Musée des beaux-arts du Canada / National Gallery of Canada

Bulletin 30, 1977

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La chapelle de l'évêché de Sherbrooke:
quelques dessins préparatoires d'Ozias Leduc

par Laurier Lacroix

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L'élément le plus insolite dans cette scène demeure celui du serpent. Leduc, dans ses notes, écrit: « Satan vaincu représenté sous la figure du Serpent ». (52) L'importance physique des lignes courbes, qui le représentent, et sa dimension suggèrent un serpent tant vainqueur que terrassé. Dans le tableau, l'effet de la lance est moins dramatique car Leduc l'a placée au-dessus de la tête du serpent, auréolée par un autre serpent, plus petit, qui se mord la queue - l'ouroboros, symbole de la pérennité du mal dans la création, négation en quelque sorte de la valeur du sacrifice qui se déroule sur la croix. Leduc, par la suite, a développé ce thème dans ses textes littéraires. Ainsi, Comprendre, paru en 1941, propose la même interrogation:

Avant, il n' y avait pas l'homme
Et le désordre du ciel fut la cause de lui.
Cet être qui n'était déja avait péché.
Justice, miséricorde.
Un ange aux enfers,
Un Rédempteur pour un paradis d' un jour,
Perdu.
L'homme offensant;
Humiliation d'un Dieu charité que le temps ne contiendra, 
Et l'homme veut savoir encore.
Le rachat se continue,
Le péché se continue.
Désir de connaître,
Désir de s'élever?
Persistance que la peine exalte,
Volonté du ciel, ordre et science,
Y atteindre.
Le mal est là, encore, toujours.
(53)

Selon Leduc, le mal ne serait donc pas venu sur la terre au moment de la création de l'homme, mais aurait pré-existé dans le chaos qui a précédé son apparition. Pour racheter l'humanité, il faut un couple également: le Christ et Marie, intimement unis, participant à toutes les phases de la Rédemption, actifs à partir de l'Annonce du Salut jusqu'au Sacrifice ultime. Malgré la Rédemption, le mal continue à se manifester sur la terre parce qu'il est intimement lié à la condition humaine. L'homme ne pourra surmonter le péché, atteindre le bien et le bonheur qu'en participant à l'ordre de la création, c'est-à-dire en la dominant et en la maîtrisant par la connaissance.

Leduc s'éloigne donc, ici, de l'enseignement traditionnel de l'Église catholique. Il situe le mal dans la création à une époque antérieure à la chute de l'homme. Il associe Marie à la Rédemption au même titre que le Christ, fils de Dieu. Il propose, en fin, une thèse positiviste du bonheur de l'homme. Dans le décor mural de Sherbrooke, Leduc suggère des moyens de recouvrer l'équilibre éphémère du bonheur paradisiaque par la maîtrise et la mise en ordre des éléments et des règnes, et par la compréhension de soi et du monde, à partir de l'étude et de l'interprétation des textes sacrés. Le message de Leduc rejoint, cependant, un autre enseignement et d'autres réalités vécues alors dans la province de Québec - le retour à la terre et la revanche des berceaux. Le premier point expliquerait la prédominance des éléments naturels inspirés du milieu physique immédiat du peintre - son verger, le mont Saint-Hilaire, le Richelieu; le second, le rôle de Marie à la fois vierge et génitrice. Leduc se fait donc le propagateur de l'idéologie civile et cléricale du temps. De plus, il partage le point de vue d'une élite intellectuelle encore minoritaire qui favorisait l'épanouissement de l'intelligence et de la sensibilité par la progression du savoir et la diffusion des arts.

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