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Soins de santé spéciaux en garderie :

minimiser les risques

par Trudy Norton

L'expression soins de santé spéciaux désigne les soins médicaux autres que ceux qui sont généralement offerts en garderie. Le personnel ne peut habituellement les administrer sans recevoir un supplément d'information et de formation et un soutien approprié.

Au cours des dernières années, le taux de survie des bébés et des enfants qui ont des besoins spéciaux en matière de santé s'est amélioré de façon spectaculaire. Les progrès réalisés dans les sciences et les techniques médicales ne sauvent pas seulement des vies mais offrent, à des enfants qui étaient hier encore confinés à la maison ou à l'hôpital, une plus grande mobilité. Aujourd'hui, les enfants qui ont une gamme de besoins spéciaux en matière de santé sont inscrits à des programmes de garde à l'enfance. Leur inclusion reflète une volonté d'élargir ces programmes et d'offrir à tous les enfants l'occasion de profiter pleinement de leur enfance.

On estime qu'un enfant sur dix a des besoins spéciaux d'un type particulier sur le plan cognitif, physique, communicatif ou émotionnel. Environ 10 p. 100 de ces enfants ont besoin de soins de santé particuliers en raison d'une maladie chronique ou d'une allergie, d'un trauma, d'une déficience ou d'une maladie infectieuse grave. Les symptômes, pour chacun de ces états pathologiques, vont de légers à sévères et sont de longue ou de courte durée. Il importe toujours de tenir compte des circonstances particulières et de la personnalité de chaque enfant.

Présentation des enfants

Les textes suivants sont extraits d'anecdotes de parents rassemblées en 1992 pour les fins du Special Health Care Project.¹ Ces anecdotes, rédigées par des mères, présentent des exemples de besoins de soins de santé spéciaux que peuvent avoir les enfants inscrits à des programmes de garde à l'enfance. En outre, elles décrivent, sous un éclairage familial, des expériences d'inclusion positives. Dans chaque cas, le personnel chargé de la garde des enfants a été formé par des professionnels de la santé pour pouvoir fournir les soins de santé de base.

Carly

Carly et sa soeur jumelle Angela sont nées à leur 25e semaine de gestation. Carly a fait l'objet d'interventions de survie pendant quatre mois et elle n'a pu rejoindre sa soeur Angela à la maison avant l'âge d'un an et demi. Nous devions lui donner, comme à l'hôpital, de l'oxygène 24 heures sur 24 et combler ses besoins nutritifs grâce à une gastrotomie d'alimentation. Les deux enfants ont une infirmité motrice cérébrale, bien que Carly soit atteinte plus gravement qu'Angela.

Quand Angela a commencé à fréquenter l'école maternelle, il est devenu évident que Carly savait qu'elle passait à côté d'une série d'expériences nouvelles. Nous hésitions à inscrire Carly, à cause de son mauvais état de santé, tout en étant par ailleurs persuadés que l'expérience lui ferait beaucoup de bien.

Le plus gros obstacle était son traitement à l'oxygène, mais elle avait également besoin d'autres soins comme d'un traitement de physiothérapie au thorax pour sa maladie pulmonaire chronique et d'élongations en physiothérapie pour maintenir l'amplitude de ses mouvements. La physiothérapeute est venue démontrer la technique, les membres du personnel l'ont imitée et elle les a «accréditées». L'infirmière a rédigé un plan de traitement et elle a montré au personnel comment nourrir Carly.

Une fois tout en place, la transition s'est effectuée en douceur.

-- April Plasteras

Kevin

Kevin avait 14 mois quand il a mangé du beurre d'arachides pour la première fois. En l'espace de quelques secondes, son cou, son visage et ses yeux se sont mis à gonfler. Son visage était écarlate et complètement couvert d'urticaire. C'était sa première réaction allergique. Depuis lors, nous avons assisté à d'autres réactions plus légères, mais la possibilité d'une réaction grave provoquant un choc anaphylactique est très réelle.

Sans intervention médicale, les voies respiratoires se bloquent, la pression sanguine tombe, la victime perd conscience et peut mourir. Une réaction allergique peut se produire dans les minutes qui suivent l'incident, mais cela prend parfois plusieurs heures avant que les symptômes mortels apparaissent.

Kevin a fréquenté la garderie et il est maintenant à l'école maternelle. On a accordé beaucoup de soins et d'attention aux préparatifs de son insertion dans ces deux milieux. Les noix y sont interdites et Kevin doit suivre un régime alimentaire strict. Pour lui offrir un environnement sûr, il a fallu former les prestataires de soins et les éducatrices en procédures de soins préventifs et de soins d'urgence. L'infirmière a montré à toutes les membres du personnel comment reconnaître les signes avant-coureurs d'une urgence ainsi que la procédure normale d'administration de l'Epi-Pen.

