Retour à l'index

Raconter des histoires dans les salles de classe en DPE

par Allen Murray and Sandra Beckman

Le présent article fournit des réflexions sur le fait de raconter des histoires dans les programmes de développement de la petite enfance (DPE). L'auteur, Allen Murray, chargé de cours en DPE au Yukon College, a recours aux services d'une conteuse traditionnelle dans son cours Principes fondamentaux de l'éducation de la petite enfance. Sandra Beckman est coordonnatrice du programme en DPE au même collège.



Au sens traditionnel et moderne, la conteuse crée l'environnement pour servir de fond à son histoire. Même si elle a besoin d'une bonne histoire au départ, nous savons tous que l'histoire ne se transmet pas seule. La conteuse travaille avec l'histoire et utilise l'environnement pour l'aider. Elle est importante parce qu'elle utilise l'imagination et la capacité de conceptualiser de l'auditeur pour recréer l'histoire. Les images mentales sont uniques et différentes pour chaque personne. Les meilleures conteuses rendent difficile pour l'auditoire de faire la différence entre le réel et l'imaginaire.

La chargée de cours peut améliorer l'histoire tant pour l'étudiante que pour la conteuse en créant un environnement suggestif ou en utilisant un ou deux accessoires pour capter l'imagination de l'individu. Par exemple, pour son premier cours en Principes fondamentaux de l'éducation de la petite enfance, Allen Murray invite une conteuse traditionnelle à parler de l'histoire de la création à partir de l'histoire orale. Il prépare l'activité en utilisant des accessoires simples pour simuler une caverne. On place un foyer de fortune au centre de la pièce qui se trouve dans la pénombre. Les étudiantes entrent dans la pièce par un petit tunnel fait de bâches et de couvertures. On leur souhaite la bienvenue dans «la première salle de cours» - une caverne en France il y a plus de 7 000 ans.

La technologie remplace de plus en plus les interactions et moyens d'expression artistiques humains. Au moment où la technologie remplace la conteuse, nous constatons qu'une histoire racontée au moyen de la technologie est vide parce qu'elle ne permet pas d'autres pensées. On nous présente des images visuelles -- nos pensées sont programmées! Il y a aussi une introduction, un corps du texte et une conclusion clairs. Par ailleurs, la plupart des histoires traditionnelles ne s'achèvent jamais -- elles ne durent pas trente minutes, une heure, ne forment pas de mini-série et ne durent pas une saison. La raison en est que les histoires traditionnelles reflètent la vie. Elles sont sans limite de durée, elles changent et s'élargisssent. En outre, elles prennent de l'ampleur et se disséminent avec les familles et les communautés qu'elles représentent.

Comme chargées de cours, nous pouvons émuler le rôle des conteuses pour améliorer notre programme, thème ou sujet. Nous pouvons utiliser des histoires différentes pour différents objectifs. Traditionnellement, les histoires préconisaient les valeurs sociales. Dans l'histoire, elles informaient les communautés sur ce qui se passait dans le monde. Comme éducatrices de jeunes enfants ou d'adultes, nous pouvons utiliser cette activité comme un outil pour renforcer nos enseignements. Il faut cependant se rappeler que l'histoire ne représente qu'un outil parmi plusieurs et qu'il ne faut pas l'utiliser à outrance.

Traiter l'histoire et la conteuse avec respect. À l'époque, la conteuse était payée parce que la préparation de chaque histoire exigeait une formation, du matériel et un temps considérables. Aujourd'hui, certaines histoires sont encore sacrées et considérées comme la propriété de la famille communautaire. Si vous approchez une conteuse traditionnelle avec une histoire particulière ou un thème précis en tête, assurez-vous que c'est approprié pour votre garderie ou classe. Une bonne conteuse rend les histoires très spéciales pour les enfants. Bien entendu, certaines des meilleures conteuses ne sont pas des professionnelles. Cependant, si vous avez la chance d'avoir une conteuse professionnelle dans votre région, vous pourrez constater la façon dont elle utilise l'histoire comme moyen d'expression artistique et qu'elle jouit d'un grand respect dans la communauté.

