PARTIE II LES REVENDICATIONS SYNDICALES 1996

Partie II – Les revendications syndicales

LA DURÉE DES CONVENTIONS

Nos conventions collectives actuelles varient en durée, mais s'étendent généralement sur trois ans. Les conventions de trois ans ont procuré aux entreprises l'avantage de la stabilité de la main-d'oeuvre. En échange, les employeurs ont accepté nos revendications visant la stabilité du revenu en consentant à des augmentations annuelles de salaire, à des rajustements trimestriels en fonction de l'inflation et à des garanties de revenu pendant les périodes de mise à pied temporaire. Les conventions d'une plus longue durée ont joué un rôle particulièrement important au Canada car nous n'avons ici, contrairement aux États-Unis, aucun droit légal qui nous permet de faire la grève pour quelque raison que ce soit pendant la durée d'application d'une convention collective.

Quatre tendances, dont chacune modifie les conditions de toutes les conventions collectives que nous avons signées, nous ont amenés à nous demander si ce compromis était toujours avantageux pour les travailleurs.

1. La tendance croissante des entreprises à restructurer unilatéralement le travail en ne tenant aucun compte des répercussions sur les travailleurs (p. ex., l'accélération de la cadence).

2. La tendance accrue des entreprises à supprimer unilatéralement des secteurs d'activité où le travail est actuellement effectué par les membres des unités de négociation (p. ex., par approvisionnement externe à rabais et par sous-traitance).

3. Des changements unilatéraux dans les lois et les normes régissant le travail qui minent les droits antérieurs des travailleurs et des syndicats (p. ex., les lois sur la santé et la sécurité, le travail supplémentaire).

4. Les changements unilatéraux apportés aux programmes sociaux qui ont aussi des répercussions sur les avantages sociaux négociés (p. ex., l'érosion de la Sécurité de la vieillesse, du RPC/RRQ et de l'assurance-chômage).

Dans ce contexte, notre objectif est de faire modifier les lois du travail afin que nous puissions faire la grève quand on porte atteinte à nos conditions de travail. Jusqu'à ce que cet objectif soit atteint, des arguments convaincants militent en faveur de la conclusion de conventions plus brèves. À moins que les clauses incluses dans les conventions de trois ans n'assurent une protection efficace contre les changements soudains apportés par le patronat ou les législateurs, nous allons nous diriger vers la conclusion de conventions d'un an.

LES SALAIRES ET LES HEURES DE TRAVAIL

Les salaires

Au cours des trois dernières années, la rémunération horaire moyenne dans l'ensemble de l'économie s'est accrue d'une fraction de 1 % par année et, même dans les principales conventions du secteur privé, les augmentations moyennes n'ont été que de 1,2 % par année. Ces augmentations, qui ne suivaient même pas le rythme du faible taux d'inflation, ont atteint un plancher record. Toutefois, les travailleurs du secteur de la fabrication s'en sont tirés relativement mieux que le reste de la population active et sont parvenus à obtenir des augmentations qui dépassaient légèrement l'inflation.

La stagnation du revenu des travailleurs contrastait avec l'accélération de la productivité dans nos lieux de travail, la remontée des profits et l'incroyable rémunération que des dirigeants arrogants se versaient à eux-mêmes. Autre facteur qui venait accentuer les frustrations, le fardeau fiscal imposé aux travailleurs n'avait pas pour but d'améliorer les services – on sabrait les services et les programmes –, mais allait plutôt servir à compenser les réductions d'impôt obtenues par les riches au cours de la dernière décennie et à verser de l'intérêt aux banquiers.

L'augmentation des salaires est l'une des dimensions d'une plus vaste lutte qui vise à assurer le partage de la richesse dans notre société et à façonner les priorités au service desquelles notre économie doit être mise. Nous n'admettrons pas les appels hypocrites à la modération lancés par des gens qui sont uniquement préoccupés par le maintien de leur situation privilégiée à nos dépens. Au printemps de 1996, certains indices laissaient entrevoir que les salaires pourraient enfin connaître de nouvelles augmentations appréciables.

