sont ainsi
rédigées :
58.16 (1) Sous réserve de l'agrément
du gouverneur en conseil et de l'article 24, l'Office peut,
s'il est convaincu de son caractère d'utilité
publique, tant pour le présent que pour le futur,
délivrer un certificat pour une ligne internationale
visée par un décret ou une décision pris
au titre des articles 58.15 ou 58.23 ou d'une ligne
interprovinciale visée par un décret pris au
titre de l'article 58.4.
(2) Pour déterminer s'il y a lieu de
délivrer un certificat, l'Office tient compte de tous
les facteurs qu'il estime pertinents.
[. . .]
58.23 Le demandeur ou le titulaire de permis ou de
certificat peut notifier sa décision à
l'Office, en la forme réglementaire, portant que les
dispositions de la présente loi mentionnées
à l'article 58.27, et non la loi provinciale
visée à l'article 58.19, s'appliquent à
toute ligne internationale, existante ou projetée.
[2]SE2 entend installer sa centrale électrique
à un kilomètre au sud de la frontière
internationale, à Sumas (État de Washington).
Il est prévu que la centrale électrique
brûlera du gaz naturel canadien et transportera
l'électricité, via la ligne projetée,
par l'entremise de la sous-station Clayburn, jusqu'au
réseau électrique principal qui dessert la
Colombie-Britannique, l'Alberta et 11 États de l'Ouest
des États-Unis.
[3]La construction et l'exploitation de la centrale
électrique ont été approuvées par
le gouverneur de l'État de Washington,
conformément à la recommandation du Energy
Facility Site Evaluation Council (EFSEC) de cet État.
L'évaluation de l'EFSEC comprenait un examen
environnemental qui portait pour l'essentiel sur le
même dossier que celui qui a été soumis
à l'Office national de l'énergie (l'Office).
S'agissant des points de fait relatifs aux aspects
environnementaux, l'EFSEC est arrivé pour l'essentiel
aux mêmes conclusions. La centrale électrique
devrait émettre plus de 800 tonnes de polluants chaque
année dans le bassin atmosphérique de la
vallée du Fraser.
[4]Le 4 mars 2004, l'Office rejetait la demande de SE2
[Relativement à Sumas Energy 2, Inc.]
(EH-1-2000). SE2 a alors demandé, en application du
paragraphe 22(1) [mod., idem, art. 11] de la Loi sur
l'ONÉ, l'autorisation de faire appel de la
décision de l'Office. Cette disposition est ainsi
formulée :
22. (1) Il peut être interjeté appel
devant la Cour d'appel fédérale, avec
l'autorisation de celle-ci, d'une décision ou
ordonnance de l'Office, sur une question de droit ou de
compétence.
[5]L'autorisation d'appel a été
accordée le 26 juillet 2004. SE2 sollicite une
ordonnance annulant la décision de l'Office et
renvoyant l'affaire à l'Office pour qu'il
délivre le certificat ou pour que l'affaire soit
réexaminée par une autre formation, d'une
manière conforme aux motifs de la Cour.
[6]L'audience principale a duré 30 jours (entre mai
et septembre 2003). SE2 a convoqué de nombreux
témoins. Les administrations provinciales et
municipales ont contesté les arguments de SE2 en
convoquant leurs propres témoins experts. Un grand
nombre d'autres intervenants, notamment les intimés,
la Society Promoting Environmental Conservation, la Fondation
David Suzuki, la province de la Colombie-Britannique, la
ville d'Abbotsford, le District régional de la
vallée du Fraser et l'Association des gens d'affaires
du centre-ville d'Abbotsford, se sont eux aussi
opposés à la demande.
Erreurs alléguées
[7]Au soutien de son appel, SE2 dit que l'Office 1) a
outrepassé sa compétence en tenant compte des
effets environnementaux potentiels, au Canada, de la centrale
électrique, 2) n'a pas appliqué les bons
critères, 3) a agi d'une manière arbitraire et
discriminatoire, et 4) n'a pas donné effet à
l'Accord de libre-échange nord-américain
entre le gouvernement du Canada, le gouvernement des
États-Unis d'Amérique et le gouvernement des
États-Unis du Mexique, le 17 décembre 1992,
[1994] R.T. Can. no 2 (l'ALÉNA).