De quatre-vingt-dix à quatre-vingt-quinze pour cent de ce que les enfants apprennent avant l'âge adulte ne provient pas des livres ou des programmes offerts par les écoles ou les églises. Les enfants apprennent en imitant les comportements les plus cohérents qu'on leur présente. Ils deviennent comme nous. Nous sommes le programme d'études. Les enfants sont ouverts au processus, mais pas toujours au contenu. Dans nos classes, nous enseignons aux étudiantes comment transmettre les concepts en utilisant un processus et le rêve éveillé dirigé. La conteuse peut utiliser la voix et les gestes en plus de mimer l'histoire pour le plus grand plaisir de l'auditoire. L'histoire devient métaphorique à mesure que la conteuse crée d'autres réalités.

Dans la caverne décrite plus tôt dans le cours Principes fondamentaux de la petite enfance, nous devions aider les étudiantes à déterminer et à comprendre leur relation avec l'histoire et l'histoire du monde. Nous avons utilisé le passé pour parler du présent et pressentir l'avenir. Il était nécessaire d'établir un point de départ sans risque et agréable pour toutes les étudiantes. Plus nous retournons en arrière dans l'histoire, plus il est facile de trouver un point de départ approprié à toutes les personnes quels que soient leur âge, leurs antécédents, leur race et leur religion. En utilisant la caverne et en ayant recours à une conteuse, nous affirmons que le passé a existé et que l'éducation est un processus que l'on peut situer dans le temps. L'environnement ressemblant à une caverne et la conteuse ont aidé les étudiantes à passer du concret au symbolique.

L'éducation représente plus que des faits. On ne traite pas souvent de la signification de l'éducation. Les étudiantes peuvent recevoir une éducation sans en comprendre la valeur ou la façon de l'utiliser! L'histoire comme outil pédagogique donne de la signification à l'apprentissage. Allan termine son cours Principes fondamentaux de l'éducation de la petite enfance avec un court poème attribué à de nombreuses sources :

Il a dessiné un cercle qui m'excluait
Hérétique, rebelle, une chose à mépriser
Mais l'amour et moi avons joué d'astuce pour gagner
Nous avons dessiné un cercle qui l'incluait



Les peuples autochtones Tlingit et leurs légendes

Les peuples autochtones Tlingit vivent dans la partie sud-est (bande de terre) de l'Alaska, dans le nord-ouest de la Colombie-Britannique et le sud-ouest du Yukon depuis des millénaires. Ils ont une histoire très spéciale et très riche. Un grand nombre de leurs merveilleuses histoires nous disent ce en quoi ils croient et qui ils sont comme peuple. Leurs histoires transforment les oiseaux et les animaux en personnes parce que les Tlingit croient que les êtres vivants sont sur la Terre pour une raison et qu'ils possèdent leurs propres pouvoirs spéciaux. Pour eux, le Corbeau est l'être le plus puissant et spécial de tous les êtres vivants parce que, selon eux, il a créé la Terre et toutes les magnifiques choses qui l'habitent. Voici une de leurs histoires sur le Corbeau.

Légende sur la Création
(Pour enfants de tout âge)

Le plus intelligent de toute la planète était le Corbeau. N'était-ce pas normal, n'avait-il pas tout créé? Il y a la fois, par exemple, où il a créé des terres. Il l'a fait de façon très astucieuse.

Tout a commencé pendant qu'il volait au-dessus de vastes étendues d'eau et qu'il a vu une magnifique Sirène qui nageait gracieusement dans les eaux émeraudes. Le malin Corbeau est tombé amoureux de la Sirène sur le coup. Il a décidé de lui jurer fidélité.

Il est descendu en piqué afin de lui poser la question. La Sirène fut flattée par toutes ses attentions, mais avant de consentir, elle a imposé une condition au Corbeau.

"Je vais t'épouser si tu me fais des terres où je peux m'asseoir sur la plage pour sécher mes cheveux."

