BUSSIÈRES ET AL. v. BASTIEN

(1900), 17 Que.S.C. 189

Quebec Circuit Court, Andrews J., 3 March 1900

Acte des Sauvages--Insaisissabilité de leurs biens--Règle nisi.

JUGÉ:--1. En vertu de l'acte des sauvages, 46 Vic., ch.43, Canada, et ses amendements, les biens meubles et effets mobiliers des sauvages sur leur réserve sont exempts de saisie.
2. Le mot "propriété," employé seul dans une disposition de la loi, comprend les meubles et les immeubles indistinctement.
3. Une règle nisi émanée contre le défendeur, qui est sauvage, et qui s'est oppose à la saisie de ses meubles, sans toutefois commettre d'assaut sur l'huissier exploitant, sera cassée (quashed).

 

ANDREW, J.:-- Trois marchands Messrs. Miller et al., J. A. Delisle, et les demandeurs dans la présente cause avaient obtenu jugement contre le défendeur pour des marchandises vendues et argent prête pour des sommes variant de $27 à $100. Le défendeur qui est sauvage fait commerce à Lorette sur la Réserve des Sauvages Hurons. Les demandeurs prirent pour le montant de leur créance respective un bref de fieri facias de bonis, qu'ils confièrent à un huissier du district de Québec. Cet huissier se rendit à la résidence du défendeur sur la réserve des Hurons de la Jeune-Lorette pour exécuter ces brefs. Le défendeur s'oppose à la saisie disant que les biens des Sauvages étaient insaisissables, qu'il ne permettait pas la saisie de ses meubles et que si l'huissier persistait à vouloir saisir qu'il appellerait les chefs de la tribu et que le dit huissier serait conduit sur le chemin public en dehors de la Réserve.

L'huissier ne put saisir et fit un retour de rebellion en justice dans chacune des causes. Des règles nisi furent émanées contre le défendeur qui évoqua ces causes à la cour supérieure.

L'honorable Juge Andrews devant qui furent plaidées les évocations les renvoya prétendant qu'il n'y avait pas de droit futur en jeu et que la cour de circuit avait seule juridiction pour décider du mépris dont le défendeur pouvait s'être rendu coupable.

Le défendeur fit alors le plaidoyer suivant aux trois règles nisi:--

1. Le défendeur est un sauvage appartenant à la nation huronne de la Jeune-Lorette, dans le district de Québec, tel qu'il appert par l'exhibit "A" du défendeur, résidant sur le territoire réservé aux sauvages et communement appelé la Réserve des Sauvages.

2. Sur la dite Réserve affectée par le gouvernement du Canada à la "Bande" de sauvages dont le défendeur fait partie, ce dernier est en possession légale d'un terrain qui lui a été attribue par le conseil de la Bande en 1885, tel que cela appert par l'exhibit "B" du défendeur, le tout conformément à la loi et à la coutume, lequel titre fut reconnu et enregistré suivant la loi et la coutume en 1893, tel qu'il appert par l'exhibit "C" du défendeur.

3. Le défendeur est en possession du terrain depuis cette date, y a construit maison et dépendances, et y réside avec sa famille.

4. En vertu de l'Acte de l'Amérique Britannique du Nord, article 91, paragraphe 24, le Parlement fédéral seul a le droit de faire des lois pour la paix, l'ordre et le bon gouvernement du Canada rélativement aux sauvages et les terres réservées aux sauvages.

5. Conformément à cette loi le Parlement fédéral a légiféré par la 49 Victoria, ch. 43 et ses amendements sur l'état civil des Sauvages, et la régie de leurs biens mobiliers et imobiliers, indépendamment et exclusivement à tout loi provinciale passée à cet effet et le territoire sur lequel réside le défendeur et la bande dont il fait partie, sont régis par les susdites lois.

6. Le writ d'exécution et la règle nisi causa émanée sur icelui tel que le tout appert par le dossier ne sont pas exécutoires sur les biens du défendeur, situés sur la dite Réserve.

7. L'huissier chargé de l'exécution du dit writ d'exécution en cette cause, s'est présenté au domicile et résidence du dé- fendeur, situé sur la Réserve susdite, pour y saisir ses biens mobiliers situés sur icelle.

8. Ce bref d'exécution ne peut être exécuté sur les biens du défendeur situés sur la dite Réserve, parce que les lois du Canada gouvernant la Réserve occupée par le défendeur excluent ses biens de saisie.

Pourquoi, etc.

La preuve a été faite de part et d'autre et je décide en faveur du défendeur en appliquant la loi des Sauvages 46 Vict., ch. 43, sec. 78. Le défendeur avait fait valoir ses droits en s'objectant à la saisie de ses meubles d'une manière énergique, mais qu'il n'avait pas dépassé les justes bornes. Il n'aurait pas été justifiable, cependant, s'il avait assailli ou frappé l'huissier.

Règle nisi cassé avec dépens.

 

Autorités:--22 L.C.J. 97; 8 R.L. 596-708; 1 L.N. 322; 4 Q.L.R. 81, 93.

Miller & Dorion, proc. des demandeurs.

Gagnon & Corriveau, proc. du défendeur Bastien.

(CHS. L.)