A-602-04
2005 CAF 345
Daniel Normandin (appelant)
c.
Le procureur général du Canada
(intimé)
Répertorié: Normandin c. Canada (C.A.F.)
Cour d'appel fédérale, juges Décary,
Létourneau et Pelletier, J.C.A.--Montréal, 6
octobre; Ottawa, 26 octobre 2005.
Libération conditionnelle
--Appel d'une décision de la Cour
fédérale selon laquelle la Commission nationale
des libérations conditionnelles avait
compétence pour imposer à l'appelant une
condition d'assignation à résidence pour une
période de 90 jours, à l'expiration de son
mandat d'incarcération à titre de
délinquant à contrôler soumis à
une ordonnance de surveillance de longue
durée--L'appelant a soutenu que, comme le
régime de la Loi encadrant la mise en liberté
des délinquants à contrôler ne
prévoit pas précisément la
possibilité d'imposer des conditions d'assignation
à résidence, contrairement au régime
applicable aux délinquants en libération
conditionnelle ou d'office, la Commission n'avait pas
compétence pour imposer des conditions de ce genre aux
délinquants à contrôler--L'argument de
l'appelant fondé sur la règle expressio unius
est exclusio alterius (d'exclusion implicite) a
été rejeté--L'art. 134.1(2) de la Loi
sur le système correctionnel et la mise en
liberté sous condition confère à la
Commission un pouvoir général d'assurer la
protection de la société et de favoriser la
réinsertion sociale d'un délinquant à
contrôler en lui imposant les conditions de
surveillance limitées dans le temps qu'elle juge
raisonnables et nécessaires--Ce large pouvoir
discrétionnaire n'est pas écarté par les
dispositions plus spécifiques de la Loi--La
comparaison et l'analyse des textes applicables aux
régimes distincts applicables aux délinquants
à contrôler et aux délinquants en
libération ne vont pas non plus dans le sens de la
thèse de l'appelant, qui prétend que l'art.
134.1(2) de la Loi ne permet pas à la Commission
d'imposer, comme condition d'une surveillance de longue
durée, une assignation à
résidence--Appel rejeté.
Interprétation des lois
--L'appelant a invoqué la règle expressio unius
est exlusio alterius (d'exclusion implicite) afin de soutenir
que, puisque le régime encadrant la mise en
liberté conditionnelle et d'office des
délinquants prévoit la possibilité
d'imposer comme condition l'assignation à
résidence, alors que le régime applicable aux
délinquants à contrôler est muet à
cet égard, la Commission n'avait pas le pouvoir
d'imposer à ceux-ci ce genre de condition--La
règle expressio unius est exclusio alterius n'est pas
une règle d'application ou d'interprétation
générale--Les dispositions légales qui
ne sont pas mentionnées à l'art. 99.1 de la
Loi sur le système correctionnel et la mise en
liberté sous condition (précisant les
dispositions applicables aux délinquants à
contrôler) sont applicables aux délinquants
à contrôler lorsqu'elles indiquent clairement
qu'elles doivent l'être--L'art. 134.1(2) de la Loi
confère à la Commission un pouvoir
général d'imposer des conditions de
surveillance, qui n'est pas écarté par les
dispositions plus particulières de la Loi et du
Règlement sur le système correctionnel et la
mise en liberté sous condition--La règle
d'exclusion implicite a aussi été
écartée parce qu'elle était contraire
à l'objet de la Loi--Vu le libellé de l'art.
134.1(2) de la Loi et l'objet du régime de mise en
liberté des délinquants à
contrôler, l'intention du législateur
était claire: l'assignation à un
établissement résidentiel communautaire
constitue une option possible lorsqu'il y a un degré
élevé de récidive et que la condition de
résidence temporaire est essentielle--Cette conclusion
est aussi étayée par le fait que le
législateur a conféré à la
Commission un large pouvoir discrétionnaire d'imposer
des conditions raisonnables et nécessaires au
délinquant à contrôler--Il n'est pas
nécessaire que l'art. 99.1 de la Loi renvoie à
l'art. 133(4.1) parce que celui-ci n'est pas applicable aux
délinquants à contrôler--Le fait que
l'art. 135.1(1)c) prévoit le pouvoir d'ordonner
l'internement ne veut pas dire que le pouvoir d'imposer des
conditions prévu par l'art. 134.1(2) exclut la
possibilité d'imposer une condition de
résidence--Les pouvoirs d'interner/incarcérer
et d'assigner à résidence sont deux concepts
différents--Le pouvoir prévu par l'art.
134.1(2) de la Loi est beaucoup plus large--L'art.
161(1) du Règlement s'applique avec les adaptations
nécessaires au délinquant à
contrôler, mais cela ne veut pas dire que l'assignation
à résidence est exclue pour les
délinquants de ce genre.
Il s'agissait d'un appel interjeté d'une
décision de la Cour fédérale par
laquelle elle avait conclu que la Commission nationale des
libérations conditionnelles avait compétence
pour imposer à l'appelant une condition
spéciale d'assignation à résidence pour
une période de 90 jours à l'expiration de son
mandat d'incarcération à titre de
délinquant à contrôler soumis à
une ordonnance de surveillance de longue durée.
Les articles 133 et 134 de la Loi sur le système
correctionnel et la mise en liberté sous condition
établissent un régime de conditions applicables
aux délinquants en libération conditionnelle ou
d'office. Le régime qui encadre la mise en
liberté des délinquants à
contrôler est exposé aux articles 134.1 et 135.1
de la Loi. L'appelant a invoqué la règle
d'interprétation des lois dite de l'exclusion
implicite (expressio unius est exclusio alterius) et
soutenu que, comme les articles 99.1 et 134.1 de la Loi et le
paragraphe 161(1) du Règlement sur le
système correctionnel et la mise en liberté
sous condition définissent expressément les
pouvoirs de la Commission à l'égard d'un
délinquant à contrôler de même que
les conditions qu'elle peut lui imposer, sans y inclure celle
d'une assignation à résidence autre que ce qui
est prévu à l'article 135.1 et sans inclure le
paragraphe 133(4.1) de la Loi qui permet une telle
assignation, le législateur a donc exclu implicitement
cette dernière possibilité et,
conséquemment, privé la Commission de ce
pouvoir dans le cas des délinquants à
contrôler.
Arrêt: l'appel doit être
rejeté.
La règle expressio unius est exclusio
alterius n'est pas une règle d'application ou
d'interprétation générale. Les
dispositions légales qui ne sont pas
mentionnées à l'article 99.1 s'appliquent aux
délinquants à contrôler lorsque ces
dispositions indiquent clairement qu'elles s'appliquent
à eux. Le paragraphe 134.1(2) de la Loi confère
à la Commission un pouvoir général
d'assurer la protection de la société et de
favoriser la réinsertion sociale d'un
délinquant à contrôler en lui imposant
les conditions de surveillance qu'elle juge raisonnables et
nécessaires à cette fin. Ce pouvoir n'est pas
écarté par les dispositions plus
particulières des articles 99.1, 134.1, 135.1 et du
paragraphe 133(4.1) de la Loi.
La règle expressio unius est exclusio
alterius a été écartée parce
que, si elle avait été appliquée, cela
aurait voulu dire que la Commission aurait le pouvoir
d'imposer une assignation à résidence aux
délinquants en libération conditionnelle, mais
non pas aux délinquants à contrôler qui
posent un risque élevé de récidive. Cela
aurait été contraire à l'objet de la
Loi. Le texte même du paragraphe 134.1(2) de la Loi,
qui confère à la Commission un pouvoir
général de fixer, pour les délinquants
à contrôler, des conditions, sans autres
restrictions quant à leur teneur et leur nature
qu'elles soient nécessaires, raisonnables et d'une
durée limitée, révèle qu'il n'est
pas dans l'intention du législateur que le
délinquant à contrôler posant un risque
élevé de récidive qui choisirait de
purger entièrement sa peine d'emprisonnement, ne
pourrait pas être assigné à un
établissement résidentiel communautaire une
fois libéré de prison et de retour dans la
collectivité, même si sa dangerosité est
élevée et s'il pose un risque accru pour la
société. L'intention du législateur est
aussi révélée par le fait que le
régime instauré pour les délinquants
à contrôler au sein de la collectivité
vise à permettre une meilleure réinsertion
sociale du délinquant sans que la protection de la
société et des victimes ne soient compromises.
Ce régime n'est pas dépourvu de contraintes, vu
la nature des crimes et des risques de récidive. Vu
les objectifs de la Loi, il n'est pas raisonnable de conclure
que le législateur, en conférant à la
Commission le vaste pouvoir discrétionnaire d'imposer
des conditions raisonnables et nécessaires à un
délinquant à contrôler, entendait exclure
implicitement celui d'imposer une assignation à
résidence, même lorsqu'elle est
nécessaire pour protéger la
société et favoriser la réinsertion
sociale du délinquant.
La comparaison et l'analyse des dispositions applicables
aux régimes distincts des délinquants à
contrôler et des délinquants en
libération n'allaient pas dans le sens de la
thèse de l'appelant, qui prétendait que le
paragraphe 134.1(2) de la Loi ne permet pas à la
Commission d'imposer, comme condition d'une surveillance de
longue durée, une assignation à
résidence. Il n'est pas nécessaire que
l'article 99.1 renvoie au paragraphe 134.1(2) et au pouvoir
d'assignation à résidence que celui-ci
prévoit relativement aux délinquants
libérés d'office. Le paragraphe 133.(4.1) ne
s'applique pas aux délinquants à
contrôler qui ne sont pas en libération d'office
et il n'était pas nécessaire que le
législateur le leur rende applicable par le biais de
l'article 99.1 parce que le régime distinct qui
prévoit les conditions de surveillance des
délinquants à contrôler, confère
à la Commission, par le jeu du paragraphe 134.1(2), un
pouvoir, moins restrictif que celui du paragraphe 133(4.1),
d'imposer des conditions de liberté pendant leur
période de surveillance de longue durée. Le
risque de récidive étant élevé
pour les délinquants à contrôler et la
période de surveillance étant de longue
durée, il n'était pas déraisonnable de
penser que le législateur a voulu laisser intact le
vaste pouvoir discrétionnaire qu'il a
conféré à la Commission au paragraphe
134.1(2) de la Loi afin de lui permettre de répondre
aux besoins spéciaux des délinquants à
contrôler ainsi qu'à ceux de la
collectivité. En qui concerne l'alinéa
135.1(1)c) de la Loi, le fait qu'il renvoie au pouvoir
de la Commission d'ordonner l'internement à
résidence d'un délinquant à
contrôler ne veut pas dire que le pouvoir
général du paragraphe 134.1(2) de fixer des
conditions réfère à des conditions
autres que l'assignation à résidence. Le
pouvoir d'internement dans une résidence
diffère du pouvoir d'assignation à un tel lieu.
