LES QUESTIONS TOUCHANT LE LIEU DE TRAVAIL

La charge de travail

Dans un atelier de fabrication d'aluminium, les directeurs sont revenus emballés d'un cours sur la technologie sur l'ordonnancement de la demande qu'ils ont suivi au Collège mondial de l'ordonnancement. Ils n'ont pas tardé à appliquer ce qu'ils avaient appris. Des emplois qui étaient auparavant rattachés à un service de production et où les employés avaient pour fonction de produire des assemblages complets ont été divisés en tâches plus segmentées et répétitives au sein d'une immense «cellule de production continue». Comme le manuel («Un bond en avant») l'indique : «La technologie de groupe offre aussi la possibilité d'avoir recours à des opérateurs souples pour faire fonctionner de multiples machines, ce qui favorise des gains d'efficacité comme la préparation d'une machine par un opérateur pendant qu'une autre machine fonctionne.

* * * * *

Dans une cuisine de l'air, on a mis en place un programme destiné à réduire le délai de mise en marche, à augmenter la production et à éliminer le travail qui ne produit pas de valeur ajoutée. La compagnie appelle ce programme la DTC, c'est-à-dire la durée totale du cycle; il est appliqué partout dans l'entreprise et a été conçu par un expert-conseil de Dallas. La direction a mené une campagne éclair pour restructurer le lieu de travail. Elle a mis au rancart les courroies transporteuses parce qu'elles étaient trop lentes. À chaque poste de travail est affichée une feuille de procédé qui indique comment disposer les ingrédients. Il faut suivre le procédé. La direction a réorganisé les postes de travail pour supprimer le temps de marche des employés, a changé des emplois de place, a modifié l'acheminement des produits et a retiré des employés de certains secteurs. Dans le cadre de tout ce processus, la direction a établi des objectifs pour la durée des opérations dans les postes de travail. Elle a commencé à chronométrer les tâches. Quelle quantité de travail les gens peuvent-ils faire? À l'heure actuelle, le rythme est de 500 salades à l'heure.

* * * * *

L'entreprise est réputée pour implanter à toute vapeur chaque nouveau programme en vogue. Elle a déjà appliqué les programmes habituels comme la GQT, mais à présent, la locomotive est un programme interne qu'elle appelle un «circuit secondaire». La compagnie indique que ce programme interne «permettra d'établir de nouvelles méthodes de travail engendrant une productivité et une efficacité accrues». Entre autres, la compagnie veut modifier «les relations de travail, la structure de rémunération, les innovations dans le lieu de travail, les règles qui s'appliquent à la main-d'oeuvre et au travail, ainsi que la participation et les communications avec les employés». Elle veut «permettre l'incubation de nouvelles méthodes de travail, notamment le travail en équipe, les régimes de travail souples, la gestion hautement participative et l'habilitation des employés» et elle veut mettre au point «des régimes de rémunération de rechange». La compagnie croit qu'elle peut obtenir beaucoup de résultats grâce à son programme interne, mais elle admet que celui-ci pourrait ne pas contenir grand-chose pour «compenser les problèmes engendrés par une faible rémunération et des charges de travail exigeantes». Dans une entreprise qui fabrique des échangeurs de chaleur commerciaux, la direction, emboîtant le pas au siège social américain, a distribué une brochure de luxe intitulée «De nouvelles habitudes de travail dans un monde en transformation radicale». Lors d'une réunion spéciale des employés, la direction a annoncé qu'elle s'attendait à ce que chacun lise la brochure et la signe, et signe un document d'accompagnement intitulé «Directives concernant la conduite appropriée».

Cette brochure sur les «nouvelles habitudes de travail» est un éloge à l'épanouissement d'un nouveau populisme évangélique patronal. Le sous-titre suivant lui conviendrait bien : «Si le patron te le demande, dis oui». Elle est farcie de boutades comme : «Attendez-vous à ce que votre patron s'attende à davantage de vous».

* * * * *

Ce qui se passe dans notre milieu de travail – qu'il s'agisse de la production rationnelle («allégée»), des processus de juste à temps, des organisations restructurées, du gouvernement réinventé ou de la GQT – est le reflet d'une évolution politico-économique de plus vaste ampleur.

Ce dont nous sommes témoins dans un contexte social plus large – l'érosion de notre salaire social, la réduction de notre salaire réel, le déclin du niveau de vie, la fin de l'universalité de certains droits et avantages et l'affaiblissement des organisations progressistes – est reflété, dans notre milieu de travail, par la précarité des emplois, les salaires conditionnels, la souplesse exigée des travailleurs, l'intensification du travail et les efforts déployés en vue d'affaiblir et de mettre en péril les syndicats.

C'est peut-être une vérité de La Palice, mais comment les lieux de travail pourraient-ils être radicalement différents du contexte dans lequel ils se trouvent? Et pourtant, quand il s'agit de restructurer le lieu de travail, c'est précisément ce qu'on nous demande de croire. En fait, il y a une armée d'experts-conseils, d'universitaires et de bureaucrates qui acclament et encouragent les tentatives patronales de mettre en place ce que l'on appelle le nouveau lieu de travail. Et celui-ci est considéré comme quelque chose de résolument différent et de meilleur que ce que nous avions auparavant.

Nous nous faisons dire – par la même armée d'experts-conseils, d'universitaires et de bureaucrates – que la production rationnelle («allégée») est une situation où tout le monde est gagnant. Les employeurs en retirent de la productivité, de l'efficacité et de la souplesse et nous, les travailleurs, en retirons un travail plus satisfaisant et un milieu de travail plus démocratique.

Cette approche où tout le monde est censé être gagnant nous décrit comme des décideurs hautement qualifiés qui ont davantage de responsabilités et de pouvoirs et qui sont moins surveillés dans un milieu de travail où les employés sont habilités et s'engagent à fond. Notre expérience ne nous dit pas la même chose. Les changements qui se produisent n'apportent pas davantage de formation aux travailleurs. Ils n'accroissent pas le niveau général des compétences. Ils ne donnent pas aux travailleurs plus de contrôle sur leurs emplois. Ils ne créent pas un travail plus intéressant. Ils n'améliorent pas la qualité de la vie au travail.

