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Les enfants du Canada: Des solutions prometteuses en vue d'éliminer la violence faite aux enfants et aux jeunes

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Le châtiment corporel des enfants :

Quand les questions familiales deviennent des préoccupations publiques


par Kenneth Goldberg


Le châtiment corporel des enfants est une question sociale majeure au Canada. Les conséquences néfastes prouvées du châtiment corporel s'accumulent et le Canada est critiqué dans les forums internationaux parce qu'il continue de tolérer l'utilisation d'une «force raisonnable» pour discipliner les enfants. Étant donné que la question est débattue dans les journaux, les magazines sur le parentage et les émissions-débats, il serait utile d'examiner les raisons invoquées pour justifier le recours à la force physique pour punir les enfants.

J'ai été battu et il n'y a pas eu de conséquences pour moi

À titre de responsable en éducation des parents, nombre de ces derniers me disent souvent avoir été giflés, frappés ou avoir reçu une fessée à un moment donné dans leur enfance pour avoir enfreint une règle de la famille et que cette approche avait d'ordinaire été suffisamment efficace pour qu'ils respectent cette régle par la suite. À une telle personne, je dis que leurs parents auraient pu être tout aussi efficaces en ne recourant pas à la violence et que j'aurais aimé qu'ils n'aient pas réagi ainsi parce que la si charmante personne en face de moi méritait mieux.

En général, ces adultes ne ressentent aucune animosité envers leurs parents. Même si un grand nombre d'entre eux choisissent de ne pas frapper leurs enfants, ils ne sont pas disposés à dire qu'ils auraient aimé que leurs parents n'aient jamais usé de violence envers eux. La loyauté envers les personnes qui ont pris soin de nous en bas âge est profonde. Je rencontre aussi de nombreux parents qui ont été battus ou victimes de violence verbale à maintes reprises de la part de leurs parents et qui s'efforcent maintenant de ne pas humilier leurs enfants ou de les contraindre à l'obéissance.

Malheureusement, d'autre part, les parents de bon nombre d'enfants ayant un comportement agressif et délinquant qui sont traités dans des centres de santé mentale pour enfants, estiment que frapper, donner une fessée, gifler ou humilier verbalement les enfants fait partie de leur éducation. Les parents ont souvent été élevés de cette façon.


Toutefois, le fait de ne pas
appuyer le châtiment
corporel pour les enfants
ne signifie pas rester les
bras croisés.

Au Earlscourt Child and Family Centre, un centre de santé mentale pour enfants axé sur la famille pour les enfants ayant des troubles de comportement ainsi que leurs parents résidant dans la communauté urbaine de Toronto, nous travaillons avec les parents pour qu'ils substituent à leurs techniques violentes de parentage des méthodes non violentes comme le temps de repos, les corvées et le retrait des privilèges. Certains aspects du parentage sont instinctifs et ancrés dans notre sociobiologie, mais une large partie est basée sur un comportement acquis dont on peut se débarrasser.

Conflits parent-enfant

Les parents qui utilisent le châtiment corporel contre leurs enfants ont tendance à considérer les conflits parent-enfant comme une épreuve de force--des menaces inacceptables à l'autorité parentale. Ils apprécient le renforcement négatif sous forme de châtiment léger, comme une claque sur la main quand un tout-petit veut toucher une prise électrique, au lieu de tout simplement réorienter l'enfant ou utiliser des couvre-prises.

Souvent, les partisans du châtiment corporel pour les enfants soutiennent que «mieux» vaut une «fessée bien administré» que les cris et l'humiliation verbale, comme si crier était la seule autre option. Les deux méthodes sont toutes aussi répréhensibles.

Mais, quelle est la différence entre une petite claque sur la main et un «NON» ferme? Il n'y en a probablement pas. Les deux méthodes attirent l'attention de l'enfant et le sensibilisent au danger imminent de la prise de courant. Rien ne prouve qu'une petite fessée administrée rarement et dans des conditions particulières a des conséquences néfastes. (Les personnes intéressées à apprendre comment le mieux administrer de petites fessées de façon sporadique peuvent se référer au livre de John Rosemond intitulé To Spank or Not to Spank: A Parent's Handbook qui suggère, soit dit en passant, qu'un seul parent le fasse).