Le premier sanctionne le comportement du délinquant
à contrôler alors que le second
réfère à une condition de sa
surveillance de longue durée ou, dans le cas d'un
délinquant en libération d'office, à une
condition de cette libération. Il y a là deux
concepts différents. Le pouvoir visé par
l'article 135.1 reflète l'urgence de la situation
engendrée par l'inobservation des conditions
énoncées dans l'ordonnance de surveillance de
longue durée et le caractère temporaire des
mesures prises. Il se démarque nettement du pouvoir
beaucoup plus large de fixer des conditions de surveillance
prévu au paragraphe 134.1(2). Enfin, selon le
sous-alinéa 161(1)g)(i) du Règlement, le
délinquant, dès sa mise en liberté, doit
communiquer à son surveillant l'adresse de sa
résidence. Cette disposition doit s'appliquer en
faisant les adaptations nécessaires au
délinquant à contrôler. Elle s'applique
aussi au délinquant en libération, dont
l'assignation à résidence est
expressément prévue par les paragraphes 133(4)
et (4.1) de la Loi. Il n'y avait donc aucun argument valable
à tirer du sous-alinéa 161(1)g)(i) du
Règlement qui permette de conclure que l'assignation
à résidence n'est pas permise pour les
délinquants à contrôler.
lois et règlements cités
Charte canadienne des droits et libertés,
qui constitue la partie I de la Loi constitutionnelle de
1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982,
ch. 11 (R.-U.) [L.R.C. (1985), appendice II, no
44], art. 7.
Code criminel, L.R.C. (1985), ch. C-46, art. 753.1
(édicté par L.C. 1997, ch. 17, art. 4; 2002,
ch. 13, art. 76), 753.2 (édicté par L.C. 1997,
ch. 17, art. 4), 753.3 (édicté,
idem).
Loi sur le système correctionnel et la mise en
liberté sous condition, L.C. 1992, ch. 20, art. 99
(mod. par L.C. 2002, ch. 1, art. 173), 99.1
(édicté par L.C. 1997, ch. 17, art. 18), 100,
101, 102 (mod. par L.C. 1995, ch. 42, art. 27(F)), 109, 110,
111, 133 (mod. par L.C. 1995, ch. 42, art. 48, 71(F); 1997,
ch. 17, art. 28), 134 (mod. par L.C. 1995, ch. 42, art.
71(F); 1997, ch. 17, art. 29), 134.1 (édicté,
idem, art. 30), 134.2 (édicté,
idem), 135 (mod. par L.C. 1995, ch. 22, art. 18; ch.
42, art. 50, 69(A), 70(A); 1997, ch. 17, art. 32(F), 32.1),
135.1 (édicté, idem, art. 33), 140 (mod.
par L.C. 1995, ch. 42, art. 55, 69(A)), 141 (mod.,
idem, art. 56(F)), 142 (mod. par L.C. 1995, ch. 22,
art. 13; ch. 42, art. 57, 71(F), 72(F)); 1997, ch. 17, art.
35), 143, 144, 145, ann. I.
Règlement sur le système correctionnel et
la mise en liberté sous condition, DORS/92-620,
art. 161.
jurisprudence citée
décision appliquée:
McMurray c. Canada (Commission nationale des
libérations conditionnelles), 2004 CF 462.
décisions examinées:
Godbout c. Longueuil (Ville), [1997] 3 R.C.S. 844;
Alimport (Empresa Cubana Importadora de Alimentos) c.
Victoria Transport Ltd., [1977] 2 R.C.S. 858; R. v.
V.M., [2003] O.T.C. 97; [2003] O.J. no 436
(QL) (C.S.J.); R. v. Johnson (2001), 159 B.C.A.C. 255;
158 C.C.C. (3d) 155; 2001 BCCA 456.
décisions citées:
Congrégation des Frères de l'Instruction
Chrétienne c. Commissaires d'écoles
(Grand'pré), [1977] 1 R.C.S. 429; Murray Bay
Motor Co. Ltd. c. Compagnie d'Assurance Bélair,
[1975] 1 R.C.S. 68; Ternette c. Solliciteur
général du Canada, [1984] 2 C.F. 486
(1re inst.); Nicholson c. Haldimand-Norfolk
Regional Board of Commissioners of Police, [1979] 1
R.C.S. 311.
doctrine citée
Côté, P.-A. Interprétation des
lois, 3e éd. Montréal:
Éditions Thémis, 1999.
Sullivan, Ruth. Sullivan and Driedger on the
Construction of Statutes, 4th ed. Markham: Butterworths,
2002.
APPEL d'une décision de la Cour
fédérale ([2005] 2 R.C.F. 373; 2004 CF 1404)
confirmant la décision de la Commission nationale des
libérations conditionnelles qui avait imposé
à l'appelant une condition spéciale
d'assignation à résidence pour une
période de 90 jours, à l'expiration de son
mandat d'incarcération à titre de
délinquant à contrôler soumis à
une ordonnance de surveillance de longue durée. Appel
rejeté.
ont comparu:
Diane Condo pour l'appelant.
Dominique Guimond pour l'intimé.
avocats inscrits au dossier:
Condo Law Office, Ottawa, pour l'appelant.
Le sous-procureur général du Canada
pour l'intimé.
Voici les motifs du jugement rendus en français
par
[1]Le juge Létourneau, J.C.A.: La Commission
nationale des libérations conditionnelles (Commission)
avait-elle compétence pour imposer, comme elle l'a
fait par ordonnance, une condition spéciale
d'assignation à résidence à l'appelant
pour une période de 90 jours, à l'expiration de
son mandat d'incarcération à titre de
délinquant à contrôler soumis à
une ordonnance de surveillance de longue durée?
[2]La question en l'espèce est devenue
théorique par l'écoulement du temps comme c'est
souvent le cas dans les litiges de droit carcéral.
Toutefois, les parties sont convenues que le sujet du litige
était, et demeurait pour le futur, d'une grande
importance pratique pour les droits des délinquants
à contrôler qui éventuellement seraient,
comme l'appelant, assujettis à une telle condition.
À l'audience, nous avons exprimé notre accord
pour entendre l'appel. Nous nous sommes dits satisfaits qu'il
est dans l'intérêt de l'administration de la
justice de nous prononcer sur le mérite de
l'appel.
[3]Afin de ne pas interrompre la séquence de
l'argumentation de l'appelant et l'analyse que j'en fais,
c'est en annexe que, sauf exceptions, je reproduis les
nombreuses dispositions législatives pertinentes
à la compréhension et à la
résolution du litige.
[4]La juge Tremblay-Lamer qui était saisie de la
question par voie de demande de contrôle judiciaire a
répondu par l'affirmative [[2005] 2 R.C.F. 373
(C.F.)]. À mon avis, sa conclusion était
justifiée légalement. Il n'est pas de mon
intention de reprendre chacune des justifications qu'elle a
données pour conclure que le paragraphe 134.1(2)
[édicté par L.C. 1997, ch. 17, art. 30] de la
Loi sur le système correctionnel et la mise en
liberté sous condition, L.C. 1992, ch. 20 (Loi)
s'applique en l'espèce et fonde l'existence du pouvoir
d'imposer une condition spéciale d'assignation
à résidence ainsi que l'exercice qui fut fait
de ce pouvoir.
[5]Pour bien camper les prétentions de l'appelant
que j'énoncerai ci-après, il convient de
rappeler que les articles 133 [mod. par L.C. 1995, ch. 42,
art. 48, 71(F); 1997, ch. 17, art. 28] et 134 [mod. par L.C.
1995, ch. 42, art. 71(F); 1997, ch. 17, art. 29] de la Loi
édictent un régime de conditions applicables
aux délinquants en libération conditionnelle
(parole) ou d'office (statutory release) ou en
absence temporaire de leur lieu de détention. Par
contre, le régime qui gouverne la mise en
liberté des délinquants à
contrôler se retrouve aux articles 134.1
[édicté par L.C. 1997, ch. 17, art. 30] et
135.1 [édicté, idem, art. 33] et
définit les conditions qui s'appliquent à cette
catégorie de délinquants.
[6]En outre, afin de faciliter la lecture du texte,
j'entends utiliser le terme délinquant à
contrôler pour désigner la personne qui, comme
l'appelant, s'est vu imposer par la cour criminelle une
ordonnance de surveillance de longue durée à
être servie au sein de la collectivité
après avoir purgé sa peine
d'emprisonnement.
[7]La situation juridique du délinquant à
contrôler se verra opposée au cours des
présents motifs à celle qui régit le
délinquant en libération conditionnelle
(parole) ou celui en libération d'office
(statutory release). J'utiliserai le terme
délinquant en libération pour désigner
les deux types de délinquants en libération
même si, légalement, la libération
conditionnelle et la libération d'office font
référence à des statuts juridiques
quelque peu différents. Lorsqu'il sera
nécessaire de différencier l'un de l'autre ou
l'un par rapport à l'autre, je parlerai alors, selon
le cas, d'un délinquant en libération
conditionnelle ou d'un délinquant en libération
d'office.
[8]Dans le but de ne pas inutilement alourdir la lecture
des motifs, je me garderai de référer aux
délinquants qui bénéficient d'une
absence temporaire puisque le présent débat ne
les concerne pas.
Les prétentions de l'appelant
[9]En appel devant nous, l'appelant soutient que la
Commission n'avait pas la compétence pour lui imposer
une condition à résidence et invoque à
son secours la règle de l'exclusion implicite en
matière d'interprétation législative.
Cette règle était jadis exprimée par la
maxime latine expressio unius est exclusio alterius.
À cet égard, l'argument de l'appelant prend la
forme suivante.
[10]Le paragraphe 134.1(1) de la Loi énonce que les
conditions qui sont prévues au paragraphe 161(1) du
Règlement sur le système correctionnel et la
mise en liberté sous condition, DORS/92-620
(Règlement) s'appliquent au délinquant à
contrôler. Je répète qu'il s'agit de la
situation dans laquelle, conformément à
l'ordonnance judiciaire prononcée contre lui,
l'appelant s'est retrouvé à l'expiration de sa
peine d'emprison-nement de deux ans pour des délits
à connotation sexuelle.
[11]Or l'appelant fait remarquer, à juste titre,
que le paragraphe 161(1) du Règlement, auquel le
paragraphe 134.1(1) renvoie, prévoit une liste de
conditions qui n'inclut toutefois pas une condition
d'assignation à résidence comme celle
imposée en l'espèce par la Commission.
[12]En outre, d'ajouter l'appelant, l'article 99.1
[édicté par L.C. 1997, ch. 17, art. 18] de la
Loi édicte qu'une personne comme lui, soumise à
une ordonnance de surveillance de longue durée, est
assimilée à un délinquant pour
l'application de la Partie II de la Loi et que, dans un tel
cas, les articles 100, 101, 109 à 111 et 140 [mod. par
L.C. 1995, ch. 42, art. 55, 69(A)] [art. 141 (mod.,
idem, art. 56(F)), 142 (mod. par L.C. 1995, ch. 22,
art. 13; ch. 42, art. 57, 71(F), 72(F); 1997, ch. 17, art.
35)] à 145 de la Loi s'appliquent, avec les
adaptations nécessaires, à la surveillance de
cette personne.
[13]Cependant, on ne retrouve pas, dans cette liste
d'articles énumérés à l'article
99.1, les paragraphes 133(4) et (4.1) qui permettent, pour
faciliter la réinsertion sociale d'un
délinquant, d'ordonner comme condition de
libération conditionnelle (parole) ou d'office
(statutory release) une assignation à
résidence dans un établissement
résidentiel communautaire ou dans un
établissement psychiatrique.
[14]Enfin, l'appelant nous réfère à
l'article 135.1 de la Loi qui traite de la suspension de la
surveillance de longue durée en cas d'inobservation
des conditions de mise en liberté
énoncées dans l'ordonnance de surveillance de
longue durée. On y voit à cet article que le
non-respect des conditions de mise en liberté peut
déboucher sur une ordonnance d'internement du
délinquant à contrôler dans un
établissement résidentiel communautaire ou dans
un établissement psychiatrique.
