Vandalisme aux mangeoires du musée à Aylmer : les témoins racontent.
Vous vous souvenez du film Requiem pour un beau sans-coeur de Robert Morin, mettant en vedette Gildor Roy, dans lequel les narrations successives de l’évasion de prison du héros par les principaux acteurs nous amenaient à confronter différentes visions du drame? Laissez-moi vous raconter par le même procédé le drame qui s’est produit aux mangeoires du musée de la nature à Aylmer… Mélanie la Mésange :
Le jour allait se lever. La nuit était plutôt fraîche et nous avions été avisées de ne pas nous exposer inutilement. C’est pourquoi nous étions rassemblées dans l’épais couvert de sapin qui nous sert de refuge. Toutes dormaient. Du moins il semble que je sois le seul témoin du drame. J’ai peine à m’en souvenir… Des branches qui craquent, de la neige qui crisse, une respiration rauque puis un grand crack… C’en était trop pour moi! J’ai placé ma tête sous mon aile et je tremblais à en perdre l’équilibre. Au risque même de tomber de mon perchoir, je n’ai plus ouvert les yeux avant que le calme ne soit revenu. Quand je me suis enfin décidée à jeter un coup d’oeil, j’étais au pied de l’arbre, le jour s’était levé et quelque chose avait changé.
Mélanie la Mésange n’a pas pu continuer son récit. La voix étranglée, elle s’est excusée et puis, bouleversée, a pris son envol qui laissait voir les séquelles de sa chute.
Armand L’Écureuil (dit la taupe) :
C’est pas souvent qu’il s’passe des affaires de même ici aux mangeoires du musée. C’est une bonne place pour moi. La nourriture est régulière, les bénévoles sont tolérants, pis les que’ques visiteurs qui viennent s’amusent même à nous compter, des fois. Mais là, vous me demandez de vous raconter ce drame-là. Je veux bien mais les lumières se sont fermées ben vite! J’profitais des lueurs du matin pour faire mes courses. Le samedi, il faut s’dépêcher car les mésanges débarquent en groupe pis ça finit par faire des files d’attente . Dans le fond y’a pas de quoi se presser : " l’oiseau matinal trouve le ver et le mange mais c’est toujours à la deuxième souris que revient le fromage… "
Fidèle à mes habitudes, j’emmagasinais les graines dans mon terrier et je devais en être à mon huitième voyage lorsque que j’ai senti une respiration chaude me chauffer le dos. Je n’ai pas eu le temps de me retourner que j’ai eu les épaules rivées au sol; mes bajoues se sont vidées et moi, après avoir essuyé un fabuleux bouillon, j’ai fait le mort. C’est pour ça que j’peux même pas vous dire la suite. Désolé.
Léopold le Pic :
Le jour s’annonçait magnifique. Mais avec ce que j’ai vu, je ne suis même plus certain si le soleil s’est montré ce jour-là. Vous m’en demandez pas mal! Je me souviens du moins que la nuit froide qui avait précédé le drame avait épuisé mes réserves et qu’il me fallait bien vite m’alimenter. Comme c’était un samedi et que la faim me tenaillait, j’ai vite fait de mettre le cap sur mon lieu de restauration rapide favori : le McMusée. Je me gardais le suif comme dessert et j’en étais à me farcir quelques graines de tournesol noir (c’est pas dans mes habitudes mais on me les a recommandées pour ma régularité) dans une magnifique mangeoire bien ancrée au sol.
Crack ! Sans même avoir le temps de déployer mes ailes, me voilà entraîné dans la chute de la mangeoire. Tout est devenu complètement noir autour de moi. J’étais sous la neige, écrasé sous le poids de la mangeoire. J’y ai passé la journée car lorsque j’ai repris mes esprits, la nuit était tombée à nouveau.
Bruno :
Putain d’été! De la pluie, de la pluie, pas assez de soleil. Non mais j’en ai mangé des vidanges juste pour garder la ligne. Pis vous autres, si vous êtes pour le jeter de toute façon, le tofu, arrêtez d’en acheter! Ben c’est pour ça que j’ai été forcé de faire ça! " La faim, l’occasion… ". Les mangeoires du musée c’était une bonne affaire. Coin tranquille, bénévoles à croquer, visiteurs parfois maigrelets mais quand même! à cheval donné…
D’un pas décidé, je me suis approché. Les branches encombrantes ont terminé leur carrière. Même un gros conifère a reçu une bonne baffe. Il s’est mis à pleuvoir des mésanges, mais je n’avais qu’un objectif. J’ai croisé un écureuil aux bajoues lourdes. Pas de temps à perdre, il a découvert une entrée de son terrier qu’il n’avait sans doute pas imaginée. La porte était fermée… pauvre lui!
Après l’inventaire des mangeoires, j’ai jeté mon dévolu sur la plus solide. Un pic? Vous me l’apprenez… Après avoir grimpé le long du poteau, un petit coup de fesses et, hop! cette mangeoire était maintenant au sol. Je préfère manger assis, comme vous, non? Pensez à diversifier le menu les boys.
D’accord, d’accord, tout ceci n’est que du cinéma. Mais si ce dernier peut vous faire croire qu’on puisse survivre à huit explosions nucléaires (James Bond), qu’on puisse rouler en camionnette sur une rivière de lave volcanique (Le sommet de Dantes) ou encore qu’on puisse créer des requins intelligents (Terreur sous la mer), vous pouvez bien avaler l’histoire d’un ours qui saccage des mangeoires. L’absence de témoins crédibles nous empêche de prouver hors de tout doute que ce drame soit l’oeuvre d’un ours; d’aucuns accuseront le raton-laveur. Quoi qu’il en soit, cela ne devrait pas vous empêcher de fréquenter le magnifique site des mangeoires du musée. C’est rien pour écrire à sa mère, c’est juste un fait d’hiver.
Y restes-tu du pop corn, chérie?
Yves Denoncourt
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