Plus de temps


pour nous-mêmes, nos enfants, notre communauté.

« Le catalyseur qui … a servi à donner naissance au mouvement syndical canadien, c’était … la revendication des travailleuses et travailleurs d’avoir une journée plus courte de travail. »
The Nine Hour Pioneers:
The Genesis of the Canadian Labour Movement
(Les pionniers de la neuvième heure : La genèse du mouvement syndical canadien)
John Battye

« Le travailleur de l’automobile … demande que les heures de travail soient progressivement réduites, proportionnellement aux augmentations de productivité réalisées grâce à la machinerie moderne.
Préambule du premier congrès statutaire des TUA
South Bend, Indiana Avril 1936

« Y aura-t-il des emplois pour nos enfants ?»

Après une récente réunion à l’une de nos salles de section locale, un travailleur au début de la quarantaine m’a arrêté pour me demander : « Y aura-t-il des emplois pour nos enfants ? » Il avait lu les journaux et avait entendu parler des nouvelles concernant une « relance sans emploi » – l’économie semble être en meilleure position, mais les experts nous avertissent de ne pas nous attendre à avoir davantage d’emplois à plein temps et convenables.

Il n’y avait pas de réponse facile à sa question. Même s’il y a de bonnes idées, et des politiques constructives proposées qui pourraient renforcer notre économie et fournir davantage d’emplois, il devient de plus en plus évident que cela ne suffira pas. Nous devons faire quelque chose de plus. Et ce quelque chose, c’est la réduction du temps moyen de travail de tous les travailleurs et travailleuses à plein temps, sans perte de salaire.

La question de la réduction des heures de travail a toujours été un élément fondamental des revendications syndicales. Depuis quelque temps, cet accent s’est toutefois évanoui. Pour les raisons qui comprennent pourquoi on doit s’inquiéter des « emplois pour nos enfants » – mais pour de nombreuses autres raisons discutées dans cette brochure – il est temps de remettre la question de la réduction des heures de travail encore une fois au programme national.

Le président des TCA-Canada
Basil « Buzz » Hargrove

À la fin de 1993, la GM va fermer ses chaînes de montage d’automobiles, à Oshawa pour les rééquiper. Lorsque les travailleuses et travailleurs reviendront au travail, on produira plus d’automobiles sur la chaîne de montage à chaque jour, mais avec 1 400 travailleuses et travailleurs de moins.

Récupérer notre temps

Pour les travailleuses et travailleurs, récupérer davantage de leur temps a toujours été un enjeu. Dans certains cas, c’était simplement une question d’avoir plus de loisirs personnels. Dans d’autres, cela représentait une revendication pour avoir plus de temps à consacrer à la famille. Cette revendication comprenait un désir d’avoir du temps pour lire, du temps pour l’éducation. Et une revendication pour avoir du temps, afin de s’acquitter de ses responsabilités de citoyens – du temps pour s’engager dans la politique locale, du temps pour participer au changement social.

En 1870, un Canadien travaillant dans le secteur manufacturier avait une semaine de 64 heures. Les membres des corps de métiers ont mené la lutte pour avoir moins d’heures de travail et des femmes de l’industrie du textile se sont jointes à eux et à d’autres journaliers. La réduction de la semaine de travail est devenue un point central du mouvement syndical, et à la fin de la Deuxième Guerre mondiale, la semaine de travail de 40 heures était généralisée.

Si cette tendance s’était poursuivie, nous aurions aujourd’hui une semaine de travail de 32 heures (par exemple, une semaine de quatre jours de huit heures par jour).

Au cours des années 80, la Northern Telecom a réduit le temps qu’il fallait pour produire un téléphone de 28 minutes à 6 minutes – une diminution de 79 p. 100 dans le temps de travail et moins d’emplois. Comme un membre le disait : « Prenez l’ancien téléphone à sonnerie – il est passé de 56 parties à une seule partie produite à l’étranger pour 50 cents. »

Les environnementalistes prétendent qu’afin de fournir à tout le monde un emploi, l’économie devrait connaître une croissance incroyablement rapide. L’environnement ne pourrait tout simplement pas supporter cela.

Le problème ne peut pas être réglé par la croissance seule. Une réduction des heures de travail doit faire partie de toute stratégie raisonnable de développement durable.

La réduction de la semaine de travail en Allemagne a créé 250 000 emplois, selon l’OIT, (un organisme international syndical–gouvernemental–patronal qui surveille les normes internationales). D’ici 1995, la semaine de travail de 35 heures sera la norme pour les membres d’IG Metal, (le plus grand syndicat en Allemagne), ce qui comprend les travailleuses et travailleurs de la Ford et de la GM. Cette réalisation est venue d’une campagne vigoureuse lancée par IG Metal au cours des années 80.

Le temps de travail et les emplois

La réduction du temps de travail ne crée pas plus de travail. Elle redistribue plutôt le travail existant de sorte que de nouvelles ouvertures d’emplois soient créées ; certaines personnes ont plus de temps libre, d’autres obtiennent la chance de travailler.