[15]Donc, toujours selon l'argument de l'appelant, comme
les articles 99.1 et 134.1 de la Loi ainsi que le paragraphe
161(1) du Règlement identifient expressé-ment
les pouvoirs de la Commission à l'égard d'un
délinquant à contrôler de même que
les conditions qu'elle peut lui imposer, sans y inclure celle
d'une assignation à résidence autre que ce qui
est prévu à l'article 135.1 et sans inclure le
paragraphe 133(4.1) de la Loi qui permet une telle
assignation, le législateur a donc exclu implicitement
cette dernière possibilité et,
conséquemment, nié ce pouvoir à la
Commission dans le cas des délinquants à
contrôler.
[16]Pour appuyer son argument fondé sur la
règle d'exclusion implicite, la procureure de
l'appelant a fait une exégèse des textes des
articles 133, 134.1 et 135.1 de la Loi signalant leur
parallélisme dans leur champ respectif d'application
et prenant bien soin de préciser les
différences importantes qui existent au niveau du
champ d'application. Quelques exemples suffiront à
illustrer et à permettre de comprendre la thèse
qu'elle soutient.
[17]Elle soumet, à raison, que les articles 133 et
134 s'appliquent aux délinquants en libération.
Je suis d'accord que, dans cette catégorie de
délinquants soumis aux prescriptions des articles 133
et 134, entre aussi le délinquant à
contrôler pour sa peine d'emprisonnement si, durant
cette période, il est mis en liberté
conditionnelle ou s'il devient en liberté d'office
à l'expiration du délai statutaire prévu
à cette fin qui, sauf exception, se situe aux deux
tiers de sa peine d'emprisonnement.
[18]Selon la procureure de l'appelant, la
différence entre le délinquant à
contrôler et les délinquants en
libération, parce qu'il est indéniable qu'il en
existe une, se situe au niveau de l'expiration de la peine
d'emprisonnement. Alors que les délinquants en
libération cessent à ce stade d'être
soumis à des conditions de libération et
à la compétence de la Commission, le
délinquant à contrôler, pour sa part,
tombe à ce moment sous le régime de conditions
de surveillance de longue durée que l'on retrouve, tel
que déjà mentionné, aux articles 134.1
et 135.1 de la Loi. Les premiers, ayant purgé leur
sentence, sont libres de toute contrainte; le
délinquant à contrôler entre alors dans
la phase seconde de sa sentence reçue du tribunal, la
première étant l'emprisonnement, la seconde,
une surveillance au sein de la collectivité à
cause du degré élevé de risque de
récidive. C'est ici qu'entre en jeu l'argument de
l'appelant fondé sur l'exégèse des
textes.
[19]Dans le régime de conditions de liberté
régies par les articles 133 et 134, applicable
à tous les délinquants en libération, y
compris, je le rappelle, les délinquants à
contrôler qui jouissent de ce bénéfice,
on retrouve des conditions dites automatiques imposées
par l'effet de la Loi à la personne ainsi mise en
liberté. Or, on retrouve au paragraphe 134.1(1) une
disposition analogue dans le régime des conditions de
la surveillance de longue durée qui gouverne
spécifiquement le délinquant à
contrôler durant sa période de surveillance. Je
reproduis en parallèle et en alternance,
français et anglais, les deux dispositions:
Délinquant en libération
133. [. . .]
(2) Sous réserve du paragraphe (6), les conditions
prévues par règlement sont
réputées avoir été
imposées dans tous les cas de libération
conditionnelle ou d'office ou de permission de sortir sans
escorte.
Délinquant à contrôler
134.1 (1) Sous réserve du paragraphe (4),
les conditions prévues par le paragraphe 161(1) du
Règlement sur le système correctionnel et la
mise en liberté sous condition s'appliquent, avec
les adaptations nécessaires, au délinquant
surveillé aux termes d'une ordonnance de surveillance
de longue durée.
[20]En outre, les deux régimes permettent
également d'imposer des conditions
particulières ou spécifiques, raisonnables et
nécessaires, que peuvent commander la protection de la
société et la réinsertion sociale d'un
délinquant. Ce sont respectivement les paragraphes
133(3) et 134.1(2) et (3):
Délinquant en libération
133. [. . .]
(3) L'autorité compétente peut imposer au
délinquant qui bénéficie d'une
libération conditionnelle ou d'office ou d'une
permission de sortir sans escorte les conditions qu'elle juge
raisonnables et nécessaires pour protéger la
société et favoriser la réinsertion
sociale du délinquant.
[pas d'équivalent]
Délinquant à contrôler
134.1 [. . .]
(2) La Commission peut imposer au délinquant les
conditions de surveillance qu'elle juge raisonnables et
nécessaires pour protéger la
société et favoriser la réinsertion
sociale du délinquant.
(3) Les conditions imposées par la Commission en
vertu du paragraphe (2) sont valables pendant la
période qu'elle fixe.
[21]Je note au passage que le paragraphe 134.1(3) n'a pas
d'équivalent dans le régime du
délinquant en libération pour la bonne et
simple raison que ce régime cesse d'avoir effet et de
s'appliquer lorsque la durée de la sentence
d'emprisonnement arrive à sa fin. Il n'est donc pas
nécessaire dans ce régime de prévoir un
pouvoir de fixer une limite à la durée des
conditions de liberté. La situation est
différente dans le cas des délinquants à
contrôler car la période de surveillance
prolongée peut être de 10 ans après
l'expiration de la sentence d'emprisonnement. Il peut
s'avérer déraisonnable et non nécessaire
d'imposer une condition d'une durée de 10 ans. De
là l'opportunité sinon la
nécessité du pouvoir conféré au
paragraphe 134.1(3).
[22]Or, dans cette nomenclature des pouvoirs d'imposer des
conditions, et c'est à ce point que l'appelant invoque
la règle d'exclusion implicite et
l'exégèse des textes, les paragraphes 133(4) et
(4.1) confèrent le pouvoir d'assigner à
résidence un délinquant en libération.
Le régime de conditions de la surveillance de longue
durée n'a pas d'équivalent pour le
délinquant à contrôler:
Délinquant en libération
133. [. . .]
(4) Si elle estime que les circonstances le justifient,
l'autorité compétente peut ordonner que le
délinquant, à titre de condition de sa
libération conditionnelle ou d'une permission de
sortir sans escorte, demeure dans un établissement
résidentiel communautaire.
(4.1) L'autorité compétente peut, pour
faciliter la réinsertion sociale du délinquant,
ordonner que celui-ci, à titre de condition de sa
libération d'office, demeure dans un
établissement résidentiel communautaire ou un
établissement psychiatrique si elle est convaincue
qu'à défaut de cette condition la commission
par le délinquant d'une infraction visée
à l'annexe I avant l'expiration légale de sa
peine présentera un risque inacceptable pour la
société.
Délinquant à contrôler
134.1
[pas d'équivalent]
[23]Et la procureure de l'appelant de renchérir,
comme les paragraphes 133(4) et (4.1) ainsi que l'article
134.1 ont été ajoutés à la Loi en
même temps en 1997, le législateur aurait inclus
le pouvoir d'assignation à résidence dans
l'article 134.1, ou aurait fait, dans l'article 99.1, un
renvoi au paragraphe 133(4.1), s'il avait voulu qu'une telle
possibilité existe pour les délinquants
à contrôler en cours de période de
surveillance de longue durée. (Il semblerait que le
paragraphe 133(4) fait partie de la Loi depuis 1992 et que le
paragraphe 133(4.1) y a été ajouté en
1995).
[24]Enfin, la procureure de l'appelant a soumis qu'en cas
d'ambiguïté dans l'interprétation de la
Loi, la Cour doit retenir l'interprétation qui est
conforme à la Charte [Charte canadienne des droits
et libertés, qui constitue la partie I de la
Loi constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de
1982 sur le Canada, 1982, ch. 11 (R.-U.) [L.R.C. (1985),
appendice II, no 44]] et qui favorise
l'accusé. Elle soumet que le droit à la
liberté garanti par l'article 7 de la Charte inclut le
droit de choisir son lieu de résidence et nous renvoie
à la décision de la Cour suprême du
Canada dans l'affaire Godbout c. Longueuil (Ville),
[1997] 3 R.C.S. 844.
[25]J'en arrive donc au stade de l'analyse des arguments
de l'appelant. Je débuterai par ses prétentions
quant à l'application de la règle d'exclusion
implicite. Ensuite, j'examinerai son étude comparative
des textes législatifs en cause pour, finalement,
traiter de son droit de bénéficier de
l'interprétation qui lui est favorable en cas
d'ambiguïté et de choisir son lieu de
résidence.
Analyse des arguments de l'appelant
1. L'application de la règle expressio
unius est exclusio alterius ou de l'exclusion
implicite
[26]L'argument de l'appelant en rapport avec la
règle d'exclusion implicite est attrayant, mais il
donne à la règle d'interprétation un
absolutisme que les auteurs et la jurisprudence tout uniment
ne lui reconnaissent pas.
[27]Premièrement, cette règle
d'interprétation législative, aussi connue sous
le vocable «d'argument a contrario» (voir
P.-A. Côté, Interprétation des
lois, 3e éd., Montréal:
Éditions Thémis, 1999, à la page 423)
opère de la façon suivante selon ce
qu'écrit la professeure Sullivan dans Sullivan and
Driedger on the Construction of Statutes, 4e
éd., Toronto: Butterworths, 2002, aux pages 186 et
187:
[traduction]
Un argument fondé sur l'exclusion implicite est
recevable lorsqu'on a des raisons de croire que, si le
législateur avait voulu inclure une chose
particulière dans le cadre de sa mesure
législative, il aurait mentionné cette chose
expressément. En raison de cette attente, le fait que
le législateur n'ait pas mentionné la chose
permet de déduire que cette chose a été
délibérément exclue. Bien que
n'étant pas expresse, l'exclusion est implicite. La
force de l'implication dépend de la force et de la
légitimité de l'attente d'une mention expresse.
Plus la raison de s'attendre à une mention expresse
à une chose est bonne, plus le silence du
législateur est significatif. [Je souligne.]
[28]Mais aussi importante et utile qu'elle puisse
être, cette règle d'interprétation est
bien loin d'être une règle d'application ou
d'interprétation générale: voir les
arrêts Congrégation des Frères de
l'Instruction Chrétienne c. Commissaires
d'écoles (Grand'pré), [1977] 1 R.C.S. 429,
à la page 435; Murray Bay Motor Co. Ltd. c.
Compagnie d'Assurance Bélair, [1975] 1 R.C.S. 68,
à la page 74. De fait, dans l'affaire Alimport
(Empresa Cubana Importadora de Alimentos) c. Victoria
Transport Ltd., [1977] 2 R.C.S. 858, à la page
862, le juge Pigeon, traitant de la règle et
s'exprimant pour la Cour, écrit:
Le principe que la mention d'un cas particulier exclut
l'application des autres cas non mentionnés est bien
loin d'être reconnu comme une règle
générale d'interprétation. Au
contraire, un texte affirmatif de portée restreinte
n'a pas ordinairement pour effet d'écarter
l'application d'une règle générale qui
existe par ailleurs. [Je souligne.]