Norme de contrôle
[8]L'interprétation de l'article 58.16 de la Loi
sur l'ONÉ, et en particulier celle de l'expression
« caractère d'utilité publique »,
qui apparaît dans cet article, est une question de
droit. Le point de savoir si l'Office a le pouvoir de tenir
compte des effets environnementaux, au Canada, de la centrale
électrique est lui aussi une question de droit.
L'avocat de SE2 dit que la décision de l'Office
concernant ces deux aspects doit être revue selon la
norme de la décision correcte. Nous partageons son
avis.
[9]Quant à la norme de contrôle applicable
à la décision de l'Office relative à la
question du « caractère d'utilité
publique », nous relevons que le législateur
fédéral oblige l'Office à établir
par lui-même les facteurs dont il tiendra compte pour
se convaincre du « caractère
d'utilité publique, tant pour le présent que
pour le futur » d'une ligne internationale. L'article
58.16 prévoit que l'Office « tient compte de
tous les facteurs qu'il estime pertinents ». Vu la
formulation large et souple de l'article 58.16, le
degré de spécialisation de l'Office, enfin le
caractère éminemment factuel de l'enquête
menée par l'Office sur les aspects dont parle la
disposition, des aspects qui intéressent intimement la
spécialisation de l'Office, le législateur n'a
pas pu vouloir que la Cour intervienne à la
légère dans l'appréciation de ce qui,
aux yeux de l'Office, est un facteur pertinent. À
notre avis, la norme de contrôle en la matière
appelle une retenue plus grande que celle de la
décision correcte. Comme nous le verrons, nous n'avons
pas à décider, aux fins du présent
appel, si la norme est celle de la décision
raisonnable ou si l'Office a droit à la retenue encore
plus grande dont il faut faire preuve quand la
décision manifestement déraisonnable est la
norme applicable.
Point no 1--Pouvoirs de
l'Office
[10]SE2 dit que l'Office n'avait pas le pouvoir, selon la
Loi sur l'ONÉ, de tenir compte des effets
environne-mentaux potentiels, au Canada, de la centrale
électrique américaine. SE2 se
réfère ici à la Loi canadienne sur
l'évaluation environnementale, L.C. 1992, ch. 37
(la LCÉE), un texte in pari materia que la Loi
sur l'ONÉ, et elle dit que la Loi sur l'ONÉ
devrait être interprétée de la même
manière.
[11]Plus précisément, selon SE2, puisque
l'Office a estimé que, selon la LCÉE, il
n'avait pas le pouvoir de tenir compte des effets
environnementaux dont la source se trouve à
l'extérieur du Canada, il devait nécessairement
dire que son pouvoir était pareillement limité
selon la Loi sur l'ONÉ.
[12]Malheureusement, nous ne partageons pas ce point de
vue. Ainsi que l'Office l'expliquait dans ses motifs, son
aptitude à donner effet à ses ordonnances peut
servir à circonscrire les pouvoirs que lui a
conférés le législateur. S'agissant de
la LCÉE, il serait impossible à l'Office de
donner effet à une mesure d'atténuation aux
États-Unis puisque sa décision n'aurait aucun
effet contraignant en dehors du Canada. Il est improbable que
le législateur voulait que l'Office ait le pouvoir de
rendre des ordonnances sans avoir la capacité de les
faire exécuter.
[13]En revanche, la décision en cause montre que,
lorsqu'il a statué sur la demande
présentée par SE2 en vertu de la Loi sur
l'ONÉ, l'Office avait bien la capacité
d'atténuer ou de neutraliser les effets
environnementaux négatifs au Canada résultant
de la centrale électrique aux États-Unis, s'il
était d'avis que ce facteur militait contre la
délivrance du certificat. Selon les paragraphes
58.16(1) et (2) de la Loi sur l'ONÉ, l'Office devait
être persuadé du « caractère
d'utilité publique » de la ligne internationale,
« tant pour le présent que pour le futur
», et devait donc tenir compte « de tous les
facteurs qu'il estim[ait] pertinents ». L'Office a
considéré comme un facteur pertinent les effets
environnementaux négatifs, au Canada, produits par la
centrale aux États-Unis. Après avoir
apprécié les aspects tant favorables que
défavorables, l'Office a décidé que la
ligne internationale ne présentait pas un «
caractère d'utilité publique » et a donc
refusé de délivrer le certificat.
