La vie dans les tranchées

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Au début de 1915, la guerre des tranchées était au point mort sur le front occidental. Les deux camps avaient creusé, pour assurer leurs position s, des réseaux de tranchées qui s'étendaient sur 1 000 kilomètres, de la France à la Belgique.

Les tranchées étaient bien souvent des trous d'obus aménagés et reliés entre eux par des fossés creusés par les soldats. En certains points, moins de 30 mètres séparaient les tranché ;es de première ligne des Canadiens de celles des Allemands. La zone intermédiaire, appelée No Man's Land, était très dangereuse aussi bien le jour que la nuit.

Les tranchées de première ligne avaient au moins deux mètres de profondeur. Elles étaient constituées de lignes de tir reliées entre elles par des traverses. On obtenait ainsi un dispositif en zigzag qui emp& ecirc;chait les tirs ennemis de balayer les tranchées sur toute leur longueur. La pluie et la neige finissaient par s'accumuler dans les tranchées, de sorte que les soldats étaient bien souvent malades. Pour qu'ils ne perdent pas pi ed, on installait sur le sol des nattes ou des caillebotis. Plus souvent qu'autrement, toutefois, ils avaient de l'eau jusqu'aux genoux.

Les tranchées de deuxième et de troisième ligne - encore appelées tranchées de soutien et de réserve - étaient aménagées de façon à pouvoir amener facilement les troupes et le s provisions jusqu'au front. Elles étaient reliées entre elles par des tranchées de communication et par un réseau téléphonique. Des barbelés étaient installés sur toute la longueur du front pour protéger les tranchées ainsi que les centres de résistance. Ces obstacles permettaient de ralentir non seulement les attaques massives, mais aussi les raids nocturnes de commandos.

L'emploi du temps des troupes ne variait pas beaucoup. Il y avait peu à manger, car on était fréquemment à court de rations, et l'eau n'était pas bonne. Pour tout repas, les soldats avaient droit à du boeuf s alé en conserve, à du pain et à du thé. Les troupes devaient régulièrement affronter le froid et le mauvais temps.

Comme il pleuvait très souvent, les soldats pataugeaient presque continuellement dans la gadoue, leurs uniformes et les kilts couverts de boue. En hiver, ils devaient endurer un froid glacial et tenter tant bien que mal de réchauffer leurs membres engourdis. Les rats, les mouches et les poux étaient nombreux. Nullement gênées par le chaos qui les entourait, ces bestioles pullulaient. Pour les soldats, cela faisait partie de la vie dans les tranchées. Ni la nat ure ni les ennemis ne les laissaient en repos.

Les soldats étaient de service dans les tranchées par roulement, passant 15 jours sur 20 au front - 10 sur la banquette de tranchée et 5 dans des groupes de travail. Ils étaient le plus souvent occupés à conso lider les tranchées, à construire de nouveaux abris et à travailler au creusage de tunnels. Ils restaient un mois en tout dans les tranchées avant d'être renvoyés à l'arrière, o˜ ils pouvaient se lav er, manger à leur faim et dormir au sec.

Les soldats en poste dans les tranchées devaient aussi endurer le bruit assourdissant des canons et des obus. Le sifflement des obus à gaz et des balles des tireurs isolés avai t de quoi donner le frisson. Un coup d'oeil jeté par-dessus le parapet en plein jour était toujours risqué, car on pouvait essuyer le tir d'un tireur isolé qui, parfois, atteignait sa cible . Les tireurs isolés, bien embusqués, visaient tous ceux qui osaient abandonner la protection des tranchées. La vie dans les tranchées n'avait rien de glorieux. Le jour, les soldats dormaient ou se reposaient dans de petites ouvertures pratiquées dans les parois des tranchées. Les activités au sol étaient très limitées durant le jour parce que trop risquées. La journée servait plutôt à regrouper les homme s.

La nuit, cependant, tout s'animait. On pouvait alors transporter en toute sécurité les munitions, les rations et les provisions à travers le réseau de tranchées. Les tunnels offraient peu de confort aux soldats, si ce n'est qu'ils les protégeaient un peu contre les obus. Les bombardements constants effectués par les deux camps modifiaient par ailleurs progressivement l'aspect des tranchées. Un entretien régulier était donc n&eacu te;cessaire, qu'il était plus facile de réaliser la nuit.