[29]Le paragraphe 134.1(2) de la Loi, invoqué par
la Commission pour imposer une assignation à
résidence, renferme un pouvoir général
d'assurer la protection de la société et de
favoriser la réinsertion sociale d'un
délinquant à contrôler en lui imposant
les conditions de surveillance qu'elle juge raisonnables et
nécessaires à cette fin. Ce pouvoir
général, à mon avis, n'est pas
écarté par les dispositions plus
spécifiques des articles 99.1, 134.1, 135.1 et du
paragraphe 133(4.1) de la Loi. Je reviendrai plus tard sur le
rapport que ces dispositions entretiennent entre elles. Qu'il
me suffise pour l'instant de dire que je suis d'accord avec
les propos du juge Russell dans l'affaire McMurray c.
Canada (Commis-sion nationale des libérations
conditionnelles), 2004 CF 462, repris en l'espèce
par la juge Tremblay-Lamer.
[30]Dans McMurray, le juge Russell,
interprétant l'article 99.1 dont se réclame
l'appelant, conclut, en s'inspirant du contexte, de
l'économie générale et de l'objet de la
Loi ainsi que du sens ordinaire des mots, que l'article 99.1
fait référence à des dispositions
particulières, dont l'application ne serait pas
évidente à des délinquants à
contrôler, pour exprimer qu'il est de l'intention du
législateur qu'elles s'appliquent. Mais cela n'a pas
pour effet d'empêcher, et j'ajouterais de restreindre,
l'application à des délinquants à
contrôler d'autres dispositions législatives qui
ne sont pas mentionnées à l'article 99.1
lorsque ces dispositions indiquent clairement qu'elles
s'appliquent à ces délinquants. Il est alors
inutile de les mentionner dans l'article 99.1 puisque leur
application est évidente. C'est, à mon avis,
sans l'ombre d'un doute le cas de l'article 134.1 et du
pouvoir général d'imposer des conditions que
l'on retrouve au paragraphe 134.1(2). Je ne vois vraiment pas
comment le fait de ne pas avoir inclus dans l'article 99.1
une référence au paragraphe 133(4.1) aurait
pour effet d'écarter ou de restreindre la
portée générale du pouvoir que contient
expressément le paragraphe 134.1(2) d'imposer des
conditions à un délinquant à
contrôler.
[31]Deuxièmement, le recours à cette
règle d'interprétation législative que
l'appelant invoque doit se faire avec prudence et parcimonie:
voir P.-A. Côté, Interprétation des
lois, à la page 427. Sans valeur
intrinsèque absolue, la règle doit être
mise de côté lorsque d'autres dispositions
législatives pertinentes à la question sous
examen amènent à penser que son application
conduirait à un résultat contraire à
l'objet de la loi (voir P.-A. Côté dans son
ouvrage, à la page 429; Ternette c. Solliciteur
général du Canada, [1984] 2 C.F. 486
(1re inst.)), à un résultat
manifestement absurde (Congrégation des
Frères de l'Instruction Chrétienne,
à la page 436) ou encore mènerait à des
incohérences, des illogismes ou une injustice
(Nicholson c. Haldimand-Norfolk Regional Board of
Commissioners of Police, [1979] 1 R.C.S. 311, aux pages
321-322).
[32]Bref, la règle expressio unius est exclusio
alterius ne peut être utilisée pour
contrecarrer l'intention législative et empêcher
de lui donner effet. [traduction] «Comme tous les
arguments fondés sur ces présomptions»,
écrit la professeure Sullivan, à la page 193 de
son ouvrage, se référant à la
règle, [traduction] «son poids dépend
d'un éventail de facteurs contextuels et du poids des
considérations concurrentes. Même si un argument
relatif à l'exclusion implicite n'est pas
réfuté, d'autres indicateurs de l'intention du
législateur peuvent l'emporter».
[33]En l'espèce, la juge n'a pas manqué de
soulever l'incohérence importante, et à mon
avis incontournable pour ne pas dire fatale à la
position de l'appelant, que soulèverait l'application
de la règle: la Commission aurait le pouvoir d'imposer
une assignation à résidence à des
délinquants en libération, mais elle ne
pourrait le faire à l'égard de
délinquants à contrôler que la Cour a
ordonné de surveiller à cause d'un risque
élevé de récidive, alors que, selon
l'alinéa 101a) de la Loi, la protection de la
société est le critère
déterminant qui doit guider la Commission dans
l'exécution de son mandat, sans compter que ces
délinquants peuvent bénéficier d'une
telle mesure au plan de la réinsertion sociale. La
juge Wilson de la Cour supérieure de l'Ontario avait
fait le même constat d'incohérence dans
l'affaire R. v. V.M., [2003] O.T.C. 97 (C.S.J.).
[34]La procureure de l'appelant soumet qu'il est
erroné, comme la Cour supérieure de l'Ontario
et la Cour fédérale l'ont fait, de se livrer
à une comparaison entre les délinquants
à contrôler et ceux en libération pour
ensuite en tirer une conclusion d'incohérence. C'est
l'équivalent, pour utiliser sa métaphore, de
comparer des pommes avec des oranges.
[35]Son objection à la comparaison tient au fait
qu'il s'agit de deux catégories de délinquants
bien différents et, qu'à son avis, l'ensemble
des dispositions de la Loi fait ressortir l'intention du
législateur que les deux catégories soient
soumises à des régimes différents parce
que les délinquants se retrouvent dans des conditions
différentes. Selon elle, le délinquant en
libération cesse de relever de la Commission lorsque
la durée de sa sentence d'emprisonnement est
expirée car sa peine est purgée
entièrement. Par contre, ce n'est pas le cas du
délinquant à contrôler qui, lui, demeure
sujet à des conditions, sous le contrôle de la
Commission, et s'expose à de nouvelles poursuites s'il
y a bris des conditions.
[36]Avec respect, je ne crois pas que la distinction, par
ailleurs exacte, que fait la procureure de l'appelant, puisse
justifier la conclusion qu'elle en tire que le
législateur n'a pas voulu qu'un délinquant
à contrôler puisse être soumis à
une condition d'assignation à résidence durant
sa surveillance prolongée. Tel qu'il appert
ci-après, accepter cette conclusion ne ferait
qu'amplifier l'incohérence de la situation.
[37]Ainsi, un délinquant à contrôler
qui bénéficierait d'une libération
conditionnelle (parole) ou d'office (statutory
release), à l'instar de tout autre
délinquant en libération, pourrait être
assigné à résidence comme le
législateur l'a indiqué aux paragraphes 133(4)
et (4.1). Cependant, une fois sa peine d'emprisonnement
purgée et sa surveillance de longue durée
débutée, il ne pourrait plus être
assigné à résidence même si une
telle assignation serait raisonnable et nécessaire
pour protéger le public ou favoriser sa
réinsertion sociale ou encore les deux à la
fois.
[38]Pire encore, le délinquant à
contrôler qui choisirait de ne pas se prévaloir
d'une libération conditionnelle ou d'office et qui
purgerait entièrement sa peine d'emprisonnement, comme
c'est le cas de l'appelant qui est demeuré
emprisonné jusqu'à la fin à cause de son
risque élevé de récidive, ne pourrait
être assigné transitoirement à un
établissement résidentiel communautaire une
fois libéré de prison et de retour dans la
collectivité. Il en serait ainsi même si le
degré de récidive du délinquant et sa
dangerosité sont élevés, même si
l'assignation temporaire à résidence
s'avérerait essentielle et même s'il en
résulte un danger de préjudice accru pour la
société.
[39]Il n'y a aucun doute dans mon esprit qu'il ne s'agit
pas là de l'intention recherchée par le
législateur. J'en trouve un premier indice dans le
texte même du paragraphe 134.1(2) de la Loi qui, tel
que déjà mentionné plus d'une fois,
octroie à la Commission un pouvoir
général de fixer, pour les délinquants
à contrôler, des conditions, sans autres
restrictions quant à leur teneur et leur nature que la
nécessité qu'elles soient nécessaires,
raisonnables et d'une durée limitée.
[40]Un second indice émerge de l'objectif
même du régime de surveillance des
délinquants à contrôler. Avant la mise en
place de ce régime, le délinquant à
connotation sexuelle s'exposait à une décision
judiciaire lui conférant le statut de
délinquant dangereux pour une période
indéterminée ou à une longue peine
d'emprisonnement. Le régime mis en place par le
législateur pour les délinquants à
contrôler au sein de la collectivité est un
régime plus souple et plus bénéfique
pour eux. Il vise à permettre une meilleure
réinsertion sociale du délinquant, mais sans
que la protection de la société et des victimes
ne soient compromises. Malgré sa plus grande
souplesse, le régime n'est pas sans contrainte, compte
tenu de la nature des crimes et des risques de
récidive. Dans l'affaire R. v. Johnson (2001),
159 B.C.A.C. 255, au paragraphe 98, la Cour d'appel de la
Colombie-Britannique résume bien le but du
régime de surveillance des délinquants à
contrôler. Le juge Ryan écrit:
[traduction] En résumé donc, les nouvelles
dispositions qui autorisent un tribunal a déclarer
qu'un délinquant est un délinquant dangereux
ont pour but de faire en sorte que les délinquants qui
sont véritablement dangereux et dont is est peu
probable que le comportement puisse être modifié
ou contrôlé seront condamnés à une
peine de durée indéterminée de
façon à ce qu'ils fassent l'objet d'une
surveillance très étroite de la part de
l'État. Le délinquant dont le comporte-ment ou
la conduite n'est pas pathologiquement rebelle à tout
traitement, dans le sens que le délinquant pourra au
moins en arriver à une étape où,
même s'il n'est pas amendable, il pourra être
contrôlé de façon sécuritaire dans
la collectivité et qui aurait probablement
été déclaré être un
délinquant dangereux aux termes des anciennes
dispositions, peut maintenant faire l'objet d'une
déclaration de délinquant à
contrôler plutôt que de délinquant
dangereux. Ce délinquant aura au moins la
possiblité d'être un jour libéré
de tout contrôle de la part de l'État lorsqu'il
ne représentera plus de danger pour la
collectivité.
[41]De toute évidence, l'application de la
règle, telle que proposée et
interprétée par l'appelant, sape les objectifs
de la Loi que l'on retrouve à l'article 100, selon
lesquels «[l]a mise en liberté sous condition
vise à contribuer au maintien d'une
société juste, paisible et sûre en
favorisant, par la prise de décisions
appropriées quant au moment et aux conditions de leur
mise en liberté, la réadaptation et la
réinsertion sociale des délinquants en tant que
citoyens respectueux des lois». Il n'est certes pas
exclu de l'intention du législateur que la
réadaptation et la réinsertion sociale d'un
délinquant à contrôler puissent au
besoin, et doivent dans certains cas, passer par une
assignation à résidence alors qu'il entreprend
ou vit sa période de surveillance de longue
durée au sein de la collectivité.
[42]En outre, l'application proposée de la
règle tend à discréditer les ordonnances
judiciaires de surveillance de longue durée d'un
délinquant à contrôler. Elle en diminue
la valeur et l'utilité et risque de compromettre la
sécurité qu'elles ont pour but d'apporter
à la collectivité. De même, elle a pour
conséquence de freiner indûment le travail des
intervenants sociaux et à en réduire
l'efficacité tout en augmentant injustement et
inutilement les risques de préjudice pour la
société.
[43]Dans ces circonstances, conclure qu'il s'agit
là de l'objectif recherché par le
législateur, comme l'application, telle que
proposée par l'appelant, de la règle
expressio unius est exclusio alterius inexorable-ment
nous y conduit, c'est faire fi des objectifs nettement
contraires qu'il a pris soin d'exprimer et d'élaborer
aux articles 100 et 101 de la Loi.