Il n'y a aucune raison de changer la structure fondamentale de nos revendications salariales. Nous ne voyons aucune solution aux problèmes des travailleurs dans les «nouvelles» formes de paiement qui, en fait, minent nos taux de base (p. ex., les paiements forfaitaires) ou minent la solidarité des travailleurs (p. ex., les systèmes à deux paliers), ou qui dépendent du rendement de la direction (p. ex., le partage des bénéfices, qui à son tour mine également les taux de base et la solidarité). Nous continuerons donc de maintenir les clauses d'indexation des salaires sur le coût de la vie et d'en élargir la portée, et nous lutterons pour obtenir notre part des avantages découlant des améliorations de productivité, sous forme de facteurs annuels d'amélioration en sus de l'inflation.

Même si les salaires varient considérablement dans nos lieux de travail, nous avons essayé de limiter les disparités en insistant sur le besoin d'augmentations spéciales du salaire (et des avantages sociaux) des travailleurs les moins bien payés. En général, nous avons obtenu d'assez bons résultats comparativement aux autres pays et aux lieux de travail non syndiqués. Toutefois, alors que de plus en plus d'unités nouvellement recrutées se joignent à notre syndicat, et au moment où notre action s'étend à des secteurs où les salaires sont relativement inférieurs, l'écart entre les travailleurs devient plus manifeste. Le redressement de cette situation – grâce à l'appui global des ressources du syndicat et à la solidarité des membres – est l'une des dimensions de notre lutte générale pour l'égalité.

LA REDISTRIBUTION DU TEMPS DE TRAVAIL

Ce sont les entreprises qui structurent les heures de travail dans la société. Au cours des dernières décennies, elles se sont emparées d'une plus grande part de notre temps – collectivement, nous travaillons maintenant un plus grand nombre d'heures sans augmentation de ce que nous obtenons en retour. Et elles ont polarisé la répartition du temps de travail entre les employés : certaines personnes travaillent trop longtemps ou trop dur, tandis que d'autres n'ont pas de travail ou pas assez de travail. Cela a accentué les inégalités au sein de la classe ouvrière, intensifié les pressions exercées sur les travailleurs, réduit les possibilités de décrocher un emploi où les heures sont raisonnables et menacé la solidarité.

Les questions liées au temps de travail sont un aspect d'un plus vaste enjeu : le contrôle que nous exerçons sur notre travail. Elles chevauchent donc toutes sortes de préoccupations de la classe ouvrière. Étant donné l'accélération de la productivité, pouvons-nous gagner un revenu adéquat en vendant moins de travail, et conserver une plus grande part de notre temps pour le consacrer à notre famille et à nos amis, ou à lire, à nous instruire et à jouer un rôle actif dans la collectivité? Avec l'augmentation du nombre de femmes dans la population active (y compris les mères célibataires), pouvons-nous disposer d'une plus grande part de notre temps pour nous occuper des problèmes quotidiens (p. ex., obtenir des congés pour obligations familiales plus souples), ou la souplesse que les patrons exigent de nous pour avoir une meilleure liberté d'action est-elle la seule souplesse qui compte?

Cette souplesse exigée par les patrons a fait augmenter le nombre de travailleurs à temps partiel involontaires, qui obtiennent souvent des avantages sociaux moindres. Pouvons-nous mettre de l'avant un autre type de restructuration, une réorganisation du temps de travail de sorte qu'un plus grand nombre de ces emplois à temps partiel deviennent des emplois à temps plein normaux? Pouvons-nous trouver une façon de régler le problème des quarts de travail perturbateurs, comme les quarts brisés, ou la totalité du fardeau des inconvénients doit-elle forcément reposer sur les travailleurs? Au travail, pouvons-nous obtenir davantage de temps – durant chaque cycle de production aussi bien qu'à des intervalles précis au cours de la journée de travail – afin de nous remettre des pressions exercées sur nous par une direction qui oublie que nous sommes humains?

L'enjeu primordial actuel à propos du temps de travail, cependant, tourne autour de son lien avec les emplois. Personne n'a de réponse plausible à la question de savoir d'où proviendront les nouveaux emplois – pour les chômeurs actuels, pour les personnes sous-employées, pour nos enfants. Mais la création de débouchés par une réduction du temps de travail est quelque chose dont nous pouvons nous occuper directement nous-mêmes sans attendre des solutions d'autres intervenants.

