Musée des beaux-arts du Canada / National Gallery of Canada

Bulletin Annuel 2, 1978-1979

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Les tableaux de Charles Huot 
à l'église Saint-Sauveur

par Sylvain Allaire

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Les archives de la paroisse de Saint-Sauveur de Québec contiennent plusieurs renseignements sur les différents travaux de reconstruction de l'église entrepris l'année après l'incendie de 1866. La « Divine Providence », qui avait envoyé les épreuves du feu sur ce populeux quartier voisin de Saint-Roch (incendié en 1845), permit après d'autres sacrifices sous forme de dons ou de quêtes, de poursuivre de « nouvelles améliorations considérables » dès 1886. Aussi le projet de décoration intérieure s'insère dans une longue série d'efforts dispendieux: « Le 5 mars [1886], les pères [oblats] de Saint-Sauveur sont autorisés à décorer l'intérieur de l'église à la condition de recevoir des dons à cet effet. Les travaux sont donnés à l'entreprise de M. Charles Huot le 25 janvier [1887] et ils commencent le 19 mai ».(1) On fit en 1887 l'acquisition de quatre cloches ($1900) que l'on dut remplacer un an plus tard par un carillon ($10 000). Cette même année on changea la fournaise ($4500). Le clocher construit en 1889 coûta $7098 et son horloge $1800. Le contrat remis à Huot pour treize tableaux s'éleva à $5000 et l'on paya $4400 à la firme Rochon & Beaulieu de Montréal pour exécuter des grisailles et les dorures. (2)

Quant au projet de décoration il fut semble-t-il rapidement accepté. Les plans et la soumission qu'Eugène Hamel avait envoyé en septembre 1886 ne furent pas retenus. (3) L'offre de François-Xavier Meloche de Montréal fut également écartée parce que d'un prix trop élevé ($10 000). Nous ne connaissons rien de la nature de ces propositions ni des exigences de la communauté quant au choix des sujets et à leur distribution. Le curé Grenier décrit seulement en 1888 l'emplacement définitif des tableaux:

Ils [les cinq tableaux de la voûte] devront représenter la fin du monde, le jugement dernier, le Paradis et l'Enfer. Ce-lui de la Transfiguration, sujet de notre fête patronale, séparera le jugement dernier et la gloire des Saints dans le Paradis, et se trouvera vers le milieu de l'église, au-dessus de la chaire. En arrière du maître-autel, et au-dessus du sanctuaire, nous aurons Notre-Seigneur appelant à lui tous les malheureux, les déshérités de la fortune et les pauvres pécheurs...Un peu au-dessous, du côté de l'Évangile un grand tableau représentant le Sauveur donnant les clefs à Saint-Pierre et envoyant les Apôtres à la conquête de l'univers. Du côté de l'Épître, pour faire pendant, on le verra distribuant des couronnes aux Apôtres, aux Missionnaires et aux fidèles venus de toutes les tribus et de toutes les nations de la terre. Dans le transept, du côté de l'Évangile un immense tableau représentera la naissance de Jésus, ainsi que l'adoration des bergers et des Mages. Du côté de l'Épître, dans l'autre partie du transept, un tableau de même dimension représentera Notre-Seigneur sortant victorieux du tombeau, à la grande stupéfaction des soldats romains proposés à sa garde par ses ennemis. (4)
Ainsi les scènes de la voûte évoquant le triomphe du Sauveur à la fin du monde, allaient permettre une « prédication salutaire pour tous ceux qui y viendront ». Les murs du sanctuaire étaient réservés à la glorification de l'apostolat en l'occurrence celui des R. P. oblats.

C'est pour obtenir le contrat de décoration que Charles Huot revient à Québec après douze années d'absence. Il a été informé peu de temps auparavant des intentions des pères et c'est avec un espoir assuré qu'il débarque à Québec, le 18 juillet 1886. (5) En janvier la charge de l'ouvrage lui est officiellement remise et il repart le 4 février pour l'Europe où il compte exécuter les tableaux. (6)

L'absence du peintre causa semble-t-il quelques craintes. Ainsi on pensa à chercher un remplaçant lorsqu'une fausse nouvelle annonça sa mort dans l'incendie de l'Opéra-Comique à Paris au mois de mai 1887. À Paris il rechercha des illustrations (7) sur les thèmes à traiter et commença à exécuter des esquisses. (8)

À la fin de cette année-là, Huot quitte Paris pour s'installer à Neukrug, en Allemagne du Nord, où il peut profiter d'un atelier mis à sa disposition par son beau-père. Il consacrera les deux années suivantes à l'exécution de cinq des toiles prévues. En mars 1888, il songe à travailler sur des toiles de grandes dimensions et à se servir de la technique suggérée par un ami parisien. (9) Toutefois il ne débutera ses grandes toiles qu'en 1889. En septembre de la même année un article de journal précise que la dernière des cinq toiles est terminée et que l'on peut voir L'Enfer (couverture, figs. 3, 4) exposé dans l'atelier du peintre. (10) L'artiste doit alors se rendre à Québec pour l'installation. Ernest Gagnon les y voit marouflées à la voûte de Saint-Sauveur en 1890. (11) En 1892, Louis Fréchette décrit trois autres scènes qui ont été ajoutées: le Sauveur accueillant les affligés, Jésus remettant les clefs à saint Pierre, Jésus bénissant les Missionnaires. (12) Il reste alors à compléter La Nativité (fig. 13) et La Résurrection (fig. 14) ce qui fut fait sans doute peu de temps après.

Louis Fréchette dans son article fait quelques reproches quant à la distribution des sujets sur le plafond: la Fin du Monde, le Jugement Dernier et l'Enfer sont des sujets « un peu bien terrifiants pour une voûte d'église». De plus L'Enfer est placé juste au-dessus de la chaire. Quant à La Fin du Monde (figs. 11, 12) cachée en partie par le buffet de l'orgue « il faut se disloquer un peu les vertèbres du cou pour le voir: un petit supplice d'ailleurs parfaitement en situation ». Il faut bien constater que les toiles marouflées de Huot répondent à une conception de décoration de voûte qui manque totalement d'unité.

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