[44]Le pouvoir conféré à la
Commission par le paragraphe 134.1(2) est un pouvoir
discrétionnaire large et souple et la
discrétion s'exerce à trois niveaux.
Premièrement, la Commission peut imposer ou ne pas
imposer des conditions de surveillance à un
délinquant à contrôler.
Deuxièmement, c'est aussi la Commission qui est
investie du pouvoir de déterminer s'il est raisonnable
et nécessaire de le faire pour assurer la protection
du public et favoriser la réinsertion sociale du
délinquant. Troisièmement, elle en fixe la
durée.
[45]En outre, le paragraphe 134.1(4) habilite la
Commission à modifier ou annuler ces conditions si
elle le juge à propos ou à soustraire le
délinquant à contrôler à
l'application de l'une ou l'autre des conditions qu'elle a
imposées.
[46]On peut donc voir de ces dispositions l'intention du
législateur de s'en remettre à l'expertise et
à l'expérience de la Commission pour, autant
que faire se peut, protéger la société
tout en favorisant la réinsertion et
l'intégration sociales du délinquant. Dans ce
contexte, il n'est pas raisonnable, à mon avis, de
conclure que le législateur, dans la poursuite des
objectifs de la Loi, en octroyant à la Commission le
vaste pouvoir discrétion-naire d'imposer des
conditions raisonnables et nécessai-res à un
délinquant à contrôler, entendait exclure
implicitement celui d'une assignation à
résidence, même lorsqu'elle est
nécessaire pour protéger la
société et favoriser la réinsertion
sociale du délinquant.
2. L'analyse de l'étude comparative des textes
législatifs faite par l'appelant
[47]Par nécessité, en examinant l'argument
a contrario de l'appelant fondé sur la
règle d'exclusion implicite, j'ai déjà
examiné en partie le mérite de l'analyse que
l'appelant fait des textes législatifs,
particulièrement des articles 99.1, 133, 134 et 134.1
de la Loi. Je n'ai pas l'intention de refaire l'exercice.
Mais je crois qu'il y a lieu d'ajouter ceci en ce qui a trait
à l'interrelation de ces dispositions.
[48]Il est vrai, comme l'affirme l'appelant, que l'article
99.1 de la Loi ne fait pas mention du paragraphe 133 (4.1) et
du pouvoir d'assignation à résidence que ce
paragraphe contient relativement aux délinquants en
libération d'office (statutory release). Mais
je suis d'accord avec le procureur de l'intimé: ce
paragraphe 133(4.1) ne s'applique pas aux délinquants
à contrôler qui ne sont pas en libération
d'office et il n'était pas nécessaire pour le
législateur de le leur rendre applicable par le biais
de l'article 99.1 parce que le régime distinct, qui
prévoit les conditions de surveillance des
délinquants à contrôler, confère
à la Commission, par le jeu du paragraphe 134.1(2), un
pouvoir, moins restrictif que celui du paragraphe 133(4.1),
d'imposer des conditions de liberté pendant leur
période de surveillance de longue durée. Le
législateur a voulu laisser à la Commission une
plus grande marge de manoeuvre dans l'exercice de sa
compétence à l'égard de ce genre de
délinquants.
[49]Que le paragraphe 133(4.1) de la Loi a une vocation
restrictive apparaît de sa lecture même et de sa
comparaison avec les paragraphes 133(3) et 134.1(2). On se
rappellera que les paragraphes 133(3) et 134.1(2)
confèrent à la Commission des pouvoirs
identiques d'imposer les conditions qu'elle juge raisonnables
et nécessaires pour protéger la
société et favoriser la réinsertion
sociale du délinquant. Dans le cas du paragraphe
133(3), il s'agit des délinquants en
libération. Le paragraphe 134.1(2), quant à
lui, vise les délinquants à
contrôler.
[50]Or le paragraphe 133(3), à l'instar du
paragraphe 134.1(2) est, par son libellé, suffisamment
large pour permettre l'assignation à résidence,
de sorte que le paragraphe 133(4.1) serait inutile si ce
n'est que le législateur a voulu, en matière
d'assignation à résidence d'un
délinquant en libération d'office (statutory
release), restreindre la généralité
du pouvoir octroyé à l'autorité
compétente par le paragraphe 133(3).
[51]De fait, l'assignation à résidence d'un
délinquant en libération d'office (statutory
release) ne peut se faire que si l'autorité
compétente, laquelle inclut la Commission, «est
convaincue qu'à défaut de cette
condition» le délinquant présentera avant
l'expiration de sa peine un risque inacceptable pour la
société du fait qu'il commettra une infraction
prévue à l'annexe I (cet annexe
réfère à des infractions à
caractère sexuel ou violent). L'utilisation du pouvoir
sous le paragraphe 133(4.1) est donc soumise à un test
beaucoup plus exigeant que celui prévu pour l'exercice
du pouvoir général de fixer des conditions sous
le paragraphe 133(3). Il faut, d'une part, un risque
inacceptable pour la société (par opposition
à un risque élevé de récidive
dans le cas d'un délinquant à contrôler)
et, d'autre part, il ne suffit pas que la Commission estime
qu'il faille imposer des conditions de libération
d'office: il faut qu'elle en soit convaincue et qu'elle soit
convaincue de la nécessité d'une assignation
à résidence vu la nature du risque
posé.
[52]Le législateur n'a pas voulu introduire cette
limitation dans le cas des délinquants à
contrôler qui, eux, débutent leur période
de surveillance prolongée alors que le
délinquant en libération d'office (statutory
release) s'achemine vers la fin de sa sentence. Le risque
de récidive étant élevé pour les
délinquants à contrôler et la
période de surveillance étant de longue
durée, il n'est pas déraisonnable de croire que
le législateur a voulu laisser intact le vaste pouvoir
discrétionnaire qu'il a octroyé à la
Commission au paragraphe 134.1(2) de la Loi afin de lui
permettre de rencontrer les besoins spécifiques des
délinquants à contrôler (et à
réinsérer socialement) ainsi que ceux de la
collectivité à qui on fait assumer le risque de
la libération du délinquant.
[53]Pour soutenir son argument, l'appelant prend appui sur
l'article 135.1 de la Loi qui, à l'alinéa
135.1(1)c), fait référence au pouvoir de
la Commission d'ordonner l'internement à
résidence d'un délinquant à
contrôler. Comme dans cet article le législateur
s'est exprimé sur l'assignation à
résidence, dit l'appelant, il devient évident
que le pouvoir général du paragraphe 134.1(2)
de fixer des conditions réfère à des
conditions autres que l'assignation à
résidence. Avec respect, je crois qu'il y a sur ce
point méprise de l'appelant pour les raisons
suivantes.
[54]L'article 135.1 s'adresse aux cas de manquements,
actuels ou anticipés, aux conditions
énoncées dans une ordonnance de surveillance de
longue durée ou aux situations où il est
nécessaire d'intervenir pour protéger la
société. L'internement à
résidence (commitment to a community-based
residential facility) est l'aboutissement d'un processus
de suspension de la surveillance, suivi d'une arrestation du
délinquant. Ce processus peut aussi résulter,
selon la gravité des manquements ou de la situation,
en une ordonnance d'incarcération (commitment to
custody) plutôt que d'internement à
résidence.
[55]Après examen du dossier, au terme du paragraphe
135.1(6), la Commission peut annuler la suspension, avec
reprise de la surveillance prolongée, avec ou sans
nouvelles conditions. Elle peut plutôt opter pour le
dépôt d'une dénonciation contre le
délinquant lui reprochant une infraction selon
l'article 753.3 [édicté par L.C. 1997, ch. 17,
art. 4] du Code criminel [L.R.C. (1985), ch. C-46]
(avoir fait défaut de se conformer à une
ordonnance) si elle estime qu'aucun programme de surveillance
ne peut adéquatement protéger la
société et que les conditions de la
surveillance n'ont pas été
respectées.
[56]Ce que l'article 135.1 confère, c'est un
pouvoir d'internement dans une résidence et non un
pouvoir d'assignation à un tel lieu. Le premier,
c'est-à-dire le pouvoir d'internement, s'avère
une sanction du comportement du délinquant à
contrôler alors que le second, soit l'assignation
à résidence, réfère à une
condition de sa surveillance de longue durée ou, dans
le cas d'un délinquant en libération d'office
(statutory release), à une condition de cette
libération (voir le paragraphe 133(4.1)). Le premier
s'exprime et s'exerce par mandat, le second simplement par un
énoncé ou une stipulation dans les mesures de
surveillance.
[57]Le législateur a pris soin d'utiliser une
terminologie différente pour bien marquer la
différence entre les deux concepts. Le paragraphe
133(4.1) énonce dans le cas d'un délinquant en
libération d'office (statutory release) que
l'autorité compétente «peut
[. . .] ordonner que celui-ci demeure.»
("may . . . require that the offender
reside"). Cette terminologie contraste avec celle de
l'article 135.1(1) applicable au délinquant à
contrôler où la Commission «peut, par
mandat [. . .] ordonner l'internement de celui-ci
[. . .] ou son incarcération»
("may, by warrant . . . authorize the commitment
of the offender to a community-based residential facility or
. . . to custody").
[58]La terminologie de l'article 135.1 de la Loi fournit
également deux autres indicateurs quant à la
nature différente du pouvoir exercé sous
l'autorité de cette disposition.
[59]En premier lieu, le mandat d'internement à
résidence d'un délinquant à
contrôler peut être émis, entre autres
personnes, par un membre de la Commission ou la personne que
le président de la Commission ou un commissaire
désigne nommément ou par indication de son
poste. Il en va différemment du pouvoir d'assignation
à résidence d'un tel délinquant comme
condition de surveillance sous le paragraphe 134.1(2)
où l'on peut voir que ce pouvoir appartient à
la Commission. La délégation de pouvoir que
comporte l'article 135.1 s'explique par l'urgence de
l'intervention. Elle est, à toutes fins pratiques,
identique à celle que l'on retrouve à l'article
135 de la Loi et qui, de façon parallèle
à ce qui existe pour un délinquant à
contrôler, vise par mandat, pour un délinquant
en libération, la suspension de sa libération,
son arrestation et son incarcération.
[60]En second lieu, l'internement à
résidence par mandat est temporaire en ce qu'il n'a
cours que jusqu'à ce qu'il soit disposé du cas
par l'annulation de la suspension, l'imposition de nouvelles
conditions de surveillance ou la mise en accusation du
délinquant. De plus, cet internement ne peut, tout
comme le mandat d'incarcération, excéder 90
jours au terme du paragraphe 135.1(2). Encore là, ces
dispositions de l'article 135.1 reflètent l'urgence de
la situation engendrée par l'inobservation des
conditions énoncées dans l'ordonnance de
surveillance de longue durée et la temporalité
des mesures prises, qu'il s'agisse de l'internement ou de
l'incarcération.
[61]À nouveau, le pouvoir d'application restreinte
de l'article 135.1 s'oppose à celui beaucoup plus
large de fixer des conditions de surveillance prévu au
paragraphe 134.1(2). La durée de l'assignation
à résidence en vertu du paragraphe 134.1(2) est
fixée par la Commission et déterminée
par la nécessité et la raisonnabilité
d'imposer une telle condition. Ce paragraphe, je le rappelle,
ne fixe pas de limite temporelle maximale pour l'assignation
à résidence comme c'est le cas pour le mandat
d'internement à résidence de l'article
135.1.