Au lieu de cela, en cette fin de 20e siècle, nos emplois, en réalité, se dégradent. Dans les milieux de travail où nous avons des contacts avec le public, la prétention des patrons à un service à la clientèle «de classe mondiale» s'oppose à la réalité des compressions, des files d'attente, des clients insatisfaits, des clients en colère, de la pénurie de personnel, des politiques inflexibles, de la gestion arbitraire et du travail qui ne cesse de s'intensifier. Dans les milieux de travail où nous fabriquons, entretenons ou préparons des produits, les exigences sont implacables : toujours plus de travail, toujours plus vite. Et quel qu'ait été le potentiel que la nouvelle technologie avait de nous aider, cette nouvelle technologie a été subvertie par la restructuration imposée par le patronat et a eu pour résultats finals l'augmentation des pressions exercées sur les travailleurs et la réduction du nombre d'emplois. Peu importe le degré de transformation de nos lieux de travail, le risque auquel nous faisons face, c'est que nous ayons des emplois du début du 20e siècle dans des lieux de travail du 21e siècle.

L'ANALYSE COMPARATIVE ET LES CONDITIONS DE TRAVAIL

Il existe deux démarches de gestion intimement liées en ce qui a trait au changement du lieu de travail. La première est celle d'une restructuration à grande échelle en vue de rationaliser la production. La deuxième, qui est plus fragmentaire mais plus ciblée, fait appel à des études comparatives d'évaluation des performances et à ce que l'on a appelé les «meilleures pratiques».

Les analyses comparatives permettent de comparer des aspects uniques ou multiples du lieu de travail, et de comparer des opérations au sein d'un même secteur ou d'un secteur à l'autre. Elles fournissent de l'information concrète et détaillée sur la façon dont une activité donnée se compare aux autres activités partout au monde. Les aspects du rendement actuel d'une entreprise qui sont mesurables sont comparés à ce qui est défini comme étant la meilleure mesure compétitive. Si quelqu'un, quelque part au monde, fait la même chose plus économiquement, plus rapidement, dans de meilleurs délais, l'analyse comparative conclut qu'il faut faire la même chose ici.

L'analyse comparative des performances et les meilleures pratiques encouragent les employeurs et forcent les employés à accepter des changements radicaux dans les pratiques de travail en vue d'atteindre un rendement «de classe mondiale».

LES LIMITES DE L'ANALYSE COMPARATIVE

Le problème que pose l'analyse comparative, c'est qu'elle ferme les yeux sur l'un des facteurs de l'équation du milieu de travail : le bien-être de ceux qui accomplissent les tâches. Les valeurs de référence obtenues, que l'on ne peut atteindre qu'en appliquant des méthodes de travail qui compromettent la sécurité ou qui conduisent à une détérioration des conditions de travail, sont dépourvues de valeur. Le problème, c'est que les études d'évaluation des performances ne tiennent aucun compte des conditions de travail ni des compromis entre les conditions de travail et le rendement de l'entreprise.

En partie pour faire contrepoids aux études d'évaluation des performances axées sur la compétitivité et, surtout, pour évaluer les répercussions du changement des lieux de travail, nous avons réalisé nos propres études d'évaluation des performances en mettant l'accent sur les conditions de travail. Deux séries d'études ont été réalisées. Dans le cadre de la première, nous avons interrogé environ 1 700 travailleurs dans 16 usines de pièces d'automobiles; lors de la deuxième, nous avons interrogé environ 2 500 travailleurs dans neuf usines d'assemblage de véhicules et environ 2 500 travailleurs dans 23 usines, bureaux et entrepôts de fabricants de pièces captives des Trois Grands.
Dans les deux cas, on posait des questions telles que les suivantes :
*Pendant quelles parties de chaque journée travaillez-vous dans une position physique inconfortable?
*Pourriez-vous travailler à votre rythme actuel jusqu'à l'âge de 60 ans?
*Au cours des deux dernières années, avez-vous eu de la facilité à obtenir des congés pour des besoins personnels comme un rendez-vous chez le médecin, un enfant malade ou un mariage?
* Au cours des deux dernières années, la direction a-t-elle resserré ses politiques dans les cas où vous auriez pu arriver en retard ou être absent(e) du travail?
* Pouvez-vous normalement quitter votre poste de travail pour aller aux toilettes sans que quelqu'un d'autre vous remplace?
* Au cours du dernier mois, dans quelle mesure avez-vous été tendu(e) ou crispé(e) au travail?

Dans les deux études, nos membres ont signalé des résultats analogues. Ils ont un sentiment d'insécurité. Un trop grand nombre d'entre eux signalent qu'ils travaillent dans des positions inconfortables et dans la douleur pendant une grande partie de leur temps de travail. Ils travaillent trop vite et trop dur parce qu'ils n'ont pas assez de temps ou il n'y a pas assez de gens pour faire le travail. Ils sont fatigués et tendus. Souvent, il leur reste peu d'énergie à consacrer à leur famille. Et ils doutent qu'ils puissent maintenir ce rythme de travail jusqu'à 60 ans, sans parler de 65 ans.

En général :
(1) les conditions sont pires que ce à quoi nous nous serions attendus et bien pires que ce que nous souhaiterions;
(2) les choses n'évoluent pas dans le bon sens; au lieu d'obtenir des améliorations, nos membres signalent une détérioration des conditions au cours des deux dernières années;
(3) même si les conditions sont généralement inadéquates, il y a une différence, souvent spectaculaire, entre les réponses de nos membres dans les lieux de travail où la direction applique vigoureusement un programme de rationalisation et ceux où de tels changements n'ont pas encore été apportés; nos conditions de travail sont les pires partout où la direction connaît le plus de succès.

Tous ces éléments nouveaux n'ont pas fait leur apparition à une époque où la vie était dure pour les entreprises. C'est le mode de travail à une époque de prospérité des entreprises. Ce sont les conditions de travail qui prévalent à une époque où la productivité et la rentabilité sont en hausse, où l'inflation est basse, où le dollar canadien est avantageux, où les exportations s'accroissent, où les impôts des entreprises sont modérés et où le gouvernement sabre les dépenses et réduit les déficits.

Et pourtant, c'est une époque où trop de travailleurs sont poussés jour après jour au-delà de leurs limites raisonnables.