Ce n'est pas que la redistribution du temps de travail réglera à elle seule la crise des emplois (elle ne le fera pas), mais le temps de travail devra être une composante essentielle de toute solution sérieuse à cette crise. Historiquement, la lutte concernant les heures de travail a joué un rôle déterminant dans l'édification du mouvement ouvrier. Mener cette lutte aujourd'hui, sous la forme d'un combat concret pour obtenir des emplois, représente l'une des façons d'établir des liens avec la collectivité, ainsi qu'avec les travailleurs non syndiqués et les chômeurs, liens qui seront essentiels pour la plus vaste mobilisation qui permettra de faire advenir le changement dans notre société.

Au cours des discussions préparatoires du présent Congrès, les militants et les membres ont souligné qu'une stratégie concernant le temps de travail destinée à créer de nouvelles possibilités d'emploi devrait comporter les éléments suivants :

1. Nous devons réduire le temps de travail de la population active qui travaille à temps plein.

La forme qu'adopteront ces réductions variera d'un secteur à l'autre et dépendra des préférences des travailleurs. Peu importe la forme qu'ils prendront, les congés ainsi obtenus devront vraiment être pris et il faudra obtenir des garanties pour faire en sorte que ces congés se traduisent vraiment par de nouveaux emplois.

En général, nous nous sommes bien tirés d'affaire pour ce qui est de l'augmentation des congés et des vacances au fil des ans. Nous avons aussi expérimenté de nouveaux types de quarts de travail comme le quart de fin de semaine (ou un troisième quart dans une usine d'assemblage) comme façons de limiter le travail supplémentaire potentiel, de réduire le nombre d'heures par travailleur, de créer de nouveaux débouchés et de fournir davantage d'options susceptibles d'être particulièrement attrayantes pour certains travailleurs. Contrairement aux cols bleus européens, cependant, nous n'avons fait aucune percée durable sur le plan de la longueur de la semaine ou de la journée de travail.

Les travailleurs allemands de la métallurgie ont ouvert la voie dans ce domaine et ont obtenu la semaine de 35 heures sans réduction de salaire, mais, comme les autres n'ont pas suivi le mouvement, ils sont en butte à de vives attaques. Le problème, ce n'est pas un manque de coordination à l'échelle internationale; la question est de savoir si nous internationalisons la lutte en faisant tout notre possible dans notre propre pays et en encourageant et soutenant ainsi les luttes à l'étranger.

2. Nous devons prendre les congés dont nous disposons déjà. Nous ne pouvons pas réclamer une réduction du temps de travail et, en même temps, ne pas prendre la totalité des congés que nous avons déjà négociés. Par exemple, chez Ford – et dans la plupart des autres lieux de travail –, les périodes de vacances négociées sont des périodes que tous les travailleurs prennent; chez GM et Chrysler, de nombreux employés travaillent pendant leurs périodes de congé. Pour en arriver à ce que les travailleurs prennent toutes les périodes de congé auxquelles ils ont droit, nous voulons : a) accroître le niveau de la paye de vacances; b) veiller à ce que l'augmentation des congés se traduise par de nouvelles possibilités d'emploi plutôt que par du travail supplémentaire ou une accélération de la cadence.

3. Nous devons réduire le travail supplémentaire.

Nous ne pouvons pas régler le problème des emplois si la réduction du temps de travail se traduit simplement par une augmentation du travail supplémentaire. a) Au minimum, le travail supplémentaire doit être traité comme une période de travail inhabituelle – comme un travail qui se fait «en supplément par rapport au travail ordinaire» – et être volontaire. Pour bon nombre de nos membres, c'est ainsi que le travail supplémentaire est traité. Mais ce n'est pas le cas chez les Trois Grands. Il est absurde qu'avec tous leurs discours sur les droits individuels, les compagnies et les gouvernements refusent de reconnaître un droit si évident (et il est stupéfiant que, même à notre époque, des compagnies comme GM et Ford et le gouvernement provincial de l'Ontario parlent d'accroître le travail supplémentaire obligatoire). b) Il ne devrait y avoir aucun travail supplémentaire pendant que des membres de l'unité de négociation sont en mise à pied. C'était un principe fondamental quand nous avons construit les bases du syndicat; ce devrait être encore un principe fondamental aujourd'hui. c) Nous devons limiter le travail supplémentaire actuel et transformer ces heures en emplois additionnels. Cela pourrait comprendre des mesures comme l'imposition de pénalités additionnelles aux compagnies pour le travail supplémentaire excessif ou l'attribution de congés compensatoires pour travail supplémentaire qui doivent être pris au cours des quelques mois suivants. Les pénalités ne devraient pas avoir pour effet d'augmenter les incitations au travail supplémentaire. Une façon d'y arriver consisterait à verser ces pénalités dans un fonds destiné à assurer une sécurité de revenu additionnelle lors des mises à pied; une autre solution pourrait consister à se servir des amendes pour payer des avantages sociaux additionnels ou même des congés additionnels répartis sur l'ensemble de la main-d'oeuvre.