[62]Enfin, l'appelant soumet que le sous-alinéa
161(1)g)(i) du Règlement démontre par sa
teneur que le délinquant à contrôler ne
peut être astreint à demeurer dans une
résidence. Ce sous-alinéa qui, par le jeu de
l'article 134.1 s'applique, avec les adaptions
nécessaires, au délinquant à
contrôler prévoit que le délinquant,
dès sa mise en liberté, doit communiquer
à son surveillant l'adresse de sa résidence et
l'informer sans délai de tout changement de
résidence. Une telle obligation, selon l'appelant, n'a
pas de sens pour le délinquant à
contrôler assigné à une résidence
puisqu'il ne peut changer de résidence.
Conséquemment, le législateur n'envisageait pas
l'assignation à résidence pour les
délinquants à contrôler.
[63]La conclusion de l'appelant, à mon avis, n'est
pas supportée par sa prémisse. Tout d'abord, le
paragraphe 161(1) du Règlement doit s'appliquer en
faisant les adaptations nécessaires. Ensuite, le
sous-alinéa 161(1)g)(i) s'applique aussi au
délinquant en libération par le renvoi du
paragraphe 133(2) de la Loi. Or l'assignation à
résidence de ce délinquant est
expressément prévue par les paragraphes 133(4)
et (4.1) de la Loi. Il n'y a donc aucun argument valable
à tirer du sous-alinéa 161(1)g)(i) du
Règlement qui permette de conclure que l'assignation
à résidence n'est pas permise pour les
délinquants à contrôler.
[64]En somme, la comparaison et l'analyse des textes
applicables aux régimes distincts des
délinquants à contrôler et des
délinquants en libération n'appuient pas la
prétention de l'appelant que le paragraphe 134.1(2) de
la Loi ne permet pas à la Commission d'imposer, comme
condition d'une surveillance de longue durée, une
assignation à résidence.
3. Le droit de l'appelant de bénéficier
de l'interpré-tation qui lui est favorable en cas
d'ambiguïté et de choisir son lieu de
résidence
[65]Comme j'en suis venu à la conclusion qu'il n'y
a pas d'ambiguïté quant à
l'interprétation du paragraphe 134.1(2), il n'est pas
nécessaire de discuter plus à fond la
revendication de l'appelant à ce titre.
[66]Quant à son droit de choisir le lieu de sa
résidence, l'appelant demeure soumis au pouvoir
d'assignation à résidence et aux autres
conditions que sa période de surveillance peut
nécessiter. De plus, il ne faut pas perdre de vue que
l'appelant est toujours sous sentence judiciaire et que le
volet «surveillance de longue durée» de
cette sentence le soumet à des conditions qui
légalement restreignent sa liberté au nom de la
protection du public. Quoiqu'il en soit, je ne crois pas que,
dans ces conditions et tant que dure la période de
surveillance, la Charte lui garantisse le droit absolu et
incontrôlé de résider là où
il le désire, particulière-ment à
proximité de ses victimes.
[67]Je suis redevable aux procureurs des deux parties pour
leur maîtrise des questions en litige et le traitement
qu'ils en ont fait lors des plaidoiries.
[68]Pour les motifs exprimés, je rejetterais
l'appel mais sans frais dans les circonstances puisqu'il vise
à faire déterminer, pour le futur, une question
d'importance pour les délinquants à
contrôler, la Commission et les autorités
pénitentiaires.
Le juge Décary, J.C.A.: Je suis d'accord.
Le juge Pelletier, J.C.A.: Je suis d'accord.
ANNEXE
DROIT APPLICABLE
Code criminel, L.R.C. (1985), ch. C-46 [art. 753.1
(édicté par L.C. 1997, ch. 17, art. 4; 2002,
ch. 13, art. 76), 753.2 (édicté par L.C. 1997,
ch. 17, art. 4), 753.3 (édicté,
idem)]:
753.1 (1) Sur demande faite, en vertu de la
présente partie, postérieurement au
dépôt du rapport d'évaluation visé
au paragraphe 752.1(2), le tribunal peut déclarer que
le délinquant est un délinquant à
contrôler, s'il est convaincu que les conditions
suivantes sont réunies:
a) il y a lieu d'imposer au délinquant une
peine minimale d'emprisonnement de deux ans pour l'infraction
dont il a été déclaré
coupable;
b) celui-ci présente un risque
élevé de récidive;
c) il existe une possibilité réelle
que ce risque puisse être maîtrisé au sein
de la collectivité.
(2) Le tribunal est convaincu que le délinquant
présente un risque élevé de
récidive si:
a) d'une part, celui-ci a été
déclaré coupable d'une infraction visée
aux articles 151 (contacts sexuels), 152 (incitation à
des contacts sexuels) ou 153 (exploitation sexuelle), aux
paragraphes 163.1(2) (production de porno-graphie
juvénile), 163.1(3) (distribution de pornographie
juvénile), 163.1(4) (possession de pornographie
juvénile) ou 163.1(4.1) (accès à la
pornographie juvénile), à l'article 172.1
(leurre), au paragraphe 173(2) (exhibitionnisme) ou aux
articles 271 (agression sexuelle), 272 (agression sexuelle
armée) ou 273 (agression sexuelle grave), ou a commis
un acte grave de nature sexuelle lors de la
perpétration d'une autre infraction dont il a
été déclaré coupable;
b) d'autre part:
(i) soit le délinquant a accompli des actes
répétitifs, notamment celui qui est à
l'origine de l'infraction dont il a été
déclaré coupable, qui permettent de croire
qu'il causera vraisemblablement la mort de quelque autre
personne ou causera des sévices ou des dommages
psychologiques graves à d'autres personnes,
(ii) soit sa conduite antérieure dans le domaine
sexuel, y compris lors de la perpétration de
l'infraction dont il a été
déclaré coupable, laisse prévoir que
vraisemblable-ment il causera à l'avenir de ce fait
des sévices ou autres maux à d'autres
personnes.
(3) Sous réserve des paragraphes (3.1), (4) et (5),
s'il déclare que le délinquant est un
délinquant à contrôler, le tribunal lui
impose une peine minimale d'emprisonnement de deux ans pour
l'infraction dont il a été
déclaré coupable, et ordonne qu'il soit soumis,
pour une période maximale de dix ans, à une
surveillance au sein de la collectivité en
conformité avec l'article 753.2 et la Loi sur le
système correctionnel et la mise en liberté
sous condition.
(3.1) Le tribunal ne peut toutefois imposer la peine
visée au paragraphe (3), au délinquant qu'il
déclare délinquant à contrôler--et
la peine qui a été imposée à
celui-ci pour l'infraction dont il a été
déclaré coupable demeure--si la demande a
été:
a) d'une part, présentée après
que le délinquant a commencé à purger sa
peine dans les cas où les conditions visées aux
alinéas 753(2)a) et b) sont
réunies;
b) d'autre part, considérée comme une
demande présentée en vertu du présent
article à la suite de la décision du tribunal
de la considérer comme telle au titre de
l'alinéa 753(5)a).
(4) Le tribunal ne rend pas l'ordonnance de surveillance
prévue au paragraphe (3) si le délinquant est
condamné à l'emprisonnement à
perpétuité.
(5) Si le délinquant commet une autre infraction
alors qu'il est soumis à une ordonnance de
surveillance aux termes du paragraphe (3) et, de ce fait, est
de nouveau déclaré délinquant à
contrôler, la durée maximale de la surveillance
à laquelle il est soumis à tout moment en vertu
de différentes ordonnances est de dix ans.
(6) S'il ne déclare pas que le délinquant
est un délinquant à contrôler, le
tribunal lui impose une peine pour l'infraction dont il a
été déclaré coupable.
753.2 (1) Sous réserve du paragraphe (2), le
délinquant soumis à une ordonnance de
surveillance aux termes du paragraphe 753.1(3) est
surveillé au sein de la collectivité en
conformité avec la Loi sur le système
correctionnel et la mise en liberté sous condition
lorsqu'il a terminé de purger:
a) d'une part, la peine imposée pour
l'infraction dont il a été
déclaré coupable;
b) d'autre part, toutes autres peines
d'emprisonnement imposées pour des infractions dont il
est déclaré coupable avant ou après la
déclaration de culpabilité pour l'infraction
visée à l'alinéa a).
(2) Toute peine--autre que
carcérale--imposée au délinquant
visé au paragraphe (1) est purgée concurremment
avec la surveillance ordonnée en vertu du paragraphe
753.1(3).
(3) Le délinquant soumis à une ordonnance de
surveillance peut--tout comme un membre de la Commission
nationale des libérations conditionnelles ou, avec
l'approbation de celle-ci, son surveillant de liberté
conditionnelle au sens du paragraphe 134.2(2) de la Loi
sur le système correctionnel et la mise en
liberté sous condition--demander à la cour
supérieure de juridiction criminelle de réduire
la période de surveillance ou d'y mettre fin pour le
motif qu'il ne présente plus un risque
élevé de récidive et, de ce fait, n'est
plus une menace pour la collectivité, le fardeau de la
preuve incombant au demandeur.
(4) La personne qui fait la demande au titre du paragraphe
(3) en avise le procureur général lors de sa
présentation.
753.3 (1) Le délinquant qui, sans excuse
raisonnable, omet ou refuse de se conformer à
l'ordonnance de surveillance à laquelle il est soumis
aux termes du paragraphe 753.1(3) est coupable d'un acte
criminel et passible d'un emprisonnement maximal de dix
ans.
(2) Un accusé qui est inculpé d'une
infraction aux termes du paragraphe (1) peut être
jugé et condamné par tout tribunal ayant
juridiction pour juger cette infraction au lieu où
l'infraction est présumée avoir
été commise, ou au lieu où
l'accusé est trouvé, est arrêté ou
est sous garde, mais si le lieu où l'accusé est
trouvé, est arrêté ou est sous garde est
à l'extérieur de la province où
l'infraction est présumée avoir
été commise, aucune poursuite concernant cette
infraction ne devra être engagée en ce lieu sans
le consentement du procureur général de cette
province.
Loi sur le système correctionnel et la mise en
liberté sous condition, L.C. 1992, ch. 20 [art. 99
(mod. par L.C. 2002, ch. 1, art. 173), 102 (mod. par L.C.
1995, ch. 42, art. 27(F)), 134.2 (édicté par
L.C. 1997, ch. 17, art. 30), 135 (mod. par L.C. 1995, ch. 22,
art. 18; ch. 42, art. 50, 69(A), 70(A); 1997, ch. 17, art.
32(F), 32.1)]:
PARTIE II
MISE EN LIBERTÉ SOUS CONDITION, MAINTIEN EN
INCARCÉRATION ET SURVEILLANCE DE LONGUE
DURÉE
Définitions
99. (1) Les définitions qui suivent
s'appliquent à la présente partie.
[. . .]
«délinquant»
a) Individu condamné--autre qu'un adolescent
au sens de la Loi sur le système de justice
pénale pour les adolescents --, avant ou
après l'entrée en vigueur du présent
article, à une peine d'emprisonnement:
(i) soit en application d'une loi fédérale
ou d'une loi provinciale dans la mesure applicable aux termes
de la présente partie,
(ii) soit à titre de sanction d'un outrage au
tribunal en matière civile ou pénale lorsque le
délinquant n'est pas requis par une condition de sa
sentence de retourner devant ce tribunal;
b) adolescent, au sens de la Loi sur le
système de justice pénale pour les
adolescents, qui a fait l'objet d'une ordonnance, d'une
détention ou d'un ordre visés aux articles 76,
89, 92 ou 93 de cette loi.