Temps, mouvements et valeur

À l'usine d'assemblage de GM à Oshawa, on a 0,02 minute pour positionner une pièce qui pèse jusqu'à 5 livres à l'intérieur d'un espace de trois pieds. Cela correspond à 1,2 seconde. À l'usine d'assemblage de Ford, on a 7 MOD, soit 0,9 seconde pour ramasser une rondelle de la main droite et la faire passer dans la paume. Chez Chrysler, on a 30 unités de mesure du temps, soit 1,2 seconde, pour faire deux pas. Dans une cuisine de l'air, on doit préparer 500 salades à l'heure. Dans une usine de moteurs, les moteurs passent devant le travailleur 1 500 fois par jour. À bord des trains, un préposé au service aux voyageurs servait auparavant des aliments et des boissons à environ 108 personnes. À présent, la norme a été resserrée et le préposé est maintenant chargé de 144 à 180 passagers. Dans un atelier de coupe et de couture, les quotas sont fixés à l'heure jusqu'à la dernière heure, où ils sont fixés pour chaque segment de 15 minutes pour faire en sorte qu'au cours des 15 dernières minutes de la journée, on produise aussi vite qu'au cours des 15 premières. Dans un service d'entretien, on a 3,83 minutes pour nettoyer une commode. On a 12,60 minutes pour nettoyer, désinfecter, enlever les déchets et remplacer les fournitures dans une chambre de patient de 150 pieds carrés.

À la fin du siècle dernier, les patrons ont commencé à élaborer des normes temporelles pour contrôler la cadence et le rythme du travail et augmenter la productivité des travailleurs. À la fin du siècle actuel, ils continuent à le faire. Entre-temps, ils ont créé des centaines de systèmes différents, produit des montagnes de données et des valeurs temporelles pour des mouvements de base et créé des logiciels informatiques complexes pour calculer le temps des micromouvements. À diverses périodes, le patronat s'est vigoureusement efforcé de redéfinir ce qui constituait une «bonne journée de travail». Nous sommes actuellement dans une de ces périodes. Et dans chacune de ces périodes, les patrons ont ajouté une nouvelle corde à leur arc. Il y a tout d'abord eu les études de temps, puis les études des mouvements, ensuite les études des méthodes et, à présent, les études de la valeur – chacune étant conçue de manière à améliorer le rendement des travailleurs. Jadis, il y avait le chronomètre; puis, il y a eu les normes temporelles prédéterminées; à présent, il y a les simulations informatiques qui font la conception de nos emplois et permettent d'en accélérer le rythme.

Depuis les tout premiers jours de notre syndicat, nous menons en permanence une lutte contre le patronat à propos de la définition d'une bonne journée de travail. À la fin des années 1930, les travailleurs se sont syndiqués, dans une large mesure, pour réagir à des rythmes de production et à une accélération inéquitables. Durant les années 1950, puis les années 1960, alors que les patrons mettaient en place un nouvel équipement et de nouvelles techniques de production, le syndicat a acquis de l'expertise dans le domaine des études de temps et a négocié des clauses de convention collective pour limiter les normes de production et la charge de travail. Il y avait aussi d'autres façons, plus officieuses, de protéger les travailleurs contre une accélération déraisonnable de la cadence. C'est de ces efforts que sont issus des concepts comme la «durée normale», les «normes justes et équitables» et l'«opérateur moyen». Mais à présent, ces normes sont interprétées comme étant trop basses. La notion du 100 %, jadis considérée comme l'objectif final, est maintenant interprétée tout simplement comme un degré sur une échelle que l'on doit surpasser.

Encore une fois, les patrons changent les méthodes et intensifient notre travail. Là où nous travaillions auparavant à une machine, à présent, nous travaillons à deux ou trois machines. Là où nous étions auparavant huit, nous ne sommes maintenant plus que sept ou six, ou peut-être encore moins. Les emplois qui étaient déjà bien assez durs sont maintenant devenus plus durs.

Les patrons nous surchargent trop. Qu'il s'agisse de pénurie de personnel, de tâches multiples, de mesure électronique, de relève inadéquate, d'heures excessives ou d'augmentation du volume ou de la rapidité du travail, notre corps et notre dignité ne peuvent tout simplement pas l'encaisser.

Dans le passé, nous avons réagi contre les changements apportés dans les méthodes et la charge de travail. Aujourd'hui, nous faisons de même. Les modalités sont différentes, mais c'est ce que nous faisons toujours. Tout d'abord, nous devons faire valoir les droits que nous avons déjà, qu'ils soient inscrits dans les conventions collectives ou dans les lois. Ensuite, nous devons améliorer nos droits et nous devons mettre au point de nouvelles tactiques pour lutter contre l'accélération de la cadence.

Le programme de négociation

A) LE RYTHME ET LA CHARGE DE TRAVAIL

1. Un rythme confortable

Le rythme de travail doit être juste et raisonnable et un effort normal doit nous suffire pour accomplir notre charge de travail.

Il n'y a peut-être pas de réponse technique claire à la question de savoir ce qui est juste et raisonnable, mais si nous travaillons dans la douleur, si nous nous sentons surchargés, si nous ne pouvons pas soutenir le rythme, notre charge de travail pose problème.

Nous avons besoin de clauses sur les normes de production qui tiennent compte des éléments suivants :

2. L'accélération de la cadence

Les patrons sont résolus à nous faire travailler plus dur et plus vite. En fait, la plupart des programmes de type «amélioration continue» ont pour objectif l'augmentation de la production avec un nombre moindre de travailleurs. Nous devons lutter pour des clauses de convention collective qui limitent le droit des employeurs d'accélérer notre travail :

3. Des représentants s'occupant des questions liées à la charge de travail

Le patronat manifeste un enthousiasme renouvelé pour les systèmes qui régissent les méthodes et le temps de travail. Aujourd'hui, on se sert de systèmes temporels informatisés pour calculer les éléments de travail, le temps et même des facteurs ergonomiques. Ces systèmes servent à resserrer la vis sur nos emplois. Nous avons besoin de clauses de convention collective prévoyant :

4. Le personnel de relève

Nous avons besoin de garanties du fait que les employés absents du travail seront toujours remplacés. Les pénuries de personnel sont inacceptables.

5. La surveillance électronique

Les nouvelles technologies procurent à la direction une information plus immédiate sur les procédés de travail. Ces innovations, qu'il s'agisse d'ordinateurs, de systèmes d'information de gestion ou de systèmes vidéo, ne doivent pas être utilisés pour surveiller les employés ni mesurer les rendements individuels. Nous avons besoin de clauses qui limitent l'utilisation des technologies indiscrètes et qui limitent l'usage que la direction peut faire des renseignements recueillis.

