Le rapport sur les revenus de bien-être social fait connaître les taux établis dans chaque province et territoire au Canada dans le secteur de l'assistance sociale. Dans ce document, on présente les revenus de bien-être social estimés des quatre types de ménages suivants en 2000 et 2001 : une personne seule apte au travail, une personne seule handicapée, une famille monoparentale avec un enfant âgé de deux ans et une famille biparentale avec deux enfants âgés de dix et 15 ans. Le Conseil national du bien-être social publie ce genre d'évaluation depuis 1986.
L'effet néfaste des prestations fiscales canadiennes pour enfants (PFCE)
Pendant la dernière décennie, les gouvernements fédéraux successifs ont fièrement réorienté leur soutien financier aux familles vers les moins-nantis de la société. La Prestation fiscale canadienne pour enfants (PFCE) est le principal moyen qu'emploie le gouvernement du Canada pour aider les parents qui élèvent des enfants. Elle est formée de la prestation fiscale pour enfants et du supplément de la prestation nationale pour enfants. Le montant de base de la prestation fiscale pour enfants qui s'établit à un maximum de 93,08 $ par mois par enfant depuis juillet 2001. De son côté, le supplément de la PFCE atteint à la même période un maximum de 104,58 $ par mois pour un enfant.
Le gouvernement fédéral dit travailler avec les provinces, les territoires et les Premières nations pour réduire la pauvreté chez les enfants. Pour ce faire, Ottawa et la plupart des provinces et des territoires se sont entendus pour que les fonds supplémentaires provenant du gouvernement fédéral soient récupérés sur les prestations des familles vivant de l'assistance sociale et réinvestis par les provinces et les territoires dans d'autres programmes pour les enfants. Par conséquent, seules les familles d'assistés sociaux habitant Terre-Neuve et Labrador, le Nouveau-Brunswick et dans une moindre mesure celles du Manitoba ont joui d'une hausse de leurs revenus à la suite du versement du supplément à la PFCE en 2000, auxquels se sont ajoutées celles de la Nouvelle-Écosse, du Manitoba ayant des enfants de moins de sept ans et du Québec en 2001. Les autres provinces et les territoires ont récupéré cette somme de diverses façons: parfois soustrait du montant du chèque d'assistance sociale, parfois soustrait de l'allocation familiale provinciale versée aux familles. Le procédé varie, mais le résultat est le même, c'est-à-dire une récupération par la province d'un montant significatif pour les familles moins nanties.
Cette clause de récupération ne devait pas nuire, en principe, aux familles bénéficiant de l'assistance sociale mais nous montrons que c'est le contraire qui s'est réellement passé. En effet, la récupération a réellement eu pour effet de geler les revenus de bien-être social et de refroidir les espoirs d'augmentations futures. Dans les provinces et les territoires où les gouvernements ont récupéré le supplément de la PFCE, le gouvernement fédéral fournit, à quelques exceptions près, une part de plus en plus grande du revenu d'assistance sociale, alors que la part du revenu versée par les provinces et les territoires diminue avec les années. Le gouvernement fédéral a également permis aux huit provinces et aux territoires qui utilisent la récupération de se dégager de leurs responsabilités à l'endroit des plus pauvres de la société.
Pour les trois provinces qui ont modifié leur approche face à la PFCE au cours de 2001, soit le Manitoba, la Nouvelle-Écosse et le Québec, nous pouvons observer que le niveau de vie s'est amélioré de l'ordre de un p. cent en moyenne pour presque toutes les familles touchées entre 2000 et 2001, même si le changement bénéfique n'a été mis en vigueur qu'à la moitié de l'année.
Le Conseil national du bien-être social est très inquiet que les récupérations effectuées en vertu de la PFCE n'établissent des distinctions défavorables aux familles qui reçoivent une assistance sociale. Dans notre rapport de 2001, intitulé Profil de la pauvreté infantile, 1998 nous avons évalué que la PFCE n'a profité entre juillet 1998 et juin 1999 qu'à 66 p. cent des familles pauvres au pays : 79 p. cent des familles biparentales et 57 p. cent seulement des familles monoparentales. Étant donné que la majorité des familles monoparentales ont une femme à leur tête, nous considérons que ce traitement représente une pratique discriminatoire basée sur le sexe.
Revenus d'assistance sociale en 2000 et en 2001 extrêmement faibles
Nous présentons les revenus estimés d'assistance sociale en 2000 et en 2001 à l'échelle du pays (tableau 2). Et ils sont extrêmement faibles. Pour bien faire ressortir le tragique de la situation, nous mettons en parallèle ces chiffres et les seuils de faible revenu établis par Statistique Canada pour 2000 et 2001.
Ni en 2000, ni en 2001, aucune province ne s'est rapprochée du seuil de pauvreté plus que les autres (tableau 3). Dans certaines provinces et territoires, les prestations d'assistance sociale, en particulier celles pour les personnes seules aptes au travail, sont bien en dessous du seuil de pauvreté. Les revenus de bien-être social qui ne correspondent qu'au cinquième ou au tiers du seuil de pauvreté sont beaucoup trop faibles et devraient être augmentés dans les plus brefs délais.