Souvent, les partisans du
châtiment corporel pour les
enfants soutiennent que
«mieux» vaut une «fessée
bien administrée» que les
cris et l'humiliation verbale,
comme si crier était la
seule autre option.

Cependant, la recherche semble indiquer que les parents qui frappent leurs enfants ont tendance à le faire fréquemment et que la sévérité de tels sévices tend à s'intensifier. Le châtiment corporel répété place les enfants à risque, au moment où ils seront adultes, pour une foule de problèmes, en passant par les fantasmes sadomasochistes et les relations intimes violentes.

Parentage autoritaire ou laxiste

Les parents qui recourent au châtiment corporel semblent estimer que les enfants doivent se soumettre à leur contrôle. Ils dépeignent les parents qui n'en infligent pas comme des «parents qui ne font rien» et qui laissent les enfants les dominer.

Toutefois, le fait de ne pas appuyer le châtiment corporel pour les enfants ne signifie pas rester les bras croisés. Les enfants ont besoin de différents degrés de structure, de soutien, de routines et de règles adaptés à leur âge et à leur niveau de développement. Ils doivent être félicités pour leurs bonnes actions et punis de façon appropriée et non violente pour les mauvaises. Les parents qui ont peur de discipliner leurs enfants ou qui sont dominés par eux devraient rechercher de l'aide.

Ambivalence envers les enfants

Notre société a une attitude ambivalente à l'égard des enfants. Tout au long de l'histoire, on n'a pas accordé souvent aux enfants l'attention qu'ils méritent. Même aujourd'hui, l'infanticide, la malnutrition infantile, l'esclavage des enfants et la main-d'oeuvre enfantine abondent dans les pays du tiers monde. La société canadienne contemporaine tient des propos oiseux sur la question de savoir si les enfants sont la propriété de leurs parents ou des citoyens de l'État ayant besoin d'une protection spéciale en raison de leur vulnérabilité développementale. Qui doit assumer la responsabilité ultime des enfants? Les parents ou l'État?

Les responsables en éducation des parents qui recommandent la fessée ont aussi tendance à préconiser un rôle limité pour l'État dans la croissance et le développement des enfants. Ils soutiennent que cette responsabilité incombe aux parents. Ils tendent aussi à appuyer une ingérence gouvernementale minimale sur la façon dont les parents disciplinent leurs enfants.

Aux États-Unis, un mouvement sur les droits des parents menace actuellement près de cent ans de progrès réalisé pour les droits des enfants et les lois sur le mauvais traitement des enfants. Par ailleurs, les personnes opposées au châtiment corporel des enfants considèrent généralement légitime l'engagement de l'État dans la protection des enfants par la promotion de techniques parentales non violentes, la promulgation de lois sévères sur les mauvais traitements infligés aux enfants et le soutien accordé aux parents par le biais de différents programmes gouvernementaux.

Au Canada, les enfants sont les seuls citoyens à ne pas bénéficier de la sécurité de la personne - un droit humain dont jouissent maintenant les femmes et les criminels condamnés. L'Article 43 du Code criminel, qui date de la fin du 19e siècle, permet l'utilisation d'une «force raisonnable» pour discipliner les enfants. Cet article a été utilisé avec succès dans la défense d'adultes accusés d'avoir infligé à des enfants des mauvais traitements ayant causé des fractures, des marques de coup et des contusions. Cela illustre l'ambivalence de notre société envers les enfants.

Malheureusement, cette ambivalence nuit à l'avenir du Canada. Comme l'a souligné John O'Neil, théoricien politique : «Quand l'un d'entre nous - sans égard à son âge, son sexe ou sa race - est à risque, nous le sommes tous.»



