Q : Les Inuit ont-ils différentes façons de bâtir
un iglou?
R : Oui, il existe différentes manières de construire un iglou.
Les gens de MITTIMATALIK et de la région de la baie de l'Arctique
(y compris ceux de KANGIRTUUGAAPIK) ont leur propre méthode. J'ignore
la méthode en usage dans la région comprise entre QIKIQTARJUAQ
et IQALUIT, mais nous voyons faire ceux de MITTIMATALIK et de la région
de la baie de l'Arctique depuis notre enfance. Leur procédé
est différent du nôtre; je sais qu'ils connaissent notre méthode
de construction et que nous connaissons leur style, mais nous préférons
notre propre style.
Si nous observons les habitants du KIVALLIQ, ils emploient une méthode
de construction semblable à la nôtre, c'est-à-dire qu'ils
taillent les blocs de glace par QULLUAGAQ. Il semble d'ailleurs qu'ils taillent
tous leurs blocs par QULLUAGAQ.
QULLUAGAIT désigne la manière de tailler les blocs de glace,
tandis que l'autre manière porte le nom de MAKPATAQ.
MAKPATAQ désigne une méthode de découpage des blocs
de neige qui exige qu'on détache ensuite les blocs verticaux. Ce
style n'est pas usité dans notre région, parce qu'il faut
trop de temps pour découper les blocs. En plus, il faut sortir (les
blocs) de l'enceinte de l'iglou. Les gens de notre KIVALLIQ peuvent construire
leur iglou en utilisant uniquement la neige qui se trouve dans l'enceinte
de l'iglou. Nous savions faire ça nous aussi. Quand l'iglou est terminé,
des blocs de neige ont été découpés dans toute
la surface du sol.
Q : Comment peut-on trouver assez de neige dans l'enceinte de l'iglou pour
le terminer et le fermer?
R : Il faut utiliser soigneusement chacun des blocs de glace; on doit aussi
éviter de les endommager, parce que si quelques-uns sont abîmés,
on est sûr de manquer de neige pour compléter l'iglou àpartir
de l'intérieur. Si la neige est bonne, il est absolument certain
que l'enceinte de l'iglou contient assez de neige pour fermer l'iglou.
Q : Comment fait-on pour extraire un bloc en l'endommageant aussi peu que
possible?
R : il faut creuser dans la neige des entailles parallèles assez
larges pour qu'on puisse facilement extraire les blocs de glace sans qu'ils
se coincent, puis équarrir le dessous des blocs. C'est la seule façon
d'éviter tout dommage aux blocs durant la construction de l'iglou.
Si la neige est bonne, on peut en faire ce qu'on veut. On nous enseignait
aussi qu'il suffisait de construire les murs et de les surmonter d'un simple
toit, sans dôme, si un abri devait servir pour une nuit seulement.
Mais la chaleur se conserve plus facilement quand l'abri est construit de
cette façon.
Q : Quels sont les termes qui décrivent la construction d'un iglou?
R : L'avant de l'iglou porte le nom de UATTA, et l'arrière, de KILU;
les côtés sont bien entendu SANIRAQ. La construction commence
en général par le UATTA. Si l'iglou est construit sur une
surface inclinée, par exemple le côté d'une colline,
on pose des blocs àl'extrémité inférieure, puis
on continue au point où l'inclinaison commence; cette méthode
permet de bâtir un iglou en très peu de temps.
Q : Comment s'y prend-on pour construire un iglou en plein blizzard?
R : Il est possible de construire un iglou même en pleine tempête
de neige, après qu'on a fini l'AVALLUTAA (pose du premier rang de
blocs de neige comme fondation); le deuxième rang coupe le vent,
et le blizzard cesse ensuite de faire problème. Il est difficile
de poser la fondation, mais après la mise en place du deuxième
rang, on est à l'abri du vent et la difficulté disparaît,
puisqu'on prend les blocs dans l'intérieur même de l'enceinte
de l'iglou.
Q : Quand l'enceinte est posée, vous êtes encore loin d'avoir
fini.
R : C'est vrai, l'iglou n'est pas encore terminé à ce moment-là.
Il existe plusieurs façons de bâtir un iglou. Parfois, il faut
boucher les trous entre les joints des blocs, mais d'autres n'ont pas autant
besoin d'être bouchés. Il faut non seulement boucher les trous
dans les joints, mais les remplir jusqu'au fond; si on se contentait de
les boucher de l'extérieur, le joint ne tarderait pas à fondre
et à laisser une ouverture dans la paroi. On doit donc remplir le
trou d'un côté à l'autre du bloc, et pas seulement sur
l'extérieur.
Q : Un iglou est-il construit différemment selon qu'il doit servir
pour une nuit seulement ou pour longtemps?
R : Oui, c'est différent : si on compte passer une nuit seulement
dans l'iglou, il peut lui donner la forme qu'on veut, que ce soit ovale
ou rond.
L'iglou construit pour durer plus longtemps doit avoir une forme aussi ronde
que possible, et se composer de blocs posés convenablement. Quand
l'iglou est terminé, il est complété par un TAJJUTAQ.
Le TAJJUTAQ est un mur bas, en blocs de neige, qui ceinture le périmètre
extérieur de l'iglou qu'on habite longtemps. L'espace ainsi créé
entre ce mur et l'extérieur de l'iglou forme une poche d'air, qui
est soigneusement bourrée de neige molle.
Quand cela est fait, l'intérieur de l'iglou perd de sa clarté
àcause du double mur et de la neige isolante, mais il demeure beaucoup
plus chaud.
Q : Quels sont d'autres termes employés pour décrire la construction
de l'iglou, comme par exemple IKIURAIJUQ, qui décrit la coupe des
blocs?
R : La personne qui pose les blocs est le TUTTITTIJUQ (poseur de blocs);
ce nom provient du terme TUTTINNIQ, qui désigne les joints entre
les blocs. AVALUNINGA désigne la fondation une fois qu'elle est posée.
Parfois on trace un cercle sur le sol avant d'entamer la construction de
l'iglou, pour guider la pose des blocs de fondation, mais parfois on ne
prend pas la peine de le tracer.