De même que d'autres régions de l'Amérique
du Nord britannique, Terre-Neuve a connu dans les premiers temps
de son histoire une pénurie chronique de petite monnaie.
Le gouvernement anglais ne se donna pas la peine de pourvoir
l'île en monnaie destinée à la circulation
locale et les Terre-Neuviens durent se tirer d'affaire avec un
stock insuffisant de pièces étrangères,
souvent
en piteux état. Finalement, comme cela s'était
produit ailleurs, les marchands de l'île résolurent
de prendre les choses en main. Les premiers à agir de
la sorte furent les Rutherford, qui dirigeaient à Saint-Jean
la maison de commerce R. & I. S. Rutherford et à Harbour
Grace une deuxième entreprise connue sous le nom de
Rutherford
Bros. Ils firent frapper trois jetons d'un demi-penny portant
la même illustration. Deux d'entre eux, l'un sans date,
l'autre au millésime de 1841, devaient circuler à
Saint-Jean, tandis que le troisième, daté de 1846,
était destiné à Harbour Grace. Ces jetons
portent d'un côté les armes de la famille Rutherford
et de l'autre un mouton suspendu. Emprunté à un
jeton anglais, le type du mouton n'avait aucune signification
spéciale pour les Terre-Neuviens et ce choix
résultait
peut-être tout simplement du fait que les pièces
avaient été battues en Angleterre. Les pièces
authentiques étaient faites de cuivre, mais des
contrefaçons
en laiton ne tardèrent pas à faire leur apparition.
La pénurie de pièces était telle à
cette époque que les contrefaçons furent
acceptées
sans difficulté et circulèrent parallèlement
aux pièces authentiques. Ce n'est qu'en 1865 que le
gouvernement
commença à émettre des pièces
officielles.
Le jeton reproduit ici fait partie de la Collection
nationale de monnaies, Banque du Canada.
Photographie : John Evans, Ottawa.