[14]C'est là le contexte dans lequel l'Office a
estimé qu'il avait le pouvoir, selon la Loi sur
l'ONÉ, mais non selon la LCÉE, de tenir compte
des effets environnementaux, au Canada, de la centrale
électrique qui aurait été située
aux États-Unis. À notre avis, aucune erreur ne
peut ici être imputée à l'Office.
[15]SE2 affirme aussi que, en disant qu'il avait la
compétence requise, l'Office s'est
écarté de sa décision antérieure,
rendue dans l'affaire Relativement à CanStates Gas
Marketing; Chevron Canada Resources Limited; Rennaissance
Energy Ltd.; Western Gas Marketing Limited, (novembre
1994), GH-3-94 (O.N.É.) (l'affaire CanStates),
où il avait jugé qu'il n'avait pas le pouvoir
selon la Loi sur l'ONÉ de tenir compte des effets
environnementaux entraînés au Canada par des
installations situées aux États-Unis.
[16]L'Office a cru devoir distinguer sa décision
CanStates de la présente affaire. Il a d'abord
relevé ce qui suit, à la page 151 :
La question en litige dans cette affaire était les
émissions de gaz à effet de serre
résultant de la combustion du gaz à la centrale
électrique et leur incidence sur le patrimoine naturel
mondial. L'Office s'est penché sur la question plus
limitée de savoir s'il avait compétence pour
examiner les effets environnementaux, dans des domaines de
compétence fédérale, de l'utilisation
ultime du gaz aux États-Unis.
L'Office a examiné tout d'abord le champ de
compétence que lui conférait le
Décret sur les lignes directrices visant le
processus d'évaluation et d'examen en matière
d'environnement (DLDPÉEE), qui a maintenant
été remplacé par la LCÉE. La
seule mention qu'il y ait trouvée au sujet
d'événements survenant à
l'étranger était une disposition autorisant
l'examen d'effets environnementaux qui se déplacent du
Canada vers d'autres nations. Il n'y avait aucune instruction
explicite concernant l'examen d'effets qui migrent au Canada.
L'Office a alors déclaré que, si le
législateur avait voulu qu'il examine des effets
environnementaux qui migrent au Canada, il l'aurait
prévu de façon explicite. L'Office a donc
conclu que le DLDPÉEE ne lui accordait pas,
implicitement ou explicitement, le pouvoir de tenir compte de
ces effets.
L'Office a ensuite noté que la Loi sur l'ONÉ
n'accordait pas un pouvoir explicite d'examiner des effets
environnementaux provenant de l'extérieur du Canada.
Il a déclaré qu'il en arrivait, dans le cas de
cette loi, à la même conclusion que celle
à laquelle il était parvenu au sujet du
DLDPÉEE.
[17]Puis l'Office a expliqué que, dans l'affaire
CanStates, il avait affaire à un contexte
factuel différent, à la page 151 :
Dans CanStates, l'Office n'avait pas examiné
le lien qui existait entre la licence d'exportation de gaz et
la migration des effets environnementaux au Canada, ni la
question de savoir si l'existence d'un lien direct rendrait
ces effets pertinents dans le cadre de ses
délibérations. Même si l'Office, pour les
besoins de son analyse dans cette cause, avait examiné
les effets qui ressortissaient à des domaines de
compétence fédérale, ce qui était
vraiment en cause dans cette affaire était les
émissions de gaz à effet de serre qui ont des
effets mondiaux, plutôt que régionaux.
Dans le cas qui nous occupe, l'Office a reconnu le lien
étroit qui existe entre la centrale électrique
et la LIT [ligne internationale]. De plus, les questions
qu'ont soulevées les intervenants se rapportent
précisément à des effets
environnementaux tels que ceux qui peuvent affecter la
qualité de l'air dans leurs collectivités
locales, plutôt qu'à des effets sur le
patrimoine naturel international, qui sont plus difficiles
à cerner.
[18]Il a alors expliqué le lien étroit qu'il
avait reconnu, et la raison pour laquelle il avait, de par ce
lien, le pouvoir de tenir compte dans la présente
affaire des effets environnementaux, à la page 154
:
L'Office juge que la centrale électrique et la LIT
ont des liens réciproques. La LIT ne serait pas
nécessaire s'il n'y avait pas de centrale
électrique. Inversement, si la LIT n'était pas
construite, il se pourrait que la centrale électrique
ne voie pas le jour. La LIT aurait pour toute fonction de
transmettre toute l'électricité produite par la
centrale. Ces deux entreprises seraient, en fait, des
composantes d'une même entreprise. Il est clair que
tous les avantages ou inconvénients engendrés
par la LIT comme telle sont des considérations
pertinentes pour ce qui est de déterminer si la LIT
est conforme à l'intérêt public canadien.