B) LE TEMPS POUR LES BESOINS PERSONNELS

6. Le temps de répit

Nous avons besoin qu'un temps de répit plus long soit intégré à chaque cycle de travail ou répétition de tâche. Les tâches à accomplir sont maintenant resserrées. Tout temps de répit qui était auparavant intégré aux tâches est maintenant transformé en activités de travail. Contrairement à ce que les patrons croient, il n'y a pas 60 secondes d'effort de travail dans chaque minute. Nous avons besoin de clauses qui limitent la mesure dans laquelle le temps de travail peut être rempli. Il doit y avoir des périodes à l'intérieur du cycle de travail qui nous permettent de récupérer et de nous préparer à la tâche suivante. Ces répits ou micro-pauses sont nécessaires à notre bien-être physique et mental.

7. Les périodes de repos et les pauses

Nous avons besoin de plus de temps de pause durant nos quarts de travail. Le temps de repos varie selon l'industrie et le type de travail, mais il y a aussi des différences considérables au sein d'un même secteur. Dans l'industrie de l'automobile, par exemple, les périodes de repos prescrites dans nos conventions collectives varient de 30 minutes à 56 minutes (à l'exclusion de la pause-déjeuner); cela varie donc de moins de quatre minutes à sept minutes l'heure. Dans l'ensemble du syndicat, la différence est encore plus grande et, dans certains lieux de travail, les employés ont encore aujourd'hui moins de deux pauses de 10 minutes pendant la totalité du quart de travail. Pour réagir face à l'accélération de la cadence, nous devons réclamer plus de temps de repos à l'écart du poste de travail. Cela peut adopter diverses formes :

8. Le travail supplémentaire

Nous devons lutter contre le travail supplémentaire excessif. Le caractère volontaire du travail supplémentaire doit être garanti. On ne doit laisser aucun employeur forcer ses employés à faire du travail supplémentaire.

C) LES PÉRIODES DE CONGÉ

Les problèmes engendrés par l'accélération de la cadence s'aggravent si nous n'avons pas assez de temps pour récupérer. Nous avons besoin d'un repos suffisant. Nous avons besoin de périodes de répit dans nos cycles de travail, dans notre journée de travail et dans notre vie.

9. Les vacances

Nous devons veiller à ce que les vacances soient garanties. Et il faut que nous prenions nos vacances. Aucun employeur ne devrait pouvoir persuader des employés d'accepter de l'argent plutôt que de prendre un congé.

10. Moins de temps de travail
Nous devons travailler un moins grand nombre d'heures durant notre vie. Il y a diverses façons de réduire le temps de travail : augmentation du nombre de jours de vacances annuelles et vacances obligatoires, jours de congé pour des besoins personnels, longs week-ends, deux semaines de formation pour chaque travailleur, réduction du nombre d'heures de travail par semaine et retraite anticipée.

D) LE CONTRÔLE SUR LE TEMPS DE TRAVAIL

11. Davantage de contrôle sur le temps de travail

Il faut limiter la capacité des employeurs de définir la souplesse du temps de travail. Nous devons opposer une résistance au travail à temps partiel forcé, à l'introduction des quarts de travail brisés et des autres systèmes d'horaire souple imposés unilatéralement, aux exigences concernant les aménagements d'horaire qui favorisent uniquement la direction, de même qu'aux horaires de plus en plus irréguliers et changeants. Nous devons avoir davantage de contrôle sur notre temps de travail.

E) L'ERGONOMIE ET LE TRAVAIL MODIFIÉ

12. L'ergonomie

L'ergonomie est une science qui permet de modifier l'équipement, les postes de travail, le lieu de travail et les modes d'organisation du travail, par exemple, la rapidité, afin de répondre aux besoins des travailleurs.

Nous avons besoin de clauses dans les conventions collectives prévoyant :

13. Le travail modifié

Nous sommes plus nombreux à nous blesser au travail et nous avons moins de possibilités de faire du travail léger. Il faut qu'un travail modifié nous soit garanti tant et aussi longtemps que nous en aurons besoin. Si nous nous blessons, il est inacceptable que l'employeur nous place au poste de quelqu'un d'autre, particulièrement si celui-ci a plus d'ancienneté. Au lieu de cela, notre emploi doit être modifié en fonction de notre invalidité et de manière à prévenir de nouvelles invalidités. Et nous devons négocier des limites à la capacité de la direction de se débarrasser des emplois avantagés et plus légers.

La formation et la technologie

Une autre vague de changements technologiques s'annonce. Depuis le début des années 1980, nous avons dû faire face à deux périodes distinctes de changements technologiques et aux stratégies patronales différentes qui les accompagnaient. Durant la première période – celle de l'informatisation –, les patrons se sont servis de la technologie pour restructurer nos lieux de travail.

Les employeurs ont implanté des ordinateurs, installé des robots, mis au point des systèmes électroniques d'information de gestion et tenté de passer à l'automatisation complète (la production assistée par ordinateur, le bureau informatisé, etc.). C'était une stratégie d'avancée technologique. Elle a rendu nos lieux de travail technologiquement plus complexes, les opérations techniquement plus sophistiquées, et a conduit au chômage technologique. Les patrons ont réalisé certains gains notables, mais qui n'étaient pas à la hauteur de leurs attentes.

À partir du milieu des années 1980, les employeurs sont passés à une stratégie de repli technologique. Les objectifs ont changé. Pendant la période précédente, les attentes techniques trop optimistes des patrons s'étaient heurtées à des lacunes techniques concrètes (un matériel peu fiable, des logiciels limités, un traitement inadéquat de l'information, le manque de compatibilité), à une conception inappropriée des produits (produits non conçus pour les procédés automatisés, trop grand nombre de composantes non normalisées) et à un procédé de production qui était complexe et imprévisible. Les employeurs ont appris qu'ils ne pouvaient pas automatiser ce qu'ils ne connaissaient pas ou ce sur quoi ils n'avaient pas de contrôle.

Au cours de la période de repli technologique, les employeurs ont mis l'accent sur la restructuration du travail. Ils ont commencé à simplifier et à contrôler la production et ont apporté des changements considérables au processus, à l'aménagement, aux modèles de production et à nos emplois. Durant cette période, ils ont aussi adopté une approche particulière par rapport à la technologie – ce que l'on a appelé l'«autonomisation», par opposition à l'automatisation. L'autonomisation englobe une stratégie d'automatisation graduelle bâtie sur les principes suivants :

Pendant cette période, les employeurs ont mis au point un équipement rationalisé – souple, léger, permettant les corrections rapides, peu coûteux, facile à installer, facile d'entretien et facile à déplacer.

