Comment la superviseure peut-elle nouer et entretenir de bonnes relations avec le personnel?

par Barbara Kaiser et Judy Sklar Rasminsky

Une des principales priorités d'une garderie est de faire en sorte que les gens y soient heureux, tant le personnel que les enfants. De bonnes conditions de travail sont essentielles, mais il faut aussi considérer le facteur humain. Pour former une équipe efficace, les membres du personnel doivent bien s'entendre. Si ce n'est pas le cas, ils s'attachent à leurs problèmes, le moral peut chuter et la tension peut finalement se refléter sur les enfants.

Il revient à la superviseure ou à la directrice de maintenir une atmosphère et un équilibre agréables entre les différentes personnalités de la garderie : une des responsabilités les plus difficiles à assumer.

Le travail commence, bien sûr, par le recrutement. Chaque fois que vous recrutez une nouvelle éducatrice, essayez de choisir une personne susceptible de s'intégrer à l'équipe en place. Après l'entrevue, faites participer vos éducatrices au processus en invitant vos candidates les plus prometteuses à venir travailler une journée à la garderie. Ainsi, tout le monde verra comment elles interagissent avec les enfants et le personnel. Ensuite, demandez séparément à chacune de vos éducatrices comment elle évalue la performance des candidates. La candidate était-elle à la bonne place au bon moment? A-t-elle parlé aux enfants avec chaleur, compréhension et respect? A-t-elle appris quelques noms? A-t-elle posé des questions pertinentes? Était-elle prête à aider quand on lui demandait? Est-ce qu'elle semblait savoir quoi faire ou avait-elle besoin d'orientation? Le fait de solliciter la contribution de vos éducatrices à un processus qui les touche directement, les incite à veiller à ce que le nouvel arrangement fonctionne. Il va sans dire que la décision finale vous revient.

Vous pouvez aussi faciliter les relations amicales entre les membres du personnel en instaurant des politiques écrites et claires. Lorsque vous recrutez une nouvelle éducatrice, demandez-lui de signer un contrat et donnez-lui une trousse contenant sa description de poste, les politiques du personnel de la garderie (avantages sociaux, vacances, politique relative aux congés de maladie, procédures d'évaluation, etc.) ainsi qu'une description de la philosophie de la garderie et la façon dont on l'applique (discipline, règlements de la garderie, communication parent-éducatrice). Plus on pense à ces points et qu'on rédige un document à cet effet, meilleures seront les chances de bonne entente entre les membres du personnel.

Toutefois, même les pratiques de recrutement les plus prudentes ainsi que les politiques et les procédures les plus claires ne peuvent entièrement prévenir la discorde. De temps en temps, vous rencontrerez un membre du personnel décidé à semer la zizanie à la garderie. C'est immanquable!

Vous aurez peut-être de la difficulté à repérer cette personne au début. Un comportement perturbateur peut être très subtil. Les intervenantes en garderie, foncièrement des éducatrices, rapportent rarement les problèmes existant entre les membres du personnel. Alors, comment reconnaître un membre difficile parmi le personnel?

Voici certains des signes révélateurs :

elle accueille négativement toutes les décisions de la superviseure et exprime son insatisfaction directement ou dans votre dos;
elle veut toujours recevoir des compliments, mais en fait rarement;
elle s'attribue le mérite pour des choses qu'elle n'a pas faites;
elle décourage les autres éducatrices d'essayer de nouvelles approches, disant que la superviseure ne pourrait jamais être d'accord;
elle blâme les autres pour ses propres défauts;
elle ne fait pas sa part (arrive en retard ou non préparée, n'accomplit pas les tâches quotidiennes normales);
elle a tendance à rivaliser plutôt qu'à coopérer (collecte et cache du matériel pour ses propres projets, garde ses bonnes idées pour elle, met l'accent sur la reconnaissance personnelle plutôt que sur le succès de la garderie en général).

Ce genre de comportement sème la méfiance parmi les membres du personnel ou entre eux et la directrice. Comment une superviseure peut-elle mettre un terme à ce comportement exaspérant et démoralisant pour que tout rentre dans l'ordre.