Le châtiment corporel
répété place les enfants à
risque, au moment où ils
seront adultes, pour une
foule de problèmes, en
passant par les fantasmes
sadomasochistes et les
relations intimes violentes.

Châtiment corporel et utopie

L'agression semble être, en général, un comportement acquis. Par conséquent, on peut le désapprendre. Les parents qui ont été battus ou rabaissés par leurs parents peuvent apprendre à ne pas répéter ces travers avec leurs enfants. Fait intéressant, cela semble la tendance plutôt que l'inverse. Les parents qui n'ont pas été frappés, giflés ou battus décident rarement de recourir au châtiment corporel pour leurs enfants. De toute évidence, on s'oriente de façon décisive vers l'approche inverse.

Les appels pour que l'on éduque les enfants selon une méthode plutôt que l'autre ne sont pas nouveaux. Il apparaît clairement que les tenants de l'une et l'autre méthode estiment importante la façon dont les enfants sont élevés et sont disposés à exhorter les gouvernements à adopter des lois favorables à leur opinion sur l'éducation des enfants pour des raisons valables.

On a démontré en Scandinavie que les gouvernements peuvent changer les attitudes du public vis-à-vis du châtiment corporel par la législation et l'éducation du public. En fait, l'État doit s'intéresser à la façon dont tous ses citoyens sont protégés en vertu de la loi et faire en sorte que ses enfants puissent devenir des adultes honorables et productifs.

La responsabilité de l'État envers les enfants devrait aller bien au-delà d'un filet de sécurité pour les enfants négligés et maltraités. Au Canada, l'éducation des enfants demeure un privilège plutôt qu'un droit et le taux de pauvreté augmente toujours chez les enfants. L'ambivalence du Canada envers les enfants se reflète dans les opinions divergentes des parents canadiens à propos du châtiment corporel pour les enfants.

Les professionnels du bien-être de l'enfance sont pris au centre de cette ambivalence, comme en témoigne le mandat contradictoire de la législation sur la protection de l'enfance qui aide les parents et les poursuit en même temps. Le concept de la violence faite aux enfants est assez récent : il a été formulé il y a moins de 50 ans.

Cependant, si les enfants étaient protégés comme les autres citoyens en vertu de la loi, le concept n'aurait pas sa raison d'être. Ce que l'on qualifie de violence faite aux enfants aujourd'hui pourrait se transformer en voies de fait demain. L'avenir du bien-être de l'enfant repose sur le relâchement du mandat de la loi.

Les personnes responsables de l'éducation des parents qui font la promotion de méthodes parentales non violentes et non dégradantes, ont une vision plus optimiste du monde que celles en faveur de la fessée, même dans ses formes moins sévères. Ils envisagent une société civile qui réponde aux besoins spéciaux de ses enfants, où les relations intimes reposent sur le respect mutuel et où les communautés se sentent et sont effectivement en sécurité.


Kenneth Goldberg, M.S.S., C.S.S., est un responsable de l'éducation des parents et directeur général du Child and Family Centre, 46 St. Clair Gardens, Toronto, Ontario M6E 3V4. Tél. : (416) 654-8981. Il est aussi membre du comité national pour l'abrogation de l'Article 43.


RÉFÉRENCES

Beatty, Cynthia (1996). «Parents rights versus children's: a fair contest?»Children's Voice, 5.3:10-11.

O'Neill, John (1994). The Missing Child in Liberal Theory. Toronto : University of Toronto Press.

Rosemond, John (1994). To Spank or Not to Spank: A Parents' Handbook. Kansas City : Andrews and McMeel.

Straus, Murray A. (1994). Beating the Devil Out of Them: Corporal Punishment in American Families. New York : Lexington Books.


Ce document est disponible en Anglais

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Ce document provient de Les enfants du Canada: Des solutions prometteuses en vue d'éliminer la violence faite aux enfants et aux jeunes, Ligue pour le bien-être de l'enfance du Canada. Automne 1996.
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Affiché par laLigue pour le bien-être de l'enfance du Canada, June 1997.


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