Au lieu d’avoir des impôts plus élevés pour ceux qui travaillent, afin de soutenir ceux qui sont incapables de se trouver un travail, il y aurait davantage de personnes qui travailleraient et partageraient ainsi la charge fiscale.

Une travailleuse ou un travailleur moyen aujourd’hui produit trois fois ce qu’il produisait il y a un demi-siècle. Cela crée le potentiel d’avoir plus de loisirs avec le même salaire, mais les seuls « loisirs » que nous voyons augmenter, ce sont ceux du chômage. Pourquoi ne pas réduire le travail effectué par les travailleuses et travailleurs à plein temps, de sorte qu’il y ait plus de travail disponible pour d’autres ?

Avec chaque travailleuse et travailleur produisant tellement plus aujourd’hui, nous pouvons avoir une réduction dans nos heures sans une réduction de salaire. Cela signifie qu’en s’attaquant d’abord aux employeurs, on pourrait obtenir une plus large part de ce que nous produisons. Et, deuxièmement, cela signifie changer nos propres priorités et prendre plus de ce que nous pouvons gagner de nos employeurs sous la forme d’heures réduites de travail.

« L’industrie et le gouvernement ont tous les deux admis qu’il existe maintenant un besoin indispensable de réduire les heures de travail au Japon, pour améliorer la qualité de la vie. »
Automotive News Le 16 mars 1992

Les heures de travail et la famille

Le gagne-pain « typique » des années 50 est tout simplement disparu. Aujourd’hui, le père et la mère de famille vendent maintenant plus de leur main-d’œuvre totale que jamais auparavant, afin de joindre les deux bouts. Un grand nombre de familles monoparentales vivent au bord du seuil de la pauvreté.

Une étude canadienne a indiqué qu’une famille doit travailler entre 65 et 80 heures par semaine aujourd’hui, tout simplement pour avoir le même niveau de vie qu’un seul gagne-pain fournissait au cours des années 70, en travaillant 45 heures par semaine.

La vente additionnelle de la main-d’œuvre à l’extérieur du foyer exerce des pressions additionnelles sur la famille : où prendre le temps qu’il faut pour les travaux quotidiens, pour prendre soin des enfants malades, pour prendre soin des vieux parents ? L’enjeu qui se présente ici, c’est d’avoir plus de temps à l’extérieur du travail pour traiter ces faits de la vie quotidienne, et plus de souplesse pour obtenir du temps quand on en a besoin.

En Suède, l’accent principal de la réduction des heures de travail n’a pas été les emplois, mais les besoins sociaux des travailleuses et travailleurs. En plus des 18 mois payés de congé parental, les travailleuses et travailleurs ont droit à 90 jours payés par année pour les responsabilités des soins des enfants. De la même façon, les travailleuses et travailleurs ayant des enfants d’âge préscolaire doivent se faire accorder le choix d’un travail à temps partiel.

En Europe, les travailleuses et travailleurs ont généralement un mois de vacances légales






Vacances annuelles (en semaines) après un an de service La semaine de travail (en heures) Les congés familiaux (en semaines) (% d'âge de la rénumération)
Pays Par convention Par Convention Grossesse Parental
Allemagne 5,5-6 35-40 14 (100%) 78 (partiel)
Danemark 5 35-37 18 (90% jusqu'au maximum) 10 (90% jusqu'au maximum)
Espagne 4,5-5,5 37-40 16 (75%) 52 (non payées)
France 5-6 (5 semaines légales 35-39 16 (84%) 3 ans (non payés)
R-U 4-6 35-39 40 (6 sem. + 12 sem. partielles) néant
Italie 4-6 36-40 20 (80%) 26 (30%)
Suède 27-40 jours (5,5 semaines légales) 35-40 78 au total, 90% maximum plus 90 jours payés de responsablilité de soins aux enfants
Canada 2-3 semaines (varie selon les provinces 40 (moins de 40 dans le bureaux) 17% (57%) 24 (10 sem. à 57%)

Les heures de travail et le développement personnel

On ne peut pas lire un journal, ni écouter un économiste parler de l’avenir de l’économie, sans être bombardé par le besoin désespéré d’une plus grande « formation » de la main-d’œuvre.

On peut contester jusqu’à un certain point les revendications faites au sujet des avantages de la formation – la formation, en soi, ne nous fournira pas plus d’emplois, ni ne règlera nos problèmes économiques. Nous devrions toutefois aussi profiter de la discussion autour de cette question, pour insister en faveur d’un programme qui développe les qualifications, les capacités, les options et la confiance des travailleuses et travailleurs. Le dossier du Canada pour fournir du temps de formation à sa main- d’œuvre le place très du plancher parmi les grands pays industrialisés.

Nous avons, par exemple, des normes minimales sur le droit à des vacances annuelles payées chaque année. Pourquoi ne pas légiférer sur le droit pour tous les travailleurs et travailleuses d’avoir une semaine de congé pour l’éducation et la formation à chaque année ? Comme le temps de vacances, cela créerait certains emplois, alors que des travailleuses et travailleurs qui seraient absents devraient être remplacés. Cela s’attaque toutefois aussi à un besoin précis et représente un investissement dans l’avenir de notre société.