Passez du temps avec les enfants et le personnel dans la salle de jeux, l'aire de repos, la salle de bain, les aires de jeux extérieures et pendant les périodes de transition. Cette responsabilité de la superviseure est souvent reléguée aux oubliettes à cause du travail de bureau, mais elle devrait constituer une de vos plus grandes priorités. Déterminez quel travail administratif peut attendre et planifiez de passer une partie de chaque journée à observer ce qui se passe dans la garderie afin de comprendre le déroulement des événements et leurs conséquences.
Notez ce que vous observez et essayez de rencontrer chaque membre du personnel au moins une fois par mois pour en discuter. Si une amélioration s'impose dans un domaine, mettez vos objectifs par écrit et demandez à l'éducatrice de signer le document pour indiquer qu'elle comprend, qu'elle est d'accord et qu'elle accepte de faire quelque chose à cet égard.
Même quand tout va merveilleusement bien, ne négligez pas cette routine. C'est la meilleure façon de savoir comment votre personnel affronte le stress physique et émotionnel quotidien lié au travail en garderie.
Encouragez vos éducatrices à être fières de leurs projets et du développement de leurs enfants et félicitez-les chaque fois qu'elles le méritent. Des problèmes surviennent souvent parce qu'une éducatrice se sent insécure, sous-estimée et exploitée -- une situation endémique dans le milieu de la garde à l'enfance où les salaires et les avantages sociaux sont souvent inadéquats. Même si nous, qui oeuvrons dans le domaine, savons à quel point notre travail est important, la société en général ne reconnaît pas encore sa signification. La superviseure en garderie a donc la responsabilité tacite de combler tous les jours cette lacune et faire en sorte que les membres du personnel se sentent apprécier et valoriser pour leur expertise et leur talent.
Aidez votre personnel à reconnaître leurs réalisations mutuelles en émulant vous-même ce comportement. À l'occasion de réunions du personnel, prenez le temps de dire : «Diane, j'aime vraiment la façon dont tu as transformé le coin domestique en boulangerie et le fait que les garçons aient commencé à participer.» Si vous parlez la première, vous donnez le ton pour qu'une éducatrice dise à une autre : «Merci de m'avoir aidé avec Philippe aujourd'hui. Je ne savais vraiment plus quoi faire et ta présence a vraiment fait la différence.»
Une fois que vous découvrez un problème, solutionnez-le avec équité et discrétion. Les membres du personnel remarquent très bien les injustices ou les iniquités. Si vous êtes injuste ou ignorez quelqu'un, les membres du personnel pourraient se défendre l'un l'autre ou se tourner les uns vers les autres pour du soutien, ce qui ne ferait qu'augmenter la tension et le ressentiment.
Une communication ouverte et honnête est essentielle. Quand un problème subsiste entre deux personnes, encouragez-les à s'en parler directement. Si les personnes concernées trouvent cette approche difficile, rencontrez-les ensemble pour les aider à résoudre leurs différends. Laissez parler tout le monde, écoutez attentivement, soyez objective et établissez des objectifs mesurables et concrets. Le fait de trouver une solution commune et dont on peut mesurer le succès facilite la collaboration.
Assurez-vous d'expliquer vos décisions de façon à démontrer que vous avez analysé les points de vue de tout le monde. («J'ai réfléchi à ce que chacune d'entre vous a dit et je crois que telle ou telle chose serait dans le meilleur intérêt de l'enfant.»)
Une solution rapide est de rigueur si un problème que vous éprouvez avec une éducatrice semble mettre en danger la sécurité et le bien-être des enfants. Le contrat de l'éducatrice doit inclure une clause qui vous permet d'agir rapidement et efficacement.
Quand toutes les tentatives pour résoudre le problème échouent, la cessation d'emploi peut se révéler la seule solution. Même s'il est relativement facile de licencier une employée pendant la période probatoire, il faut respecter scrupuleusement par la suite, les procédures exigées par votre province. Que votre garderie soit syndiquée ou non, les employées sont protégées par la loi et peuvent intenter une poursuite si vous ne respectez pas les règlements provinciaux. Il est important de documenter dès le départ et avec minutie tous les événements et toutes les conversations.
Quand vous congédiez une éducatrice ou demandez à l'une d'entre elles de démissionner, préparez-vous à une vague de méfiance de la part du reste de votre personnel qui pourrait se demander qui sera votre prochaine victime. Il est difficile de les rassurer parce que vous devez respecter en tout temps un code de confidentialité relativement aux questions de ressources humaines. Même si vous êtes très tentée de divulguer les détails, vous ne pouvez pas dévoiler à votre personnel les raisons du congédiement de Patricia, même si les rumeurs les plus fantaisistes circulent. Étant donné que vos employées ne savent pas exactement pourquoi vous avez agi ainsi, elles sont très mal à l'aise, particulièrement au début. Rendez-vous disponible pour leur parler et les appuyer dans le cadre de leur travail. Il faut faire preuve de professionnalisme et respecter les règlements. Avec le temps, elles réaliseront que votre action était justifiée et que leurs postes ne sont pas en danger. Elles apprécieront ensuite le fait que vous ayez gardé confidentielles les questions à caractère privé et vous respecteront pour avoir accordé la priorité aux besoins de la garderie.

Barbara Kaiser est fondatrice et directrice de la garderie Narnia et du Westmount Park School-Age Program à Westmount au Québec. Barbara et l'auteure Judy Sklar Rasminsky sont les co-auteures de «À qui confier la garde de votre enfant?».

Cet article a paru Interaction (hiver 1994),
publié par la Fédération canadienne des services de garde à l'enfance. Affiché par la Fédération canadienne des services de garde à l'enfance, septembre 1996.