Selon l'avis de l'Office, tout inconvénient (et
avantage) que la centrale électrique pourrait
entraîner au Canada est directement lié à
la LIT et donc d'égale pertinence. Ainsi, l'Office en
conclut qu'il a le pouvoir, en vertu de la Loi sur
l'ONÉ, de tenir compte des effets environnementaux que
la centrale électrique de l'État de Washington
aurait au Canada, en tant que question pertinente à la
détermination qu'il doit faire au sujet de la
conformité de la LIT proposée à
l'intérêt public canadien.
[19]À notre avis, l'Office a validement jugé
que le lien étroit entre la centrale électrique
et la ligne internationale, ce à quoi s'ajoutait la
région au Canada sur laquelle le projet aurait des
répercussions, une région circonscrite et
sensible sur le plan environnemental, donnait lieu à
une situation avec laquelle il n'avait pas été
amené à composer dans l'affaire
CanStates.
[20]SE2 affirme qu'il n'appartenait pas à l'Office
de tenir compte des effets potentiels, au Canada, de la
centrale électrique au motif qu'elle était
« liée » à la ligne de transport
d'électricité. Selon SE2, ce «
critère du lien » n'apparaît nulle part
dans la Loi sur l'ONÉ, et il s'agit d'un «
critère autogénéré » qui
est sans précédent (notes écrites de
SE2, paragraphe 121).
[21]À notre humble avis, en mettant l'accent sur ce
lien, l'Office ne prétendait pas énoncer un
critère juridique. Il montrait plutôt que tout
inconvénient (ainsi que tout avantage) que la centrale
électrique pourrait entraîner au Canada
était directement lié à la ligne
internationale et qu'il intéressait donc l'exercice,
par l'Office, de son pouvoir de décider s'il convenait
ou non de délivrer le certificat. Ce faisant, l'Office
exerçait simplement le pouvoir qui lui était
conféré par le paragraphe 58.16(2) de la Loi
sur l'ONÉ, c'est-à-dire le pouvoir de tenir
compte « de tous les facteurs qu'il estim[ait]
pertinents ».
[22]Puis l'Office a ensuite examiné l'argument
selon lequel un texte explicite serait nécessaire pour
qu'il ait le pouvoir de tenir compte des effets, au Canada,
de la centrale électrique située aux
États-Unis. L'Office s'est référé
à l'arrêt Québec (Procureur
général) c. Canada (Office national de
l'Énergie), [1994] 1 R.C.S. 159, une affaire
où il avait pris en compte des aspects qui auparavant
avaient été expressément inclus dans la
Loi sur l'ONÉ, mais qui avaient été
supprimés par le législateur. La Cour
suprême a confirmé que le pouvoir de l'Office de
tenir compte des aspects qui étaient pertinents
habilitait l'Office à tenir compte d'aspects qui
n'étaient pas expressément mentionnés
dans la Loi sur l'ONÉ.
[23]Plus à propos est l'arrêt rendu par la
Cour dans l'affaire Nakina (Canton) c. Cie des chemins de
fer nationaux du Canada (1986), 69 N.R. 124 (C.A.F.).
Dans cette affaire, la Commission canadienne des transports,
par l'entremise d'un comité, avait tenu des audiences
concernant la fermeture d'une gare de chemin de fer
située dans le canton de Nakina. Le canton avait
produit une preuve montrant les effets négatifs de la
fermeture sur l'économie de la région. Le
comité avait décidé qu'il n'était
pas fondé à tenir compte de ces effets puisque
le texte de loi en vertu duquel il exerçait ses
fonctions ne mentionnait que l'exploitation technique, la
sécurité et le service. La Cour, constatant que
le comité reconnaissait qu'il était tenu de
prendre en compte l'intérêt public,
s'était exprimée ainsi (à la page 2)
:
Je trouve une telle conclusion étonnante. Le
Comité reconnaît devoir prendre en
considération l'intérêt public.