Étudions un autre exemple. Tout le monde aime parler du besoin d’amener les travailleuses et travailleurs à « s’engager » davantage dans leurs lieux de travail et de leur donner « l’accès au pouvoir ». Habituellement, cela porte davantage sur le fait d’obtenir que les travailleuses et travailleurs s’identifient avec les problèmes de l’entreprise, plutôt que de faire quelque chose pour les travailleuses et travailleurs.

Pourquoi pas, grâce à des négociations ou à une législation, ne pas gagner toutefois un « droit de savoir » pour les travailleuses et travailleurs ? Chaque jour, les employeurs devraient fournir du temps payé aux travailleuses et travailleurs exigeant des renseignements précis ; des qualifications informatiques, l’anglais ou le français comme langue seconde, la santé et la sécurité, une mise à jour syndicale, une planification de la retraite et des plans patronaux en fonction de l’avenir. Encore une fois, cela créerait de nouvelles ouvertures d’emplois pour remplacer ceux qui seraient à l’extérieur du travail, tout en traitant également les travailleuses et travailleurs comme étant autre chose qu’une simple denrée qui vendent leur main-d’œuvre.

Des formules de réduction des heures de travail sans perte de salaire :

Un programme de formation d’une journée par mois pour les travailleuses et travailleurs du transport aérien créerait 300 emplois additionnels, dans une main-d’œuvre de 6 000 personnes.

Neuf congés personnels payés (CPP), par exemple, chez les grands de l’automobile fourniraient environ 2 500 ouvertures d’emplois.

Qu’avons-nous réalisé chez les TCA ?

• La disposition de « travailleuses ou travailleurs de week-end » à la 3M de London, Ontario, fournit 40 heures de paie et des avantages sociaux complets pour une équipe de week-end de 12 heures. La disposition reconnaît les heures « insociales » du travail de week-end.

• Quatre week-ends prolongés chez les Trois Grands fabricants d’automobiles fournissent aux travailleuses et travailleurs des week-ends de 4 jours.

• Une prime de vacances de 500 $ permet aux travailleuses et travailleurs d’amener leur famille en vacances.

• La retraite après « 30 ans de service » et les rentes indexées donnent aux travailleuses et travailleurs âgés l’occasion de prendre une retraite anticipée avec une sécurité du revenu.

• Nous avons négocié, à Air Canada et aux Lignes aériennes Canadien, une mise à la retraite progressive, permettant aux travailleuses et travailleurs de recueillir une rente de retraite anticipée, tout en travaillant à temps partiel jusqu’à l’âge de 65 ans. (Sa mise en vigueur a été retardée par des obstacles législatifs qui sont maintenant en train d’être surmontés.)

Notre syndicat peut être fier de nos réalisations sur la réduction des heures de travail

• En 1984, nous avons négocié une sanction pour décourager le travail supplémentaire excessif chez les Trois Grands fabricants d’automobiles. L’entreprise paie dans un fonds collectif qui sert à fournir un soutien de revenu aux travailleuses et travailleurs mis à pied.

• Une allocation d’absence payée fournit aux travailleuses et travailleurs la souplesse d’utiliser des temps de vacances négociés en blocs de 4 ou 8 heures, pour s’occuper des besoins quotidiens.

• Des fermetures prolongées à Noël sont devenus généralisées dans nos conventions collectives.

Du temps de congé et la solidarité

SI chaque travailleuse ou travailleur est tellement plus productif que jamais auparavant ;

SI chaque famille contribue maintenant plus d’heures à l’économie que jamais auparavant ;

SI tant de personnes sont sans emploi ou sous-employées et recherchant désespérément des emplois convenables ;

SI un besoin existe d’avoir plus de temps à l’extérieur du travail pour s’occuper des besoins familiaux ;

SI nous voulons nous développer comme travailleuses et travailleurs, et comme citoyennes et citoyens…

ALORS pourquoi ne pouvons-nous pas faire la chose évidente et logique : réduire les heures de travail pour ceux qui travaillent à plein temps ?

La simple réponse, c’est que le monde des affaires veut conserver plus de notre temps de travail pour leurs propres profits, alors que nous n’avons ni l’engagement envers cette question, ni le pouvoir de reprendre un certain contrôle sur notre propre temps. Si nous voulons réellement nous attaquer à cette question, nous ne pouvons pas le faire sans élargir notre appui en faveur d’une réduction des heures de travail.

Peut-on mobiliser les gens autour de la réduction des heures de travail ?

Notre propre histoire suggère un « Oui ! » énergique. L’histoire du mouvement syndical est, dans un sens très concret, une histoire de la lutte pour des heures de travail réduites.

La réduction des heures de travail a été, et particulièrement dans les circonstances d’aujourd’hui, une question autour de laquelle on a édifié la solidarité entre nos propres membres et les sans-emploi, avec les organisations de femmes et avec les environnementalistes, et avec les jeunes qui font face à tant d’incertitude.

Il est temps d’avoir un débat national sur la réduction des heures de travail

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