La présente définition ne vise toutefois pas
la personne qui, en application de l'article 732 du Code
criminel, purge une peine de façon discontinue
[. . .]
99.1 La personne soumise à une ordonnance
de surveillance de longue durée est assimilée
à un délinquant pour l'application de la
présente partie; les articles 100, 101, 109 à
111 et 140 à 145 s'appliquent, avec les adaptations
nécessaires, à cette personne et à la
surveillance de celle-ci.
[. . .]
Objet et principes
100. La mise en liberté sous condition
vise à contribuer au maintien d'une
société juste, paisible et sûre en
favorisant, par la prise de décisions
appropriées quant au moment et aux conditions de leur
mise en liberté, la réadaptation et la
réinsertion sociale des délinquants en tant que
citoyens respectueux des lois.
101. La Commission et les commissions provinciales
sont guidées dans l'exécution de leur mandat
par les principes qui suivent:
a) la protection de la société est
le critère déterminant dans tous les
cas;
b) elles doivent tenir compte de toute
l'information pertinente disponible, notamment les motifs et
les recommandations du juge qui a infligé la peine,
les renseignements disponibles lors du procès ou de la
détermination de la peine, ceux qui ont
été obtenus des victimes et des
délinquants, ainsi que les renseignements et
évaluations fournis par les autorités
correctionnelles;
c) elles accroissent leur efficacité et leur
transparence par l'échange de renseignements utiles au
moment opportun avec les autres éléments du
système de justice pénale d'une part, et par la
communication de leurs directives d'orientation
générale et programmes tant aux
délinquants et aux victimes qu'au public, d'autre
part;
d) le règlement des cas doit, compte tenu de
la protection de la société, être le
moins restrictif possible;
e) elles s'inspirent des directives d'orientation
générale qui leur sont remises et leurs membres
doivent recevoir la formation nécessaire à la
mise en oeuvre de ces directives;
f) de manière à assurer
l'équité et la clarté du processus, les
autorités doivent donner aux délinquants les
motifs des décisions, ainsi que tous autres
renseignements pertinents, et la possibilité de les
faire réviser.
102. La Commission et les commissions provinciales
peuvent autoriser la libération conditionnelle si
elles sont d'avis qu'une récidive du délinquant
avant l'expiration légale de la peine qu'il purge ne
présentera pas un risque inacceptable pour la
société et que cette libération
contribuera à la protection de celle-ci en favorisant
sa réinsertion sociale en tant que citoyen respectueux
des lois.
[. . .]
Conditions de la mise en liberté
133. (1) Au présent article,
«autorité compétente» s'entend:
a) de la Commission à l'égard de la
libération conditionnelle ou d'office ou d'une
permission de sortir sans escorte visée au paragraphe
116(1);
b) du commissaire à l'égard d'une
permission de sortir sans escorte visée au paragraphe
116(2);
c) du directeur du pénitencier à
l'égard d'une permission de sortir sans escorte
visée au paragraphe 116(2).
(2) Sous réserve du paragraphe (6), les
conditions prévues par règlement sont
réputées avoir été
imposées dans tous les cas de libération
conditionnelle ou d'office ou de permission de sortir sans
escorte.
(3) L'autorité compétente peut
imposer au délinquant qui bénéficie
d'une libération conditionnelle ou d'office ou d'une
permission de sortir sans escorte les conditions qu'elle
juge raisonnables et nécessaires pour protéger
la société et favoriser la réinsertion
sociale du délinquant.
(4) Si elle estime que les circonstances le justifient,
l'autorité compétente peut ordonner que
le délinquant, à titre de condition de sa
libération conditionnelle ou d'une permission de
sortir sans escorte, demeure dans un établissement
résidentiel communautaire.
(4.1) L'autorité compétente peut, pour
faciliter la réinsertion sociale du délinquant,
ordonner que celui-ci, à titre de condition
de sa libération d'office, demeure dans un
établissement résidentiel communautaire ou un
établissement psychiatrique si elle est convaincue
qu'à défaut de cette condition la commission
par le délinquant d'une infraction visée
à l'annexe I avant l'expiration légale de sa
peine présentera un risque inacceptable pour la
société.
(4.2) Pour l'application du paragraphe (4.1), un
établissement résidentiel communautaire
s'entend notamment d'un centre correctionnel communautaire,
à l'exception cependant de tout autre
pénitencier.
(4.3) Il n'est pas nécessaire, pour l'application
du paragraphe (4.1), que l'autorité compétente
précise laquelle des infractions visées
à l'annexe I commettra vraisemblablement le
délinquant.
(4.4) Toute assignation à résidence dans un
centre correctionnel communautaire ordonnée par
l'autorité compétente est subordonnée,
pour devenir opérante, au consentement écrit du
commissaire ou de la personne qu'il désigne
nommément ou par indication de son poste.
(5) Les conditions particulières imposées
par l'autorité compétente sont valables pendant
la période qu'elle fixe.
(6) L'autorité compétente peut,
conformément aux règlements, soustraire le
délinquant, avant ou après sa mise en
liberté, à l'application de l'une ou l'autre
des conditions du présent article, modifier ou annuler
l'une de celles-ci.
134. (1) Le délinquant qui
bénéficie d'une libération
conditionnelle ou d'office ou d'une permission de sortir sans
escorte doit observer les consignes que lui donne son
surveillant de liberté conditionnelle, un membre de la
Commission, le directeur du pénitencier ou la personne
que le président ou le commissaire désigne
nommément ou par indication de son poste en vue de
prévenir la violation des conditions imposées
ou de protéger la société.
(2) Au présent article, «surveillant de
liberté conditionnelle» s'entend d'un agent au
sens du paragraphe 2(1) ou d'une personne chargée par
le Service d'orienter et de surveiller le délinquant
qui bénéficie d'une libération
conditionnelle ou d'office ou d'une permission de sortir sans
escorte.
Conditions de la surveillance de longue
durée
134.1 (1) Sous réserve du paragraphe (4),
les conditions prévues par le paragraphe 161(1) du
Règlement sur le système correctionnel et
la mise en liberté sous condition
s'appliquent, avec les adaptations nécessaires, au
délinquant surveillé aux termes d'une
ordonnance de surveillance de longue durée.
(2) La Commission peut imposer au délinquant les
conditions de surveillance qu'elle juge raisonnables et
nécessaires pour protéger la
société et favoriser la réinsertion
sociale du délinquant.
(3) Les conditions imposées par la Commission en
vertu du paragraphe (2) sont valables pendant la
période qu'elle fixe.
(4) La Commission peut, conformément aux
règlements, soustraire le délinquant, au
cours de la période de surveillance, à
l'application de l'une ou l'autre des conditions
visées au paragraphe (1), ou modifier ou annuler l'une
de celles visées au paragraphe (2).
134.2 (1) Le délinquant qui est
surveillé aux termes d'une ordonnance de surveillance
de longue durée doit observer les consignes que lui
donne son surveillant de liberté conditionnelle, un
membre de la Commission ou la personne que le
président ou le commissaire désigne
nommément ou par indication de son poste en vue de
prévenir la violation des conditions imposées
ou de protéger la société.
(2) Au présent article, «surveillant de
liberté conditionnelle» s'entend d'un agent au
sens du paragraphe 2(1) ou d'une personne chargée par
le Service d'orienter et de surveiller le délinquant
soumis à une ordonnance de surveillance de longue
durée.
Suspension, cessation, révocation et
ineffectivité de la libération conditionnelle
ou d'office ou de la surveillance de longue
durée
135. (1) En cas d'inobservation des conditions de
la libération conditionnelle ou d'office ou lorsqu'il
est convaincu qu'il est raisonnable et nécessaire de
prendre cette mesure pour empêcher la violation de ces
conditions ou pour protéger la société,
un membre de la Commission ou la personne que le
président ou le commissaire désigne
nommément ou par indication de son poste peut, par
mandat:
a) suspendre la libération conditionnelle ou
d'office;
b) autoriser l'arrestation du
délinquant;
c) ordonner la réincarcération du
délinquant jusqu'à ce que la suspension soit
annulée ou que la libération soit
révoquée ou qu'il y soit mis fin, ou encore
jusqu'à l'expiration légale de la peine.
(2) La personne désignée en vertu du
paragraphe (1) peut, par mandat, ordonner le
transfèrement dans un pénitencier du
délinquant réincarcéré, aux
termes de l'alinéa (1)c), ailleurs que dans un
pénitencier.
(3) La personne qui a signé le mandat visé
au paragraphe (1), ou toute autre personne
désignée en vertu de ce paragraphe, doit,
dès que le délinquant mentionné dans le
mandat est réincarcéré, examiner son cas
et:
a) dans le cas d'un délinquant qui purge une
peine d'emprisonnement de moins de deux ans, dans les
quatorze jours qui suivent si la Commission ne décide
pas d'un délai plus court, annuler la suspension ou
renvoyer le dossier devant la Commission, le renvoi
étant accompagné d'une évaluation du
cas;
b) dans les autres cas, dans les trente jours qui
suivent, si la Commission ne décide pas d'un
délai plus court, annuler la suspension ou renvoyer le
dossier devant la Commission, le renvoi étant
accompagné d'une évaluation du cas et, s'il y a
lieu, d'une liste des conditions qui, à son avis,
permettraient au délinquant de
bénéficier de nouveau de la libération
conditionnelle ou d'office.
(4) Une fois saisie du dossier d'un délinquant qui
purge une peine de moins de deux ans, la Commission examine
le cas et, dans le délai réglementaire, soit
annule la suspension, soit révoque la
libération ou y met fin.
(5) Une fois saisie du dossier d'un délinquant qui
purge une peine de deux ans ou plus, la Commission examine le
cas et, dans le délai réglementaire, à
moins d'accorder un ajournement à la demande du
délinquant:
a) soit annule la suspension si elle est d'avis,
compte tenu de la conduite du délinquant depuis sa
libération conditionnelle ou d'office, qu'une
récidive du délinquant avant l'expiration
légale de la peine qu'il purge ne présentera
pas un risque inacceptable pour la société;
b) soit, si elle n'a pas cette conviction, met fin
à la libération si celle-ci a été
suspendue pour des raisons qui ne sont pas imputables au
délinquant ou la révoque, dans le cas
contraire;
c) soit révoque la libération ou y
met fin si le délinquant n'y est plus admissible ou
n'y a plus droit.
(6) Dans le cas où elle annule une suspension, la
Commission peut, si elle l'estime nécessaire et
raisonnable afin de protéger la société
ou de favoriser la réinsertion sociale du
délinquant:
a) l'avertir qu'elle n'est pas satisfaite de son
comportement depuis sa libération;
b) modifier les conditions de la
libération;
c) ordonner que l'annulation n'entre en vigueur
qu'à l'expiration du délai maximal de trente
jours qu'elle fixe à compter de la date de la
décision, si la violation des conditions de la
libération qui a donné lieu à la
suspension constituait au moins la seconde violation
entraînant une suspension au cours de la peine que
purge le délinquant.
(6.1) La personne visée au paragraphe (3) ou la
Commission, selon le cas, notifie l'annulation de la
suspension, ou transmet électroniquement une copie de
la notification, au responsable du lieu où le
délinquant est sous garde.