Ces mesures, ainsi que d'autres, peuvent être mises en place selon des modalités qui ne minent pas la pleine utilisation d'installations coûteuses et n'entravent pas le travail supplémentaire d'urgence pour des motifs légitimes. Dans le cas de l'usine de mini-fourgonnettes Chrysler, par exemple, la réduction de la journée de travail à 7,5 heures – à un salaire correspondant à 8 heures – s'est accompagnée de la constitution d'une troisième équipe de travail et d'une augmentation de l'utilisation de l'usine.

Extrait de la première convention collective conclue entre les TUA et Ford au Canada (section locale 200) le 15 janvier 1942:

8. (n) Dans l'éventualité où il y aurait une réduction générale du nombre d'employés aux usines de Windsor, la règle suivante s'appliquera: En premier lieu - Les employés en période probatoire seront les premiers à être mis à pied. En deuxième lieu - Dans la mesure où ce sera raisonnablement possible, les heures de travail seront réduites à trente-seux heures par semaine, après quoi les mises à pied seront effectuées dans le respect du principe de l'ancienneté.

4. Davantage de temps de repos durant les heures de travail

Les pressions accrues exercées au travail ont soulevé les questions du temps attribué aux travailleurs durant chaque cycle de production, des pauses horaires et de l'augmentation des relèves quotidiennes en vue d'atténuer les effets de l'accélération de la cadence. Même si ces questions relèvent fondamentalement du domaine des conditions de travail, elles peuvent avoir tout autant d'influence sur la création de nouveaux emplois que les autres formes de réduction du temps de travail (p. ex., si le travail est réparti entre un plus grand nombre d'employés selon un système de relève à la chaîne).

5. Les temps libres, la retraite anticipée et les emplois

Les compressions annoncées dans les régimes publics de retraite et l'incertitude qui plane autour des autres réductions à venir pourraient amener les travailleurs à prolonger leur vie active. Cela entre en contradiction avec notre programme de retraite anticipée qui, en plus de son attrait foncier, a constitué un mécanisme de création de possibilités d'emploi pour les jeunes travailleurs (ou de limitation de leurs mises à pied).

Notre objectif premier est évidemment de lutter contre la disparition de notre régime public de retraite. Mais si les travailleurs en viennent à décider de rester plus longtemps au travail, une solution possible consisterait à mettre en place un programme de retraite progressive (nous en avons déjà un pour les employés des compagnies aériennes et nous mettons à l'essai quelques très modestes projets pilotes en ce sens dans l'industrie de l'automobile). Le principe de base de ce programme est de procurer aux travailleurs âgés une semaine de travail plus courte et un supplément de revenu jusqu'à ce qu'ils prennent leur retraite. Cela a des avantages pour le travailleur, cela peut aider à régler le problème des quarts brisés et cela crée de nouvelles possibilités d'emploi (si dix employés travaillent à mi-temps, cela pourrait créer cinq emplois additionnels à temps plein).

LA RESTRUCTURATION DES ENTREPRISES, LES EMPLOIS ET LA SÉCURITÉ

Les syndicats se sont normalement concentrés sur la négociation du prix du travail, des heures de travail et des conditions dans lesquelles nos membres travaillent. Toutefois, exception faite de la réduction du temps de travail, nous ne sommes généralement pas parvenus à influencer le nombre d'emplois dans nos lieux de travail.