À la maison comme à l'extérieur, chacun est attentif et diligent lorsqu'il s'agit de répondre aux besoins de Kevin, et nous avons évité jusqu'ici une autre crise aiguë.

-- Colleen Sipila

Stéphanie

Stéphanie est atteinte de spina-bifida et d'hydrocéphalie. À cause du spina-bifida, elle porte une sonde. Deux des membres du personnel de la garderie ont été entraînées par une infirmière à l'utilisation de ce procédé. J'en ai fait la démonstration, et l'infirmière a fourni au personnel les renseignements nécessaires.

Stéphanie se sert maintenant de béquilles. Le fait de se retrouver avec des enfants qui n'avaient pas de déficience a été pour elle une source importante de motivation. Une foule d'activités ludiques se déroulent au-dessus, par-dessus, à l'intérieur ou en-dessous d'objets qui se trouvent dans l'entourage des enfants. Stéphanie utilise encore sa marchette à l'extérieur, mais à l'intérieur, elle veut être aussi libre de ses mouvements que possible. Les autres enfants l'aident quand elle en a besoin. Par exemple, si elle se dirige à quatre pattes quelque part, ils s'empressent de lui apporter ses béquilles. Cependant, ils ne la traitent pas comme un bébé. Parfois, quand elle essaie de leur faire croire qu'elle ne peut pas faire quelque chose, ils lui répondent : «T'es capable Stéphanie, vas-y!»

Bien qu'il n'y ait jamais eu de doute sur la force de sa personnalité, Stéphanie acquiert chaque jour de nouvelles capacités et une plus grande confiance en ses moyens. Il est curieux de noter que souvent, ce sont les enfants qu'on s'attendait le moins à voir s'intéresser à Stéphanie qui s'occupent d'elle.

-- Tracey McDougall

Jake

Lorsque Jake est né, il n'avait que 10 p. 100 d'un intestin grêle normal. Il y a quelques années, il n'aurait pas survécu. Il a passé ses deux premières années à l'hôpital entre la vie et la mort. Quand les préparatifs de son retour à la maison ont commencé, j'étais complètement dépassée par les événements. Il était relié 24 heures sur 24 à un dispositif d'alimentation gastrostomique. Comment réussirais-je jamais à m'occuper de ce petit garçon actif, enchaîné à une pompe d'alimentation gastrique par voie intraveineuse? J'ai entendu parler d'une pompe qui ne pesait que deux livres. Nous avons essayé d'en mettre une dans un petit sac à dos que Jack portait en permanence. Cela assurait sa mobilité. Ce procédé a bien fonctionné et mon fils est devenu un pionnier. Graduellement, il a réussi à absorber plus de nourriture par voie orale et ses séances d'alimentation gastrostomique se sont graduellement limitées à la période nocturne.

La recherche d'une garderie a été pour moi une aventure peuplée de confusion et de défis, mais celle que j'ai choisie m'a plu dès l'instant où j'y ai pénétré. La garderie est très importante à mes yeux. Avant que Jake ne commence à la fréquenter, j'avais concentré toute mon énergie à répondre à ses besoins particuliers. La garderie m'a appris à le traiter d'abord comme un enfant. Je l'ai vu jouer et rire, grandir et apprendre, exactement comme les autres

-- Nancy Sweedler

Planification en équipe

L'équipe responsable de coordonner les activités de soutien à l'inclusion des enfants ayant des besoins spéciaux peut comprendre les parents, des professionnels de la santé, le personnel du programme et des experts-conseils de la localité. Comme la composition d'une telle équipe peut varier selon l'état de l'enfant, les ressources locales et les systèmes de prestation, une approche multidisciplinaire est essentielle si on veut assurer la diffusion d'une information complète et exacte.

Entre autres tâches, les membres de l'équipe doivent diagnostiquer l'état de santé de l'enfant, élaborer un plan de soins de santé individuel, et enfin assurer la formation et établir des procédures d'urgence. La planification, au niveau du programme, tient compte de toute adaptation nécessaire pour répondre aux besoins de l'enfant concerné et des autres enfants qui participent au programme.

Un professionnel de la santé évaluera la santé de l'enfant pour déterminer la stabilité de son état et pour décider si les procédures de soins de santé choisies peuvent être déléguées en toute sécurité à un professionnel qui n'oeuvre pas dans le domaine de la santé. Dans les cas où un diagnostic clinique serait requis, un professionnel de la santé doit prendre en main la santé de l'enfant. Par exemple, si un enfant qui participe à un programme de garde à l'enfance a besoin qu'on ajuste son flux d'oxygène par suite de modification de son état, il est confié à une infirmière. Si, comme dans le cas de Carly, ce flux est réglé avant son arrivée et reste constant, un professionnel d'un secteur autre que celui de la santé peut administrer le traitement.