L'expression « intérêt public » me
semble, par définition, désigner les
intérêts de tous les membres du public
touchés par une décision. Pour
déterminer ce que veut l'intérêt public,
il faut apprécier l'importance respective des
considérations opposées en jeu. Certaines
considérations seront jugées
négligeables alors que d'autres paraîtront
déterminantes. Il est cependant certain qu'un
organisme chargé de prendre une décision dans
l'intérêt public est « autorisé
» à prendre en considération les effets
des changements projetés sur l'ensemble du public. En
conséquence, je suis d'avis que le refus de prendre en
considération toute classe ou catégorie
d'intérêts compris dans l'intérêt
public général constitue une erreur de droit
appelant l'intervention de la Cour.
[24]La Cour donnait plus loin l'explication suivante
(à la page 3) :
S'il est vrai que la Loi sur les chemins de fer
confie des responsabilités particulières
à la Commission en ce qui regarde les trois aspects
mentionnés par le Comité, à savoir
l'aspect technique et l'aspect sécurité de
l'exploitation des chemins de fer ainsi que les services
fournis par les compagnies de chemin de fer, la
compétence décisionnelle de la Commission ne se
trouve aucunement restreinte à une stricte prise en
considération de ces seules questions. Au contraire,
en certains cas, la Commission ne doit prendre sa
décision qu'en fonction de critères très
généraux, comme, par exemple, la
nécessité et l'utilité publiques.
Autrement dit, bien que la Commission puisse être
compétente à réglementer, dans
l'intérêt public, les questions relatives
à l'aspect technique et à la
sécurité de l'exploitation des chemins de fer
ainsi qu'aux services fournis par les compagnies de chemins
de fer, ces champs de compétence ne limitent pas ni ne
définissent par eux-mêmes la notion
d'intérêt public, que ce soit
généralement ou au regard de quelque situation
particulière.
[25]La norme légale évoquée dans ces
précédents était suffisamment
assimilable à la norme établie par le
paragraphe 58.16(1) pour rendre ces observations tout
à fait à propos. À notre avis, l'Office
était parfaitement fondé à dire que
l'absence de toute référence expresse, dans la
Loi sur l'ONÉ ou dans ses règlements
d'application, à un aspect que l'Office juge par
ailleurs pertinent n'empêche en aucune façon
l'Office de tenir compte de cet aspect.
[26]Finalement, SE2 fait valoir que, lorsque l'Office
s'est demandé s'il avait le pouvoir de tenir compte
des effets, au Canada, de la centrale électrique, il
aurait dû être attentif à la
décision de l'EFSEC et au rôle joué par
les principes de la « courtoisie internationale
». L'idée de SE2 est que cela aurait pu conduire
l'Office à une conclusion autre.
[27]Il n'est pas nécessaire d'explorer en
profondeur les principes de la « courtoisie
internationale » pour répondre à cet
argument (voir l'arrêt Morguard Investments Ltd. c.
De Savoye, [1990] 3 R.C.S. 1077, aux pages 1095 et 1096).
Qu'il suffise de dire que l'EFSEC s'était
penché sur les effets du projet selon une perspective
américaine, tandis que l'Office devait
considérer la perspective canadienne. Les deux
instances s'employaient à défendre leurs
intérêts publics respectifs, qui en l'occurrence
ne coïncidaient pas. Dans ce contexte, l'Office
n'était pas tenu de s'en remettre à l'EFSEC ou
de modifier de quelque façon sa manière de voir
les facteurs qu'il jugeait pertinents.
[28]Nous sommes donc d'avis que l'Office n'a commis aucune
erreur lorsque, jugeant du caractère d'utilité
publique de la ligne internationale, il a dit qu'il avait le
pouvoir de tenir compte des effets environnementaux, au
Canada, de la centrale électrique.
Point no 2--L'Office a-t-il
appliqué le mauvais critère pour juger du
caractère d'utilité publique de la ligne
internationale?
[29]SE2 dit essentiellement que l'Office a appliqué
un critère de nécessité indispensable,
pour juger du « caractère d'utilité
publique [de la ligne internationale], tant pour le
présent que pour le futur ». En d'autres termes,
SE2 affirme que l'Office a appliqué à sa
demande de délivrance d'un certificat un
critère plus rigoureux que le critère requis en
droit.