Dans le passé, notre réaction première aux mises à pied et aux pertes d'emplois a été d'atténuer les conséquences subies par les travailleurs touchés en assurant des indemnités de départ plus élevées, un certain degré de prolongement du revenu et la sécurité des régimes de retraite. Dans l'industrie de l'automobile, nous avons établi comme principe que tout travailleur licencié aurait droit à une poursuite des avantages sociaux et à un certain niveau de revenu pendant au moins trois ans (c'est-à-dire, au-delà de la date d'expiration de la convention elle-même). Dans le secteur du transport ferroviaire, le degré de sécurité que nous avons négocié était encore plus grand, mais il a été miné par la restructuration et le saccage de notre réseau ferroviaire.

Lorsque la perte d'emplois s'est accélérée, nous avons élargi notre champ d'action afin d'essayer de protéger les jeunes travailleurs : nous avons négocié des programmes d'encouragement à l'intention des travailleurs âgés pour limiter le nombre de licenciements. Ces gains ont fortement contribué à atténuer les effets de la restructuration sur nos membres et leur famille. Mais ils n'ont pas réglé le problème du maintien des emplois convenables. Les questions du maintien du revenu et de l'aide à l'adaptation au fur et à mesure de l'évolution de l'économie demeureront toujours cruciales, mais nous devons maintenant aussi faire porter directement nos interventions sur les emplois.

L'APPROVISIONNEMENT À RABAIS PAR LES ENTREPRISES ET LA LUTTE MENÉE POUR GARDER LES EMPLOIS CONVENABLES

À une époque où ni les entreprises ni les gouvernements n'ont proposé une quelconque stratégie plausible d'augmentation du nombre d'emplois convenables, aucune lutte n'a plus d'importance pour les travailleurs que celle qui vise à au moins conserver les quelques emplois convenables que nous avons actuellement. L'accélération de la tendance des entreprises (et des gouvernements) à supprimer des emplois syndiqués convenables et à confier le travail à des fournisseurs chez qui les emplois sont généralement non syndiqués et s'accompagnent d'un salaire plus bas et de normes inférieures, est donc devenue une priorité clé dans tous les secteurs de notre syndicat. Ce mouvement d'approvisionnement externe à rabais se manifeste, par exemple, par le recours à des sous-traitants pour faire le travail des membres des corps de métier (voir la section du présent rapport sur les corps de métiers), ou le recours, par des entreprises du secteur des services, à des agences parasites de travail temporaire pour remplacer des employés recevant un salaire modéré par des travailleurs temporaires moins bien payés et ne bénéficiant d'aucun avantage social (voir la section sur les services). Dans tous les cas, s'attaquer à cette question signifie contester le droit «sacré» des patrons de restructurer «leur» lieu de travail comme bon leur semble.

"...la compagnie n'avait pas le droit de conclure un contrat avec des entrepreneurs de l'extérieur pour faire faire le travail auparavant effectué par des concierges membres de l'unité." (Décision d'arbitrage en faveur du syndicat, le 12 août 1957, section locale 525 des TUA et Studebaker-Packard Ltd.)

Les entreprises s'approvisionnent à rabais pour maximiser leurs profits, peu importe les conséquences pour les travailleurs ou la collectivité. Elles ont recours à ces stratégies pour trois raisons intimement liées :

i) Repli sur l'activité commerciale de base de l'entreprise :
Afin de concentrer leurs activités de recherche, leurs ressources financières et leur expertise en gestion sur leur activité principale (leur «activité commerciale de base»), les compagnies vendent, ferment ou confient à des sous-traitants leurs autres activités commerciales.

ii) Accès à la technologie :
L'approvisionnement externe peut être une façon d'avoir accès à de nouvelles technologies quand la compagnie ne peut pas ou ne veut pas mettre en place elle-même cette technologie.

iii) Réduction du coût de la main-d'oeuvre et affaiblissement des normes du travail :
L'approvisionnement externe entraîne souvent, mais pas toujours, le transfert du travail à des lieux non syndiqués et intensifie la concurrence entre des travailleurs qui veulent désespérément avoir un emploi.

L'approvisionnement à rabais nous vole nos emplois et, comme bon nombre des emplois qui disparaissent sont souvent des emplois avantagés (p. ex., les emplois autres que ceux de la chaîne de montage dans une usine d'assemblage), il accentue l'érosion de nos conditions de travail. Ce qui est tout particulièrement irritant à propos de ce genre de perte d'emplois, par opposition aux pertes attribuables à la robotique, à l'informatisation ou au fléchissement des marchés, c'est que les emplois ne disparaissent pas complètement et continuent d'exister – mais ce ne sont plus nos membres qui y travaillent.