Lorsqu'on compare les revenus de bien-être social avec les revenus totaux moyens (après les transferts gouvernementaux, mais avant l'impôt) des ménages équivalents dans chaque province, on constate de nouveau que les revenus de bien-être social sont nettement inférieurs à la moyenne des revenus (tableau 4). Les prestations de bien-être social ne correspondent qu'à une petite partie du revenu que la plupart des Canadiennes et des Canadiens considéreraient comme un revenu normal ou raisonnable.
La situation des familles monoparentales illustre bien l'écart considérable qu'il y a entre les revenus de bien-être social et les revenus totaux moyens estimés et les seuils de pauvreté en 2001. Ainsi, les revenus de bien-être social des familles monoparentales pour l'année 2001 sont tous inférieurs d'au moins 5 000 $ au seuil de pauvreté pour les familles composées de deux membres et habitant la plus grande ville de chaque province, et inférieurs d'au moins 10 000 $ au revenu total moyen estimé pour l'ensemble des familles monoparentales de ces provinces.
Le niveau tragiquement faible des revenus de bien-être social pour ces familles monoparentales le serait un peu moins si les gouvernements mettaient fin à la récupération du supplément de la PFCE. Dans la plupart des provinces et territoires qui récupèrent le supplément à la fin de 2001, le manque à gagner dans le budget annuel des familles monoparentales se chiffre à 1 116 $.
Détérioration générale depuis le début des années 1990
À aucun moment entre 1986 et 2001, une province ou un territoire n'a accordé des prestations permettant aux bénéficiaires de rejoindre le seuil de pauvreté. Les taux les plus élevés jamais atteints, pendant la période 1989-1994, se situaient bien en dessous du seuil de pauvreté (tableau 6). Depuis ces années, les prestations se sont détériorées de façon notable.
En 2000 et 2001, la plupart des bénéficiaires de l'assistance sociale au Canada ont perdu un peu plus de leur pouvoir d'achat, pourtant déjà précaire. Le coût de la vie a augmenté de 2,7 p. cent de 1999 à 2000 (comparativement à seulement 1,7 p. cent entre 1998 et 1999) et de 2,6 p. cent de 2000 à 2001. La plupart des provinces et des territoires ont gelé ou augmenté faiblement les prestations sociales de telle sorte qu'en prenant en compte le coût de la vie, ces augmentations ont en fait signifié des diminutions par rapport à l'année antérieure avec des variations qui oscillent entre 0 et -2,7 p. cent (tableau 5).
Les exemptions de gains : nécessaires mais non suffisantes
Nous indiquons également les gains admissibles dans chaque province et territoire en janvier 2001 (tableau 7). L'exemption est fonction de la taille de la famille et, parfois, de l'aptitude au travail.
Ces exemptions de gains sont d'une grande importance, parce qu'elles permettent aux assistés sociaux d'améliorer, au moins légèrement, leur qualité de vie. Elles les encouragent aussi à acquérir de l'expérience sur le marché du travail et à trouver le courage de quitter les rangs des assistés sociaux.
Le Conseil national du bien-être social considère qu'il est normal d'exiger que les bénéficiaires s'efforcent d'atteindre l'autosuffisance dans la mesure du possible. D'ailleurs, les demandeurs aptes au travail sont toujours tenus de se chercher un emploi ou de s'inscrire à un programme de formation pour avoir droit à l'assistance sociale. Une assistance sociale décente et de meilleurs incitatifs à l'emploi constitueraient une politique sociale pleine de bon sens. Une réduction des prestations ne donne rien de bon.
Développements récents
Par ailleurs, un nombre de provinces et territoires ont effectué la revue de leur programme d'assistance sociale au cours de 2001 ou ont annoncé qu'ils le feraient dans le courant de 2002. Le Conseil se penchera attentivement sur les résultats des différentes consultations publiques ainsi que sur les recommandations adoptées par les différents gouvernements, pour s'assurer que les changements apportés reflètent vraiment les besoins des Canadiens et Canadiennes à faible revenu.
Conclusion
La pauvreté occasionne des coûts aux Canadiens et aux Canadiennes. En effet, il existe de nombreuses preuves que non seulement la pauvreté provoque une misère humaine personnelle, mais aussi qu'elle constitue un non-sens d'un point de vue strictement économique. La publication du Conseil du bien-être social Le coût de la pauvreté, parue en février dernier, présente une série d'exemples de ce phénomène.
D'après le Conseil, rien ne prouve que le fait de retirer aux familles pauvres l'argent qui leur était destiné motivera les parents à se trouver du travail. Ce qui, à notre avis, aide les parents à subvenir aux besoins de leurs enfants, ce sont les mesures d'aide à la famille comme la formation de la main-d'oeuvre, de meilleurs salaires minimums et des politiques du travail qui aident les parents à atteindre un juste équilibre entre les responsabilités qu'ils ont envers leurs enfants et celles qu'ils ont envers leur emploi. Pour que les politiques familiales soient efficaces et intégrées, elles doivent aussi prévoir des programmes d'aide au développement des jeunes enfants offrant à la fois la meilleure éducation possible et des services de garde fiables et abordables qui permettent aux parents de suivre des cours et d'accepter des emplois.
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