Alors que nous faisons face aux retombées de la production rationalisée – l'intensification du travail et la souplesse exigée par les patrons –, nous voyons poindre à l'horizon un nouveau cycle d'avancée technologique. Les employeurs ont déjà trouvé le nom – la fabrication «agile», où «à grande manoeuvrabilité» – pour définir cette stratégie. Elle se base sur la production rationalisée et vient ajouter à la recette une nouvelle série d'ingrédients de technologie et de restructuration. Les employeurs se sont concentrés sur la reconception des produits et la réorganisation du travail. Entre-temps, bon nombre des lacunes technologiques qui limitaient leur rayon d'action dans le passé ont été réglées ou le seront bientôt. Dans la période qui débute, la technologie augmentera radicalement les possibilités offertes aux employeurs :

Les employeurs parlent aussi d'un nouveau type d'entreprise : ce qu'ils appellent l'entreprise virtuelle, où la production adopte la forme d'une série de partenariats commerciaux souples et changeants. Voici comment certains décrivent ce type d'entreprise : «Tant qu'il y a un débouché sur le marché, l'entreprise virtuelle continue d'exister; quand le débouché disparaît, l'entreprise se tourne vers d'autres projets.»

Cette nouvelle période d'avancée technologique, qui talonne la période actuelle, engendrera des problèmes additionnels pour les travailleurs. Les enjeux de l'organisation du travail qui viendront se superposer aux changements technologiques rapides et à la restructuration des entreprises menaceront la sécurité d'emploi et transformeront le contenu de nos emplois ainsi que les compétences requises pour les exercer, la façon dont nous travaillerons, l'endroit où nous le ferons (le télétravail) et, en bout de ligne, le genre de société qui sera la nôtre.

Compte tenu des forces qui entrent en jeu dans la production et de l'infrastructure juridique qui encadre les relations de production, il est difficile pour un syndicat de faire autre chose que de réagir après coup. Toutefois, nous devons songer à l'avenir et nous préparer à ce qui nous attend. Dans le domaine de la technologie, nous avons besoin de clauses de convention collective formulées en des termes plus vigoureux et prenant appui sur le droit de savoir et le droit de négocier :

En dépit des belles paroles qui entourent la question de la formation, il y a très peu d'activités concrètes dans ce domaine. Les entreprises s'intéressent aux programmes de formation qu'elles contrôlent et qui visent à modifier les attitudes et à modeler les comportements facilitant la restructuration du travail (les aptitudes à la communication, le travail en équipe) et favorisant la résolution de problème structurée et l'amélioration continue. Pour ce qui est de ce que les travailleurs considèrent comme une bonne formation, on n'offre guère de possibilités sur le plan des compétences de base, du recyclage scolaire, de la formation technique, de l'esprit critique et de l'enrichissement personnel.

Nous avons pour objectif d'apporter des changements dans l'ampleur de la formation (il n'y en a pas assez), sa répartition (elle est inégale et offerte uniquement à quelques privilégiés) et son contenu (c'est l'entreprise qui le définit). Pour y parvenir, il faut que le syndicat joue un rôle plus actif dans le domaine de la formation en milieu de travail, rôle axé sur les objectifs suivants :

LA SANTÉ ET LA SÉCURITÉ

La déréglementation, la privatisation et le libre-échange sont les aspects du programme patronal qui dominent nos vies et ont des effets particulièrement troublants dans les domaines de la santé et de la sécurité, de l'indemnisation des accidents du travail et de l'environnement.

LA DÉRÉGLEMENTATION

Au cours des quatre dernières années, dans les provinces de l'Ontario, de la Colombie-Britannique et de la Nouvelle-Écosse de même que dans les champs de compétence du fédéral, des initiatives de grande ampleur ont été lancées en vue d'améliorer la réglementation sur la santé et la sécurité. Notre syndicat a participé activement à toutes ces initiatives. Plusieurs propositions progressistes ont été avancées, et certaines ont même atteint le stade des audiences publiques, mais nous avons de plus en plus de difficulté à obtenir qu'elles deviennent des textes de loi.

Le programme vigoureux de déréglementation a fait dérailler, du moins pour l'instant, le projet de règlement sur l'ergonomie en Colombie-Britannique de même que tout un cortège d'autres projets de règlement; le règlement général sur la santé de l'Ontario; et les améliorations à la Partie II du Code canadien du travail. La Nouvelle-Écosse a préparé une nouvelle loi sur la santé et la sécurité et divers excellents nouveaux règlements portant notamment sur la violence et la qualité de l'air dans les immeubles, mais le gouvernement n'a pas encore jugé bon de les mettre en vigueur. Nous espérons que l'intérêt pour la santé et la sécurité suscité par l'enquête sur la mine Westray engendrera suffisamment de pressions de la part du public pour que ces nouveaux textes de loi soient mis en application.

En santé et en sécurité du travail, les travailleurs ont trois droits fondamentaux : participer à des comités de santé et de sécurité au travail; connaître les dangers auxquels ils sont exposés en milieu de travail et, tout particulièrement, les dangers d'ordre chimique; enfin, refuser de faire un travail dangereux. Avec la déréglementation, ces trois domaines sont en butte à des attaques.

En Ontario, les employeurs organisés en regroupements, comme la Société des fabricants de véhicules à moteur, ont exercé de fortes pressions sur le gouvernement Harris pour rendre facultatifs les comités conjoints de santé et de sécurité et affaiblir le droit de refus. Le droit de savoir et le droit à la formation ont été sérieusement menacés par l'érosion des exigences d'accréditation des comités de santé et de sécurité.

Les gouvernements, peu importe le parti au pouvoir, agissent comme si les dispositions du projet de loi C-62 avaient déjà été adoptées. Ce projet de loi est une loi fédérale proposée sur l'efficacité de la réglementation, qui permettrait aux employeurs de conclure des ententes avec le gouvernement pour éviter de respecter les règlements. Le projet de loi C-62 s'applique aux champs de compétence qui relèvent du fédéral, mais peut aussi être appliqué à l'échelon provincial. Jusqu'à présent, le mouvement écologiste et le mouvement ouvrier sont parvenus à bloquer la proposition, mais nous devons demeurer vigilants pour faire en sorte que ce projet ne devienne pas une loi.