Les éléments qui suivent résument notre attitude envers l'approvisionnement à rabais par les entreprises, la vente d'installations et le remplacement du travail pour des raisons technologiques :

1. L'approvisionnement externe pour les composantes et les services
existants :

Nous nous opposons catégoriquement à l'approvisionnement externe dans le but de contourner les normes du travail qui ont été élaborées et pour lesquelles les travailleurs ont lutté pendant des décennies. Quand une compagnie comme General Motors du Canada annonce qu'elle a réalisé des bénéfices plus élevés que toute autre compagnie dans l'histoire du Canada et qu'en deçà de quelques jours, elle annonce à ses employés qu'elle fait disparaître d'autres emplois pour pouvoir faire encore plus d'argent, il est temps de dire NON!

2. La vente de secteurs d'activité ou d'usines entières :
Nous n'acceptons pas qu'une entreprise ait le droit de vendre un secteur d'activité et le travail que nous y avons historiquement effectué. Dans les cas où nous ne pouvons pas empêcher l'entreprise privée de procéder à une telle vente, nous entendons conserver le travail au sein de l'unité de négociation et assurer la protection des travailleurs par la convention de plus vaste portée (p. ex., convention générale). En dépit du changement de propriété, le nouveau secteur d'activité demeure en réalité un «satellite» de l'ancienne compagnie et rien ne justifie que nous changions notre relation avec le travail ni avec la société mère.

3. L'approvisionnement externe pour des raisons technologiques :
Les entreprises avancent comme argument que l'approvisionnement externe est parfois inévitable parce qu'elles se retirent de certains secteurs d'activité ou ont besoin de faire appel à des fournisseurs pour avoir accès à de nouvelles technologies mises au point et contrôlées par d'autres entreprises. Mais :
a) pour que les belles paroles des employeurs sur leur engagement envers les travailleurs aient quelque crédibilité que ce soit, ils devraient réinvestir leurs bénéfices dans les technologies et dans l'expansion afin de conserver la plus grande quantité de travail possible;
b) si, en dernier recours, la compagnie s'approvisionne à l'extérieur pour ces raisons, elle doit garantir que (mis à part les répercussions de la réduction du marché) le nombre d'emplois sera maintenu pendant toute la durée de la convention;
c) à titre de pénalité pour toute sous-traitance de ce type, la compagnie devrait avoir à verser une prestation de reconversion calculée d'après le nombre d'emplois touchés même s'il n'y a aucune mise à pied (à l'heure actuelle, chez les Trois Grands, ces prestations entrent en jeu uniquement lorsqu'il y a des mises à pied).

Enfin, la compagnie doit donner au syndicat de l'information sur ses fournisseurs, leurs produits et ses projets à long terme d'approvisionnement externe afin que nous puissions surveiller les changements. Il y aura bien entendu beaucoup de zones grises alors que nous nous engagerons dans cette voie. Mais nous sommes résolus, en 1996, à faire en sorte que les travailleurs aient une voix au chapitre dans les plans de production des entreprises. Le principe de la «propriété du travail» par les employés ne sera plus passé sous silence.

LA SÉCURITÉ DU REVENU

L'assurance-chômage est le plus important programme de «sécurité du revenu» disponible pour la plupart des travailleurs. Ce régime, qui a eu une importance fondamentale pour les travailleurs non protégés par une convention collective, a aussi représenté un supplément extrêmement important pour bon nombre des programmes de sécurité du revenu que nous avons négociés. Cependant, encore une fois, nous nous retrouvons à devoir livrer une lutte contre l'érosion additionnelle de ce programme fondamental d'assurance sociale.

Si l'on songe aux congrès antérieurs, il est frappant de voir à quel point cette lutte a dû être livrée sans relâche. En 1984, nous nous préoccupions de la suppression de la norme variable d'admissibilité, des exigences déraisonnables de recherche d'emploi imposées aux prestataires pour des emplois qui n'existaient pas et de l'absence de protection pour les travailleurs qui ne parvenaient pas à trouver un emploi. En 1987, nous faisions nos observations sur les résultats de la Commission Forget, qui avait proposé des réductions draconiennes des prestations. En 1990, nos préoccupations premières à propos du régime d'assurance-chômage étaient axées sur les exigences plus rigoureuses imposées pour l'admissibilité, la réduction de la durée des prestations, les pénalités qui frappaient les employés quittant leur emploi sans «justification», de même que la perspective d'un abandon de tout financement du régime d'assurance-chômage par le fédéral. En 1993, notre attention s'est concentrée sur les érosions additionnelles engendrées par la réduction de tous les niveaux de prestations et le refus absolu de prestations aux personnes qui quittaient leur emploi sans «justification».