Le Corbeau accepte sa demande et la quitta pour faire des terres. Même s'il en était capable, il savait qu'il aurait besoin d'aide pour réaliser un projet aussi ambitieux. Après réflexion, il décida de demander l'aide d'un phoque. Sur ces entrefaites, il en aperçut un qui nageait dans les eaux chaudes.

"M. le Phoque",dit le Corbeau, "j'ai besoin de sable du fond de la mer. Pouvez-vous m'en chercher?" Le Corbeau était trop gêné pour dire au Phoque ce qu'il voulait en faire.

"Je vais devoir demander à la Grenouille d'apporter du sable", répondit le Phoque.

"Si vous demander à Mme Grenouille d'apporter du sable, je ferai une faveur à chacun de vous," dit le Corbeau.

"Oh," dit le Phoque, "j'aimerais avoir un beau manteau de fourrure au lieu de ces écailles visqueuses. Ainsi, je pourrais nager dans les eaux les plus froides et être au chaud."

"Vous aurez un manteau de fourrure quand j'aurai le sable," dit le Corbeau.

Le Phoque se rendit immédiatement au fond de la mer trouver Mme Grenouille. Cette dernière avait écouté la conversation et s'était demandée ce qu'elle pourrait bien demander à M. Corbeau en retour du sable.

Quand le Phoque l'a approchée, la Grenouille lui répondit "Je sais ce que vous voulez. Dites à ce malin vieux corbeau que s'il s'attend à ce que je lui donne de mon sable, il devra faire de moi, à tout jamais, la Gardienne des trésors de la Terre."

Le Phoque a été surpris par une telle demande, mais il a transmis le message de la Grenouille au Corbeau qui l'attendait anxieusement.

"Eh bien, qu'a dit la Grenouille?" demanda le Corbeau.

"Elle veut que vous fassiez d'elle la Gardienne des trésors de la Terre," dit le Phoque.

"C'est trop demander," répliqua le Corbeau, "mais dites à Mme Grenouille que pour une portion généreuse de sable elle peut devenir la Gardienne de tous les trésors de la Terre."

Le Phoque retourna encore une fois au fond de la mer, regrettant de ne pas avoir demandé à recevoir plus qu'un manteau de fourrure.

La Grenouille remplit un sachet de sable qu'elle donna au Phoque.

Aussitôt qu'il reçut le sable, le Corbeau vola très haut là où le vent soufflait le plus fort. Il a lancé les grains de sable dans le vent qui les a éparpillés aux quatre coins du monde. Que pensez-vous qu'il est arrivé? Partout où un grain de sable est tombé à la mer, une île s'est formée. Certaines étaient grandes, d'autres petites, selon la grosseur du grain de sable. (Les autochtones de l'Alaska, bien entendu, ne savaient rien des grands continents au-delà de la mer. Ils n'étaient familiers qu'avec les innombrables îles du nord de l'océan Pacifique.)

Le Phoque a-t-il eu son manteau de fourrure, Mme Grenouille, son poste de confiance et le Corbeau, la main de la belle Sirène? Oh, oui, certainement! Quand la Sirène eut essuyé ses cheveux pour la première fois sur la plage de sable de l'une des îles, elle s'est mariée avec le Corbeau.

Le Phoque, vêtu de son nouveau manteau de fourrure a servi de témoin et la Grenouille est depuis ce jour la Gardienne des trésors de la Terre. L'union du Corbeau et de la Sirène a produit la puissante tribu Corbeau de l'Alaska.

L'histoire est tirée de Fun & Games, Songs & Stories, A Reproducible Activity Manual for Kids produit par le Ya Dak Du Hidi Childcare Centre à Carcross au Yukon. [Traduction]


Cet article a paru dans Interaction (automne 1995),
publié par la Fédération canadienne des services de garde à l'enfance.
Affiché par la FCSGE, septembre 1996.

This site was initiated by the Canadian Child Care Federation and produced under contract to
Digital CollectionsIndustry Canada.
Ce site a été développé par la Fédération canadienne des services de garde à l'enfance et produit avec l'aide de
Digital CollectionsIndustrie Canada.


Home PageSchoolNetRetour au Menu