Comment se fait-il que, quand un gouvernement du NPD est élu, son programme progressiste est immédiatement mis en veilleuse et il entreprend des «consultations» avec tout le monde, permettant aux employeurs de faire pression avec vigueur et avec succès pour, au mieux, retarder l'application du programme progressiste et, au pire, faire appliquer leur propre programme? À l'opposé, comment se fait-il que lorsqu'un gouvernement de droite est élu, il se met immédiatement et vigoureusement à appliquer son programme de compressions?

La privatisation

Les gouvernements confient en sous-traitance des activités à l'entreprise privée et aux employeurs eux-mêmes. L'Alberta, l'Ontario et le gouvernement fédéral affirment qu'ils tentent de se retirer du champ de la santé et de la sécurité. Grâce à une vigoureuse résistance du mouvement ouvrier, le gouvernement de l'Ontario a mis en suspens, à tout le moins pour l'instant, les avis de licenciement des inspecteurs de santé et de sécurité; toutefois, ceux qui prennent leur retraite ne sont pas remplacés.

Le plus fort mouvement de privatisation se produit dans le domaine de l'indemnisation des accidents du travail. Au Canada, ce régime d'indemnisation est dirigé par l'État depuis 1914. Or, sur la plus grande partie du territoire des États-Unis, l'indemnisation des accidents du travail est privatisée. La plus importante compagnie américaine dans ce domaine, Liberty Mutual, a mis sur pied sa propre «commission royale d'enquête» et a rencontré les commissions provinciales des accidents du travail et les employeurs d'un océan à l'autre. Son rapport en cinq volumes, intitulé «Unfolding Change» («La propagation du changement»), inscrit carrément la privatisation au programme des commissions canadiennes des accidents du travail. Liberty Mutual a acheté la Croix-Bleue de l'Ontario et plus de deux douzaines de cliniques de réadaptation précisément pour se positionner en vue de prendre en main l'indemnisation des accidents du travail. La réduction du niveau des prestations dans ce qui constitue maintenant une majorité des provinces et l'institution d'un délai d'attente dans trois provinces représentent des pas dans la voie de l'harmonisation du niveau des indemnités pour accidents du travail avec les régimes privés d'assurance-maladie et d'assurance-accidents.

Le libre-échange

On ne croirait pas que le libre-échange a un effet direct sur le taux de blessures professionnelles au Canada; pourtant, c'est bel et bien le cas. Si l'on examine l'escalade de l'incidence des LATR (lésions attribuables au travail répétitif) chez les travailleurs en général et chez nos membres en particulier, on constate une augmentation spectaculaire depuis 1989, année d'entrée en vigueur du libre-échange. Se servant de la mondialisation et des impératifs de la compétitivité comme prétextes, les employeurs ont accéléré le rythme du travail et il s'en est suivi une augmentation des blessures invalidantes et, tout particulièrement, des lésions attribuables au travail répétitif.

*Riposter : renforcer nos conventions collectives

Puisque les règlements actuels sur la santé et la sécurité et sur l'environnement sont en butte à des attaques, tout autant que le régime d'indemnisation des accidents du travail, nous devons renforcer les clauses des conventions collectives dans ce domaine. Nous devons négocier l'intégration à nos conventions collectives des clauses modèles des TCA concernant la santé, la sécurité et l'environnement pour garantir le respect du droit de nos membres à un milieu de travail sain et sûr. Nous ne pouvons plus accepter les arguments des patrons selon lesquels ces droits sont déjà garantis par la loi puisque ce sont ces mêmes entreprises qui font pression pour que les lois soient modifiées. À la lumière de la récente étude TCA/Centres de santé des travailleurs dans l'industrie des plastiques, il est tout particulièrement important de négocier la clause modèle sur la ventilation par aspiration à la source, surtout dans les ateliers de moulage et les ateliers de peinture et de décoration.

* Riposter : renforcer nos comités de santé et de sécurité

Jamais le besoin ne s'est autant fait sentir d'une sensibilisation à la santé et à la sécurité assurée par le syndicat. La ligne de conduite patronale selon laquelle la santé et la sécurité sont une «responsabilité conjointe» n'a jamais été plus fausse. Nous n'avons pas le pouvoir de discipliner les entreprises qui ne fournissent pas un lieu de travail sûr et sain, mais elles peuvent nous discipliner si nous omettons de prendre des précautions ou si, à leur avis, nous en prenons trop. Nous devons nous assurer que nos membres des comités de santé et de sécurité se considèrent comme des défenseurs des travailleurs. Ils devraient tous suivre le cours de santé et de sécurité du CEP ou le cours d'une fin de semaine ou d'une semaine des TCA de sorte qu'ils n'aient jamais aucun doute quant aux personnes dont ils doivent représenter les intérêts.

Il est ironique que les comités conjoints syndicaux-patronaux de santé et de sécurité n'aient pas le pouvoir de prendre des décisions, mais soient forcés de faire des recommandations aux patrons. Pour qu'ils soient efficaces en milieu de travail, ces comités conjoints syndicaux-patronaux doivent avoir un pouvoir décisionnel. Et il faut qu'une majorité de travailleurs siègent à ces comités pour faire en sorte que l'on se penche sur les besoins de nos membres dans le domaine de la santé et de la sécurité.

Nous devons nous assurer que nos représentants à la santé et à la sécurité ont le pouvoir d'interrompre le fonctionnement de l'équipement dangereux pour veiller à ce que nos membres soient protégés. Certains membres sont trop intimidés pour refuser d'eux-mêmes d'effectuer des tâches dangereuses. C'est aux représentants syndicaux à la santé et à la sécurité qu'il appartient de les protéger.

Nous devons faire étendre la portée des questions qui relèvent des comités conjoints de santé et de sécurité. Nous devons repousser les étroites limites de la santé et de la sécurité au-delà de la simple prévention des blessures et des maladies pour y intégrer la définition de la santé donnée par l'Organisation mondiale de la santé, c'est-à-dire le degré le plus élevé de bien-être physique, mental et social. L'ergonomie, science qui a pour but d'adapter le lieu de travail au travailleur plutôt que le travailleur au lieu de travail, a commencé à élargir nos horizons. Alors que nous commençons à nous colleter avec des problèmes comme les lésions attribuables au travail répétitif, les blessures au dos, l'ennui, la monotonie et le stress chez nos membres, nous voyons qu'il est nécessaire de nous attaquer à de nombreuses questions que les employeurs considèrent comme relevant de leur prérogative, comme des «droits de la direction». Cela comprend des questions comme le rythme de travail, le harcèlement par les superviseurs, le travail par quarts, le travail supplémentaire excessif, le travail supplémentaire forcé, la durée des cycles de travail, les périodes de repos, les vacances et l'ensemble de la conception du lieu de travail et des systèmes de production. Nous devons nous assurer que nos membres des comités de santé et de sécurité sont bien outillés pour s'attaquer à ces questions.

