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Origine de l'exploitation minière dans la région d'Asbestos Page 2
Début de l'exploitation de la mine Jeffrey
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Une vue d'Asbestos d'autrefois
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Tout près de la carrière d'ardoise, un phénomène naturel attirait la curiosité des habitants du canton : une longue fibre soyeuse semblait émerger des rochers sur les flancs d'une colline. Cette curiosité locale était appelée Webb's Ledge (Corniche de Webb) depuis qu'elle était apparue sur la partie en friche de la terre du cultivateur Charles Webb. Bien qu'il y eut la découverte faite à Thetford en 1876, le phénomène du Webb's Ledge demeura une curiosité locale jusqu'à ce qu'il fut observé par Evan Williams12. Ce dernier, mineur d'ardoise originaire du pays de Galles, reconnut la valeur économique du minerai. Selon toute vraisemblance, Evan Williams aurait tenté de convaincre des cultivateurs ou investisseurs locaux. Ses démarches se révélant infructueuses et ne possédant probablement pas les fonds nécessaires, Williams dû se tourner vers d'autres investisseurs13. Ainsi, il réussit à intéresser William H. Jeffrey, « gentleman farmer » demeurant à Richmond. Jeffrey possédait apparemment les moyens financiers nécessaires au démarrage d'une mine14. Ainsi, à l'été 1879, une entente intervint entre Jeffrey et Charles Webb et l'exploitation débuta. Webb touchait des redevances de 10 $ pour chaque tonne de fibres produites durant les mois d'été et 5 $ durant l'hiver. La production débuta avec l'extraction de une à deux tonnes par jour15.
Le mineur
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Les débuts de la mine
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Jusqu'au milieu des années 1880, l'exploitation embaucha moins d'une vingtaine de personnes16. En 1881, on comptait sept mineurs francophones et sept autres originaires des îles britanniques. Toutefois, les conditions de travail, les salaires et les fréquents arrêts de travail eurent tôt fait d'éloigner les mineurs qualifiés. Ce type d'exploitation ne nécessitant pas l'embauche d'ouvriers spécialisés, il n'y eut pas de déplacement important de la main-d'oeuvre de la carrière d'ardoise au profit de la mine d'amiante. Il faut dire que la fin des années 1880 correspond à l'apogée de l'industrie de l'ardoise au Québec. Même Evan Williams laissa la mine d'amiante qu'il avait contribué à mettre en valeur et retourna à son métier d'ardoisier. Cette conjoncture ouvrit la porte aux jeunes ruraux de la région. Dès 1891, les ouvriers francophones représentaient plus de 90 % des ouvriers employés à la production de l'amiante à la mine Jeffrey17. Certains voyaient des désavantages dans cette embauche massive de travailleurs francophones, principalement en raison de la pratique de leur religion. Selon eux, la religion catholique multipliait les fêtes religieuses, ce qui avait pour conséquence la perte de plusieurs jours de travail durant l'année. Vu sous cet angle, l'embauche d'ouvriers francophones semblait être un mal nécessaire18. Les conditions de vie et surtout l'insuffisance de logements décents à proximité des mines avaient tendance à éloigner les hommes mariés. Ainsi, le nombre élevé d'ouvriers célibataires apportait quelques problèmes dont celui de la consommation d'alcool.
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William Henry Jeffrey
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L'évolution des conditions de travail dans l'industrie de l'amiante est un aspect assez difficile à étudier. Comme le souligne Robert Armstrong, les sources sont rares. De plus, l'interprétation des données disponibles peut se révéler une entreprise hasardeuse. Les conditions de travail des ouvriers devaient être comparables à celles qui prévalaient dans les autres carrières de la région. Le salaire correspondait à celui d'ouvriers non qualifiés. Ainsi, le salaire quotidien d'un ouvrier était de 1 $ pour une journée de dix heures19. Le travail des hommes consistait à l'exploitation de la mine20. De plus, ces ouvriers oeuvraient au transport du minerai et des rebuts miniers ainsi qu'au chargement des fibres dans les poches. La mécanisation de l'exploitation durant les années 1890 contribua à alléger la tâche des ouvriers mais aura pour effet d'augmenter les risques d'accidents de travail et de détériorer les conditions de salubrité21.
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12 |
Albert Gravel, « Naissance d'Asbestos », Cahier historique des Cantons de l'Est, La Tribune, Sherbrooke, 1943, p. 176; Frère Fabien, Asbestos. Son aspect, son industrie, ses activités, Sherbrooke, Éditions Paulines, 1976, p. 35-36; Osias Poirier, « Les débuts de Johns-Manville », l'Asbestos, vendredi 26 juin 1942. |
13 |
Jean Gérin-Lajoie, op.cit., p. 97. |
14 |
Karl V. Lindell, op.cit. |
15 |
Recensement nominatif du Canada 1881; Registre B13, no 354, p. 435-437. Bureau d'enregistrement (propriétés-droits réels) de Richmond; A.R. Denis, op.cit.; « Mines of the Asbestos and Asbestic co, Ltd. », Sherbrooke Daily Record, 1901, p. 3. |
16 |
Stereoview Jeffrey Mine, Quebec. Circa 1885. Photo de W.R. Leet. Archives de la CIBC, Montréal; Reproduite par Michel Boulet, Centre canadien d'architecture, 1986. |
17 |
Robert Armstrong, op.cit., p. 76; Marc Vallières, op.cit., p. 101-102, 113-129; Recensement nominatif du Canada 1881 et 1891. |
18 |
Robert H. Jones, op.cit., p. 124. |
19 |
Robert Armstrong, op.cit., p. 76-79. |
20 |
Recensement nominatif du Canada 1891. |
21 |
Marc Vallières, op.cit., p. 129. |
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