Accueil
English
Introduction
Histoire
Index annuel
Auteur et Sujet
Crédits
Contact |
Résumé
Le gothique moderne au Canada
par Robert Derome
English
article
Page 1
Si dans la peinture canadienne du début du XXe siècle les
principaux mouvements, telle Groupe des Sept, sont assez bien
connus, on ne peut pas dire la même chose de leurs pendants en
architecture. Un de ceux-ci, le gothique moderne, eut une grande
vogue. Il se différencie principalement du style victorien par son
groupe d'architectes formés dans la tradition des Beaux-Arts. Son
apparition et ses caractéristiques sont contemporaines et
similaires tant en Angleterre, aux États-Unis qu'au Canada.
La première manifestation du renouveau gothique au Canada est l'église
Notre-Dame de Montréal en 1826. Pour sa part, le Parlement d'Ottawa
constitue l'exemple le plus inventif du gothique victorien. Nombre
d'églises et d'édifices canadiens de cette époque s'inspirent
du renouveau gothique en Angleterre. Les multiples adaptations du
gothique à l'environnement canadien en font rapidement un élément
du style national de l'époque post-confédérale. Si le Canada
exporte d'abord aux États-Unis des architectes tels que Frank
Wills, Thomas Fuller et Augustus Laver, la situation s'inverse vers
1880 par la transmission au Canada du style roman, du bostonnais
H. H. Richardson, et du style Beaux-Arts, venu de Paris via New
York.
L'influence de l'Angleterre sur le gothique moderne canadien fut très
fortement marquée par le nombre d'architectes anglais qui immigèrent
au Canada et par la quantité de voyages d'études faits par des
Canadiens à Londres, mais faible par le nombre d'édifices construits par des architectes anglais. plusieurs dynasties
d'architectes avaient assuré en Angleterre la perpétuité du
renouveau gothique. L'une d'entre elles, les Scott, travailla au
Canada. L'aîné, Sir George Gilbert, réalisa la cathédrale de
Saint-Jean (Terre-Neuve) au milieu du XIXe siècle. Son petit-fils
Adrian Gilbert (1882-1963) dessina en 1937 la remarquable église St
James, à Vancouver, sur un plan centré surmonté d'une tour
octogonale à la croisée. Avec ses longues fenêtres lancéolées
et la sobriété de ses murs, elle constitue une simplification
radicale du gothique, non étrangère au style Art Déco à la mode.
Sauf un ou deux autres exemples, St James demeure une exception et
ce style ne fut jamais accepté. Finalement, Sir Giles Gilbert Scott
(1880-1960), frère du précédent, dessina la chapelle du Trinity
College, à Toronto, construite entre 1953 et 1955. La délicatesse
de ses formes alliée à son esthétique en font un véritable bijou architectural.
Une autre influence majeure fut exercée par l'architecte américain
Ralph Adams Cram (1863-1942). Dans ses écrits, il nous transmet sa
principale préoccupation: l'interaction de sa foi religieuse avec
ses théories architecturales. En réaction contre les faux semblants du
XIXe siècle, s'objectant à la « vitalité simulée » du
roman de Richardson, il se tourna vers « l'honnêteté » du
gothique anglais. Selon lui l'architecture américaine devait
s'inspirer de la tradition anglaise et de son modèle idéal, l'église
paroissiale. Nonobstant, il construisit surtout des édifices
monumentaux plus adaptés à l'impérialisme américain. Il élargit
par la suite son optique pour admettre une multiplicité de styles
gothiques là où ils étaient appropriés, se révélant ainsi un
adepte du style Beaux-Arts. Cram est représenté au Canada par deux
oeuvres de jeunesse. La cathédrale All Saints, à Halifax, commencée
en 1907, ne fut jamais terminée. Il y manque toujours la façade
ouest et la tour centrale. Elle vaut par son exemplaire simplicité
et robustesse, d'un dessin compact et unifié. Minée par des défauts
de structure, la température et deux explosions, elle fut en grande
partie restaurée en 1953-1954; ce qui fait qu'elle n'a jamais figuré
dans les publications sur l'oeuvre de Cram. L'autre oeuvre, beaucoup
plus modeste de proportions, l'église St Mary à Windsor, fut
construite en 1903-1904. Elle est entièrement de conception américaine.