Aujourd'hui, en 1996, cette lutte se poursuit sans perdre de son intensité alors que nous faisons face à l'attaque sans nul doute la plus grave qui ait jamais été lancée par un gouvernement contre le programme de sécurité du revenu le plus crucial pour les Canadiens. Les changements proposés dans le projet de loi C-12 sont peut-être les plus troublants et les plus lourds de conséquences de toutes les «réformes» que l'on a faites jusqu'à présent du régime d'assurance-chômage. Les propositions comprennent les suivantes :

Les effets cumulatifs de la restructuration des entreprises et de l'érosion additionnelle du régime d'assurance-chômage continueront d'exercer des pressions extrêmement fortes sur le processus de négociation collective. Nos régimes de prestations supplémentaires de chômage ont généralement été conçus pour faire face aux mises à pied temporaires à court terme, et non pas aux licenciements massifs et aux fermetures qui se produisent si fréquemment depuis quelques années. Nous aurons à trouver des façons nouvelles et innovatrices de relever le défi que nous lance l'effet conjugué de la restructuration des entreprises et de la poursuite du démantèlement des programmes sociaux.

L'amélioration constante de nos programmes de sécurité du revenu a été un de nos objectifs fondamentaux lors de chaque série de négociations. Aujourd'hui, le principe est bien établi dans le secteur des Grands de l'automobile qu'une fois une convention collective signée, l'employeur est tenu d'assurer une sécurité du revenu pendant toute la durée de cette convention. Même si nous avons fait mettre ce principe en application dans l'industrie de l'automobile, nous sommes encore loin de le voir s'implanter dans d'autres secteurs. Les programmes qui permettent de prolonger la protection du revenu des employés ayant de longs états de service après l'épuisement des PSC sont courants uniquement chez les Grands de l'automobile; nous avons créé certains nouveaux programmes pour de petites unités auxquelles les structures du type des PSC ne se prêtent pas adéquatement, mais il reste beaucoup de travail à faire dans ce domaine.

En 1993, en prenant appui sur le succès du régime de sécurité des travailleurs chez les Trois Grands, nous avons considérablement amélioré ce programme en faisant mettre en place une allocation de retraite de 35 000 $ dans le cadre d'un programme d'encouragement destiné à inciter les travailleurs âgés à prendre leur retraite et à assurer un certain degré de sécurité d'emploi aux jeunes travailleurs. En outre, nous avons sensiblement amélioré la partie de ces régimes qui vise la cessation d'emploi. Ces programmes ont connu énormément de succès et ont permis de sauver les emplois de nombreux employés jeunes et moins anciens. Des composantes de ces programmes ont également été négociées dans d'autres secteurs, notamment plusieurs usines de pièces d'automobile.

Cependant, à cause des pressions qu'exercent la restructuration des entreprises et l'érosion continue du régime d'assurance-chômage, nous devons faire front à nos employeurs à la table de négociation pour nous assurer que les programmes de sécurité du revenu seront étendus et améliorés de telle sorte qu'ils parviennent à répondre aux besoins de nos membres. Nous devons :

LES PROGRAMMES D'ADAPTATION DE LA MAIN-D'OEUVRE

Puisqu'il n'y a toujours pas de programme gouvernemental approprié d'adaptation de la main-d'oeuvre et que l'on continue de détruire le programme fondamental d'adaptation de notre société, c'est-à-dire le régime d'assurance-chômage, nous devons continuer de veiller à ce que les employeurs soient tenus, aux termes des conventions collectives, de fournir des programmes adéquats d'adaptation de la main-d'oeuvre. Même si nous avons connu certains succès en ce qui a trait à la négociation d'un programme d'adaptation dans le cadre de certains contrats, cette question demeure prioritaire et nous y ferons face en appliquant le plan d'action suivant :

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