BOUCHER v. MONTOUR

 

(1901), 20 Que.S.C. 291 (also reported: 4 Que.P.R. 175)

 

Quebec Superior Court, Langelier J., 14 November 1901

 

Acte des Sauvages--Nullité des ventes ou locations des biens compris dans une réserve de sauvages--Cette nullité est- elle relative ou absolue.--61 Vict. (Can.) ch. 34, art. 2.

 

JugeŽ: -- La nullité des ventes ou locations de biens compris dans une ré- serve de sauvages, édictée par l'acte 61 Vict., (Can.) ch. 34, sec. 2, n'est qu'une nullité relative, et elle ne peut être invoquée que par les sauvages; ceux qui ont traité avec eux ne peuvent s'en prévaloir.

 

LANGELIER, J.:--

 

Le défendeur, qui est un sauvage établi sur la réserve de Caughnawaga, étant poursuivi en paiement d'un compte pour marchandises vendues, plaide en compensation du loyer que le demandeur lui devrait en vertu d'un bail pour un terrain situé dans la réserve.

 

Le demandeur attaque ce plaidoyer en droit, et dit que le bail invoqué est nul d'après la loi qui régit les sauvages, et que, partant, il n'a pu avoir l'effet de l'obliger à payer ce loyer.

 

Le statut 61 Vict., ch. 34, sect. 2, qui amende la loi concernant les sauvages, déclare nuls tous actes de vente ou de louage ayant pour objet des terrains compris dans une réserve de sauvages s'ils n'ont pas été autorisés par le commissaire des sauvages. Il n'y a donc aucune difficulté sur l'existence de la nullité invoquée par le demandeur.

 

Mais quel est le caractère de cette nullité? Est-ce une de ces nullités qui rendent inexistants les actes dans lesquels elles se rencontrent? Ou bien est-ce simplement une nullité relative introduite en faveur de certaines personnes seulement, et qui ne peuvent être invoquées que par elles?

 

Pour résoudre cette question, il faut examiner l'ensemble de la loi des sauvages, dont cette clause n'est qu'une partie. Or, de l'ensemble de cette loi, il résulte clairement que le législateur a voulu traiter les sauvages comme des mineurs dont le commissaire des sauvages est le tuteur. C'est pour cela que cette loi, dans la clause que j'ai déjà cité, subordonne la validité des ventes ou locations de terrains compris dans les réserves au consentement de ce commissaire.

 

La conséquence à tirer de cela, c'est que la nullité édictée par cette clause 2 est du même genre que celle des actes faits par des mineurs: c'est une faculté de restitution qu'elle édicte en faveur des sauvages pour les protéger contre leur inexpérience ou leur imprévoyance. Eux seuls donc peuvent s'en prévaloir, et les tiers qui ont traité avec eux ne peuvent l'invoquer.

 

La cause actuelle montre à quelles conséquences absurdes conduirait la prétention du demandeur. Voilà une loi qui n'a certainement pas été faite pour sa protection, et qui a eu pour objet de protéger le deféndeur. Or, si cette prétention était maintenue, il en résulterait que le défendeur serait plus mal que si cette clause n'eût pas été mise dans la loi. Car, sans cette clause, il pourrait certainement invoquer la compensation qu'il plaide. Alors cette clause aurait pour consé- quence de le priver d'un droit qui appartient à tout le monde.

 

La réponse en droit du demandeur est donc mal fondée et doit être renvoyée avec dépens.

 

Lighthall, Harwood & Stewart, avocats du demandeur.

 

Hutchinson & Oughtred, avocats du défendeur.

 

(P.B.M.)