[30]Au soutien de sa prétention, SE2 nous renvoie
aux trois extraits suivants, très brefs, des vues
exprimées par l'Office, extraits qui, il convient de
le souligner, doivent être lus dans leur contexte :
a) Néanmoins, au vu
de la preuve produite, l'Office estime que, même
si ces avantages pourraient survenir, il n'existe
actuellement dans la région de marché de
SE2 aucun problème de fiabilité ou
problème de marché qui soit important
au point qu'il faille absolument mettre à
profit ces avantages potentiels; [À la page
45; non souligné dans l'original.] |
b) Selon l'Office, la
centrale électrique de SE2 n'est qu'un de
plusieurs petits producteurs
d'électricité indépendants qui
cherchent à s'implanter sur le marché et
elle n'aurait pas un effet appréciable
sur la mesure où il est satisfait à
l'accroissement de la demande. [À la page 44;
non souligné dans l'original.] |
c) L'Office trouve que les
avantages potentiels de la LIT et de la centrale
électrique, même s'ils se
matérialisaient tous, ne procureraient pas de
retombées importantes aux Canadiens, ni
aux collectivités locales et régionales.
[À la page 106; non souligné dans
l'original.] |
[31]C'est dans les mots soulignés que SE2 voit la
création, par l'Office, d'un nouveau critère de
nécessité, un critère qui est trop
rigoureux, et qui, de l'avis de SE2, empêchera les
petits producteurs indépendants de jamais
pénétrer le marché et contribuer au
développement de programmes énergétiques
propres à répondre à une demande
croissante.
[32]Malheureusement, SE2 comprend mal et interprète
mal ce qu'affirme et ce que fait l'Office. Il saute aux yeux,
lorsque les mots soulignés sont placés dans
leur contexte propre, que l'Office n'établit pas un
nouveau critère du caractère d'utilité
publique ni ne modifie le critère contenu dans la Loi
sur l'ONÉ.
[33]Ce que fait l'Office, c'est simplement définir,
en application du paragraphe 58.16(2) de la Loi sur
l'ONÉ, les facteurs dont il tiendra compte pour dire
si un certificat sera ou non délivré, puis,
ainsi que le requiert la Loi sur l'ONÉ, attribuer une
valeur à chacun des facteurs. L'Office procède
à une mise en balance des avantages et des
inconvénients résultant de la ligne
internationale et de la centrale électrique, afin de
se convaincre, le cas échéant, du
caractère d'utilité publique de la ligne.
[34]En fin de compte, après avoir
considéré et apprécié les divers
facteurs retenus, l'Office a estimé que, « tout
bien pesé, les inconvénients de la LIT
l'emportent sur ses avantages » et qu'il était
« incapable de conclure que la LIT est conforme
à l'intérêt public canadien et qu'elle
serait d'utilité publique tant pour le présent
que pour le futur » (à la page 107). La preuve
autorisait cette conclusion et, contrairement à ce que
prétend SE2, nous sommes d'avis que l'Office a
appliqué le bon critère pour y parvenir.
Point no 3--Arbitraire et
discrimination
[35]Selon SE2, l'Office a commis une erreur de droit quand
il a dit que la seule limite évidente à
l'exercice de son pouvoir discrétionnaire dans la
définition des facteurs pertinents est la bonne foi
(C.N.R. et al. v. Canada Steamship Lines Ltd. et al.,
[1945] 3 D.L.R. 417 (C.P.)). Nous reconnaissons que le
pouvoir discrétionnaire de l'Office à cet
égard peut être l'objet d'un contrôle sur
la base de moyens autres qu'une absence de bonne foi,
notamment le fait de ne pas prendre en compte un facteur
qu'il a jugé pertinent. Cependant, il importe de
rappeler que le choix des facteurs pertinents appartient
exclusivement à l'Office et que la décision de
l'Office en la matière appelle de la part de la Cour
une retenue considérable.
[36]Il est admis par les parties que l'Office aura commis
une erreur rédhibitoire de droit ou de
compétence si sa décision est entachée
d'arbitraire ou de discrimination. Nous partageons ce point
de vue.
[37]Les conclusions de SE2 sur l'arbitraire dont elle taxe
l'Office sont longues et détaillées. Nous
n'entendons pas les examiner d'une manière aussi
détaillée. Nous avons cependant examiné
très attentivement les portions de la décision
de l'Office qui sont contestées par SE2, ainsi que les
preuves accessoires présentées de part et
d'autre. Notre examen n'a pas décelé la
présence de contradictions inconciliables dans les
conclusions de fait de l'Office ou dans sa décision.
