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Nouvelle époque, nouveaux pères

par Betsy Mann

Les temps ont changé. Les hommes poussent les poussettes, portent le sac à couches au parc, choisissent les livres pour les petits à la bibliothèque, apportent les gâteaux à la vente de pâtisseries à l'école. Les hommes ne limitent plus leur rôle dans la famille au paiement des factures. Comment les programmes de ressources pour la famille s'adaptent-ils à ces nouveaux rôles masculins? Les pères ont- ils différents besoins en matière de services que les mères?

Guy Lacasse est un père au foyer avec ses enfants, un pourvoyeur de services de garde en milieu familial et président du CA de la Coopérative Carrousel à Ottawa. Il y a trois ans, à sa première visite à ce centre de ressources, il a trouvé quelque peu intimidant ce monde majoritairement féminin. Il s'est vite aperçu, par contre, qu'il éprouvait les même besoins que les mères au foyer avec leurs enfants: de prendre contact avec d'autres adultes et de fournir à ses enfants une occasion d'essayer de nouveaux jouets en compagnie de leurs pères. Il affirme, "Il y a quelques autres pères qui fréquentent Carrousel; je me sens à l'aise maintenant et les femmes m'acceptent."

Quand il a commencé à utiliser le Parent Resource Centre, Ross Imrie faisait son début comme père au foyer en même temps qu'il s'adaptait à une nouvelle ville. De dire Ross, "J'ai dû apprendre à me débrouiller à Ottawa en hiver avec une fille de trois ans! Je voulais m'informer autant que possible sur mon nouvel emploi. L'animatrice s'est montrée très compréhensive et compatissante. Les gens étaient sympathiques; nous jasions de nos enfants. Je me suis servi de la joujouthèque et j'ai lu tous les livres."

Ces commentaires ressemblent à ce que les femmes disent des programmes de ressources pour la famille. Si Ross et Guy représentent la norme, on pourrait croire qu'aucun service spécial n'est requis pour les hommes. Mais évidemment, ils sont des exceptions: ils définissent la garde des enfants comme étant leur premier emploi. La plupart des hommes qui gardent leurs enfants ont un autre travail à temps partiel, ou ils "bouchent un trou" pendant une période de chômage temporaire.

À Ottawa, une animatrice de portes-ouvertes, Mary Gallagher, remarque que les hommes se joignent rarement aux femmes qui causent auprès des aires de jeux. "C'est à moi que les hommes demandent des renseignements plutôt que d'entrer dans le réseau des autres parents et gardiennes. Ils passent leur temps en interaction avec leurs enfants, se mettant par terre à leur niveau. Ou ils apportent leur journal pour lire." Sur la côte ouest, à trois mille kilomètres de distance, Val Mayne constate le même phénomène au Burnaby Family Place: les hommes cherchent une place bien équipée pour jouer avec leurs enfants ou ils veulent prendre un moment de répit. Leurs besoins de contacts adultes sont satisfaits ailleurs.

Benoit LeBlond s'occupe de ses enfants deux jours par semaine. Sa femme, Monique, amène les enfants à la Coopérative Carrousel de temps en temps lors de ses journées à la maison. Lorsqu'il a assisté à la fête d'Halloween, il a apprécié que le personnel se soit efforcé de le mettre à l'aise et il était content d'y voir d'autres hommes. Le soir, avec Monique, il prend un cours de formation de parents à Carrousel. Le groupe compte trois autres couples. "J'assiste parce que je veux entendre les informations de vive voix et en tirer mes propres conclusions. Je veux apprendre mon propre style d'être parent."

Les dépenses de gardienne deviennent vite inportantes quand les deux parents suivent un cours de huit semaines. Au Burnaby Family Place, les ateliers ponctuels d'un soir s'avèrent plus populaires. Il est vrai qu'un réseau d'entraide se bâtit mieux dans un groupe qui se réunit plusieurs semaines de suite. Mais si la clientèle ne peut s'engager qu'à une soirée à la fois, reconaissons cette contrainte: un tiens vaut deux tu l'auras. À Burnaby, environ le quart des participants sont des hommes; la plupart s'inscrivent avec leur conjointe. Val Mayne remarque que les hommes participent moins quand ils sont accompagnés de leur femme, la première responsable des soins aux enfants. Ils semblent déférer à son autorité dans le domaine.