(7) En outre, la Commission peut, à tout moment
lorsqu'elle est convaincue qu'une récidive--avant
l'expiration légale de la peine--durant la
libération conditionnelle ou d'office du
délinquant présentera un risque inacceptable
pour la société:
a) révoquer ou mettre fin à cette
libération si le délinquant n'y est plus
admissible ou n'y a plus droit;
b) s'il y est admissible ou y a droit, mettre fin
à la libération lorsque le risque pour la
société dépend de facteurs qui ne sont
pas imputables au délinquant ou la révoquer,
dans le cas contraire.
(8) La Commission dispose des pouvoirs que lui
confère le paragraphe (7) même si le
délinquant bénéficie d'une
libération conditionnelle ou d'office et est
condamné à une autre peine d'emprisonnement
pour une infraction commise avant ou après cette mise
en liberté.
(9) En cas de révision d'une décision rendue
en vertu du paragraphe (7), la Commission doit, au cours de
la période prévue par règlement,
confirmer ou annuler celle-ci.
(9.1) Lorsque la libération conditionnelle ou
d'office d'un délinquant n'a pas été
révoquée ou qu'il n'y a pas été
mis fin et que celui-ci est réincarcéré
pour une peine d'emprisonnement supplémentaire pour
une infraction à une loi fédérale, sa
libération conditionnelle ou d'office est
révoquée à la date de cette nouvelle
incarcération.
(9.2) Le paragraphe (9.1) ne s'applique pas si la peine
supplémentaire n'est pas à purger à la
suite de la peine en cours et se rapporte à une
infraction commise avant le début de
l'exécution de cette dernière.
(9.3) Lorsqu'un délinquant en liberté
conditionnelle est condamné au type de peine
supplémentaire visé au paragraphe (9.2) et que
la date d'admissibilité à la libération
conditionnelle déterminée conformément
aux articles 119, 120 ou 120.2 est postérieure
à celle de la condamnation à la peine
supplémentaire, la libération conditionnelle
devient ineffective et le délinquant est
réincarcéré.
(9.4) Sauf déclaration contraire, au titre du
paragraphe 113(1), du lieutenant-gouverneur en conseil d'une
province où a été instituée une
commission provinciale, le paragraphe (9.1) ne s'applique pas
aux délinquants qui relèvent de cette
dernière, à l'exception de ceux qui:
a) soit purgent une peine d'emprisonnement dans un
établissement correctionnel de la province en vertu
d'un accord visé au paragraphe 16(1);
b) soit, en raison de leur condamnation à
une peine supplémentaire du type visé au
paragraphe (9.1), sont tenus, aux termes de l'article 743.1
du Code criminel, de purger leur peine dans un
pénitencier.
(9.5) Lorsque la libération conditionnelle d'un
délinquant auquel le paragraphe (9.1) ne s'applique
pas n'a pas été révoquée ou qu'il
n'y a pas été mis fin et que le
délinquant est condamné à une peine
d'emprisonnement--à purger à la suite de la
peine en cours--pour une infraction à une loi
fédérale, la libération conditionnelle
devient ineffective et le délinquant est
réincarcéré pour une période,
déterminée à compter de la date de la
condamnation, égale au temps d'épreuve sur la
peine supplémentaire. Le délinquant, à
l'expiration de cette période et sous réserve
de la présente loi, est remis en liberté
conditionnelle, à moins que celle-ci ait
été révoquée ou qu'il y ait
été mis fin.
(10) Pour l'application de la présente partie, le
délinquant qui est réincarcéré
est réputé purger sa peine.
(11) En cas d'annulation de la suspension de la
libération conditionnelle ou d'office, le
délinquant est réputé, pour
l'application de la présente loi, avoir purgé
sa peine pendant la période commençant à
la date de la suspension et se terminant à la date de
l'annulation.
135.1 (1) En cas d'inobservation soit des
conditions énoncées dans l'ordonnance de
surveillance de longue durée, soit des conditions
visées à l'article 134.1, ou lorsqu'il est
convaincu qu'il est raisonnable et nécessaire de
prendre cette mesure pour empêcher la violation de ces
conditions ou pour protéger la société,
un membre de la Commission ou la personne que le
président ou le commissaire désigne
nommément ou par indication de son poste peut, par
mandat:
a) suspendre la surveillance;
b) autoriser l'arrestation du
délinquant;
c) ordonner l'internement de celui-ci dans un
établissement résidentiel communautaire ou un
établissement psychiatrique, ou son
incarcération si elle est jugée
nécessaire, jusqu'à ce que la suspension soit
annulée, que de nouvelles conditions pour la
surveillance soient fixées ou que le délinquant
soit accusé de l'infraction visée à
l'article 753.3 du Code criminel.
(2) La période maximale de l'internement ou de
l'incarcération visés à l'alinéa
(1)c) est de quatre-vingt-dix
jours.
(3) Si un délinquant fait l'objet d'un internement
ou d'une incarcération aux termes de l'alinéa
(1)c), la période d'internement ou
d'incarcération est comprise dans la période de
surveillance prévue dans l'ordonnance de surveillance
de longue durée à l'exclusion, le cas
échéant, du délai écoulé
entre la délivrance du mandat et
l'incarcération ou l'internement.
(4) La personne désignée en vertu du
paragraphe (1) peut, par mandat, ordonner le
transfèrement dans un pénitencier du
délinquant qui fait l'objet d'un internement aux
termes de l'alinéa (1)c).
(5) La personne qui a signé le mandat visé
au paragraphe (1), ou toute autre personne
désignée en vertu de ce paragraphe doit,
dès l'internement ou l'incarcération du
délinquant mentionné dans le mandat, examiner
son cas et, dans les meilleurs délais mais au plus
tard dans les trente jours qui suivent, annuler la suspension
ou renvoyer le dossier devant la Commission, le renvoi
étant accompagné d'une évaluation du
cas.
(6) Une fois saisie du dossier, la Commission examine
le cas et, dans les soixante jours suivant la date du
renvoi:
a) soit annule la suspension si elle est d'avis,
compte tenu de la conduite du délinquant durant la
période de surveillance, que le risque de
récidive avant l'expiration de cette
période--s'il est soumis aux mêmes conditions de
surveillance--n'est pas élevé;
b) soit, si elle n'a pas cette conviction, met fin
à la suspension et ordonne la reprise de la
surveillance aux conditions que la Commission juge
nécessaires pour protéger la
société;
c) soit, si elle est d'avis qu'aucun
programme de surveillance ne peut adéquatement
protéger la société contre le risque de
récidive et que, selon toute apparence, les conditions
de la surveillance n'ont pas été
observées, recommande le dépôt d'une
dénonciation imputant au délinquant
l'infraction visée à l'article 753.3 du
Code criminel.
(7) Si la Commission recommande le dépôt
d'une dénonciation, le Service recommande au procureur
général du lieu où l'inobservation des
conditions de surveillance a été
constatée le dépôt d'une
dénonciation imputant au délinquant
l'infraction visée à l'article 753.3 du Code
criminel.
(8) Dans le cas où elle annule la suspension d'une
ordonnance de surveillance, la Commission peut, si elle
l'estime nécessaire et raisonnable afin de
protéger la société ou de favoriser la
réinsertion sociale du délinquant:
a) avertir celui-ci qu'elle n'est pas satisfaite de
son comportement pendant la période de
surveillance;
b) modifier les conditions de la surveillance;
c) ordonner que l'annulation n'entre en vigueur
qu'à l'expiration d'un délai qui se termine au
plus tard à la fin des quatre-vingt-dix jours
visés au paragraphe (2), pour permettre au
délinquant de participer à un programme visant
à assurer une meilleure protection de la
société contre le risque de récidive du
délinquant.
(9) La personne visée au paragraphe (4) ou la
Commission, selon le cas, notifie l'annulation de la
suspension, ou transmet électroniquement une copie de
la notification, au responsable du lieu où le
délinquant est sous garde. [Je souligne.]
Règlement sur le système correctionnel et
la mise en liberté sous condition, DORS/92-620
PARTIE II
MISE EN LIBERTÉ SOUS CONDITION
[. . .]
Conditions de mise en liberté
161. (1) Pour l'application du paragraphe 133(2) de la
Loi, les conditions de mise en liberté qui sont
réputées avoir été
imposées au délinquant dans tous les cas de
libération conditionnelle ou d'office sont les
suivantes:
a) dès sa mise en liberté, le
délinquant doit se rendre directement à sa
résidence, dont l'adresse est indiquée sur son
certificat de mise en liberté, se présenter
immédiatement à son surveillant de
liberté conditionnelle et se présenter ensuite
à lui selon les directives de celui-ci;
b) il doit rester à tout moment au Canada,
dans les limites territoriales spécifiées par
son surveillant;
c) il doit respecter la loi et ne pas troubler
l'ordre public;
d) il doit informer immédiatement son
surveillant en cas d'arrestation ou d'interrogatoire par la
police;
e) il doit porter sur lui à tout moment le
certificat de mise en liberté et la carte
d'identité que lui a remis l'autorité
compétente et les présenter à tout agent
de la paix ou surveillant de liberté conditionnelle
qui lui en fait la demande à des fins
d'identification;
f) le cas échéant, il doit se
présenter à la police, à la demande de
son surveillant et selon ses directives;
g) dès sa mise en liberté, il doit
communiquer à son surveillant l'adresse de sa
résidence, de même que l'informer sans
délai de:
(i) tout changement de résidence,
(ii) tout changement d'occupation habituelle, notamment un
changement d'emploi rémunéré ou
bénévole ou un changement de cours de
formation,
(iii) tout changement dans sa situation domestique ou
financière et, sur demande de son surveillant, tout
changement dont il est au courant concernant sa famille,
(iv) tout changement qui, selon ce qui peut être
raisonnablement prévu, pourrait affecter sa
capacité de respecter les conditions de sa
libération conditionnelle ou d'office;
h) il ne doit pas être en possession d'arme,
au sens de l'article 2 du Code criminel, ni en avoir
le contrôle ou la propriété, sauf avec
l'autorisation de son surveillant;
i) s'il est en semi-liberté, il doit,
dès la fin de sa période de
semi-liberté, réintégrer le
pénitencier d'où il a été mis en
liberté à l'heure et à la date inscrites
à son certificat de mise en liberté.
(2) Pour l'application du paragraphe 133(2) de la Loi, les
conditions de mise en liberté qui sont
réputées avoir été
imposées au délinquant dans tous les cas de
permission de sortir sans surveillance sont les
suivantes:
a) dès sa mise en liberté, le
délinquant doit se rendre directement au lieu
indiqué sur son permis de sortie, se présenter
à son surveillant de liberté conditionnelle
selon les directives de l'autorité compétente
et suivre le plan de sortie approuvé par elle;
b) il doit rester au Canada, dans les limites
territoriales spécifiées par son surveillant
pendant toute la durée de la sortie;
c) il doit respecter la loi et ne pas troubler
l'ordre public;
d) il doit informer immédiatement son
surveillant en cas d'arrestation ou d'interrogatoire par la
police;
e) il doit porter sur lui à tout moment le
permis de sortie et la carte d'identité que lui a
remis l'autorité compétente et les
présenter à tout agent de la paix ou
surveillant de liberté conditionnelle qui lui en fait
la demande à des fins d'identification;
f) le cas échéant, il doit se
présenter à la police, à la demande de
l'autorité compétente et selon ses
directives;
g) il doit réintégrer le
pénitencier d'où il a été mis en
liberté à l'heure et à la date inscrites
à ce permis;
h) il ne doit pas être en possession d'arme,
au sens de l'article 2 du Code criminel, ni en avoir
le contrôle ou la propriété, sauf avec
l'autorisation de son surveillant. [Je souligne.]