Au contraire, une lecture objective des motifs de l'Office
révèle que l'Office a apprécié et
mis en balance, très consciencieusement, un grand
nombre de facteurs qu'il jugeait pertinents, dont certains
favorisaient SE2 et d'autres non. Il nous est impossible de
taxer l'Office d'arbitraire.
[38]L'argument de SE2 sur le supposé arbitraire de
l'Office s'appuie en partie sur l'allégation que
l'Office a tenu certains propos qui n'avaient aucun fondement
dans la preuve. Une bonne part de cet argument se focalise
sur l'interprétation, donnée par l'Office, de
la politique de libre accès et de
réciprocité suivie par la Federal Energy
Regulatory Commission (FERC) des États-Unis (à
la page 44). Nous n'acceptons pas l'argument de SE2 selon
lequel la manière dont l'Office a évalué
cet aspect souffrait d'une absence de preuve ou était
entachée d'une erreur de droit. La
spécialisation de l'Office en ces matières
l'autorisait à donner son interprétation de la
politique de la FERC des États-Unis, sans
l'intervention de la Cour.
[39]SE2 fait valoir que l'Office a exercé contre
elle une discrimination en appliquant à la demande de
SE2 des normes différentes ou inédites. Le
dossier ne révèle aucun fondement autorisant
cet argument. Au contraire, l'approche adoptée par
l'Office nous semble fondée sur des principes bien
établis, notamment les principes dérivés
de la propre jurisprudence de l'Office, appliqués aux
circonstances particulières de la présente
affaire.
Point no
4--L'ALÉNA
[40]Finalement, SE2 affirme que la décision de
l'Office est fondamentalement viciée parce que
l'Office n'a pas rempli son obligation, selon l'article 120.1
[édicté par L.C. 1993, ch. 44, art. 188; 2001,
ch. 28, art. 56] de la Loi sur l'ONÉ, «
d'appliquer l'ALÉNA ». L'Office a tenu compte de
l'ALÉNA dans les deux seuls contextes où cet
instrument a été invoqué, une fois en
rapport avec sa décision sur la requête relative
aux effets environnementaux, et une fois dans sa
décision principale, en marge d'un argument de SE2
selon lequel l'Office n'avait pas le loisir d'appliquer
l'article 58.16 pour protéger les producteurs
canadiens d'énergie contre la concurrence des
producteurs américains d'énergie. Il nous
semble que l'Office a reconnu que son mandat ne l'autorisait
pas à protéger un quelconque producteur contre
la concurrence.
[41]SE2 ne dit pas qu'elle-même ou une autre partie
a présenté, au sujet de l'ALÉNA, un
argument dont l'Office n'a pas tenu compte. Le genre
d'analyse de l'ALÉNA que, selon ce que dit aujourd'hui
SE2, l'Office aurait dû faire n'a jamais
été suggéré à l'Office
lui-même. Il est difficile d'admettre que la Cour
puisse réformer une décision de l'Office au
motif qu'il n'a pas examiné un point qui n'a pas
été soulevé au cours d'une audience de
30 jours, après des années de procédures
préalables.
[42]Vu les arguments particuliers présentés
à l'Office au regard de l'ALÉNA, et vu la
manière dont l'Office a abordé les points sur
lesquels portaient lesdits arguments, nous ne voyons nul
bien-fondé dans l'argument de SE2 selon lequel
l'Office n'a pas donné effet à l'ALÉNA
ainsi que le requiert l'article 120.1 de la Loi sur
l'ONÉ. Nous ne sommes pas non plus persuadés
que tel ou tel aspect de la décision de l'Office
enfreigne un principe ou un objectif de l'ALÉNA. Sur
ce point, nous ne croyons pas que l'ALÉNA contraigne
l'Office à exercer le pouvoir que lui confère
l'article 58.16 pour permettre à un producteur
d'énergie des États-Unis de construire au
Canada une ligne internationale que l'Office estime non
justifiée parce qu'il n'est pas convaincu de son
caractère d'utilité publique.
DISPOSITIF
[43]Pour ces motifs, l'appel sera rejeté, avec
dépens en faveur des intimés, à
l'exception de l'ONÉ, qui n'a pas sollicité
l'adjudication de dépens.