Des raids étaient également effectués par des commandos canadiens à la faveur de l'obscurité. Ces attaques-surprises permettaient à la fois de recueillir de l'information et de détruire les tranchée s ainsi que les pièces d'artillerie ennemies entre les attaques massives. Les commandos traversaient en rampant le No Man's Land, se frayaient un chemin à travers les barbelés et attaquaient par surprise les tranchées a llemandes. Les Canadiens étaient parfois eux-mêmes surpris par des tirs d'obus ennemis. Le ciel s'éclairait comme en plein jour et tout mouvement pouvait alors être décelé facilement par les Allemands. Les comman dos durent donc apprendre à demeurer immobiles après les tirs d'obus pour ne pas révéler leur position et, surtout, pour rester en vie. À la fin de la guerre, les Canadiens étaient réputés pour ces raids audacieux qui rendaient l'ennemi très nerveux. Ce type de stratégie fut plus tard accepté comme activité régulière en temps de guerre.

Une fois les activités nocturnes terminées, les soldats regagnaient leurs tranchées, où ils attendaient patiemment et en silence le lever du soleil. Des bombardements intensifs avaient souvent lieu à l'aube et au crépuscule. C'était en général le meilleur moment pour attaquer.

Les attaques menées sur le champ de bataille étant très cošteuses, on recourut - en particulier, lors de la bataille du plateau de Vimy - à la guerre souterraine. Il y avait autant d'action dans les tunnels qu'au-dessus du sol. À Vimy, des compagnies de soldats créèrent, en creusant dans la craie du sous-sol, un réseau complexe de passages et de sapes à différents niveaux. Les sapes étaient des tunnels plus étroits qui servaient de postes d'écoute et permettaient de recueillir de l'information sur les Allemands. Ces derniers recoururent également à cette stratégie.

Les Alliés creusaient des tunnels dans le No Man's Land, au-dessous de ceux des Allemands. Chaque camp écoutait l'autre et plaçait des mines dans de petits tunnels afin d'essayer de déloger l'ennemi de ses positions. Les explosions détruisaient les tunnels et pouvaient même tuer des soldats au-dessus du sol. Les deux camps rivalisaient d'ingéniosité dans l'utilisation des tranchées et des explosifs.


Les explosions de mines et les bombardements de l'artillerie créèrent dans le sol des cratères de toutes tailles, transformant les champs de bataille en gigantesques gruyères. Ces cratères se remplissaient d'eau et rendaient plus difficile le déplacement des troupes sur le champ de bataille. Il était même parfois impossible, en raison du mauvais terrain, d'amener les pièces d'artillerie lourde plus près du front. Des secteurs entiers devinrent des mers de boue. Nombre de soldats blessés s'y noyèrent.

Les soldats dans les tranchées étaient également exposés aux attaques aux gaz. Cette arme terrible et silencieuse balayait les tranchées ennemies, y causant de lourdes pertes. Les masques à gaz permettaient tout efois de soustraire les soldats à une mort lente et douloureuse.

À l'origine, le réseau de tunnels fut créé pour amener sans risque les troupes au front. Plus tard, il joua un rôle important dans les attaques. Les tunnels permettaient en effet aux fantassins dans les tranchées de réserve d'atteindre sans danger les tranchées de première ligne, en passant par des secteurs pilonnés par l'ennemi, et de se rendre jusqu'aux positions avancées, immédiatement avant une bataille. Les troupes deme uraient dans les tunnels pendant de longues périodes avant la bataille. Elles étaient ainsi protégées contre les bombardements, particulièrement intensifs lors des attaques faisant appel à la technique du barrage roulant. Les entrées et les sorties des tunnels pouvant être facilement endommagées, chaque tunnel comportait plusieurs accès. Lors de l'attaque, les soldats accédaient au champ de bataille par des sorties de tunnel ca mouflées qu'on faisait exploser à l'heure H. Comme les troupes campaient sous le sol pendant de longues périodes, il fallait établir des systèmes de ventilation pour les latrines et les cuisines. On utilisait aussi un système de ventilation ainsi que des portes et des rideaux antigaz pour se protéger contre les attaques aux gaz. On avait également besoin de ventilation pour les lampes à pétrole.

Les tunnels avaient entre 1,80 m et 2 m de haut et entre 0,90 m et 1,05 m de large. Ils se situaient tous à au moins 6 m de la surface et atteignaient parfois, en certains points, une profondeur de près de 15 m. Le sous-sol étant constitué de craie, ils étaient assez faciles à creuser.

La vie dans les tranchées n'était qu'une longue et pénible épreuve. Les soldats vivaient dans l'incertitude, toujours en attente d'un raid ou d'un assaut. Et, jour après jour, la mort leur chuchotait à l'orei lle : sifflement des obus, tirs de canon, gémissements des blessés et des mourants. Nos braves soldats apprirent néanmoins à endurer ces épreuves.


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