Malgré ces deux édifices et l'insuccès de l'ambitieux projet de
la cathédrale St Alban, à Toronto, l'importance de Cram repose
surtout sur son influence auprès des architectes canadiens de son
époque. Leur tête d'affiche est Henry Sproatt (1866-1934).
Sproatt fut d'abord l'élève de Kivas Tully à Toronto. Il étudia
également avec Arthur R. Denison, avant de se rendre à New York où
il semble avoir rencontré Cram. En 1892, après un voyage en
Europe, Sproatt entre en association, en même temps que John A.
Pearson, avec Frank Darling. En 1899, il installe son propre bureau
en association avec Ernest Ross Rolph (1871-1958). A cette époque
il travaille surtout dans l'esprit du style Beaux-Arts. Mais le
grand amour de Sproatt est le gothique. Souscrivant apparemment à
la même philosophie que Cram, il est cependant plus pragmatique et
concis. Ses oeuvres gothiques apparaissent tardivement, mais elles
sortent de mains de maître. Tel est le Victoria College, à
Toronto, construit en deux phases: le Burwash Hall en 1910 et les
résidences contiguës en 1913. Plus austère, Sproatt se dissocie
du faste de Cram. Le caractère hautement fonctionnel de la Hart
House (1911-1924), à l'Université de Toronto, ne s'oppose pas à
la manifestation d'une facture sobre et raffinée qui réussit même
à unifier ses éléments disparates. L'école Bishop Strachan
(1913), à Toronto, accuse une simplification géométrique néanmoins
accompagnée de détails décoratifs exécutés avec finesse. La
chapelle du Ridley College, à St Catharines, l'Emmanuel College, à
Toronto (1932) et l'église Knox d'Ottawa marquent, par leur austérité
et leur carrure, l'aboutissement de l'utilisation du gothique
moderne dans l'oeuvre de Sproatt.
Un autre adepte du gothique au Canada fut Edward J. Lennox
(1855-1923). Il avait déjà construit plusieurs édifices
victoriens avant de se tourner vers le gothique moderne en 1910 avec
l'église St Paul, à Toronto. Plusieurs autres architectes pratiquèrent
le gothique. Parmi les plus importants citons Eden Smith
(1858-1949), John A. Pearson (1867-1940) et Alfred H. Chapman
(1878-1949). Le premier construisit St John's Garrison Church, à
Toronto, malheureusement disparue, exemple probablement unique d'un
édifice gothique influencé par l'Art Nouveau. Le second s'adonna
à plusieurs styles dont deux édifices en gothique: le Parlement
d'Ottawa reconstruit après l'incendie de 1916 et le Trinity
College (1923-1925), à Toronto, qui est un rappel de l'ancien édifice
de la rue Queen construit par Kivas Tully. Chapman, associé à
James Oxley (1883-1957), construisit en 1908 la Rosedale
Presbyterian Church, en 1912 1e Knox College et en 1927 1e Havergal
College, tous à Toronto. Comparée à celle de Sproatt cette
architecture est lourde et sans vie. Plusieurs autres architectes
adoptèrent le gothique moderne, surtout à Toronto mais également
à Hamilton et à Vancouver. Montréal demeura à l'écart étant
donné le peu de popularité de cet engouement néo-gothique auprès
de ses architectes majoritairement francophones.
Dans les années 1950 le style architectural international donna définitivement
le coup de grâce au gothique mourant. Cet abandon tardif démontre
à la fois le conservatisme canadien et le succès du gothique. Sa
simplification stylistique représente la contribution des
architectes canadiens au modernisme. Le gothique moderne reflète
ainsi la simplicité et la réserve des Canadiens, tout en étant un
produit modestement distinctif de son pays et de son époque.
Haut de la page
Accueil
| English | Introduction
| Histoire
Index annuel |
Auteur
et Sujet | Crédits |
Contact
Cette
collection numérisée a été produite aux termes d'un contrat
pour le compte du programme des Collections numérisées du
Canada, Industrie Canada.
"Programme
des Collections numérisées, droit d'auteur © Musée
des beaux-arts du Canada 2001"
|