Un plan est rédigé par un professionnel de la santé en collaboration avec les parents. Ce plan fournit des renseignements particuliers sur les antécédents de l'enfant en matière de santé et sur son état de santé actuel. Ce plan explique les soins de santé spéciaux dont l'enfant a besoin alors qu'il est à la garderie. Les moyens à prendre pour respecter la procédure en matière de soins, les signes avant-coureurs, les symptômes d'une situation d'urgence ainsi que les procédures d'urgence y sont décrits. Un plan est un document juridique qui doit être approuvé et signé par le professionnel de la santé et par les parents.

La formation du personnel chargé des soins à l'enfance se fonde sur l'examen de quatre éléments : l'information de base sur les soins de santé spéciaux et sur les enfants qui en requièrent et leur famille; l'information liée à l'état de l'enfant; l'information concernant l'enfant; enfin, le développement de la compétence dans le cadre des tâches d'infirmerie déléguées. Que faut-il connaître et enseigner, qui donnera la formation, qui la recevra, ce sont là des questions auxquelles on répondra en gardant à l'esprit l'importance de la sécurité et de la protection de l'enfant et de la prestataire de soins. Les arrangements requis sont pris pour surveiller continuellement le niveau de compétence des prestataires de soins et leur offrir un recyclage s'il y a lieu.

Programmes de soins à l'enfance

La planification, au sein d'un programme de soins à l'enfance, de l'admission d'un enfant qui a besoin de soins de santé spéciaux comprendra vraisemblablement certaines formalités administratives. Puisqu'il s'agit d'un établissement éducatif et de garde d'enfants, et non d'un établissement de soins de santé, il peut y avoir certains risques. Les questions de couverture d'assurance et de responsabilité civile doivent donc être examinées attentivement.

Les parents doivent comprendre et reconnaître pleinement les risques auxquels ils exposent leur enfant. Comme pour toute intervention ou procédure médicale, il est impératif que les parents donnent leur consentement éclairé lorsque des soins de santé spéciaux sont prévus.

La couverture d'assurance et la responsabilité sont déterminées en évaluant le niveau de risque. Pour ce motif, les souscripteurs d'assurance doivent être certains que les décisions quant à la délégation sûre et appropriée des tâches d'infirmerie, la formation des prestataires de soins de santé spéciaux et la surveillance des procédures ont été prises par un professionnel de la santé. Les compagnies d'assurance doivent savoir que les risques propres à la situation ont été évalués et qu'on en a tenu compte.

Les risques en matière de responsabilité civile représentent un des principaux obstacles à l'intégration des enfants ayant des besoins de santé spéciaux dans les programmes destinés à la prime enfance. Une fois ce risque minimisé, les prestataires de soins peuvent se concentrer sur la création d'environnements de soutien et de programmes de qualité pour tous les enfants.

Trudy Norton est codirectrice d'une garderie offrant des services «inclusifs» à des familles dont les enfants ont de 3 à 12 ans dans le cadre de quatre programmes agréés. Elle est présidente sortante de l'Early Childhood Educators of British Columbia et elle a été agente principale de recherche pour le Special Health Care Project.

Ressources recommandées

Société canadienne de pédiatrie, Le bien-être des enfants : guide visant à promouvoir la santé physique, la sécurité, le développement et le bien-être des enfants dans les services de garde en garderie et en milieu familial, Volumes I & II, Toronto (Ontario), Creative Premises, Ltd., 1992.

In Their Own Special Way [video], Vancouver (C.-B.), MediaVision, 1993.

Infection Control in Child Care Settings [video], Lawrence, Kansas, Learner Management Designs, Inc.

Taking Off Lids [video], Ottawa (Ontario), Association de la paralysie cérébrale, 1990.

Urbano, M.T., Preschool Children with Special Health Care Needs, Washington, D.C., NAEYC, 1994.

Wolery, M., Including Children with Special Needs in Early Childhood Programs, Washington, D.C., NAEYC, 1994.


1. Le Special Health Care Project a été subventionné par la Caisse d'aide aux projets en matière de garde des enfants entre 1990 et 1994 pour analyser ce qui se produit lorsque des enfants ayant des besoins de santé spéciaux sont inscrits dans des garderies pour mobiliser de nouvelles ressources dans le champ de la garde à l'enfance. Special Health Care: Recommended Practices for the Early Chilhood Education Field comprend un guide de l'usager, un manuel de l'animateur et une vidéo. Des exemplaires du manuel (20 $) et de la vidéo (30 $) peuvent être obtenus en quantité limitée auprès de Trait d'union, C.P. 775, Sydney (Nouvelle-Écosse) B1P 6G9 (1 800 840-5465). ECEBC espère être en mesure de réviser et de rééditer cette trousse très bientôt.

Pour les articles se rapportant aux besoins spéciaux, aller à la table des matières.

Cet article a paru dans Interaction (hiver 1997), publié par la Fédération canadienne des services de garde à l'enfance.

Affiché par la Fédération canadienne des services de garde à l'enfance, juillet 1997.


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