Selon Colette Thibaudeau, travailleuse sociale qui écrit dans un numéro récent du Magazine Enfants Québec, "Les hommes veulent prendre leur place auprès des enfants à partir de ce qu'ils sont. Ils tiennent à définir eux-mêmes la place qu'ils veulent prendre. Ils ont besoin de se dire entre eux 'comment' ils veulent être pères."

Benoit LeBlond est d'accord. "Le cours de formation de parents est utile, mais nous avons besoin de nous rencontrer entre hommes pour valoriser nos propres connaissances. Nous avons quelque chose à donner aussi, et nous pouvons bâtir sur notre expérience comme pères." Le défi consiste à redéfinir le rôle du père à - ce qu'il est et ce qu'il fait - maintenant que le rôle de seul pourvoyeur s'estompe. Souvent cette nouvelle génération ne peut pas se baser sur l'exemple de leur propre père. Comme Benoît l'exprime, "Mon père comprend que je passe plus de temps avec mes enfants. Lui-même a une soif de vivre cette expérience qu'il n'a pas eue à cause de son travail. Mais du point de vue de sa génération, il éprouve des sentiments mitigés face à ma décision de travailler à la pige en accordant une plus grande priorité à mon temps avec ma famille."

Discuter de sa paternité quand les femmes sont présentes semble à être intimidant. On présume que les femmes, de nature, connaissent les enfants, donc leur jugement sera nécessairement meilleur. (Peut-on comparer: les hommes, de nature, connaissent les autos, donc ils doivent savoir la cause du bruit dans le moteur?)

Un certain nombre de centres de ressources pour la famille reconnaissent le besoin de fournir des occasions pour les hommes de se retrouver ensemble comme pères. À Weyburn, Saskatchewan, The Family Place réserve deux heures à tous les deux ou trois samedis pour un programme qui s'appelle "Juste moi et mon papa". En fait, tous y sont les bienvenus, mais jusqu'à date les participants ont été surtout des hommes. Ils se servent de la salle d'une façon différente que les femmes. Comme Mary Gallagher à Ottawa, Diane Farney à Weyburn trouve que les hommes viennent jouer avec leurs enfants: "Ils se servent de l'équipement de grosse motricité pour des jeux mouvementés." La recherche dans le domaine révéle, effectivement, que les hommes jouent de façon plus physique que les femmes, et ce depuis le plus tendre âge de leurs enfants. Dans un groupe de pères, les hommes sont plus à l'aise de manifester cette préférence.

"Nous avons besoin de nous rencontrer entre hommes pour valoriser nos propres connaissances."

Benoît LeBlond

Plusieurs hommes qui essaient de redéfinir leur rôle sont en quête de semblables avec qui partager leur recherche. Les rencontres faites durant un programme de "Papa et moi" le samedi matin mènent parfois à des rencontres en dehors du centre. Tel fut le cas pour un groupe à Vancouver est; les pères ont continué de se retrouver au pub. Un centre peut également fournir un lieu de rencontre pour un groupe formé dans la communauté. The Burnaby Family Place loue une salle de réunion pour une somme modique au Men's Evolvement Network, un groupe d'entraide pour hommes. Le même centre dessert un groupe de pères qui s'intéressent aux questions de la garde légale et des droits de visite.

Glenn Cheriton est conseiller en matière de la condition masculine et paternelle. Il croit fermement que les hommes ont besoin d'autres hommes pour apprendre comment vivre leur paternité. Ce ne sera donc pas dans l'ambiance plutôt féminine d'un centre traditionel de ressources pour la famille qu'ils combleront ce besoin. Il souligne que les hommes sont préoccupés par leur rôle de père surtout au moment d'un divorce alors qu'ils risquent de perdre contact avec leurs enfants. Ils auront lieu de croire qu'ils ne trouveront pas chez les femmes la compréhension qu'ils recherchent.

Le rôle de parent comporte différentes attentes pour les hommes que pour les femmes. Les pères veulent s'engager dans la vie de leurs enfants, et les centres de ressources pour la famille peuvent les aider à définir comment ils veulent le faire. Le défi est de planifier un programme qui réponde à leurs besoins spéciaux.

Article rédigé par Betsy Mann

Le Docteur John Hunsley de l'Université d'Ottawa vous suggère cette liste de ressources à l'Internet.


Cet article a paru dans Play and Parenting Connections (automne 1995),
publié par l'Association canadienne des programmes de ressources pour la famille.
Affiché par l'Association canadienne des programmes de ressources pour la famille, septembre 1996.


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