*Riposter : le droit de grève pour des raisons de santé et de sécurité

Les travailleurs ont besoin d'armes pour lutter en vue d'améliorer la santé et la sécurité. La plus importante arme dont les travailleurs disposent est le droit de grève.

Aux États-Unis, contrairement au Canada, la loi n'interdit pas aux travailleurs de faire la grève pendant la durée d'une convention collective sur certaines questions (bien que ce droit puisse être supprimé par négociation). En fait, l'article 7 de la loi américaine sur les relations de travail établit expressément le droit de faire la grève pour des raisons de santé et de sécurité. Il est intéressant de voir le nombre de grèves liées à des questions de santé et de sécurité et de production que les travailleurs de General Motors ont faites depuis environ un an, et qu'ils avaient le droit de faire en vertu de la convention collective américaine en donnant un avis de cinq jours à l'employeur. La Saskatchewan était la seule province canadienne à autoriser les grèves, pour tout motif, pendant la durée d'une convention collective jusqu'à ce que le gouvernement Devine supprime ce droit il y a une dizaine d'années.

En 1973, le premier gouvernement néodémocrate de la Colombie-Britannique a accordé aux travailleurs le droit de fermer collectivement un lieu de travail pour des raisons de santé et de sécurité. En dépit de près de 20 ans de gouvernements de droite, cette disposition du code des relations de travail de la Colombie-Britannique demeure encore actuellement en vigueur. Elle se trouve au paragraphe 63(3) du code, qui se lit comme suit :

«Un acte ou une omission de la part d'un syndicat ou des employés ne constitue pas une grève si :

(a) cet acte ou cette omission sont requis pour préserver la sécurité ou la santé des employés.»

Autrement dit, les restrictions imposées par la loi ou par la convention collective qui interdisent une grève pendant la durée d'une convention collective ne s'appliquent pas aux fermetures pour des raisons de santé et de sécurité en Colombie-Britannique.

Nous devons faire pression pour que des dispositions analogues soient incluses dans les lois sur les relations de travail des autres provinces. Entre-temps, nous devrions envisager de négocier des conventions d'un an afin de pouvoir collectivement refuser de travailler pour des raisons de santé et de sécurité, particulièrement pour contrer l'accélération de la cadence, de telle sorte que les travailleurs ne soient pas laissés à eux-mêmes pour faire face au patron un à un.

*Riposter : la violence en milieu de travail

Nos membres du secteur des services qui ont des contacts avec le public sont exposés à des risques de vol, d'agression physique et sexuelle, d'appel à la bombe et de harcèlement. Nous avons besoin de lois et de clauses de convention collective qui forcent les employeurs à protéger les travailleurs du secteur des services contre de tels dangers physiques et harcèlements verbaux et, notamment, qui garantissent le droit de refuser, qui interdisent le travail solitaire et qui veillent à ce que les niveaux de dotation en personnel soient suffisants.

Riposter : les enquêtes de coroner

Les lois provinciales sur les coroners fournissent un outil d'enquête précieux sur les causes des accidents mortels. Les recommandations des jurys des coroners contiennent des conseils importants qui permettent de prévenir la récurrence future de ces accidents. La Loi sur les coroners de l'Ontario prescrit des enquêtes pour tous les accidents mortels survenus au travail dans les secteurs des mines et de la construction, mais le gouvernement Harris projette de supprimer cette exigence. Nous condamnons cette action projetée et, de plus, nous réclamons que toutes les lois provinciales sur les coroners soient modifiées pour imposer la tenue d'enquêtes relativement à tous les accidents mortels survenus en milieu de travail.

Riposter : des lieux de travail propres et un environnement propre

Nous devons contester la prérogative que les patrons prétendent avoir sur la production et insister pour que les substances toxiques utilisées ou produites en milieu de travail soient remplacées par des substances moins nocives pour les travailleurs et pour l'environnement. Dans tous les cas où il est actuellement impossible de les remplacer par des substances moins toxiques, nous devons exiger l'application d'excellentes méthodes de contrôle comme les enceintes de protection et la ventilation par aspiration à la source.

Ce besoin n'est nulle part plus aigu que chez nos membres qui sont exposés aux fluides utilisés en métallurgie (fluides de refroidissement, lubrifiants, brouillard d'huile et fluides d'usinage). Cet enjeu touche particulièrement les membres des corps de métiers, mais il touche aussi les travailleurs de la production dans les grandes usines de pièces et dans le secteur de l'exploitation minière.

Nous savons que l'exposition aux fluides utilisés en métallurgie cause toute une série de cancers de même que des maladies respiratoires comme l'asthme. Il y a environ 100 000 travailleurs canadiens qui sont exposés aux liquides métallurgiques. Nous devons faire pression pour que l'on adopte des règlements réduisant les niveaux d'exposition admissibles. La limite imposée par la loi est actuellement de 5 mg/m3, ce qui est beaucoup trop permissif pour protéger la santé humaine. Nous devons faire pression pour l'adoption d'un niveau d'exposition beaucoup plus strict de 0,2 mg/m3, qui est le niveau auquel apparaissent les premiers changements dans la capacité de respirer des travailleurs. Entre-temps, nous devons négocier l'imposition de cette limite dans nos conventions collectives. Et nous devons négocier pour que des produits de remplacement plus sûrs comme les fluides métallurgiques à base d'huile végétale soient mis à l'essai et utilisés partout où c'est possible.

L'indemnisation des accidents du travail : la course vers le bas

L'indemnisation des accidents du travail est plus que jamais auparavant en butte aux attaques des employeurs. Se servant du passif non capitalisé comme prétexte pour réclamer des compressions massives dans le régime d'indemnisation des accidents du travail, tout comme ils se servent de la dette et du déficit pour saper les programmes sociaux, les employeurs ont atteint leur objectif dans cinq provinces canadiennes. L'Ontario est la prochaine à passer au couperet.

En 1992, le Manitoba a été la première province à amorcer une érosion radicale des prestations, réduisant les indemnités à long terme à 80 % du revenu net. En outre, les demandes d'indemnisation pour stress chronique devenaient illégales. Le Nouveau-Brunswick, Terre-Neuve, l'Île-du-Prince-Édouard et la Nouvelle-Écosse n'allaient pas tarder à emboîter le pas en réduisant les indemnités jusqu'à aussi peu que 75 % du revenu net (coupure radicale de 25 % par rapport au niveau antérieur, dans la plupart des provinces, de 75 % du revenu brut, c'est-à-dire l'équivalent du plein salaire puisque les indemnités ne sont pas imposables), en rendant les conditions d'admissibilité plus strictes et en instaurant des délais d'attente de deux et trois jours pour les indemnités.

Il est ironique que les commissions canadiennes des accidents du travail aient des réserves financières de l'ordre de milliards de dollars (celle de l'Ontario, par exemple, a un actif de 6,8 milliards $), mais que les employeurs soient pourtant parvenus dans certaines provinces à persuader le public et les gouvernements provinciaux que des changements radicaux étaient nécessaires pour «sauver le système».

Le passif non capitalisé est le manque à gagner entre l'actif actuel et les engagements financiers futurs. Contrairement aux régimes privés de retraite qui ont une période d'amortissement de 15 ans pour les engagements financiers, les lois sur l'indemnisation des travailleurs exigent le paiement immédiat. Puisque le régime d'indemnisation des accidents du travail est un monopole étatique obligatoire, il n'y a aucun danger que le système s'effondre. Il est logique d'exiger que les régimes privés de retraite soient entièrement capitalisés car une compagnie peut fermer ses portes, auquel cas aucune somme ultérieure ne sera injectée dans la caisse de retraite. Du point de vue des travailleurs blessés et invalides, toutefois, il est illogique de réduire les indemnités aujourd'hui pour assurer un financement intégral des engagements futurs parce qu'il y aura dans l'avenir des paiements des employeurs qui permettront de verser les indemnités futures aux travailleurs accidentés.

Dans le système canadien d'indemnisation des accidents du travail, le compromis historique entre le capital et la main-d'oeuvre a été conclu en 1914. Le président de la Commission royale d'enquête de l'Ontario, le juge en chef Meredith, a déclaré que l'indemnisation des accidents du travail serait fondée sur certains principes :

Aujourd'hui, ce système est en péril. Emboîtant le pas au Manitoba et aux quatre provinces de l'Atlantique, le gouvernement Harris en Ontario projette de transformer complètement le régime. La menace la plus grave est celle de la privatisation.

La privatisation ramènera l'indemnisation des accidents du travail à un système secret où les syndicats et les travailleurs n'auront pas accès aux plans convenus entre les employeurs et les compagnies d'assurance. Les appels ne seront plus entendus par des tribunaux indépendants, mais par les cours de justice. Puisque les compagnies d'assurance s'attendront à empocher des bénéfices substantiels, les employeurs exerceront des pressions encore plus fortes pour faire diminuer les prestations afin de réduire le coût de leurs cotisations.

Ayant la privatisation pour thème sous-jacent, un document de travail préparé par le gouvernement de l'Ontario propose de ramener les indemnités à 85 % (par rapport aux 90 % actuels), de rendre les prestations pour lésions attribuables au travail répétitif et maux de dos difficiles ou impossibles à obtenir, d'exiger que l'employeur assume les indemnités pendant les quatre à six premières semaines de chaque demande, d'éliminer l'indépendance du système d'appel et de modifier l'admissibilité à vie pour la ramener à un maximum de sept ans.

Nous devons lutter comme jamais auparavant contre ces modifications proposées. Notre mobilisation devra être ferme et efficace et nous devrons travailler en étroite collaboration avec les groupes de travailleurs blessés.

Et notre objectif à long terme devra être de remplacer le régime d'indemnisation des accidents du travail et les autres formes de régimes de rentes d'invalidité par un régime universel de prestations d'invalidité qui versera promptement et automatiquement des indemnités aux personnes atteintes d'une incapacité à court ou à long terme, peu importe la cause de cette incapacité.

L'ENVIRONNEMENT

Il y a clairement un lien entre la santé au travail et la santé environnementale. Bon nombre de nos risques environnementaux sont tout simplement des risques professionnels exportés du milieu de travail.

Si nous parvenons à remplacer les substances ou procédés actuels en milieu de travail par des substances ou procédés moins dangereux, nous protégeons à la fois les travailleurs et l'environnement. Si nous remplaçons des solvants dangereux comme le dichlorométhane ou le trichloréthylène par des solvants ou des procédés moins dangereux comme le savon et l'eau, les térébenthines ou le traitement au lance-glace, nous réduisons leurs effets nocifs sur la santé humaine aussi bien à l'intérieur qu'à l'extérieur du milieu de travail.

La prévention de la pollution requiert des solutions autres qu'un traitement en fin de procédé. Les problèmes de pollution doivent être réglés avant qu'ils ne se produisent, et non pas après.

Et tout comme la façon dont nous produisons, ce que nous produisons peut également avoir des répercussions profondes sur l'environnement. Si nous produisons, par exemple, des tracteurs plutôt que des tanks, nous réduisons les effets néfastes de la guerre sur l'environnement. Si nous produisons des véhicules qui sont alimentés à l'électricité ou à l'hydrogène et qui ne dégagent aucune émission, plutôt que de produire des véhicules dont le moteur est mû à l'essence, nous prévenons la pollution atmosphérique.

Mais ce n'est pas nous, en notre qualité de travailleurs et de syndicats, qui décidons de ce que nous produisons; ce sont les patrons. Les syndicats devraient-ils formuler des revendications pour réclamer des produits plus respectueux de l'environnement? Bien sûr, nous devrions le faire. Pourquoi ne devrions-nous pas contester le «droit» des patrons de nous dire ce que nous devons faire pour eux? Les revendications en faveur de produits plus respectueux de l'environnement protègent à la fois l'environnement et nos emplois puisqu'il y va de notre intérêt à long terme de fabriquer des produits que les consommateurs veulent et que les gouvernements imposent.

Dans le cadre de nos programmes d'éducation et de formation en santé-sécurité et sur les questions environnementales, nous négocierons un financement de l'employeur pour «le travail et l'environnement».

Retour à la page d'acceuil